Aujourd'hui, tu prévois une nouvelle session d'entraînement pour Thor. Tu as entendu parler du vieux quartier de Nathalia. Parait qu'il y ait dangereux de s'y aventurer, autant s'y risquer pour entraîner un peu plus le jeune wattouat. Tu es partie tôt pour t'y rendre pas trop tard, pas que tu comptes y pique-niquer non plus, on t'a dit que c'était déconseillé. Alors que tu n'es plus très loin, tu sors Thor de sa pokéball.

« J'espère que tu écouteras ce que je te dis... »

Le pokémon ne semble pas t'avoir écouter du tout. Faut dire qu'il t'en veut un peu. Tu es allé te promener dans Lucinel sans lui, et Thor n'aime pas trop ça. Et ce, pour plusieurs raisons. Il est sur que tu as fais une connerie, dans un premier lieu. Dans un second temps, il peut pas veiller sur toi, quand tu fais ça et ça l'en rage, et faut pas oublier non plus, que n'importe qui aurait pu piquer la pokeball, déposer en évidence sur ton lit pendant ton absence.

« Oh... Aller Thor, tu vas pas bouder encore pendant des jours. Je t'ai dis que j'étais désolé... »

Thor se détend un peu, mais pas totalement non plus. En arrivant sur les lieux, un grand gaillard se place devant toi et commence à t'expliquer que tu dois porter ce qu'il appelle un masque à gaz pour entrer dans les lieux. Tu fronces les sourcils en regardant l'objet très laid à tes yeux.

« Je ne mettrai pas ça sur mon visage ! »

« Alors tu n'y vas pas. »

« Et pourquoi ça hein ? »

L'homme soupire et te tend de nouveau le masque.

« Parce que ce n'est pas viable. »

« C'est toi qui est invivable, pousse-toi ! »

Insistant avec son masque à gaz, tu commences à t'agacer. Tu veux juste entraîner ton wattouat pas un défilé pour le carnaval... Tu attrapes toutefois le masque, le mettant sur ton nez, entrant alors dans les lieux bien que tu continues d'embrouiller l'homme qui ne fait que son travaille. Alors que tu t'embrouilles avec l'officier de la police locale, tu ne t'attends pas à revoir celui que tu vas croiser après dix années. Indice : Ce n'est pas Ismaël.

On avait beaucoup parlé à Oliver de la Peste d'Enoville, qui en dix années s'était considérablement étendue. Le sujet, épineux, ne pouvait pas véritablement être dégainé à la table de ses parents, entre la salade et le fromage, et pour cause ; d'après sa mère, qui faisait partie de ces grands pontes du Système, ils ne pouvaient rien faire pour assainir les lieux. Mieux encore, elle prétendait avec cette étrange sorte d'emphase ampoulée et teintée de mauvaise foi, que la Peste était bénéfique aux différences espèces de Pokémon qui avaient décidé d'y vivre. Une décharge, c'était un lieu naturel pour le type Poison après tout, et que pour le coup ils étaient parfaitement en accord avec les Pokélovers quand il s'agissait de préserver les habitats. A chaque fois que Cassandre Porter mentionnait cette foutue Peste, ça l'énervait. Nathalia payait très cher les conséquences de cette incroyable nonchalance, et les morts dans cette ville pauvre et misérable étaient souvent causés par l'inhalation de ces gaz toxiques, années après années, provoquant toute sorte de maladies changeant au fil du temps, et dont les remèdes étaient longs et coûteux à trouver.

En somme, l'économie avant la santé du commun, c'était ainsi que les choses se passaient avec le Système et ça, ça avait vraiment tendance à le faire gerber.

C'est un peu cette curiosité morbide qui a attiré Oliver à Nathalia, aujourd'hui. Ça, et l'envie de s'acheter une CT pour sa Mucuscule, mais force a été de constater que le patron de la boutique, en plus d'être con comme un pied de table, vendait ses articles beaucoup trop cher pour lui. Et puis, pour en faire quoi au juste ? Oliver n'a pas participé à beaucoup de combats, et à chaque fois il s'est fait rétamer. Choupette ne tiendrait pas la cadence, et même si présentement elle l'accompagne, Oliver sait très bien qu'il faudrait beaucoup de temps avant que son petit Pokémon devienne une vraie guerrière. Ses pas l'ont donc ensuite conduit en ville, parce qu'il n'avait tout simplement pas envie de rentrer tout de suite. Si Nathalia est moche, Castlerain n'a absolument rien à lui envier, sauf qu'à part dans le Parc de ces connards de Pokélovers... il n'y a rien d'intéressant. Ici, les vieux bâtiments qui s'alignent, abandonnés, semblent mûs par une volonté noire de dominer la ville encore debout, comme si l'âme morte de Myrtha avait également envahie ces murs-là.

Alors, canne à la main, Oliver s'engage dans les ruelles mal famées de Nathalia. En périphérie, il aperçoit un homme, visiblement aux prises avec un jeune ; le ton monte, il peut les entendre de loin, et c'est un peu par curiosité qu'il s'avance, pour comprendre ce qu'il se passe. Le gamin s'est éloigné, mais continue d'invectiver l'homme qui surveille l'entrée de la ruelle sombre, et s'il ne peut pas discerner son visage, c'est à cause du masque qu'il porte. Ah merde, il n'y a pas pensé à ça, songe-t-il en s'approchant quand même. « Bonjour, commence-t-il tranquillement. Le masque est obligatoire ici ?
– Oh non, mais vous allez pas vous y mettre vous aussi ?! » Ah. Donc le gamin est en train de faire un esclandre ? Décidant de privilégier la diplomatie, Oliver lève une main en signe de paix, Choupette à côté de lui et visiblement très impatiente d'aller voir les vieux quartiers. « Non, c'est bon, vous en faites pas. Par contre j'en ai pas, alors... » Aussitôt, l'objet lui est tendu ; il l'enfile sur son nez, sous le regard apparemment un peu surpris du jeune qui n'a pas avancé dans les rues. « C'est obligatoire, l'endroit est dangereux. On a des gens qui meurent tous les ans à cause de la Peste, alors faites attention.
– Bien reçu, répond le batteur en haussant les épaules. Merci, je serai prudent. » Ne pas énerver ce genre de mecs, il y met un point d'honneur.

Finalement, son intervention aura au moins fait taire la dispute entre les deux hommes ; c'est d'ailleurs auprès du second qu'il se rend, parce qu'il s'est fait dévisager et qu'il ne comprend pas très bien pourquoi. « Ça va comme tu veux ? demande-t-il, tranquille. Il t'a fait quoi, ce mec, pour t'énerver comme ça ? »

Nan mais, pour qui il se prend, ce Gouroutan. Il te prend de haut comme ça. Tu lances un regard derrière toi... Eh là... C'est le bug total. Un mec parlant avec ce Gouroutan... Oliver. Tu le dévisages ouvertement avant de décider de l'ignorer. Après tout, c'est de sa faute si Ismaël est parti, nan ? Mh, peut-être pas, mais il est parti avec lui sans le conseiller de rester avec son petit frère pour l'aider. Donc, il est aussi coupable que Ismaël. De toute façon, Oliver reste un démon de ton passé. Et donc, le coupable idéal de tout ce qu'il s'est passé depuis la mort d'Eden.

Bougonnant dans ta barbe inexistante, Thor a tes cotés, tu tombes nez à nez avec un Fourbelin. Le masque te gêne. Il te tient déjà chaud, il te gratte et pour couronner le tout, il te remonte dans les yeux. Tu es agacé déjà par le Gouroutan qui te croit capable de mourir par une simple peste. J'ai survécu au cataclysme de Myrtha, moi, Môsieur. As-tu pensé. Même si ce n'est pas grâce à toi-même. Que tu n'avais que six ans, et que ce ne fut pas le cas de ton regretté jumeau. Mais aussi, par la présence d'Oliver, signifiant pour toi le retour d'Ismaël également. Après tout, ils sont partis ensembles, tu penses qu'ils sont revenus ensembles. Mais, tu es sur qu'Ismaël ne te cherches même pas,... Tu cherches à te concentrer sur autre chose et en voyant le Fourbelin, tu te souviens que Jaeden élève principalement des pokémons natifs de Galar, et de ce que tu en sais, les Fourbelins viennent de cette région. Alors, tu décides d'attaquer ce pokémon et d'essayer de l'attraper pour ton hôte : une forme de remerciement. Même si tu le lui échangeras, faut pas déconner non plus. Tu dois être gagnant dans l'histoire aussi.

« Thor, attaque queue de fer, dès que tu le sens. »

Alors que ton pokémon se met en place pour attaquer. Oliver vient te parler. Tu fronces les sourcils en le fixant. Mais, il ne semble pas te reconnaître. Faut dire que tu es passé du gamin de six ans à un ados de seize ans entre temps. Il te demande si ça va et ce que le Gouroutan t'a fait pour que tu t'énerves. C'est pourtant évident non ?

« Ce Gouroutan, il m'a forcé à mettre cet affreux truc sur mon nez. »

Tu ne sais pas trop si tu dois lui dire qui tu es, ou si tu dois profiter qu'il capte pas pour mener ton enquête en rapport à ton frère. Mais, tu restes beaucoup trop franches alors....

« Tu comptais prévenir de ton retour aux petits Esperanza ? Il est où Ismaël ? »

Brut de décophrage. Bonjour à toi aussi Isa.. Pas sur que Oliver était prêt à tomber sur le dernier des Esperanza à un moment donné. Mais la question était bonne. Après tout, avait-il rayé les Esperanza de sa vie ? Ismaël avait-il fait pareil ? La question de sa localisation était pertinente aussi. Tu reposes ton regard sur ton wattouat qui passe à l'attaque.

« Tu permets deux secondes ? Je suis occupé. »

Le gamin n'a toujours pas l'air d'être redescendu ; un sang chaud alors, même s'il a tout de même accepté de mettre le masque sur son nez. C'est sûrement ça qui l'empêche de voir, Oliver, qui est ce jeune garçon dont il n'a plus la moindre nouvelle depuis dix ans ; de reconnaître un visage autrefois familier, aux allures de jadis. Non, pour l'heure il ne voit qu'un adolescent énervé accompagné d'un Wattouat, qui est présentement en train de mettre une belle volée à un Fourbelin de passage. Apparemment, ces deux là se ressemblent par le catactère, songe le batteur en se disant qu'il va lui demander si tout va bien et partir. Si le garçon est énervé, qui sait s'il ne s'en prendra pas au premier crétin qui passe et merci bien, mais il n'est pas un crétin au point de décider de jouer les boucs émissaires juste pour détendre les nerfs d'un môme, ça va bien. « Ce Gouroutan, il m'a forcé à mettre cet affreux truc sur mon nez. »

D'accord. C'est très mature de faire chier pour un masque, songe Oliver en haussant un sourcil un peu curieux ; il est vraiment nerveux alors, mais pas question de lui chanter le refrain de daron classique en lui parlant de sécurité et de santé ; s'il veut l'enlever son masque, qu'il l'enlève. Il n'est pas sa mère après tout. Et tandis qu'il s'apprête à repartir en haussant les épaules, c'est de nouveau hélé qu'il s'immobilise, le batteur. « Tu comptais prévenir de ton retour aux petits Esperanza ? Il est où Ismaël ? »

Et là, c'est la douche froide. Immobile, raidi au milieu de la rue abandonnée, Oliver écarquille les yeux, cherche dans ceux de l'inconnu un indice, n'importe quoi. Comment connait-il les Esperanza ? Et lui ? Il cherche, dévisage sans retenue et c'est dans ce froncement de sourcils insolent qu'il reconnait sans peine les traits familiaux, souvent observés chez le frère aîné. Ce petit, là, ça ne peut pas être Soan ; trop jeune, même s'il ne sait pas ce qu'il est devenu. Isaïah alors, bien que cela paraisse totalement insensé. Quand ils ont laissé Lathea derrière eux, le petit avait huit ans, et son frère aussi. « Tu permets deux secondes ? Je suis occupé. » Et de se détourner insolemment vers son Wattouat ; Eva l'a élevé comment, ce môme ? Non pas qu'il pense que sa mère était dépassée, mais c'était le cas ; Lazuli vole maintenant de ses propres ailes, mais il est persuadé que la grande de la famille a su protéger les deux plus jeunes, après la mort d'Eden. Et pourquoi lui en veut-il, exactement ?

« C'est original de me poser une question sans attendre de réponse, grince-t-il en fronçant les sourcils. » Oui, les Esperanza lui ont manqué, tous. Sauf qu'il ne sait pas où est Isma, et il n'est pas responsable de son départ. A l'époque, il était dans un putain de lit d'hôpital, et on lui disait qu'il ne marcherait plus jamais correctement. « Du coup j'vais supposer que t'as pas vraiment envie de savoir, hm ? 'Fin c'est pas comme si j'avais des réponses concrètes à te donner alors j'vais te laisser tout seul. » C'est bon, ça va bien. Qu'il se débrouille, même si quelque chose lui dit que lui et sa grande gueule vont se dépêcher de revenir le chercher. Bien sûr qu'il a envie de lui expliquer, et il aimerait bien savoir ce qu'Isaïah est devenue en dix ans ; mais on ne commence pas une conversation comme ça. « Entraîne-toi bien, hm ? Et passe le bonjour à Lazuli. »

Tu t'intéresses d'abord aux exploits de ton pokémon plutôt qu'au retour non annoncé d'un gars qui est parti sans se retourner, un gars que t'aimait bien, pourtant. Alors que Thor réussit son coup, un sourire revient sur ton visage. Bien qu'on ne peut pas le voir à cause de ce masque. Alors que le Fourbelin semble affaiblit, tu plonges une main dans ton sac, et en écoutant Oliver d'une oreille, tu lances ta pokéball. Tu comptais regarder ta pokéball sans la lâcher des yeux, mais au lieu de ça, aux mots d'Oliver tu te tends. Comment ça, il n'a pas de réponse concrète ? Tu fronces des sourcils à ton tour, alors que môsieur Oliver Porter semble jouer au plus malin. Tu pinces du bec, ravalant plusieurs phrases bien trop piquante. Puis, finalement, des morts ressortent de ta bouche.

« C'est ça, casse-toi. C'est c'que vous faîtes tous. Et surtout, continuez à pas d'donner d'nouvelles. Dans le cas où on vous croirez tous mort hein. T'façon, j'ai besoin d'personne, moi. »

Tu pourrais avoir fini là. Mais, c'est mal te connaître. Le pauvre Oliver va en prendre pour son grade. A quoi il veut jouer tu sais pas. Mais, déjà, il te reconnaît pas. Cela veut bien dire ce que ça veut dire, non ? En plus, il a perdu ton frangin, qui lui donne aucune nouvelle, si ça se trouve, il est mort dans un fossé de Kanto ou de Alola. Et on le saura jamais. Tu finis par lâcher ton sac, peut-être que ce n'est pas le bon moment, peut-être que ce n'est pas la bonne façon. Après tout, Oliver avait rien demandé. Mais, tu lui en mets plein la gueule quand même.

« J'intéresse personne hein ?! Même pas l'mec qui a perdu mon frère dans sa route ?! Il est où mon frère ?! Puis, enfin j'sais pas, ça vous arrive à tous d'penser que j'ai des sentiments parfois, non ? J'suis pas mort moi ! J'suis pas Eden ! Je respire. Je vis. D'un côté on veut m’empêcher de vivre par peur que je meurs, de l'autre on fait l'mort, de l'autre, pourquoi on s’intéresserait à son petit frère quand on vit sa p'tite vie hein ? Et toi... toi, tu r'viens dans la région, t'dis rien comme ça. Pump it up. Parce que ça fait p't'être dix ans, mais je t'aimais bien, et je m'inquiétais. T'façon je passe mon temps à m'inquiéter pour ceux qui donne pas d'nouvelle, alors que tout le monde s'en frotte le membre ! »

C'était sorti. Enfin. Tes yeux pétillent de larmes, t'y passe ton bras dessus bien qu'avec le masque ça ne soit pas forcément très utile. Puis, tu fais un simple geste de la main, abandonnant la situation. Qu'il s'en aille après tout. T'es plus à ça près. Un abandon de plus ou de moins. Cela a commencé avec Eden, pourquoi ça se terminerait aujourd'hui ? Tu retiens un sanglot et tu reposes ton regard sur cette fameuse pokéball....

Pour une raison qui lui échappe, Oliver sait déjà qu'Isaïah ne va pas le laisser se tirer comme ça. Ses yeux brillent d'une rancoeur sourde et ancienne, en dépit de cette fausse nonchalance furieuse dont il vient de faire preuve à l'instant ; s'intéresser à la faune de Lathea alors qu'il vient de trouver  le responsable parfait du silence de son aîné, ça lui paraît un peu gros, surtout venant de lui. Isa était déjà une pile électrique quand il était gosse, après tout ; et même si Oliver a l'air de se détourner, il se souvient beaucoup trop bien de ces déjeuners dans le jardin des Esperanza, quand il était plus jeune, des larges sourires d'Ismaël, des pics de colère de leur soeur, de l'engouement de Lazuli, la gentillesse de Soan, la douceur dans les yeux du petit Eden et l'énervement presque constant d'Isaïah, qui ne supportait pas de rester en place. Pour un fils unique comme Ollie, qui avait toujours rêvé de vivre dans ce genre de tribu familiale, c'était une véritable bouffée d'air. Myrtha leur a tout pris, et s'il a envie de savoir ce que cette fratrie brisée est devenue, il est toutefois parfaitement conscient de ne pas du tout être responsable de ce déchirement. Isma est un grand garçon. Il a pris ses décisions tout seul.

Et pourtant, c'est bien vers lui que cette rage ancienne est dirigée, aujourd'hui. « C'est ça, casse-toi. C'est c'que vous faîtes tous. Et surtout, continuez à pas d'donner d'nouvelles. Dans le cas où on vous croirez tous mort hein. T'façon, j'ai besoin d'personne, moi. » Ah, vraiment ? Alors qu'il s'apprêtait à partir, Oliver s'arrête, silencieux ; il sait quel genre de vague l'attend, parce que prétendre qu'on est mieux seul trahit le pire des mensonges possibles. Lui aussi pendant très longtemps, a cru qu'il s'en sortirait mieux sans l'aide de personne. Quand Gaspar est parti, qu'il a trouvé ça injuste tout en sachant qu'il ne pourrait rien y faire, il a enfermé son chagrin dans une bulle, conscient, pourtant, que n'importe quelle secousse pourrait la faire éclater. Et c'est sans doute ce qui est en train de se passer. Le sac du gamin tombe au sol, il se plante devant lui, vibre presque d'une haine qui ne devrait pas être dirigée contre lui mais c'est lui qu'il a vu en premier, et donc à lui qu'il va s'en prendre. C'est comme ça. C'est la rage d'un enfant qui s'est senti abandonné et qui a besoin, coûte que coûte, d'une victime pour le justifier. On ne peut pas mettre de justification à une détresse pareille.

« J'intéresse personne hein ?! Même pas l'mec qui a perdu mon frère dans sa route ?! Il est où mon frère ?! » Je sais pas où il est, ton frère. Isma est parti il y a très longtemps, et les seules nouvelles qu'il a reçues de lui ne datent que d'une poignée de semaines. Une Pokéball contenant sa Mucuscule, et un petit mot. Rien de plus. Quant au reste, il se serait sans doute vraiment intéressé à la vie de l'adolescent si ce dernier n'avait pas décidé de lui sauter promptement à la gueule. Sauf qu'il ne gagnera pas cette étrange bataille dans laquelle il est en train de se jeter ; cette douleur, Oliver l'a connue avant lui. « Puis, enfin j'sais pas, ça vous arrive à tous d'penser que j'ai des sentiments parfois, non ? J'suis pas mort moi ! J'suis pas Eden ! Je respire. Je vis. D'un côté on veut m’empêcher de vivre par peur que je meurs, de l'autre on fait l'mort, de l'autre, pourquoi on s’intéresserait à son petit frère quand on vit sa p'tite vie hein ? » Et là quelque part, il espère vraiment qu'Isma n'a pas eu l'audace de rentrer à Lathea. Quelque chose lui dit que recroiser son cadet ne sera pas une partie de plaisir.

Parce qu'il a raison Isa, bien sûr qu'il a raison. Ismaël s'est laissé dominer par le chagrin à l'époque, et il aurait pu revenir en arrière des centaines de fois sans le faire. Il s'est barré, il a rayé sa famille de sa vie, parce qu'il n'a pas supporté la mort d'Eden. Sur un pur coup de tête, il a mis un énorme sac sur son dos, et il a suivi le groupe. Ce n'est pas de sa faute. Il lui a dit de rester avec eux. « Et toi... toi, tu r'viens dans la région, t'dis rien comme ça. Pump it up. Parce que ça fait p't'être dix ans, mais je t'aimais bien, et je m'inquiétais. T'façon je passe mon temps à m'inquiéter pour ceux qui donne pas d'nouvelle, alors que tout le monde s'en frotte le membre ! » Il est malheureux, bien plus qu'il est en colère, mais dans tous les cas, Oliver n'y est pour rien. Les yeux du garçon brillent et c'est un revers rageur du bras qui retient à grand peine les larmes menaçant de dévaler ses joues ; il devrait s'attendrir, le batteur et quelque part, c'est ce qui se passe. Mais ça ne change rien. « Tu crois que t'es le seul à en avoir chié pendant dix ans, Isaïah ? »

Vous ne pourrez plus jamais courir. Cette sentence, comme un couperet, lui a brisé la vie, en même temps que l'abandon de Gaspar. « J'ai jamais cautionné le départ d'Isma, même si on était ensemble à ce moment-là. Il a jamais voulu m'écouter, et à aucun moment ça me rend responsable. Tu le sais très bien. Tu cherches juste quelqu'un sur qui passer tes nerfs. » Mais ce quelqu'un en question, il en a bien assez vu, lui aussi. « Tout le monde a perdu quelque chose à Myrtha, tout le monde en a bavé, et j'peux pas courir après toux ceux qui nous ont perdus quand on est partis. J'sais pas ce qu'il fait de sa vie, ton frère. Figure-toi que j'avais bien assez à faire avec la mienne. » D'un geste de la tête, il lui désigne sa canne. Ils peuvent encore continuer à se battre si c'est ça qu'il veut, Isa ; ou alors, ils peuvent marcher, parler. C'est à lui de décider.

Retenant tes sanglots, tu te baisses pour attraper la pokéball. Difficile d'être content de ta capture avec la situation actuelle. Alors que tu ranges cette pokéball abritant un Fourbelin, tu écoutes d'une oreille très attentive les paroles d'Oliver. Bien sur que tu sais que tu n'es pas le seul à en avoir chier. Tout comme tu sais très bien qu'Oliver y est pour rien dans tes malheurs. Tu te souviens qu'il avait été à l'hôpital, mais les souvenirs restent assez flou. C'est en voyant la canne que tu t'en souviens et que tu trouves honteux. C'est vrai, de quel droit tu éclates sur Oliver comme ça ? Mine de rien, les mots qu'il te dit, ça te fait un peu du bien. Il y a au moins quelqu'un qui a tenté de raisonner celui qui... est ton frère. Bien que tu en doutes de plus en plus. Sans doute que ça va devenir un inconnu avec le temps. Passant de trois frère à un seul. Tu te fais remettre à ta place. Mais après avoir cracher ta rage, ça te fait du bien. Tu joues avec tes doigts de nervosité. Les larmes encore coincés aux bords de tes yeux. Tu tentes de les garder tant bien que mal à l'intérieur. Tu tentes de les ravaler. Thor s'assoit à coté de toi, regardant Oliver puis toi. Sans doute que le Wattouat apprécie la remontrance que tu te prends.

« Je... hum... j'suis désolé. »

Pour tout. Pour sa jambe, pour lui avoir crié dessus, pour lui en avoir mis plein la tronche, pour l'avoir accusé des conneries d'Ismaël. Tu renifles, baissant la tête. T'es honteux. T'es mal. Très mal. Et pour la première fois depuis dix ans, tes émotions sont ouvertement en train de déborder. Pour la première fois, tu lâches tout. Difficile pour toi de gérer ça, quand tu as jamais eu à le faire. Toujours à tout retenir. C'est sûrement la première fois que des larmes coulent sur ton visage depuis la mort d'Eden.

« Je... Je vais te laisser.. »

La gorge serrée, tu lances un regard à Thor qui observe la scène. Tu fais un faux sourire en direction d'Oliver, ne se voyant pas derrière ce masque stupide. Mais, tu prends la route en direction des ruines. Après tout, après lui avoir crier dessus comme s'il était du poisson pourri, tu peux bien le laisser en paix.

Et alors qu'il s'apprête à ajouter quelque chose sans vraiment savoir quoi le batteur, il surprend ce regard, qui s'attarde sur sa canne sa hanche. Alors, est-ce que ça lui revient ? Etait-il seulement au courant Isa, que s'il a perdu un frère durant la catastrophe, lui a perdu la totalité de ses rêves ? Peut-on seulement quantifier la douleur comme Isma l'a fait à l'époque, quand il lui a craché que ses jambes ne devaient pas l'empêcher d'y croire, qu'il était vivant, lui, et que tous n'avaient pas eu cette chance. La mort d'Eden avait laissé de terribles marques sur la famille éclatée des Esperanza, et les pires stigmates qu'il avait pu constater à l'époque transpiraient presque par tous les pores de son petit-ami de l'époque, que la perte de son plus jeune frère avait détruit, démoli. On lui a raconté, ensuite, que la folie l'avait poussé à ignorer le reste de sa famille lorsque la maison s'était effondrée, qu'il avait remué les décombres pour tenter d'en extraire Eden, qui n'avait pas été suffisamment rapide pour sortir à temps. Et bien entendu, tout ça pendant que la folie hurlait encore sur les immeubles de la capitale, jusqu'à ce qu'on le tire de force, qu'on l'empêche en dépit de ses hurlements de retourner chercher un pauvre enfant déjà perdu.

Et si Oliver n'avait perdu personne durant cette terrible catastrophe, il n'avait pu qu'être spectateur de la terrible souffrance qui l'avait étreint, ensuite, pendant des mois. Bien sûr, que ce n'était pas une raison pour abandonner celui qui avait le plus besoin de sa famille ; mais que pouvait-il y faire, Oliver ? Rien. Il n'était pas responsable, et Isaïah n'en ignorait rien ; il lui semble d'ailleurs qu'il revient à la raison, baisse la tête, tripote nerveusement ses doigts. Cette étrange forme d'humilité est une leçon dure à apprendre, et Oliver aurait aimé éviter d'avoir à la lui enseigner.

« Je... hum... j'suis désolé. » Ce n'est pas grave, a-t-il envie de lui dire, mais est-ce qu'il l'écoutera seulement, Isa ? Il ne sait pas, il ne lui veut pas de mal à ce petit, il a envie de savoir, ce qu'il est devenu après Myrtha, si ses soeurs ont su prendre soin de lui, si leur mère s'est remise de la mort d'un fils et de la disparition de l'autre, si Soan a réussi à enseigner deux trois trucs à son petit frère. Il les aimait, ces gens-là, ils étaient bons et simples, ils se soutenaient les uns les autres. Et Isa, ce petit qu'il a laissé derrière lui alors qu'il n'était qu'un gosse, est devenu un jeune adulte qui n'a pourtant rien perdu de sa douleur d'enfant, quand il le voit renifler doucement, qu'il devine sans très bien les voir les longues larmes qui roulent sur ses joues creusées par la rage et le chagrin. Ce n'était pas ce qu'il voulait, Oliver.

« Je... Je vais te laisser.. » Et le voilà qui file, honteux, malheureux ; ce sourire cassé brise quelque chose au fond de sa poitrine au batteur, alors qu'il le regarde s'éloigner doucement. Pas question de le laisser dans cet état, pourtant. « Isa, attends. » Il s'arrête, le gamin ; qu'est-ce qu'il espère, le pardon, la rédemption ? Oliver ne pourra jamais prendre la place qu'Ismaël avait dans le coeur de son cadet, mais il peut au moins le consoler à sa place, songe-t-il en le rejoignant, claudiquant sur les pavés brisés de la rue pour rejoindre sa hauteur, lever son bras libre pour l'enrouler autour de deux épaules solidifiées par l'âge. « Viens là, p'tit con. Tu m'as manqué, tu sais. » Et en dépit de tout ce qu'il a vécu et traversé, c'est vrai. « On marche un peu ? Tu vas pouvoir me dire un peu c'que t'as fait ces dernières années, et comment va ta famille. » Et son bras ne relâchera ces épaules tressautantes que lorsqu'elles se seront calmées.

Tu te sens trop con. D'un côté, tu l'es. Tu n'as pas pensé une seule seconde à ce que lui à subit. Tu n'as pas pensé une seule seconde que sa vie à changer depuis Myrtha. Mais, maintenant que dix ans plus tard, tu vois toujours cette canne : tu prends conscience. Au moins, Eden en souffrait pas. Même si le reste de ta famille a pris cher dans la tronche avec la mort de ton jumeau, tu aimes à te dire que ça aurait été plus compliqué qu'il vive handicapé... Il ne souffre pas, et.. c'est bien ? Tu as l'impression d'être horrible de penser ça, comme si c'était mieux qu'il soit mort finalement... Mais quand tu vois Oliver, quand tu fais attention à sa troisième jambe, tu comprends que quelques rêves ont du partir en éclat : toi, ils sont juste restreint pas une famille qui a peur de perdre le petit dernier de la fratrie, comme ils ont perdu un fils. Tu t'arrêtes et tu pivotes vers lui, le joue rougis par la honte cette fois. Jusqu'à ce qu'il te tende les bras, dénonçant que tu lui avais manqué. Un petit sourire s'installe sur tes lèvres, sincère cette fois. Bien que timide. C'est donc avec le bras d'Oliver autour de tes épaules que tu trouves du réconfort après tant d'année. Tu hoches simplement la tête, lorsqu'il te propose de marcher un peu avec toi. T'en es d'ailleurs extrêmement ravi. Puis, il te demande des nouvelles de ta famille... Ah. Bah. Oui. A prévoir. Tu hausses les épaules passant cette fois ta main pour écraser et sécher les larmes récalcitrante. Le tout en marchant à coté d'Oliver.

« Pas grand chose. C'est un peu comme si le temps s'était arrêté quand Eden est.. enfin... tu vois ? »

Tu peines souvent à le dire. Pourtant, tu l'as dis plus tôt mais, ça reste délicat. Thors, toutefois, se manifeste en te donnant un petit coup de tête dans la jambe.

« AH OUI ! J'ai rencontré Thor, entre temps. Il y a sept ans. Il m'a sauvé la vie tu sais ! Je grimpais un arbre, et j'ai failli tomber. Enfin, non. J'suis tombé. Mais, Thor s'est posé juste en dessous et avec sa toison, il m'a évité de me tuer. Depuis, on s'est jamais quitté, lui et moi. »

C'est tout ce qui t'est arrivé, plus ou moins. Enfin, tu comptes pas vraiment parler à Oliver que tu es en train de fuguer, donc tu as que ça à dire, finalement.

« Maman, depuis Myrtha, elle n'est plus pareil.. Et je pense que le départ d'Ismaël dans un silence de plomb et celui de Lazuli, même si elle, elle est dans la région et qu'elle donne des nouvelles, n'a pas du l'aider. Elle nous empêche toujours, Soan et moi, de faire des trucs simples. Genre se rendre dans une zone paisible, même proche de la maison, avec un pokémon. Du coup, il y a des tensions avec Eva parfois. »

Attention, mensonge en approche...

« Je suis en train de faire mon voyage pokémon, du coup, je suppose qu'elle est beaucoup inquiète. Mais, Eva et Soan doivent gérer ça. »

Ah, tu ne mens pas.. Bon, tu dis pas toute la vérité non plus.. Mais c'est malin, très malin.

« Et toi ? Tu as été où ? T'es rentré quand ? »

Alors, qu'est-ce qu'il a à raconter, Isaïah ? Quelque chose lui dit que l'abandon de son frère et la disparition d'un autre ont laissé un certain nombre de stigmates dans l'esprit de l'enfant qu'il était ; il n'y a qu'à voir son air frondeur et ses yeux assombris par un âge qu'il a peut-être pris un peu trop tôt pour le constater. Le garçon semble en vouloir au monde entier et pourtant, c'est bien le gamin apeuré et seul qu'il a senti se recroqueviller dans ses bras, le batteur, comme s'il prenait cette place que son grand frère lui a arraché. Ce n'est pas ce qu'il veut, mais il a toujours adoré cette famille, et il n'est pas question de le laisser vadrouiller seul, sa rancoeur au bord des lèvres, comme s'il s'en foutait. S'il n'y a pas pensé ces dernières années, peut-être trop occupé à regarder son foutu nombril, il est quand même heureux de le voir. Et curieux, ça va de soi. « Pas grand chose. C'est un peu comme si le temps s'était arrêté quand Eden est.. enfin... tu vois ? » Sans répondre, Oliver hoche doucement la tête en le relâchant. Oui, il voit assez bien ce qu'il veut dire ; sans avoir jamais été confronté au deuil, sa jambe mise à part, il a été spectateur de ceux d'Erèbe et d'Ismaël. Et puis, Eden était son jumeau ; il n'a pas la moindre idée de ce que ça a pu lui faire, lui qui est fils unique et qui n'a jamais eu à déplorer la perte d'un proche. Il ne peut que compatir. Comprendre, c'est une autre paire de manches, mais cette douleur-là, il sait qu'elle est réelle.

« AH OUI ! » Et l'exclamation du garçon le fait violemment sursauter alors, avant d'éclater de rire face au tout nouvel engouement du gamin. « J'ai rencontré Thor, entre temps. Il y a sept ans. Il m'a sauvé la vie tu sais ! Je grimpais un arbre, et j'ai failli tomber. Enfin, non. J'suis tombé. Mais, Thor s'est posé juste en dessous et avec sa toison, il m'a évité de me tuer. Depuis, on s'est jamais quitté, lui et moi. » Amusé, et peut-être un peu attendri aussi, Oliver coule un regard vers le Wattouat, visiblement ravi qu'on parle de lui ; quelque part, ça le rassure pas mal de se dire qu'au moins, Isa n'est pas seul dans son aventure. Est-ce qu'il a envie de devenir dresseur, lui aussi ? Ce serait parfaitement logique ; déjà tête brûlée dans son enfance, c'est tout ce qu'il pouvait lui souhaiter de mieux, Oliver.

« Maman, depuis Myrtha, elle n'est plus pareil.. Et je pense que le départ d'Ismaël dans un silence de plomb et celui de Lazuli, même si elle, elle est dans la région et qu'elle donne des nouvelles, n'a pas du l'aider. Elle nous empêche toujours, Soan et moi, de faire des trucs simples. Genre se rendre dans une zone paisible, même proche de la maison, avec un pokémon. Du coup, il y a des tensions avec Eva parfois. » Et c'est à ce moment-là qu'il s'en rend compte, Oliver, qu'Isma n'est pas le seul qui lui a manqué ces dix dernières années. Il se souvient bien des débuts de son adolescence, de cette immense table à laquelle il était si souvent invité à s'asseoir, entre les cris des enfants et les grands rires de Lazuli, les hurlements d'Eva quand l'un d'entre eux faisait une connerie et le sourire chaleureux de cette mère, sans doute fière d'avoir une tribu aussi aimante et aussi soudée. Qu'est-elle devenue aujourd'hui ? Soan, Lazuli, Eva, Isa, ont-il réussi à se soutenir ou au contraire, la mort d'Eden et la disparition d'Isma a-t-elle fait éclater ce clan si aimant ? Il les aimait, tous. Quelque part, il a honte de les avoir oubliés. « Je suis en train de faire mon voyage pokémon, du coup, je suppose qu'elle est beaucoup inquiète. Mais, Eva et Soan doivent gérer ça. »

Ah, donc c'est bien ce qu'il avait deviné : Isaïah veut devenir dresseur. A-t-il pour but de conquérir les arènes ? Si Eva est là pour veiller au grain, c'est plutôt rassurant ; de toute manière, avec le système de traçage de Trainer Cards pour les mineurs, sa mère n'a pas à s'inquiéter. « Et toi ? Tu as été où ? T'es rentré quand ? » Prenant appui sur sa canne alors qu'ils avancent, Oliver sourit doucement. Les dix dernières années n'ont pas été de tout repos ; pourtant, raconter ses voyages à Isa semble avoir une saveur particulière, aujourd'hui. « On a pas mal bougé en dix ans, tu sais, rigole-t-il finalement en progressant dans les ruelles de Nathalia. On a fait Kalos, Galar, Johto... on est rentrés quand Mallo a été rappelé à l'arène. » Est-ce qu'il s'en souvient Isaïah, du leader d'Asylum ? Lui pour le coup, n'a jamais pu encadrer la famille Esperanza. Il hausse doucement les épaules. « Enfin, peu importe, c'est génial si tu te lances dans ton voyage. Tu devrais dire à ta mère de pas t'en faire, il suffit qu'elle demande au Système de tracer ta carte pour savoir où t'es, alors si tu fais pas de conneries, elle finira bien par se détendre un peu. »

Elle doit être au courant logiquement, les parents reçoivent une brochure avec la carte, non ? En tout cas, c'est ce que sa mère lui a dit. « J'tente le coup, moi aussi. J'irai sûrement moins vite que toi avec ma patte folle mais si tu veux t'entraîner avec moi de temps en temps on peut faire ça. Puis tu pourrais voir avec Lazuli, si elle est restée la même j'suis sûr qu'elle sera contente de t'aider. »

Une omission de vérité... ce n'est pas vraiment un mensonge si ? Borf, tant pis. De toute façon, tu ne comptes pas non plus lui dire que tu fugues. Avançant dans le vieux quartier envahis par la peste, masque toujours sur le visage, il te raconte donc les différentes régions visitées ces dix dernières années. Si ça se trouve, ils s'y croisés avec Jaeden. Bien qu'il y ait peu de chance. Mais, l'entourage que tu te fais semble avoir pas mal voyagé. Puis, il enchaîne avec le retour également de Mallory à Castlerain. Fantastique. Tu n'as pas un bon à priori de ce type là... Tu n'as pas de bons souvenirs avec lui, et tu te souviens même que tu t'en méfiais à l'époque...

« Ah oui, c'est lui qui disait que ma famille c'tait des pouilleux ? »

Tu t'en souviens, ce n'est pas vraiment une confirmation que tu demandes. C'est plutôt une affirmation que tu te souviens de lui. Il était bizarre ce type avec son fantominus ultra-flippant. Puis, Oliver te donne une douche froide. Un traceur. Tu l'avais pas prévu ça. Tu regardes Thor en coin. S'il y a vraiment des traceur, et partant du principe qu'il est certain que ta mère ait déclaré ta fugue.. pourquoi n'a-t-on pas déjà retrouver ta trace ?

« Se détendre, j'sais pas. J'espère pour elle. »

Après tout, tu ne veux pas qu'elle s'inquiète mais faut être honnête, tu as été obligé de partir. Avec la façon dont elle te bridait, c'était ça où.... tu restais malheureux cloîtrer chez toi, à regarder ton wattouat mourir d'ennui aussi. Tu secoues doucement la tête chassant ces images de ta tête, avant d'écouter la suite de ce qu'Oliver te disait. Lui aussi, il se lance dans son voyage pokémon.

« On pourrait s'entraider tous les deux oui ! »

Dis-tu avec enthousiaste. Ça te ferait plaisir à fond de t'entraîner avec Oliver. Ça vous permettrait de rattraper le « temps perdu » d'un coté et t'en serais absolument ravi.

« Je compte battre Lazuli de toute façon ! Je travaille pour ça ! Mais, tu sais elle t'aiderait toi aussi ! »

T'en es convaincu. Lazuli est resté celle qu'elle était, c'est celle qui s'en sort le mieux dans ta fratrie. D'un côté, Soan aussi. Il a juste changé de vision des choses vis à vis des dresseurs. Ce qui ne t'enchante pas.

« Tu recherches des pokémons spécifiques ? »

Dis-tu avec une réelle curiosité. Sait-on jamais si tu croises ce qu'il cherche un jour... tu pourrais le lui mettre au chaud. T'es un petit con au sang chaud, mais tu restes tendre et généreux avec ceux que tu aimes.

« Ah oui, c'est lui qui disait que ma famille c'tait des pouilleux ? » Ouais, c'est vrai que Mallo n'a jamais été très doué pour se faire des potes, après tout ; c'est même plutôt l'inverse de manière générale, quand il rencontre de nouvelles personnes. Si un gosse de six ans à l'époque se souvient du mépris du champion à l'égard de sa famille, il imagine assez bien ce qu'en pensent les autres membres de la fratrie ; après tout, Isma et lui se sont toujours parfaitement détestés, il est logique que ça suive de l'autre côté. Il hausse les épaules, Oliver, a un petit rire nerveux ; ce sont les affaires du chanteur et pas les siennes, il n'a qu'à prendre quelques petits cours de savoir-vivre. Un caractère comme celui d'Isa n'est effectivement pas du tout compatible avec la véhémence du malade.

De toute manière ce qui l'intéresse, c'est tout le reste ; ces dix années et ce qu'elles ont apporté au garçon, quel lot de choses il a dû vivre, quelles épreuves il a fallu traverser. Cette famille, il l'a toujours aimé et leur douleur, il aurait voulu en emporter un peu avec lui à l'époque où il est parti. « Se détendre, j'sais pas. J'espère pour elle. » En tout cas, cela n'a pas eu l'air de ranimer les étranges remous des émotions de sa mère ; si elle est si protectrice, comment a-t-il réussi à la convaincre de le laisser aller ? Eva, peut-être. La soeur aînée a toujours eu beaucoup d'autorité, il ne serait pas étonnant qu'elle se soit soulevée face à l'autorité maternelle, après tout, pour laisser à Isaïah l'opportunité de devenir, enfin, le jeune dresseur qu'il a envie d'être. Si cela lui permet au moins de se trouver un but, personne ne peut avoir quoi que ce soit à redire, n'est-ce pas ? Avec un peu de temps et de patience, tout finira par aller pour le mieux, il en est persuadé, Oliver. Dans sa naïveté, il ne discerne absolument pas le mensonge ; il a toujours eu tendance à faire un peu trop confiance aux gens qu'il aime, et Isaïah ne fera pas exception.

« On pourrait s'entraider tous les deux oui ! » On est loin de sa rage de tout à l'heure, à Isa. C'est comme si, maintenant ses idées remises dans le bon ordre, il reprenait les choses correctement ; et Oliver sait déjà qu'il ne dira jamais non à une balade avec ce gamin énergique et énervé qui en a oublié la gêne de son masque et tout le ressentiment à l'égard de son aîné. Quand bien même espère-t-il qu'Ismaël finira par rentrer pour réparer ses conneries, il est au moins content de constater que l'adolescent a au moins compris que le départ de son aîné n'a jamais été de son fait, quand bien même sortait-il avec lui à ce moment là. « Je compte battre Lazuli de toute façon ! Je travaille pour ça ! Mais, tu sais elle t'aiderait toi aussi !  
– Bah tu sais, répond l'intéressé avec un rire, j'irai moins vite que toi, moi. J'aime bien apprendre sur le tas, et puis j'ai toujours le groupe, alors... Ça m'étonnerait que j'aie le temps. D'ailleurs si ça te branche de venir voir un concert, appelle-moi je t'enverrai une place. »

Mais si sa grande soeur peut l'aider, Isaïah aurait tort de refuser une main tendue, songe le baroudeur en souriant devant l'enthousiasme évident de l'adolescent qui a tout oublié de sa haine, au moins pour un moment. « Tu recherches des pokémons spécifiques ? » Il réfléchit une seconde, Oliver ; il a bien quelques idées, mais rien de bien défini. « J'suis pas sûr que j'arriverai à en trouver ici, mais j'aimerais bien avoir un Carapuce. Un Griknot aussi, et un Absol. J'en ai vu un, avant Myrtha. » Et de tous les Pokémon qu'il souhaite avoir, c'est sans doute lui qu'il convoite le plus, d'ailleurs. « Et toi alors ? T'as déjà une équipe définie ? Tu voudrais démarrer avec quelle arène ? » Il a l'air tellement confiant, Isaïah ; Oliver prie pour qu'il ne se casse pas les dents auprès des collègues de Mallory. A Lathea, ils sont particulièrement réputés pour leur manque de tendresse après tout. « Sûrement celle de Lazuli, hm ? »