« Tu es contente ? » Demande le jeune homme en relevant le nez, pour croiser l'immense sourire de l'Ectoplasma qui hoche vivement la tête, toute heureuse d'avoir une nouvelle copine. Il lui en faut peu à Sophie, pour qu'elle danse dans la clairière, les bras levés de joie. « Sophie contente d'avoir trouvé une copine ! » Ç'aurait été beaucoup plus simple qu'elle s'entende avec Sun mais à l'évidence, c'est même parfaitement inutile de lui en parler. Il est trop proche de Mallory, et l'affection du chanteur envers lui est beaucoup trop avérée pour son Pokémon possessif qui ne supporte pas l'idée qu'on puisse prendre sa place. Et s'il a déjà essayé de le lui expliquer un million de fois, il faut bien reconnaître que Sophie est plus têtue que lui. Entre Sun et elle, c'est foutu d'avance ; avec un peu de chance, les futurs membres de son équipe auront plus de chances.

Qui lui a dit qu'il y avait des Ponyta de Galar ici ? Parce que pour le moment il n'en a pas vu un seul Mallory ; et pourtant, c'est la troisième fois qu'il vient. Pas dans ce but bien entendu, l'endroit lui plaît et le rassure, mais il n'a jamais oublié cette étrange rencontre près de Corrifey, lors de son voyage à Galar. C'était sans doute l'une des seules et uniques fois qu'il s'est rendu dans une zone sauvage, d'ailleurs. Le reste du temps, il le passait avec le groupe. Oliver s'est aventuré avec un guide dans les Terres Sauvages, mais cette aventure ne lui avait laissé qu'un goût d'amertume. Il n'a rien dit, mais Mallory l'a senti très vite. Sa jambe était encore trop faible pour une randonnée comme celle-là, et s'en rendre compte a fait très mal à l'égo de celui qui aurait voulu tenter sa chance, même rien qu'une seule journée.

C'est peut-être parce qu'il pense à Galar, ou peut-être à cause d'un pur hasard mais lorsqu'il tourne la tête, le Pokémon qu'il aperçoit lui fait écarquiller les yeux ; près de lui, à sa gauche, il y a un Bibichut qui s'est approché dans le plus grand des silences pour aller s'abreuver. Est-ce qu'il est au fait de leur présence ? Il n'en sait rien, Mallory ; ses yeux écarquillés observent le Pokémon sauvage comme s'il n'arrivait pas à y croire. Bibichut, Ponyta, il sait déjà qu'il les veut tous les deux, et c'est peut-être un peu trop étonné qu'il met fin au fil de ses pensées pour observer le petit lutin se pencher et user des excroissances sur sa tête pour recueillir de l'eau. « Hé, articule-t-il, sans trop savoir si le Pokémon va prendre la fuite ou non. Qu'est-ce que t'es mignon... »

Aucune chance qu'on l'entende dire une phrase pareille devant un être humain ; il a sa fierté Mallory, et une certaine et détestable réputation à tenir. Alors avec un Doudouvet et un Bibichut ? C'est sûr, il va avoir l'air fin ; mais il sourit quand même, attendri par le petit Pokémon qui sursaute pour l'observer. Il avait gardé des bonbons pour Sophie, mais peut-être qu'il peut s'en servir. « Bibi mange pas les gâteaux de Sophie, râle l'Ectoplasma en s'approchant, faisant reculer le Pokémon de quelques pas timides.
– Oh allez, sois pas mauvaise comme ça, tu peux bien partager non ? » L'Ectoplama secoue la tête ; ça tombe bien, il ne lui demande pas tout à fait son avis. « Hep ! appelle-t-il doucement tandis que le Bibichut s'est immobilisé, attiré par les friandises que Mallory approche, au creux de sa paume. Allez, viens, j'te jure que tu vas pas le regretter. »

Mais le petit Pokémon est très timide, et il n'a pas l'air de trop vouloir s'approcher tant que Sophie le fixe avec un sourire pareil ; on dirait qu'elle va le bouffer, bon sang. « Eh, recule, toi. Tu lui fais peur.
– Sophie veut pas que Bibi mange ses gâteaux.
– Et moi j'voudrais que t'arrêtes tes caprices cinq minutes, d'accord ? réplique le chanteur, exaspéré. Je vais pas tout lui donner, les autres sont pour toi. Mais je voudrais le capturer.
– Mais Mallo a déjà capturé la gentille Doudou ça sert à rien qu'il ait Bibi en plus.
– Tu sais bien que j'ai envie d'en avoir un. Allez, laisse-le s'approcher. » Sophie grogne, soupire, croise les bras ; mais elle finit par accepter de mauvaise grâce. Allez, il va bien faire quelques pas de plus, non ? Oui, c'est gagné ; l'apppât de la bouffe est beaucoup plus fort que la crainte, ce coup-ci.

Le Pokémon sauvage finit par rejoindre sa hauteur, s'approcher à côté de sa cuisse. Doucement, il sourit Mallory, dépose un biscuit dans l'herbe ; les excroissances de la petite créature s'en saisissent, alors qu'il entreprend de le grignoter dans un petit couinement ravi. C'est vraiment trop mignon, parfaitement adorable, en parfaite inadéquation avec son propre caractère mais ce n'est pas grave ; ça lui rappelle, Galar et la forêt féérique qu'il a traversé avec Sophie un soir où il avait besoin d'air. Il se souvient d'avoir tapé sur les champignons luminescents pour éclairer son chemin, et il a croisé tout un tas de Pokémon différents. Théffroi - il était fasciné, mais le Pokémon n'était vraiment pas enclin à se laisser observer - Grimalin, Ponyta, Bibichut. Il a profondément aimé la douceur des deux derniers, il a attendu toute la nuit dans l'espoir de pouvoir en capturer un. En retrouver ici, c'est assez inespéré, finalement.

 Est-ce qu'elle est profonde, cette eau en face de lui ? Tandis que le petit Bibichut se laisse tomber à côté de lui pour grignoter un biscuit à l'effigie du Pokémon de Mallory qui s'en va bouder un peu plus loin, Mallory reprend sa position initiale, les bras enroulés autour de ses genoux. Elle est claire en tout cas, fraîche ; elle ne lui fait pas peur celle-là, pas plus que l'océan, maintenant. Ou en tout cas, beaucoup moins qu'avant ; la dernière fois qu'il est allé faire un tour à la plage, il a osé retirer ses bottes pour mettre les pieds dans l'eau. Il se serait peut-être baigné, l'endroit était désert, si seulement il n'avait pas aperçu l'immonde tentacool qui nageait droit devant lui. Lâchement, à ce moment-là, il s'est tout simplement ravisé. Courageux mais pas téméraire, l'eau a toujours plu ou moins été l'un de ses énièmes ennemis.

Mais cette fois, l'eau lui paraît étangement attirante, ravivée par un souvenir affreusement doux. Sans vraiment réfléchir, le garçon se penche, et entreprend de délacer ses rangers montantes. L'exercice est lent et fastidieux ; et c'est un soulagement, de les retirer par cette chaleur. Oliver lui a souvent demandé comment il faisait, pour se trimballer en jean noir et en rangers toute l'année durant ; hé bien, c'est compliqué mais il a fini par s'y faire. Il n'y a aucune couleur dans son placard, pas plus que dans sa vie à Mallory. Le noir a toujours été sa couleur préférée, quoi qu'elle fasse détonner plus encore son teint maladif et sa silhouette chêtive. Dans ce genre de tenue, il est resté un éternel adolescent ; ceux dont il aime d'ailleurs à se moquer, en rappelant que la plupart d'entre eux ne s'habillaient de cette manière que par besoin maladif d'intention, comme si ce n'était pas son cas.

Retirant ses chaussettes d'un geste rapide, Mallory entreprend ensuite de relever son jean ; trop fin, beaucoup trop serré, bien loin des pantalons larges qu'il portait quand il était adolescent. Peut-être qu'il hésite un peu, au moment d'approcher de l'eau ; ce n'est pas très profond, mais ce geste un peu débile ne lui rendra pas l'incroyable moment qu'il a vécu quelques jours plus tôt, avant que l'amertume ne remette tout en question et qu'il soit obligé de revenir ici pour se calmer. Il pince les lèvres, réfléchit ; puis avance tout doucement ses pieds pour les plonger dans l'eau. Elle est plus froide que la mer, mais le soulagement est immédiat. C'est vrai, il avait raison Isma, ça fait énormément de bien par ce temps. Sans plus attendre, il décide alors de se lancer ; sous le regard un peu perplexe de Sophie et amusé du Bibichut, il retire ses pieds, son jean, sa veste en cuir et son t-shirt. L'endroit est désert, il sera tranquille.

L'eau est froide contre son dos, et c'est un frisson bienfaisant qui parcourt sa colonne vertébrale alors qu'il ferme les yeux Mallory, écarte doucement les bras et les jambes, comme la dernière fois. Dans la clairière, il peut entendre le gazouillis apaisant des Pokémon sauvages, le grondement de la cascade ; l'air sent la fleur et l'herbe sauvage, et une douce brise vient caresser sa frange emmêlée. Le soleil se reflète sur son ventre pâle, ça lui rappellerait presque un film un peu merdique avec un vampire qui brille comme une boule à facettes ; une fois, un petit malin a dit qu'il ressemblait à ce mec, et il n'a pas du tout aimé la réplique qui a suivi. Mais pour le moment, tout va étrangement bien ; ses larmes lui semblent bien lointaines, tout de suite, même en sachant que son mal-être reviendra aussitôt qu'il quittera cet endroit. Pour le moment, il retient juste lentement cette leçon qu'Isma lui a apprise ; les choses simples peuvent aider à supporter le pire.

Oui, il se sent bien, ici ; il va sûrement rester encore un peu, hein ? Ouais, il va rester, songe-t-il avec un petit sourire en ouvrant les yeux, tournant la tête pour appeler Sophie... sauf que ce n'est pas du tout Sophie, là. Pas du tout.
La créature qui se tient sur la berge et qui le regarde est adorable. De grands yeux sombres, un air doux, une crinière pelucheuse ; superbe, et il n'en avait encore jamais vu d'aussi près. Subjugué, Mallory manque bien de couler sous la surprise, tandis qu'il se redresse, et bien entendu, son geste brusque fait reculer le Pokémon d'un pas. « Non, attends ! » Appelle-t-il, presque implorant ; le Bibichut ne bouge pas mais l'autre Pokémon, lui, racle le sol de ses sabots. Bordel, il faut absolument qu'il montre ça à Isma ; sans réfléchir, il nage doucement jusqu'à la berge, tend le bras pour attraper son Motismart. La photographie d'un Ponyta un peu craintif est envoyé dans la seconde.

Par chance, il a réussi à immortaliser le Bibichut en même temps ; et alors qu'il essaie de trouver ses balls vides, son Motismart vibre presque aussitôt dans sa main. Oooh la classe ! Ils sont magnifiques. Ouais, hein ? Tu me les présenteras ? Quand il veut, songe le musicien avec un sourire, mais il n'a pas le temps de répondre que son Motismart sonne une troisième fois. PS : comment on envoie des photos avec ça ? Il secoue la tête, le champion ; sans quitter le Ponyta du regard, il tapote une réponse. Il y a une icône en bas à droite. Si tu veux je te montrerai quand on se reverra. (On se revoit quand ?) Peut-être qu'il ne devrait pas espérer autant, être aussi impatient. Mais il est toujours dans l'eau, et il se sent bien, maintenant. Mieux, en tout cas. J'suis à Thiapolis, en ce moment. C'est un peu loin de la Lumiclairière alors ça dépend de si t'as la foi de faire la route ou pas.

Quoi, aujourd'hui ? Est-ce qu'il lui manque ? Non, sans doute pas, ou du moins pas autant que le jeune homme, toujours immergé, qui pose son téléphone pour lancer sauvagement une Pokéball. Pas question de passer à côté de cette petite perle, c'est clair et net. Bah, quand tu veux. Apparemment il va falloir que je triche avec la sécurité si j'veux aller voir les volcans donc je vais sûrement rester quelques jours. C'est peut-être beaucoup trop empressé, mais tant pis, songe le garçon en essayant de ne pas penser au fait qu'il n'est absolument pas présentable aujourd'hui, et qu'il devrait rentrer dormir ; ces derniers jours l'ont beaucoup trop éprouvé. Non, tant pis. Si je me sèche maintenant, je peux être là dans quelques heures. C'est beaucoup trop cavalier. Beaucoup trop risqué. Il ne le sait pas encore Mallory, mais ce ne sera pas le premier et seul risque qu'il prendra pour Ismaël ; il n'est pas capable de réfléchir, quand il s'agit de lui. Bah écoute, appelle-moi quand t'arrives, j'essaierai de te retrouver. C'est cool ! C'est cool, ouais. Sûrement un peu trop beau pour être vrai aussi, songe le jeune homme en se redressant, quittant l'eau pour entreprendre de sécher au soleil, vite. « Alors, tu viens avec moi toi ? demande-t-il au Bibichut, un sourire fatigué aux lèvres. » Oui, apparemment oui ; vu que le Pokémon saute directement dans son sac, c'est la conclusion qu'il en tire en tout cas. « Sophie ! appelle-t-il, pour attirer son Ectoplasma qui fait la gueule, assise à l'ombre d'un arbre. Allez, prépare-toi, on va voir Isma. » Ah. C'est marrant comme elle se lève vite, elle aussi.