Il a toujours adoré les enfants. C'est peut-être son seul regret vis à vis de sa sexualité d'ailleurs, que les hommes ne puissent pas en donner naturellement ; non pas que l'homosexualité soit un souci à Lathea, mais ça pose quand même de petites questions en terme de biologie pure. Le Système, s'il est tolérant, est très tâtillon quand il s'agit de ces familles ; les procédures d'adoption peuvent durer des mois, et l'emploi des mères porteuses est strictement interdit. Il se souvient de ça pour avoir pris quelques renseignements à ce sujet, peut-être un peu connement, comme s'il ne courait aucun risque à admettre qu'il serait malheureux s'il n'avait pas de la marmaille pour lui, à lui, dont il pourrait s'occuper et à qui il pourrait apprendre tout un tas de trucs. Les responsabilités, ça ne lui fait pas peur. A Gaspar, par contre ? Quand on voit le modèle de père qu'il a eu, il peut comprendre que ça le fasse flipper, clairement.

Un petit gamin ou une gamine galopant dans une maison à la campagne, loin de l'air pollué de la ville et en contact avec les Pokémon, clairement ça lui plairait. Tout comme ses parents l'ont fait avec lui, Oliver pourrait lui apprendre le dressage, lui donner un Pokémon une fois un peu plus vieux, lui proposer de tenter l'aventure à son tour. Si ça ne l'intéresse pas ? Tant pis, il pourra aussi lui apprendre la musique et si le petit ou la petite ne le veut pas, alors il y aura autre chose. Cela le rendrait sûrement triste, que ses gosses ne partagent pas ses passions, mais il a suffisamment vu sa mère éduquer les enfants pour savoir qu'on ne peut pas prendre les décisions à leur place. Quand bien même essaierait-elle de le faire depuis qu'il lui manque une hanche, elle ne lui a jamais interdit de quitter Lathea à l'époque. De toute façon, elle sait qu'il ne l'aurait pas écouté.

Mais peut-être que, plus tard. Quand leur voyage sera terminé, qu'ils ne sauront plus quoi faire, s'ils sont toujours ensemble Oliver aimerait bien qu'ils se posent, rien que tous les deux. Peut-être un an, le temps de s'installer ensemble pour de bon, bâtir une maison. Il aurait voulu le faire de ses mains mais il faut bien qu'il se rende à l'évidence, c'est une affaire complètement perdue d'avance. Avec son bassin abîmé, il est hors de question de porter des charges lourdes, ça s'est mal terminé à chaque fois qu'il a tenté le coup. Mais en tout cas, essayer d'aiguiller sur ce dont ils auraient envie, tous les deux. Oliver adore le bois. La vieille pierre, tout ce qui est ancien. Gaspar préfère les choses plus modernes, peut-être qu'ils pourront mélanger tout ça, créer un nid, vivre ensemble, concrétiser enfin ce qu'ils n'ont pas pu faire à une certaine époque.

Cela dit, on peut sans doute considérer que les Pokémon sont un peu comme des gosses, avec un peu plus d'autonomie, songe-t-il avec un sourire un peu mince en avisant la silhouette de Meleys qui fait peur à un Lépidonille de passage. Elle grandit presque à vue d'oeil sa Reptincel, et ses relations avec elle sont un peu plus paisibles depuis qu'il a compris qu'elle avait réellement besoin de canaliser sa violence pour pouvoir, ensuite, lui accorder un semblant d'affection. Bon, l'affection en question consiste à envoyer de grands coups de tête contre son torse, mais c'est déjà pas mal ; il a hâte de la voir évoluer, les Dracaufeu chromatiques sont incroyablement beaux. Cela prendra sûrement du temps, Meleys a encore beaucoup de choses à apprendre. Et puis Drogon est encore un petit Salamèche, peut-être veut-elle attendre qu'il la rejoigne, ne pas aller trop vite. Comme lui avec son amant, au final.

Au moins, il est sûr d'avoir un Pokémon suffisamment agressif pour challenger la moitié des arènes de Lathea, songe-t-il avec un fin sourire. Bien entendu, pas question de l'envoyer combattre Fye ou Cléora ; Fye est très puissant et tient son titre depuis des années, quant à Cléora, elle combat de façon atrocement fourbe, sans parler des affinités de type qu'il va falloir prendre en compte. Une chose qu'il a essayé, vainement, d'expliquer à un Gaspar très très borné qui part du principe que les dragons sont les plus forts et les plus beaux des Pokémon ; il craint un peu le pire Oliver, quand il faudra se retrouver face à Angarad et que cette dernière va tout simplement lui rouler dessus. Tant pis, il va s'y préparer, il sèchera doucement ses larmes et il lui donnera toute l'affection dont il aura besoin pour surmonter cette épreuve, si tant est qu'il y arrive.

Alors, par qui continuer après avoir battu Ansiel ? Il ne sait pas du tout Oliver, dans la mesure où il n'a encore rien décidé pour son équipe définitive, si tant est qu'il en ait une. Il aimerait bien voir Nox évoluer, assez rapidement, mais le choix de l'évolution il n'en a pas encore décidé. Il a toujours adoré Pyroli, mais il a déjà beaucoup de Pokémon feu. Il y a bien Mentali pour le type psy, mais esthétiquement il est quand même relativement moche en chromatique ; il va sûrement laisser son Evoli choisir, cela vaut mieux. Si Nox n'a pas envie d'évoluer, alors il n'évoluera pas et sinon, il achètera toutes les pierres et le laissera choisir. Mais cela fera très certainement pencher la balance pour savoir s'il le garde, selon le choix fait par le Pokémon et les besoins de son équipe. Dans tous les cas, Nox dormira sans doute toujours dans son lit, à ses pieds.

Bon, dans tous les cas ça ne répond pas tellement à sa question vis à vis des champions. Que lui a dit Mallo déjà ? Ah ouais, un truc à base de numérote tes abattis mon coco parce qu'ils sont tous très forts. Il s'en doute, parce qu'autrement le Système ne les aurait pas choisis. Envoyer Meleys face à Jasper est aussi bien une bonne idée que du suicide ; si l'homme a un Pokémon de type acier et Roche, il est tout simplement mort. Choupette ? C'est un bon compromis. Son type la protège d'à peu près tout en ce qui concerne le champion de Lencliff. Mais de là à envoyer sa petite qui en est encore aux balbutiements du combat... non, ce n'est pas juste de dire ça. C'est son esquive qui lui a permis de gagner ce combat contre Ansiel, et il était réellement convaincu qu'il ne gagnerait pas.

Jasper, donc. Ça ressemble à une bonne idée. Ou Lazuli ? Il n'a pas vu la jeune femme depuis longtemps, ça lui ferait plaisir de retaper un brun de causette avec une autre membre du clan Esperanza. Il se demande, d'ailleurs, si toute cette petite famille va mieux, maintenant. Depuis son retour, il n'a pas vraiment osé frapper à la porte ; quelque chose lui dit qu'Eva le tient indirectement responsable du départ de l'aîné des garçons, et ça ne lui plait pas trop d'être sous les feux de la nouvelle cheffe de famille. Se faire petit pendant un temps ressemble plutôt à une bonne idée, il demandera à Ismaël comment ça se passe. Enfin, s'il arrive à pardonner la connerie du johtien, ce qui n'est pas vraiment gagné non plus. Ce qu'il a appris à la plage ce jour-là fait encore le tour de sa petite tête, après tout.

C'est bizarre comme sentiment, de se sentir trahi même après dix longues années. Imaginer seulement ce qu'il s'est passé dans son dos l'énerve peut-être un peu trop pour son bien, et Oliver ne sait même pas de qui il est jaloux. Ces histoires sont vieilles et il devrait clairement passer outre, mais il a un peu de mal ; surtout en sachant ce qu'il se passe en ce moment. Que croit-il savoir de Mallo, Ismaël, que s'imagine-t-il exactement ? S'il a toujours eu l'habitude de folâtrer à droite et à gauche après leur rupture, cela ne pourra jamais marcher avec quelqu'un d'aussi instable que le leader d'Asylum. Avec Ollie, ça marchait, parce qu'ils étaient sur la même longueur d'ondes. Parce qu'ils se consolaient tous les deux, parce qu'ils savaient comment se parler, quels mots et quels gestes étaient interdits. Le johtien ne sait absolument rien de tout ça.

Il se l'imagine, peut-être. Que tout cela n'aura absolument aucune conséquence, qu'ils pourront passer outre, qu'ils arriveront à trouver un équilibre dans ces coucheries sans queue ni tête en oubliant ce qui régit la vie du champion depuis qu'il est tout petit. Isma n'a pas le courage pour prendre soin du garçon, il ne saura pas gérer tout ça, il sera incapable de comprendre de quoi il a besoin et ce qu'il ne lui faut pas. Il n'aura sûrement pas envie d'apprendre, Ismaël est égoïste, fuyard, et que se passera-t-il si jamais Mallory décide de s'attacher ? Il va prendre la poudre d'escampette, tout simplement. Il n'arrivera pas à gérer les conséquences d'un départ, et ce n'est pas lui qui aura à essuyer les larmes du champion, consoler son esprit brisé, réparer ce qu'il aura détruit. Il s'en sortira beaucoup trop bien, comme d'habitude.

Mais bon, de toute façon ce n'est pas tout à fait comme s'il allait être écouté, hein. Personne ne l'écoute jamais Oliver, à chaque fois qu'il prévient on lui dit oui oui et on fait la connerie quand même. Isma lui a même carrément balancé qu'il n'avait pas à se mêler de ça ; sauf que si, Mallory et lui ont toujours été très liés après l'enfance, et il n'a pas envie de le voir complètement déglingué par un grand con qui ne sait pas ce qu'il veut. Le chanteur a besoin de quelqu'un de calme, de patient, quelqu'un qui saura affronter comme on subirait une tempête toutes les difficiles étapes de sa maladie, du délire absolu à l'atonie totale, en passant par les profondes dépressions dans lesquelles il se plonge. Il va penser à autre chose. Ça ne sert à rien de ressasser ce genre de trucs, de toute façon.

Ce n'est que lorsqu'il baisse la tête qu'il constate avec surprise que ses belles bottes de cuir sont en train de se faire ronger par l'étrange bouillasse empoisonnée qui jonche la ruelle dans laquelle il est en train de passer. Dégoûté, il patauge, lève les pieds, grogne en sachant que ça ne changera rien ; il est en train de fusiller ses pompes et il doit bien avouer que ça l'emmerde. Elles sont en cuir d'Ecremeuh, une matière solide, chaude et résistante et clairement, il n'avait pas envie de les perdre, celles-là. Ce maudit endroit mériterait d'être rasé ; les marais à l'époque convenaient parfaitement au type poison, bordel. Ça le rend fou, pourquoi il est revenu ici déjà ? Sûrement par excès de masochisme, songe-t-il avec une petite grimace, en essayant de trouver dans son sac des mouchoirs ou quelque chose, n'importe quoi pour enlever ce qui est en train de lui bouffer ses godasses.