« J'aimerais bien, je veux te montrer ça. Tu vas voir, ça vaut le coup. » Il lui a déjà dit ça, non ? Cette maudite et merveilleuse soirée à la plage. Il n'ose pas trop répondre Mallory, il se contente simplement de le regarder ; décide de lui faire confiance, encore une fois. De toute manière, même s'il avait voulu lui dire que non, qu'ils ne devraient pas et que le revoir était beaucoup trop douloureux, il n'en aurait pas été capable. Il n'a pas de courage, pas suffisamment de volonté, il a toujours été porté par la vague de ses sentiments, si contraires que le ressac le faisait toujours chavirer. Un peu comme à chaque fois qu'il les contemple, ses yeux rieurs, comme à chaque fois qu'il se dit qu'il aurait donné tout ce qu'il a de plus cher au monde simplement pour avoir l'assurance que ce regard-là le protègerait pour le restant de ses jours.

« Allez, mange un bout. Moi j'vais me baigner.
– Non, c'est bon, répond le garçon en secouant la tête. J'ai pas du tout faim et j'ai pas envie de manger. » Plus tard peut-être, mais pour le moment rester assis au calme, ça lui  suffit. Regarder ce beau garçon se baigner aussi d'ailleurs, quand  bien même n'aurait-il pas le droit d'y toucher. Sauf qu'il n'est pas d'accord Isma, hein ? « Alors viens dans l'eau avec moi. Si tu voulais végéter, fallait rester sur ton canap. Allez, debout ! » C'est à dire qu'il y serait bien resté sur son canapé, c'est lui qui a insisté pour qu'il vienne et c'est ce qu'il aurait répondu, Mallory, si une main n'avait pas attrapé la sienne pour le relever de force. Ah non, pas une deuxième fois,  merci bien. « J'te conseille pas d'y aller habillé, mais si tu coopères pas c'est comme ça que ça va finir.
– Ah non, proteste vivement le champion en tirant de l'autre côté tout en sachant que cela ne servira à absolument rien, j'ai pas envie de me baigner, j'ai mon portable dans ma poche, t'as pas le droit, allez, lâche, lâche... »

Mais Ismaël n'a pas du tout l'intention de se montrer coopératif ; la preuve, il se penche déjà pour lui attraper les jambes et le balancer tout habillé dans la flotte, quand un hennissement résonne dans la clairière. Tout se passe très vite ensuite, Mallory a à peine le temps de réfléchir qu'il est vivement écarté par la toute petite silhouette de son Ponyta qui fonce littéralement sur un Ismaël trop surpris pour s'écarter de la trajectoire du Pokémon qui lui met un grand coup de tête directement dans le torse ; la prise sur ses mains se relâche d'un coup, un Oof ! sonore retentit et sous ses yeux écarquillés,  le jeune  homme bascule en arrière dans une formidable galipette suivie... d'un PLOUF ! retentissant et d'une gerbe d'eau claire jusqu'à la rive herbeuse, directement aux  pieds du garçon qui regarde Aurore, puis l'eau, puis Aurore, puis le visage crachotant qui émerge en écartant ses cheveux de son visage. Elle a l'air très fière d'elle, en plus.

Alors ça enfle, d'abord dans sa poitrine puis ses épaules qui se secouent et son  visage qui s'ouvre, s'illumine sous le grand rire qui lui échappe et éclate dans la clairière. Mallory se tient les côtes, le corps agité de soubresauts, et c'est comme une une libération alors de s'entendre lui-même dans une hilarité totale, absolue, alors qu'il peine à retrouver son souffle, même à regarder celui qui avise ses vêtements trempés et une Aurore à la tête haute, qui le fusille du regard. Elle risque d'avoir du mal à apprécier le baroudeur, mais peu importe ; la cascade était incroyable. « Ah ! Ah, ahah, ahah merde, je... ah putain, t'es... C'est tellement bien fait pour toi ahahahah... » Et de reculer un peu, en prévision d'une éventuelle vengeance ; il est beaucoup trop mort de rire pour être capable de se débattre si Ismaël l'attrape. Soudain, le ciel lui semble plus bleu, la journée plus belle, les sons, y compris ceux de son rire, plus mélodieux. Il ne sait plus à quand remonte la dernière fois qu'il a ri comme ça, à vrai dire, et le chanteur est presque sûr que son visage est écarlate, maintenant. « J'arrive... plus... à... respirer, oh bordel... »

« Ah non, panique drôlement Mallory en essayant piteusement de lui échapper, tandis que le sourire d'Ismaël s'agrandit. J'ai pas envie de me baigner, j'ai mon portable dans ma poche, t'as pas le droit, allez, lâche, lâche...
– Tu sais que ça va arriver, alors pourquoi tu luttes, hm ? »
Il le sait pourtant, Isma, qu'il est toujours trop sûr de lui. Ça ne lui sert jamais de leçon, et il en fait les frais tout à coup, quand il ne prête pas attention au hennissement furieux qui résonne un peu plus loin et qu'il est, donc, totalement surpris par le choc brutal qui le cueille en plein plexus et l'envoie bouler en arrière sans qu'il ne puisse rien faire que pousser un faible son de douleur étouffé. Le sol et le ciel tourne sous ses yeux ouverts alors qu'il sent ses reins puis ses épaules heurter le sol ; ses jambes passent par-dessus sa tête et il repart en arrière, ne comprenant finalement ce qui lui arrive que lorsque la morsure glacée de l'eau se referme sur son corps figé par la surprise.
Heureusement, la rivière dans laquelle il a roulé comme un Sabelette refermé n'est pas profonde, et il parvient à remonter à la surface d'une seule impulsion de ses pieds contre le fond caillouteux du cours d'eau, lorsqu'il reprend ses esprits. Sonné, il a tout de même le réflexe de rejoindre le bord de l'eau d'une petite brasse avant de se redresser, ouvrant la bouche pour une inspiration précipitée qui ne lui fait absolument pas perdre son air totalement perdu. Qu'est-ce qu'il vient de se passer, là, exactement ?

C'est le son d'un grand rire, finalement, qui le pousse à écarter ses cheveux trempés de son visage d'un lent geste de la main ; bouche ouverte, yeux écarquillés, il observe comme un ahuri le chanteur qui se tord de rire sur la terre ferme, et le Ponyta tout fier qui bombe le torse en face de lui. « Ah ! Ah, ahah, ahah merde, je... ah putain, t'es... C'est tellement bien fait pour toi ahahahah... »
Donc Aurore l'a attaqué et l'a balancé dans l'eau. D'accord. Très bien. La cascade devait être merveilleuse, hein, se dit-il en commençant à ricaner à son tour, un peu jaune d'abord, puis bien plus franchement lorsqu'il voit le visage du champion reprendre des couleurs comme par magie à chaque élan de son rire qui semble incapable de finir. Il ne perd pas le Nord, pourtant, reculant loin de la rivière alors qu'Isma s'affaire à en sortir, gêné par ses vêtements trempés, collants à sa peau. « J'arrive... plus... à... respirer, oh bordel...
– Ouais bah remets-toi en, fait-il semblant de râler, sans grande crédibilité alors qu'il secoue ses membres comme si ça allait les faire sécher, avant de s'adresser au Ponyta qui le toise. T'as aucun mérite, une attaque surprise comme ça, c'était absolument pas fairplay. »
Mais elle s'en fout elle, hein ? Tssss. Retirant son tee-shirt détrempé, Ismaël se venge tout de même un petit peu en le lançant directement sur le chanteur, qu'il n'a plus l'intention d'essayer de balancer à l'eau tant que cette sauvage d'Aurore sera encore là pour la lui faire à l'envers. « On m'y reprendra, tiens, à proposer des balades, continue-t-il à pester en retirant sa ceinture, les épaules secouées d'un rire qu'il ne peut pas vraiment étouffer, lui non-plus. J'suis sympa, j'apporte à bouffer, et toi fumes mon joint tranquillou et tu laisses ton Pokémon fou furieux m'attaquer. Cimer hein. »

« Ouais bah remets-toi en. » A vrai dire ça risque d'être compliqué ; il a beaucoup de mal à s'arrêter Mallory, les bras enroulés autour de son ventre, et le simple souvenir de ce grand crétin faisant un roulé boulé jusqu'à la rivière ne fait que relancer la machine. C'était drôle, et il n'a pas ri comme ça depuis des mois, c'est soudainement comme si le monde tout entier prenait enfin les bonnes couleurs, qu'il se raccrochait à la réalité. A la fin d'un épisode difficile comme celui qu'il a vécu ces dernières semaines, vient toujours un moment un peu charnière comme celui-là. Le rire ou les larmes, peu importe, l'émotion est forte, et elle le ramène à la vraie vie, lui fait quitter sa bulle de silence et d'inconfort. Aujourd'hui, tout ira bien. Même si Ismaël, qui tente lui aussi de cacher son amusement, se secoue près d'une Aurore qui le regarde sans bouger, hautaine. « T'as aucun mérite, une attaque surprise comme ça, c'était absolument pas fairplay. » Mais ce qui compte c'est le résultat, et Aurore a l'air tout à fait d'accord avec cette pensée quand elle entreprend de gambader joyeusement autour de Mallory, la tête haute et renâclant d'un air important. Lui, il tente de prendre de longues inspirations, mais quand un t-shirt trempé lui arrivé en pleine tête il est bien incapable de se calmer.

« On m'y reprendra, tiens, à proposer des balades. J'suis sympa, j'apporte à bouffer, et toi fumes mon joint tranquillou et tu laisses ton Pokémon fou furieux m'attaquer. Cimer hein.
– Oh, vraiment, t'as... besoin qu'on te défende... face à une mignonne petite fée ? » Réplique le chanteur en récupérant le t-shirt tout mouillé qu'il va poser à côté du sac du baroudeur. « Tu peux parler de moi après... fillette. » Et c'est dans un dernier reste de rire qu'il s'approche, les yeux trainant peut-être un peu trop sur les lignes du dresseur très à l'aise à l'idée d'être complètement torse poil devant lui ; comme quoi, on apprend jamais vraiment, hein. « C'était mérité. Tu m'as balancé dans la mer j'te rappelle, alors il fallait bien que quelqu'un me venge, hm ? Et puis ça m'a permis de voir qu'Aurore est un très bon Pokémon défensif. » Bon, elle n'aime pas Ismaël mais avec un peu de chance, ça changera, plus tard.

« Oh, vraiment, t'as... besoin qu'on  te défende... face à une mignonne petite fée ? »
Elle a la tête vachement dure, la mignonne petite fée, grommelle-t-il entre ses dents. « Tu peux parler de moi après... fillette.
– Alors déjà, j'vois pas de Pokémon fée ici, hein, réplique-t-il en se drapant dans sa mauvaise foi. Et ensuite c'était une attaque surprise pas du tout digne d'un Pokémon noble comme ça. Tu devrais avoir honte, oui, parfaitement madame. »
Et il aimerait bien enlever ce fichu pantalon mais le tissu lui colle à la peau et c'est super compliqué ; donc il continue de grogner, tout en ricanant un peu parce qu'imaginer la scène d'un oeil extérieur... ça devait vraiment être impayable. En tout cas, se dit-il en levant le nez vers le garçon qui s'approche, un sourire aux lèvres, ce petit accident aura eu de très belles conséquences. « C'était mérité. Tu m'as balancé dans la mer j'te rappelle, alors il fallait bien que quelqu'un me venge, hm ? Et puis ça m'a permis de voir qu'Aurore est un très bon Pokémon défensif.
– Si un Pokémon aussi lâchement fourbe est capable d'évoluer en un type Fée, c'est qu'il y a clairement un truc qui déconne, répond-il en jetant un regard moqueur à la Ponyta... qui ne le prend pas du tout bien. Et en plus j'ai pas souvenir que t'aies regretté d'être balancé à l'eau - puis t'étais pas habillé ! »
Quand il finit par dégager son pantalon de ses hanches pour le baisser sur ses jambes, le tissu fait un drôle de bruit d'aspiration franchement ridicule, et il en ricane tout seul en se laissant tomber sur les fesses pour pouvoir virer ses chaussures et ce foutu jean collant. « Regarde ça, soupire-t-il ensuite en tirant son Motismart de la poche du vêtement, d'où s'échappe un petit filet d'eau. C'était bien la peine que tu m'en fasses acheter un, hein. »
Enfin, ça doit supporter l'eau, ces trucs, non ? Il se laisse tomber sur le dos, et tend le bras d'un geste exagérément dramatique. « Allez, rends-moi mon joint, tu m'dois bien ça, hmph. »

« Si un Pokémon aussi lâchement fourbe est capable d'évoluer en un type Fée, c'est qu'il y a clairement un truc qui déconne. » Belle démonstration de mauvaise foi que celle là, songe Mallory avec un sourire moqueur, devant l'air purement outré de l'intéressée ; s'il la vexe, il va avoir beaucoup de mal à s'en faire une amie, hein. Il le sait ou pas ? « Et en plus j'ai pas souvenir que t'aies regretté d'être balancé à l'eau - puis t'étais pas habillé !
– Non, mais elle était froide et on a failli se noyer, c'est pas dans cette pataugeoire que ça te serait arrivé. » C'est de la pure et simple mauvaise foi ; cette soirée compte parmi les plus belles de sa vie, il ne peut pas vraiment dire qu'il ne l'a pas aimée, cette baignade. Ça lui est arrivé peu de temps après, de rêver à cette soirée, aux lumières des Loupio dans l'eau comme si elles reflétaient les étoiles. C'était magnifique, et c'est sans doute le seul moment durant lequel il a compris ce qu'Isma voulait dire par aimer les choses simples, d'ailleurs.

Isma qui renonce, s'asseoit en grommelant, tout en retirant ses vêtements collés par l'eau de la rivière. Lui est toujours debout, le dos contre l'arbre ; sa main flatte gentiment l'encolure de son Pokémon, toute contente d'avoir sauvé son dresseur d'un danger certain. « Regarde ça, dit-il en lui montrant son Motismart détrempé, qu'il extrait de sa poche. C'était bien la peine que tu m'en fasses acheter un, hein.
– Ces trucs là sont faits pour résister aux intempéries, tu sais. » Les Motismarts ont été faits pour les dresseurs, donc leurs constructeurs ont tout prévu ; il risque d'avoir quelques bugs pendant quelques heures, mais ensuite il n'y paraîtra plus. Et le voilà sur le dos ; ses yeux regardent le ciel, et Mallory regarde ses yeux. Encore. « Allez, rends-moi mon joint, tu m'dois bien ça, hmph.
– Hm... non. » Comment ça non ? demande le regard un peu interloqué d'Ismaël, tandis que dans un petit ricanement moqueur, Mallory recule de quelques pas, joint à la main. Cette mine étrangement malicieuse a fini par revenir, alors. Elle revient à chaque fois, quand bien même craindrait-il de perdre un peu plus à chaque fois. « Tu le veux ? Viens le chercher. »

Parce qu'il est revenu, non ? A quel point étais-ce de la pitié, alors ? Il a besoin de le savoir, le chanteur ; il a besoin de comprendre ce qui se passe dans la tête de ce grand imbécile quand il le regarde et se redresse, prêt à lui courir après. Il sait déjà qu'il sera rattrapé très vite, mais peu importe ; dans un éclat de rire presque scintillant, il sprinte, s'éloigne de la rivière pour foncer au travers de la clairière, près des statuettes, le joint brandi au-dessus de lui comme un trophée. « Alors, t'es déjà essoufflé, le grand sportif ?! »

« Hm... non. »
Comment ça non ? se dit-il très exactement en redressant la tête pour dévisager le garçon qui l'observe avec un sourire moqueur. A quoi il joue ? C'est son joint, non mais eh. Et il recule ? Il s'enfuit avec son joint en ricanant comme un Chacripan ; non mais pas question, et Isma est déjà en train de se relever en vitesse. « Tu le veux ? Viens le chercher. »
Il suffit de le dire ; Isma ne marque qu'un court temps d'arrêt avant de se lancer à la poursuite du jeune homme ricanant et brusquement bien plus vif et agile qu'il ne l'était ces derniers jours. Alors ça y est, il a réussi ? Il s'est sorti de son étrange torpeur pour de bon ? En tout cas, il en a l'air, et malgré sa détermination à corriger la terrible injustice dont il est victime, Isma laisse un grand rire s'échapper de ses lèvres alors qu'il bondit par-dessus une souche pour rattraper le musicien. « Alors, t'es déjà essoufflé, le grand sportif ?!
– Au vol ! C'est à moi ! crie-t-il à la cantonade entre deux éclats de rire alors que Mallory se met à courir en rond autour des statues. Eh, à cloche-pied ici ! »
Et joignant le geste à la parole il se met à bondir sur une seule jambe, perdant presque aussitôt l'équilibre mais bien assez proche du voleur pour le saisir entre ses bras alors qu'il s'étale promptement dans l'herbe fraiche dans un grand éclat de rire. « Je t'ai eu ! glousse-t-il en relâchant avec précaution le garçon qu'il a fait passer au-dessus de lui en tombant pour s'assurer de ne pas l'écraser. Et ça, c'est à moi. »
Deux doigts récupèrent le bien dérobé, qu'il cale entre ses lèvres sans pouvoir l'allumer, faut d'être vêtu d'autre chose que son caleçon. « Finalement, t'es pas tant un Venalgue qu'un Chacripan, reprend-il dans un faux air sévère alors qu'il repousse le jeune homme sur le côté de sa grande main appuyant contre sa tête sans la moindre violence. Chacripalgue, c'est un surnom qui t'ira mieux ça. Simple et efficace. »

« Au vol ! C'est à moi ! » Non, pour l'instant c'est à lui, au moins tant qu'il n'arrive pas à le rattraper, le beau jeune homme à moitié à poil qui lui court après alors qu'il tente un loop formidable près des statuettes dans une série de ricanements moqueurs et déjà épuisés. « Eh, à cloche-pied ici !
– Quoi, tu veux voir un Célébi shiny toi maintenant ?! » s'écrie le chanteur en essayant de courir pour échapper au grand imbécile qui se met à joindre le geste à la parole ; puis un grand bras s'enroule autour de lui pour l'attraper et il s'étale bien sûr Mallory, à son grand désespoir mais quelque part, très satisfait de sentir ce bras le tenir encore. La partie est finie et il a bien plus gagné que perdu quand, essoufflé, il se retrouve perché au-dessus du dresseur qui récupère son bien, dans un éclat de rire mélodique qui résonne à ses oreilles comme la plus belle des chansons.

« Je t'ai eu ! Et ça, c'est à moi. » Oh, il le lui laisse avec plaisir, Mallory ; ses deux mains sont posées sur un torse nu et encore humide, il peut presque sentir les battements frénétiques de son coeur contre ses paumes. « Finalement, t'es pas tant un Venalgue qu'un Chacripan. » Et Mallory aurait bien volontiers protesté s'il n'avait pas été repoussé en douceur droit dans l'herbe, sur le dos. « Chacripalgue, c'est un surnom qui t'ira mieux ça. Simple et efficace.
– Je refuse que tu m'appelles comme ça, Esperanza. » Parce que c'est moche et ridicule, et puis quoi encore ? Ils se marreraient les journalistes, s'ils apprenaient qu'un lourdaud comme lui s'amusait à faire des croisements hideux entre deux Pokémon hideux. « Moi aussi j'peux t'en trouver des rapprochements foireux, hm ? Genre Gouroutan, t'en penses quoi ? » Un pouilleux qui dort dans la nature et qui grimpe aux arbres, quoi. Mais il garde cette phrase moqueuse pour lui, conscient qu'elle ne sera pas forcément au goût du baroudeur. « Ou Feuilloutan, c'est encore plus moche mais tu saisis l'idée, ricane-t-il finalement en tendant le bras pour attraper le joint qui lui échappe. Rends-moi ça, on récupère pas un cadeau. »

« Je refuse que tu m'appelles comme ça, Esperanza.
– Ouais, mais c'est pas toi qui décides, Chacripalgue, ricane-t-il bien puérilement devant l'air absolument outré du chanteur qu'on pourrait presque comparer à Neskov, sur ce coup.
– Moi aussi j'peux t'en trouver des rapprochements foireux, hm ? Genre Gouroutan, t'en penses quoi ? »
Quoi ? Mais ça va pas la tête, il est quand même un peu plus élégant que ce pauvre Pokémon au demeurant bien sous-estimé. Les Pokémon simiens n'ont jamais eu la côte, ce qu'il trouve assez honteux dans la mesure où ils font quand même partie des créatures les plus intelligentes qui se baladent sur Terre. « Ou Feuilloutan, c'est encore plus moche mais tu saisis l'idée. Rends-moi ça, on récupère pas un cadeau.
– Si t'as reçu ce cadeau en me le volant alors je l'ai reçu en le récupérant, et t'as pas le droit de me le reprendre, se défend-il avec un sourire, repoussant une fois de plus Mallory dos contre le sol, près de lui, pour mettre son bien à l'abri. Et d'abord j'suis pas d'accord, si j'dois être un Pokémon simien j'veux être Quartermac. »
Tous les Pokémon sont égaux en terme de valeur mais s'il est question de style, il faut admettre qu'il préfère largement être celui-là. Ou à la limite, Gorythmic ou Colossinge. Mais sûrement pas Feuilloutan, non, ça non. « En plus de quoi tu te plains, Venalgue c'est un super Pokémon et son évolution est incroyable. J'en veux un pour mon équipe. Tu devrais être honoré. »

« Si t'as reçu ce cadeau en me le volant alors je l'ai reçu en le récupérant, et t'as pas le droit de me le reprendre. » Ça ne fonctionne absolument pas comme ça, songe le jeune homme en fronçant les sourcils, mais très vite stoppé par une grande main qui le repousse encore une fois au sol, sans qu'il ait pu esquisser le moindre geste pour lui résister. Ismaël est quelque chose comme quarante fois plus fort que lui, alors ce n'est même pas la peine et il se contente de grommeler, le champion, quand son dos heurte une nouvelle fois le tapis d'herbe verte. « Et d'abord j'suis pas d'accord, si j'dois être un Pokémon simien j'veux être Quartermac.
– Sauf que si j'décide pas, alors toi non plus. »

Et puis quoi encore ? Pourquoi est-ce que lui aurait un nom classe et pas Mallory, c'est débile et il n'est absolument pas d'accord. Le chanteur croise les bras et relève le nez tout en sachant qu'il ne sera absolument pas écouté, mais tant pis ; ses yeux brillent quand même, quand il se rend compte que cette journée est incroyablement douce et légère. « En plus de quoi tu te plains, Venalgue c'est un super Pokémon et son évolution est incroyable. J'en veux un pour mon équipe. Tu devrais être honoré.
– C'est ça, honoré d'être comparé à un Pokémon tout vaseux vivant au fond de la mer genre là où j'irai jamais, répond le chanteur en ricanant, avant de lever les yeux au ciel, flatté, tout de même, d'avoir suffisamment d'intérêt pour être renommé autrement que par sale con. Tu peux toujours rêver. »


Quand Mallory met enfin le nez hors de la tente, la nuit est à peine tombée ; le ciel est clair au-dessus de leur tête, il fait frais, presque froid. Dans le petit campement improvisé, les Pokémon s'égayent, presque tous relâchés ; Sophie est beaucoup plus calme depuis qu'elle a emmené Lysaria s'asseoir près de l'eau de la rivière, un peu plus loin. Les autres dorment, jouent, explorent les environs ; Mallory a même réussi à attraper un Brocélôme qui se promenait un peu trop près du feu. Il a même réussi à manger la moitié de l'assiette gargantuesque qu'Ismaël lui a servi une heure plus tôt avant de monter la tente ; maintenant, appelé par le baroudeur, il le rejoint au bord de l'eau. Isma est allongé sur le dos, les bras derrière la tête et le joint au bec ; ses yeux brillent vers le ciel, et il a un sourire tout à fait tranquille quand il l'invite à s'installer près de lui. « Ça fait quelque chose comme six ou sept ans que j'ai pas campé, dit le chanteur en s'étendant près de lui, en veillant un peu malgré lui à laisser une distance, comme par sécurité. J'espère que tu ronfles pas. » Isma ne lui a jamais laissé l'occasion de rester chez lui, les soirs où ils se sont vus à l'exception de cette seule et unique nuit, des années plus tôt. C'est un peu bizarre et presque inespéré, de se dire qu'il a fallu traverser tout ce bordel simplement pour ça. Quinze ans, par exemple.

Une fois allongé, il regarde le ciel à son tour ; c'est vrai, c'est magnifique. La nuit est limpide au-dessus de leurs têtes, les étoiles ont presque l'air de briller plus fort, enveloppées dans la brume laiteuse des constellations auréolées de couleurs. Effectivement, c'est peut-être pas à Enoville ou à Castlerain qu'il aurait l'occasion de voir ça, Mallory. « D'accord, je reconnais que c'est joli, finit-il par admettre en soupirant, acceptant un autre joint tendu. C'est des Lampignon, dans les arbres ? »

La tente est montée et la nuit, elle, enfin tombée, quand Isma finit par s'éloigner du feu de camp autour duquel paraissent les Pokémon libérés. Il a laissé Mallory se changer dans la tente et lui, il s'est à moitié rhabillé seulement, parce que la fraîcheur de la nuit fait partie de ces sensations auxquelles il ne veut jamais échapper quand il a l'occasion de les retrouver - sans risquer de perdre un membre à cause du froid. Autant dire qu'on en est loin. Etendu au bord de la rivière dans son pantalon de pyjama, joint au bec et mains croisées derrière la nuque, il observe le ciel, émerveillé, en attendant que Mallory le rejoigne. 
Son seul regret c'est de ne pas avoir trouvé d'Evoli. Mais bon, il a gagné bien d'autres choses cet après-midi, se dit-il alors qu'une démarche dans l'herbe se fait enfin entendre derrière-lui. « Ça fait quelque chose comme six ou sept ans que j'ai pas campé. J'espère que tu ronfles pas. »
Isma pouffe ; ce râleur va encore trouver le moyen de se plaindre, alors ? Il n'est jamais content, c'est dingue. Lui, il ne se rappelle même pas de ce que ça fait, la première fois qu'on dort dans une tente depuis longtemps. Ça fait dix ans qu'il ne fait presque que ça, camper pour dormir.

Mallory s'installe près de lui et Ismaël lui tend aussitôt le joint confectionné pour l'occasion. Si le ciel est déjà magnifique comme ça, il le sera d'autant plus une fois qu'ils auront fumé ça. « D'accord, je reconnais que c'est joli. C'est des Lampignon, dans les arbres ?
– Principalement des Spododo mais oui, il y a quelques Lampignon. La Lumiclairière est encore plus belle, de nuit. »
Et pourtant, son décor est déjà enchanteur en plein soleil. Souriant simplement, le baroudeur laisse ses yeux s'imprégner du dessin des étoiles, au loin. « J'ai toujours adoré regarder le ciel, même quand j'étais gamin. J'me suis demandé si Arcéus et Palkia avaient fait exprès de dessiner des formes en créant l'univers et les étoiles, pour qu'on puisse les regarder. »
Il ricane doucement, peut-être un peu amer sur ce coup, soufflant sa fumée qui se dissipe dans l'air légèrement humide du début de la nuit. « On s'invente de ces conneries quand on a six ans, j'te jure. »

« Principalement des Spododo mais oui, il y a quelques Lampignon. La Lumiclairière est encore plus belle, de nuit. » Ça, c'est difficilement ratable. La nuit est incroyable dans cet endroit ; toutes les feuilles semblent changer de teinte à cause de la présence des petits Pokémon, et les légères lueurs au sol lui laissent entendre que les Ponyta ont profité de la pénombre pour sortir. Aurore les regarde de loin, allongée près de la tente ; sa crinière brille d'étranges lueurs jaunes et vertes, c'est presque fascinant. Au moins autant que tout ce qu'il voit à chaque fois qu'il tourne la tête quelque part. Même les Pokémon  aquatiques jouent au jeu des lumières, ce soir. L'air est frais, doux ; quand il tire sur le tube de papier, Mallory se sent presque serein.

« J'ai toujours adoré regarder le ciel, même quand j'étais gamin. J'me suis demandé si Arcéus et Palkia avaient fait exprès de dessiner des formes en créant l'univers et les étoiles, pour qu'on puisse les regarder. » Curieux, Mallory tourne la tête. La phrase aurait été très poétique si Isma ne l'avait pas ponctuée d'un drôle de rire sans joie, une fois le joint récupéré. Alors quoi, il n'y croit pas ? « On s'invente de ces conneries quand on a six ans, j'te jure.
– Quoi, t'y crois plus à tout ça ? » Lui, si. Il a été à Rosalia, il a vu quelle catastrophe a frappé la Tour Cendrée, il ne peut pas dire qu'il n'y croit pas après ça. Pensif, il reporte son regard sombre sur les étoiles. « Tu sais, je crois que j'en ai rencontré un, à Sinnoh. » Il n'est pas sûr. On  lui a juré que c'était possible, mais quel était le pourcentage de chance pour que ça lui arrive, à lui ? « J'étais au bord d'un lac, ça allait... pas très bien. J'ai vu un petit truc, un genre de lutin tout rose, et... j'me rappelle pas très bien de ce qui s'est passé après. » Il l'a touché, c'est tout ce dont il se souvient. Et toutes ses émotions se sont apaisées d'un coup, d'un seul. Il est tombé dans les pommes mais quand il s'est réveillé, curieusement, il se sentait mieux. « Le prof qui habitait dans le coin m'a parlé de Créfollet. Alors j'ai un peu de mal à pas croire que ces Pokémon-là existent, forcément... et ça m'étonnerait pas que les étoiles aient un sens pour ceux qui les ont mises-là. » Il soupire. Reprend son joint. « Il paraît même qu'il y a des Pokémon sur d'autres planètes, alors... »

« Quoi, t'y crois plus à tout ça ? »
Non, il n'y croit plus. Il sait que les Pokémon légendaires existent, c'était difficile à manquer ; mais qu'ils aient placé les soleils de tous les systèmes de cette façon pour que, sur Terre, ils puissent être vus sous un certain angle ? Non, c'est ridicule. Les Pokémon dotés de pouvoirs comme ceux-là n'accordent pas la moindre importance aux humains. « Tu sais, je crois que j'en ai rencontré un, à Sinnoh. »
Ah oui ? Étant donné le ton un peu rêveur que vient de prendre Mallory, sans doute malgré lui, ça a dû mieux se passer que l'expérience que lui, il a. « J'étais au bord d'un lac, ça allait... pas très bien. J'ai vu un petit truc, un genre de lutin tout rose, et... j'me rappelle pas très bien de ce qui s'est passé après. »
Ah, un problème de mémoire suite à une rencontre avec un Pokémon surpuissant ? Pourquoi ça ne l'étonne pas, hm ? « Le prof qui habitait dans le coin m'a parlé de Créfollet. Alors j'ai un peu de mal à pas croire que ces Pokémon-là existent, forcément... et ça m'étonnerait pas que les étoiles aient un sens pour ceux qui les ont mises-là. »
C'est possible. Pour eux, ça doit en avoir un. Mais si sens il y a, les hommes ne sont probablement pas supposés le comprendre. « Il paraît même qu'il y a des Pokémon sur d'autres planètes, alors...
– Il y a même des Pokémon dans d'autres dimensions, en fait, dit-il, la voix un peu rauque. Les Légendaires existent. J'en ai toujours été convaincu mais maintenant j'le sais. J'ai rencontré Dialga et Palkia à Alamos y a... j'sais plus, quatre ans ? Un truc comme ça. »
Et si eux existent, pourquoi pas les autres, après tout ? Ce à quoi Isma ne croit plus, ce sont leurs bonnes intentions, leur bienveillance, ce genre de conneries. « Va savoir pourquoi ces deux-là se frittaient, j'en sais rien et j'm'en fous. Toujours est-il qu'avec leur petite guéguerre ils ont transporté la ville dans une autre dimension qui a progressivement dévoré la réalité. Un délire. On a tous cru qu'on allait mourir ; entre le sol, les maisons qui disparaissaient peu à peu et leurs attaques assez puissantes pour faire tomber des immeubles d'un seul coup. »
Ses yeux sont fixes, vers le ciel ; il en frissonnerait d'effroi rien qu'en y repensant. « Ils en avaient pas grand chose à foutre de tous nous tuer pour pouvoir continuer à s'battre alors je vois pas très bien pourquoi ils se seraient emmerdés à faire des dessins dans le ciel pour faire rêver les mioches. »