« Comme s'ils étaient en mesure de trouver quelqu'un de meilleur que moi. »
Là n'est pas la question, ne répond pas Ismaël. D'après ce qu'il a compris en surprenant quelques conversations à la Tour, largement fréquentée par les hautes sphères du Système, l'objectif n'est pas tant de faire en sorte que la course aux badges soient compliquée que de surveiller ce qui se passe dans chacune des villes importantes de la région. Ce n'est pas pour rien que ce Jasper Oswald, bien plus entrepreneur que dresseur, est champion de Lencliff. « Et puis Cassie le permettrait pas, de toute façon. Elle a confiance en moi, elle sait que l'ancien champion m'a pas choisi pour rien. Elle a rien pu faire pour Rhaegal donc ouais, j'ai pas d'autre choix que de l'entraîner. » 
Mais Cassandre n'est pas seule au Conseil d'Administration de Lathea, sauf qu'il n'a pas vraiment le temps d'en placer une. « Puis bon entre nous, si ce connard de Rivera a réussi à garder sa place à Skyler Bay alors qu'il fait tout ce qui lui chante, j'vois pas pour quelle obscure raison on déciderait de me virer moi. » 
Il est si tranquille, Mallory ; on dirait clairement qu'il se sent intouchable. Comme si son accession soudaine à un poste pareil grâce à une promesse d'un ancien Champion à la retraite était comparable avec le cas de Fye qui était déjà Champion depuis cinq ans au moment où le Système est arrivé à la tête du pays. Pour le coup, Fye est intouchable, plus ou moins ; c'est en tout cas celui qui a le moins à craindre pour sa place, tout simplement parce que la ville de Skyler Bay elle-même n'accepterait jamais qu'un autre prenne sa place. En tout cas, c'est ce qu'Ismaël a cru comprendre quand il a discuté avec les habitants. Un tour d'horizon s'est imposé quand il a dû se rendre à l'évidence : aucun Pokémon intéressant ne traînait sur les berges de la ville et il n'avait pas vraiment envie d'avoir fait le voyage pour rien. « J'irai faire un tour aux abords de Myrtha avec Rhaegal, on verra s'il a toujours envie de faire le con. 
– On verra, oui. Ou peut-être que tomber sur un challenger digne de ce nom contre lequel il se sera fait maraver, ça lui remettra les idées en place. »
Enfin, encore faut-il que Mallory l'envoie au combat, et ce n'est pas encore prévu, a priori. Mais bon, il ne va pas s'en mêler ; c'est aussi pour ça qu'il n'a pas vraiment répondu aux arguments de son amant concernant son poste de champion. Essayer de lui prouver qu'il n'est pas si intouchable que ça n'aurait aucun intérêt et il ne veut pas prendre le risque de provoquer une dispute. « Bon, on va y retourner ? dit-il en se redressant, sans toutefois se lever tout de suite. Ou alors tu veux faire une sieste avant de refaire travailler tes petits muscles, monsieur le champion ? »
Il sourit, amusé, bienveillant ; et hausse les épaules en désignant le chemin qu'ils reprendront quand Mallory sera décidé. « Parlant des Abords, j'aimerais bien tenter de m'en approcher, si ça te branche. On s'arrêtera quand on verra que ça commence à craindre pour nos équipes. »

« On verra, oui. Ou peut-être que tomber sur un challenger digne de ce nom contre lequel il se sera fait maraver, ça lui remettra les idées en place. » Ça c'est clairement pas bête comme idée mais pour ça, il faudrait que Mallory accepte de l'envoyer en combat, ce qui n'est absolument pas le cas. Pas question de s'humilier avec un Pokémon qui refuse de lui obéir ; les matches sont rediffusés à la télévision, et il aurait l'air de quoi, le champion de Castlerain, à faire combattre un Pokémon qui le méprise ? Clairement ça lui ferait les pieds, mais c'est une idée à la con. Il n'a de solution qu'une autre manière forte, en espérant que ça fonctionne. « Bon, on va y retourner ? entend-il finalement à côté de lui, et ça sonne un peu comme une condamnation à mort quand il visualise le reste de l'après-midi. Ou alors tu veux faire une sieste avant de refaire travailler tes petits muscles, monsieur le champion ? »

Très drôle ça, songe Mallory en levant les yeux au ciel. C'est à dire qu'il ne raffole pas de la souffrance gratuite comme ça, mais bon ; Isma lui sourit, tout va bien aujourd'hui, il est beau et il n'a pas du tout envie de bouder. Alors il se lève, récupère une pokéball vide dans laquelle le Chacripan entre sans faire d'histoires. « Parlant des Abords, j'aimerais bien tenter de m'en approcher, si ça te branche. On s'arrêtera quand on verra que ça commence à craindre pour nos équipes. » Il veut approcher de la périphérie de Myrtha ? La nouvelle lui fait légèrement hausser un sourcil. « J'pensais que tu refuserais de t'approcher de la ville, comme les trois quarts de Lathea. » Ismaël a perdu un petit frère là-bas, veut-il vraiment s'approcher si près de leur tombeau familial ? « Mais ça me va. On peut pas dire que ça ressemble à une belle ballade romantique mais bon, c'est plus plat par là-bas alors on va dire que ça compense. » Et avec un petit sourire, il enfourche sa bicyclette, essayant de ne pas penser au fait qu'il va falloir faire le trajet retour, ensuite. « Par contre, reprend-il en le fusillant du regard, pour la prochaine séance de sport, pas de traquenard. J'veux être prévenu d'abord. »

« J'pensais que tu refuserais de t'approcher de la ville, comme les trois quarts de Lathea. » 
On ne peut pas dire que l'idée de s'enfoncer dans les ruines de son ancienne vie est une idée qui l'emballe plus que ça pour le moment, en effet. Mais il n'est pour l'instant que question de croiser des Pokémon un peu moins dociles, pas de retourner retourner les décombres de son ancien immeuble, alors ça va, ça devrait aller. « Mais ça me va. On peut pas dire que ça ressemble à une belle ballade romantique mais bon, c'est plus plat par là-bas alors on va dire que ça compense. » 
Cette fois c'est Isma qui lève les yeux au ciel en souriant, moqueur. Quand je dis que tu es jamais content. « Par contre, pour la prochaine séance de sport, pas de traquenard. J'veux être prévenu d'abord. 
– À condition que tu me promettes de ne pas systématiquement dire non, réplique-t-il sans se démonter, enfourchant son propre vélo. J'pensais t'emmener à la salle d'escalade la prochaine fois. »
Ensuite, salle de muscu. Ils vont tourner entre ces trois activités un moment et quand il sera au point, sûrement un peu d'escalade en milieu naturel avant d'attaquer le gros du travail : le parkour. Mallory adorera, c'est sûr, et il sera bien content d'être assez musclé pour pouvoir faire ça correctement. « Ceyx, tu viens ? On y retourne, dit-il en engageant la première poussée, difficile. Allez, le tout c'est de se lancer, après ça ira. »
Il a déjà dit ça tout à l'heure, mais bon, maintenant ils sont échauffés, après tout. « Ou à la salle de muscu. L'un ou l'autre, tu décides ! »

« À condition que tu me promettes de ne pas systématiquement dire non. » Oh il va bien falloir qu'il fasse un effort et il le sait très bien, Mallory. S'il veut garder ce beaugosse un peu plus longtemps, il va sûrement devoir se condamner à refaire du vélo, et certainement tout un tard d'autres choses qu'il n'aurait jamais fait s'il n'était pas tombé amoureux du grand con qui monte sur son vélo pour repartir. « J'pensais t'emmener à la salle d'escalade la prochaine fois. » Il ne sait pas si c'est une très riche idée ça, la salle d'escalade ; à vrai dire, et même s'il adore les hauteurs, ce qui l'a toujours arrêté c'est la peur de louper ses appuis. Mais pourquoi pas, après tout, songe-t-il en hochant doucement la tête. Quelque chose lui dit que ce sera certainement beaucoup plus intéressant que pédaler à travers la lande ou le fleuve, donc il est plutôt d'accord.

« Ceyx, tu viens ? On y retourne. Allez, le tout c'est de se lancer, après ça ira. » Ouais, il a déjà dit ça son beau baroudeur, et il a cru qu'il allait perdre une jambe dans l'intervalle. Il soupire, puis s'élance à sa suite ; se surprend à s'apercevoir qu'effectivement, c'est beaucoup moins dur qu'au début. La pause a fait du bien, et il suppose que ses muscles sont chauds. « Ou à la salle de muscu. L'un ou l'autre, tu décides !
– La salle de muscu ?! » Il a bien entendu, là ? Tandis qu'ils reprennent leur chemin, Mallory tourne deux yeux écarquillés vers son amant. « Non mais tu m'as bien regardé ? J'vais avoir l'air de quoi moi, à soulever un kilo d'altères en soufflant comme un Tauros à côté de Nidokings protéinés qui vont se foutre de ma gueule ? Ah non, merci bien. » Il peut lui épargner ça non ? La salle de sport, comme s'il avait envie de foutre un pied dans ce repère à gros beaufs, sans déconner. « L'escalade, d'accord, autant de fois que t'en as envie mais ça non, définitivement tu me feras pas courir comme un con sur un tapis. Pour quoi faire en plus ? » Pourquoi il y tient à ce point, Isma ?

« La salle de muscu ?! » 
Ah, c'était sûr ; à peine la réponse offusquée de Mallory lui parvient-elle qu'Isma se met à ricaner. Quelle princesse. « Non mais tu m'as bien regardé ? J'vais avoir l'air de quoi moi, à soulever un kilo d'altères en soufflant comme un Tauros à côté de Nidokings protéinés qui vont se foutre de ma gueule ? Ah non, merci bien. 
– Mais aller, y a pas que des connards dans ces salles-là, en plus y a pas grand chose de plus efficace pour... » 
Non, d'accord, très bien. Isma n'est pas objectivement le plus clairvoyant des hommes mais il sait reconnaître, avec Mallory, quand un combat est perdu d'avance. Tant pis, il le fera travailler autrement. « L'escalade, d'accord, autant de fois que t'en as envie mais ça non, définitivement tu me feras pas courir comme un con sur un tapis. Pour quoi faire en plus ? 
– Parce que ça fait du bien, répond-il le plus naturellement du monde, préparé à cette question dont il a travaillé la réponse en avance. Le sport c'est génial, ça te fait sécréter des endorphines et c'est super important. Puis tu pourras plus râler parce que t'es trop fragile pour te protéger quand on se chamaille. »
Ça, il doit bien le reconnaître, c'était son meilleur argument.

« Parce que ça fait du bien. » Ouais ouais c'est ça, il la connait la chanson, le sport ça permet d'endurcir, ça fait vivre plus longtemps, ça fait travailler le corps, bla bla bla... il n'a pas vraiment besoin de ça hein, en concert il a toute l'énergie dont il a besoin alors franchement, aller à la salle, et puis quoi encore ? Non, vraiment, il rêve s'il croit qu'il va l'attirer dans un endroit pareil, sans déconner. « Le sport c'est génial, ça te fait sécréter des endorphines et c'est super important. Puis tu pourras plus râler parce que t'es trop fragile pour te protéger quand on se chamaille. » Oh non, ça c'est vraiment trop gros comme excuse, mais c'est si bien pensé qu'il éclate de rire, Mallory, peut-être un peu surpris de s'apercevoir que ce n'est pas aussi dur qu'au début, de pédaler sur le chemin qui serpente dans le bois bordant le fleuve. Il y a plein de Pokémon ici, c'est agréable de les regarder gambader. Et sous les arbres, il fait frais.

« Je te signale que si je voulais vraiment gagner contre toi il me suffirait de t'envoyer Sophie, elle a jamais eu de soucis pour écraser les grands cons prétentieux, et qu'ils soient humains ou Pokémon n'y change pas grand chose, répond-il en tournant la tête vers le jeune homme, sans oublier de tenir fermement son guidon. » Tout à l'heure avant qu'ils s'arrêtent, il l'a regardé un peu trop longtemps, la roue avant a heurté un rocher et il est tombé comme un con. « Mais bon, puisque t'as l'air si enjoué à l'idée de me voir en pleine forme et musclé, soit. On ira faire de l'escalade, tous les deux. » Et peut-être qu'elle lui échappe, la phrase suivante, quand il ose un sourire beaucoup plus doux en direction du baroudeur. « Et puis ça veut dire qu'il y aura des prochaines fois, alors tu vas pas vraiment m'entendre m'en plaindre, après tout. »

« Je te signale que si je voulais vraiment gagner contre toi il me suffirait de t'envoyer Sophie, elle a jamais eu de soucis pour écraser les grands cons prétentieux, et qu'ils soient humains ou Pokémon n'y change pas grand chose. 
– Sauf que c'est quand même un peu malheureux d'avoir besoin d'appeler au secours pour pas te faire éclater comme un boloss, répond-il fourbement, un sourire amusé aux lèvres. » 
Enfin, c'est sans doute une question de mentalité mais Isma, lui, aurait quand même un peu mal à sa fierté s'il devait appeler l'un de ses Pokémon pour le protéger à chaque fois qu'il se fritte avec quelqu'un. « Mais bon, puisque t'as l'air si enjoué à l'idée de me voir en pleine forme et musclé, soit. On ira faire de l'escalade, tous les deux. 
– Bien. Tu me diras quand t'es dispo, on s'arrangera. » 
Avec un peu de chance, ils pourront se revoir vite, comme ça. « Et puis ça veut dire qu'il y aura des prochaines fois, alors tu vas pas vraiment m'entendre m'en plaindre, après tout. 
– Du coup la salle de muscu est envisageable, c'est bon à savoir, répond-il en riant, quand bien même il n'oserait jamais jouer d'un chantage pareil. On ira à la salle d'escalade bientôt, si ça se trouve tu décideras tout seul de te muscler un peu plus vite si ça te plaît et que t'as envie de tenter des trucs un peu plus acrobatiques. Et puis ça fait prendre l'air. »
Et il y mettrait sa main au feu, Isma. C'est sûr que ça lui plaira, et il a déjà hâte de le voir parkourir pour la première fois. « Non pas que ça me déplaise qu'on passe nos journées à s'envoyer en l'air quand on se voit chez toi ou chez moi, mais c'est quand même sympa de sortir de temps en temps, hm ? »

« Du coup la salle de muscu est envisageable, c'est bon à savoir. » Oh non, sûrement pas. Même pour lui faire plaisir, Mallory n'ira jamais dans ce genre d'endroits, c'est proscrit et absolument hors de question. Il n'a jamais eu envie de se mettre au sport, c'est un domaine qui ne  l'inspire absolument pas ; quand bien même cela aurait-il de nets avantages, il n'est pas fou à ce point, faut pas déconner, songe-t-il en levant les yeux au ciel sous l'éclat de rire de son amant. Il va en falloir un peu plus que ça pour le forcer, parce que pour le moment, c'est un non clair et net. « On ira à la salle d'escalade bientôt, si ça se trouve tu décideras tout seul de te muscler un peu plus vite si ça te plaît et que t'as envie de tenter des trucs un peu plus acrobatiques. Et puis ça fait prendre l'air. »

Des trucs un peu plus acrobatiques ? Comme  quoi ? Grimper aux immeubles comme il le fait ? Non, il n'en sera sûrement jamais capable Mallory, quand bien même prendre de la hauteur de cette façon lui plairait très certainement.  Il n'est pas fou au point de s'imaginer qu'il sera un jour capable de faire ça. Pour le coup,  c'est du sport de très haut niveau, ça, non ? Et c'est interdit, quoi que ça ne joue pas énormément dans la balance, un argument pareil. « Non pas que ça me déplaise qu'on passe nos journées à s'envoyer en l'air quand on se voit chez toi ou chez moi, mais c'est quand même sympa de sortir de temps en temps, hm ?
– Oh bah, personnellement j'aime bien la première option, répond-il, un petit rire au coin des lèvres. Et puis je te signale que des études ont prouvé que c'était l'activité qui faisait dépenser le plus de calories. » C'est plutôt un bon argument pour passer leurs journées sous les draps, non ? Non, bien sûr. Ismaël ne serait pas Ismaël s'il décidait de s'enfermer sous un toit, même pour lui ; c'est pour cet aspect sauvage et libre qu'il l'a aimé la première fois, après tout.

« Mais d'accord, c'est sympa. Enfin quand on ne m'oblige pas à grimper des côtes affreuses comme t'as fait tout à l'heure, sinon faut bien reconnaître... » Il fait très beau, l'endroit est plutôt joli et il n'était jamais passé par ce genre de chemins. Forcément que ça l'intrigue un peu Mallory, et qu'il se sent bien ; même si ce deuxième constat vient sûrement bien plus du fait qu'Isma soit resté pour la journée que le vélo à proprement parler, mais ce n'est qu'un détail. « C'est ça que t'as fait pendant huit ans ? » demande-t-il enfin, en tournant la tête. « Les endroits que t'as vu, t'as toujours fait comme ça ? »

« Oh bah, personnellement j'aime bien la première option, répond Mallory en riant, comme s'il avait besoin de le préciser. Et puis je te signale que des études ont prouvé que c'était l'activité qui faisait dépenser le plus de calories. 
– Sauf que l'objectif c'est pas de perdre des calories en fait, c'est de gagner en masse musculaire. » 
Alors d'accord, c'est sportif, mais faut pas déconner non-plus. « Mais d'accord, c'est sympa. Enfin quand on ne m'oblige pas à grimper des côtes affreuses comme t'as fait tout à l'heure, sinon faut bien reconnaître... » 
Oui, la balade du Fleuve a toujours été adorée par les Lathéens, justement pour son calme et son caractère complètement... champêtre. Bucolique. Enfin tous ces trucs un peu plan-plan que les gens qui se prennent au sérieux méprisent en refusant d'en reconnaître la beauté simple et tranquillisante. C'est pourtant devenu rare, ce genre d'espaces, et donc fatalement précieux. « C'est ça que t'as fait  pendant huit ans ? Les endroits que t'as vu, t'as toujours fait comme ça ? 
– Pas vraiment, répond-il en souriant, un peu rêveur et content d'avoir l'occasion de raconter un peu. J'ai fait beaucoup de vélo mais ça m'est pas arrivé si souvent que ça de profiter du paysage pendant ce temps là. J'étais plus concentré sur ma vitesse. »
Forcément, quand on fuit désespérément quelque chose qui finit toujours pas nous rattraper, on en oublie un peu tout le reste. « C'est seulement sur les... trois ou quatre dernières années, je dirais, que j'ai fini par me calmer. J'me promenais à pieds, j'explorais des grottes ; à Hoenn j'ai même remonté des cascades à dos de Pokémon. C'était incroyable. »
Depuis, il s'est séparé de son Lokhlass, mais l'ascension de la chute d'eau pour atteindre la route victoire de cette région reste parmi ses souvenirs les plus saisissants. « Ça n'avait pas grand chose à voir avec une promenade en vélo le long d'un lac, mais... y a quelque chose de particulier, ici. Aujourd'hui en tout cas. Je saurais pas dire. »

« Pas vraiment. J'ai fait beaucoup de vélo mais ça m'est pas arrivé si souvent que ça de profiter du paysage pendant ce temps là. J'étais plus concentré sur ma vitesse. » Sur sa vitesse, hein. Et pourquoi ? Avait-il un peu trop peur que son passé le rattrape, Isma ? Il ne savait encore rien du jeune homme le soir où il a su l'attirer dans son lit pour la première fois, il ne savait pas ce qui lui faisait du mal, ce qui le torturait. Dans sa petite tête ne résidaient que quelques pensées charmantes et charmeuses, la caresse de son regard brun mais rien, absolument rien sur ses doutes et ses peurs. Maintenant, ça l'intéresse, bien sûr. Parce que même huit ans après il a été incapable de l'oublier, alors... alors il écoute en silence. Il fut un temps où il aurait tout donné pour avoir cette chance.

« C'est seulement sur les... trois ou quatre dernières années, je dirais, que j'ai fini par me calmer. J'me promenais à pieds, j'explorais des grottes ; à Hoenn j'ai même remonté des cascades à dos de Pokémon. C'était incroyable. » Il va falloir qu'il regarde la route au lieu de le bouffer des yeux comme ça. Son amant est magnifique, ses yeux brillent au simple souvenir qu'il imagine tout bonnement incroyable ; peu de dresseurs peuvent prétendre arriver aussi haut dans le dressage, et ça, ça veut clairement dire qu'Isma méritera les badges qu'il va essayer de gagner. Et aussi qu'il n'a pas fantasmé cette image d'un mec prêt à tout pour tout voir, tout connaître, tout explorer. Si seulement lui n'était pas malade, il aurait été capable de le suivre jusqu'au bout du monde. « Ça n'avait pas grand chose à voir avec une promenade en vélo le long d'un lac, mais... y a quelque chose de particulier, ici. Aujourd'hui en tout cas. Je saurais pas dire. »

Ah oui ? Et pourtant, ce sont deux yeux sombres brillants de tendresse qui se posent sur le visage de l'homme qui, il l'espère en tout cas le champion, n'a pas encore compris que ce qu'ils vivent dépasse sans doute la simple histoire de coucherie. Avec aucun autre il aurait accepté cette promenade. « Oh, moi je sais, répond-il avec un sourire, avant de détourner la tête. » Pas question d'expliquer ce qui vient de lui traverser l'esprit, Isma ne doit pas être influencé par ce qu'il ressent, lui. Le rose aux joues, il regarde de nouveau le chemin, et enchaîne. « C'est beau, Hoenn ? » demande-t-il, après quelques secondes de silence. Il a toujours refusé de foutre un pied dans cette région, même pour les concerts. « J'suis né à Cimetronelle, explique-t-il, sans tourner la tête. Ma mère et moi on a déménagé à Lathea quand j'étais gosse, je m'en rappelle pas ou très peu. J'sais juste que ça ressemblait à Lucinel. » Mais à part ça, le reste de ses souvenirs est affreusement flou. « J'ai jamais voulu y retourner. »

« Oh, moi je sais. »
Ah oui ? Et qu'est-ce que c'est ? Si Isma savait, quand il était plus jeune, trouver de la beauté partout et particulièrement dans les paysages comme celui-ci, c'est une capacité qu'il a longtemps perdue. Il ne l'a retrouvée que tardivement, après une énième catastrophe qui aurait bien pu lui coûter la vie. En tout cas il n'aurait jamais imaginé que Mallory était du genre à pouvoir déceler ce genre de choses ; n'était-ce pas lui qui trouvait ça débile et inutile d'aller se baigner il n'y a pas si longtemps ? Alors qu'est-ce qui a changé ? « C'est beau, Hoenn ? » 
Mallory enchaine plutôt que de répondre à sa question silencieuse et Isma n'insiste pas, préférant sourire aux souvenirs rappelés de cette région. « J'suis né à Cimetronelle. Ma mère et moi on a déménagé à Lathea quand j'étais gosse, je m'en rappelle pas ou très peu. J'sais juste que ça ressemblait à Lucinel. » 
C'est vrai, mais Lucinel est incontestablement plus vivante. « J'ai jamais voulu y retourner. 
– Hoenn est géniale, c'est l'une des régions que j'ai préféré visiter, avec Galar. J'aimerais bien y retourner au moins une fois, histoire de... profiter un peu plus. »
Mais bon, ce n'est pas pour tout de suite, il en connaît quelques-uns qui ne le pardonneraient jamais de repartir aussi vite. « Cimetronelle ressemble effectivement à Lucinel, mais c'est plus petit et beaucoup plus calme. Il n'y a pas beaucoup d'habitants, les alentours sont un peu... dangereux, disons. On croise pas des Rattata quand on se promène un peu plus loin quoi. »
Disons que ça tire plutôt du côté de Grayéna, Absol... ce genre de Pokémon. « Mais c'est une très belle ville, achève-t-il, avant de jeter un regard un peu plus long à son amant pour l'interroger. Pourquoi tu veux pas y aller ? »

« Hoenn est géniale, c'est l'une des régions que j'ai préféré visiter, avec Galar. J'aimerais bien y retourner au moins une fois, histoire de... profiter un peu plus. » Il pense déjà à repartir, Isma ? Non, quelque chose lui dit que sa famille ne le laissera pas prendre à nouveau la clé des champs aussi vite. Lui non plus d'ailleurs, même s'il est sûr que ça ne fera pas beaucoup pencher la balance. Il avait bien aimé Galar lui aussi, ou du moins ce qu'il en a vu ; pas tant de choses que ça, mais assez pour se dire que la région doit être un vrai paradis pour les dresseurs. Les Terres Sauvages sont infestées de Pokémon en tout genre, un vrai bonheur.

« Cimetronelle ressemble effectivement à Lucinel, mais c'est plus petit et beaucoup plus calme. Il n'y a pas beaucoup d'habitants, les alentours sont un peu... dangereux, disons. On croise pas des Rattata quand on se promène un peu plus loin quoi. » Ouais, il se souvient un peu de ça. Des grands arbres et des maisons perchées, du silence, de cabanes de bois. Rien de bien fou, mais la plupart des gens avaient une vie paisible là-bas. Pourtant, rien que l'idée d'y remettre un pied le fait frissonner d'avance. C'est là-bas que les choses ont commencé à tourner mal pour eux, après tout. « Mais c'est une très belle ville. Pourquoi tu veux pas y aller ? » Mallory hésite, une petite seconde. Il n'a pas vraiment envie de se plaindre encore, et c'est un sujet un peu vieux, et encore un peu trop difficile à expliquer ; pourtant, c'est lui qui l'a lancé, alors il va bien falloir qu'il lui dise. Les mains un peu crispées sur le guidon de son vélo, il ose quand même un petit haussement d'épaules. « Mon père est mort, là-bas, dit-il, beaucoup trop tranquillement pour être honnête. Il était malade. Dans un accès de délire il a sauté de la plateforme qui maintenait la maison. »

Voilà. C'est joyeux, hein ? « Quand ma mère a vu que les mêmes symptômes apparaissaient chez moi quelques mois après, elle a pris ses cliques et ses claques pour venir à Lathea et elle m'a largué à la famille d'Oliver. Elle pouvait pas supporter, apparemment. » Il n'a jamais accepté cette idée, que la mort de son époux ait beaucoup trop affecté sa mère pour qu'elle puisse supporter de voir cela une seconde fois ; pour l'enfant qu'il était, c'était juste une femme qui l'abandonnait parce qu'il était malade. « J'me rappelle pas très bien de Cimetronelle. Je voudrais y aller au moins une fois mais... j'ai un peu peur de ce que je vais y trouver, j'crois. » Ses grands parents sont encore vivants, ils lui écrivent tous les ans, lui demandent de venir. Mais c'est une perspective un peu compliquée, à vrai dire.

Est-ce qu'il a encore quelque chose, quelqu'un là-bas ? Isma ne connaît pas très bien les détails de ce qu'était la vie de son amant, avant qu'il n'arrive à Lathea ; tout ce qu'il sait, c'est que sa mère l'a abandonné, ce qu'il trouve absolument honteux sans vraiment de légitimité, puisqu'il ne connaît pas les détails. « Mon père est mort, là-bas, répond le chanteur, de but en blanc. Il était malade. Dans un accès de délire il a sauté de la plateforme qui maintenait la maison. »
Ah. Ismaël cligne un peu des yeux, surpris tant par l'information que par le tn sur lequel elle est donnée, parfaitement tranquillement. Il ne s'attendait pas à ça. «  Quand ma mère a vu que les mêmes symptômes apparaissaient chez moi quelques mois après, elle a pris ses cliques et ses claques pour venir à Lathea et elle m'a largué à la famille d'Oliver. Elle pouvait pas supporter, apparemment. » 
Quelque part, ça explique certaines choses, mais c'est quand même un peu raide, objectivement. Alors le père de Mallory était malade comme lui ? Il ne le savait même pas, même s'il comprend pourquoi le chanteur n'en parle pas, au fond. Il ne l'a presque pas connu et c'est ce qui lui a fait perdre sa mère. « J'me rappelle pas très bien de Cimetronelle. Je voudrais y aller au moins une fois mais... j'ai un peu peur de ce que je vais y trouver, j'crois. 
– Tu sais... c'est pas ta faute, si ta mère a pas supporté ce qu'il s'est passé là-bas. » 
Ça va de soi, mais est-ce que Mallory le sait ? « Un deuil c'est difficile à gérer, elle a dû craquer et... faire de la merde. En aucun cas t'es responsable. »
Ce sont des choses qui arrivent. Il a beaucoup plus de mal à la diaboliser, en sachant ça. « Peut-être qu'aller là-bas ça te permettrait de... je sais pas, faire la paix, un truc comme ça. »