Sortir Choupette aurait été beaucoup plus bénéfique à la Peste d'Enoville que dans la Lande, mais Oliver n'est pas fou ; il sait très bien que son équipe n'est pas suffisamment forte pour se rendre dans un endroit aussi dangereux. Qui plus est, au vu de la manière dont il appréhende chaque passage à Nathalia, le jeune homme n'est pas certain que se rendre dans les marécages soit l'idée du siècle ; sa Mucuscule serait certainement ravie d'une telle perspective,  mais ils vont attendre un peu. Elle doit s'endurcir, Choupette, avant de pouvoir accomplir ce qu'Oliver attend d'elle.

Pour le moment, tout va bien ; le temps est clément, frais, et il n'y a pas trop de vent quand il s'engage sur le chemin pour longer les différents bâtiments abandonnés qui parsèment les champs. Choupette est surexcitée, elle qui ne supporte pas de rester enfermée plus de deux jours ; voilà au moins un point en commun avec Sun, le remuant petit Voltoutou de Mallory.

Tandis qu'il passe devant les clôtures, un petit Moumouton s'approche doucement près du chemin, sous le regard curieux de Choupette qui s'avance avec prudence pour aller le renifler. Elle est encore un peu timide, sa Mucuscule, elle n'a pas vraiment l'âme d'une guerrière ; et puis de toute manière, aller emmerder les Moumoutons dans les champs ne ressemble pas à la façon la plus intelligente de s'entraîner. Les Pokémon sauvages sont une très bonne manière d'endurcir le caractère de son équipe, mais les petits yeux de ce Pokémon n'ont aucune agressivité ; non, définitivement, ce n'est pas correct, songe Oliver en relâchant Nox pour tenir compagnie à sa Mucuscule. « Allez vous deux, on va marcher un peu aujourd'hui. » Ça ne lui fera pas de mal à lui non plus. Sa hanche est douloureuse en ce moment, ça lui fera du bien de marcher.

Nox gambade joyeusement sur le chemin, heureux d'être au soleil et de profiter de la compagnie de sa copine ; ces deux là sont comme cul et chemise, et sautillent joyeusement devant le Moumouton qui parait tout aussi enjoué. Au milieu du tumulte qu'est sa vie en ce moment, ça lui fait du bien à Oliver, de se dire qu'il peut au moins profiter d'une journée comme celle-là. Comment a-t-il pu renoncer à tout ça si facilement ? Ce vent de liberté, qui le lui a apporté, Isma ou Gaspar ? Il n'en sait rien, songe-t-il en baissant le nez pour accorder une caresse à son Evoli tout joyeux qui repart en courant, droit sur le chemin. Autour d'eux, Oliver peut apercevoir les vestiges des différentes plateformes servant auparavant à l'élevage des Pokémon destinés à l’abattoir; si certains ont réouvert maintenant, la plupart sont restés à l'abandon. Les membres du régime Weaver ont fait tomber bien des grandes entreprises, à l'époque.

Oliver va chercher à s'éloigner un peu de la civilisation. Cela ne fera pas de mal à ses deux Pokémon, qui sont actuellement en train de chercher activement une rivière ou un petit ruisseau pour pouvoir tremper la petite Mucuscule qui gargouille de contentement ; ça, c'était avant de bifurquer à droite pour se diriger vers un petit bois. Loin des clôtures des champs d'élevage, il aperçoit la silhouette d'un Charibari, qui n'a
pas du tout l'air content de les voir. Quoi, ils sont sur son territoire ? C'est dommage ça, songe le batteur avec un sourire tandis qu'il pointe le Pokémon sauvage du doigt pour attirer l'attention de Nox et Choupette. « Allez, on y va ? On est là pour s'entraîner, je crois bien, claironne-t-il, un grand sourire aux lèvres en désignant leur cible. Allez-y à deux, on a quand même le droit d'aller dans la forêt, non ? »

Ils ont l'air tout à fait déterminés à lui obéir, les deux Pokémon qui se précipitent en avant dans une course folle en direction du Charibari qui lève sa trompe, menaçant... mais n'a pas le temps de faire quoi d'autre. Nox surgit par devant comme un boulet de canon, tête baissée pour une Vive-Attaque foudroyante, tandis que Choupette arrive vers le côté
pour frapper le pauvre Pokémon sauvage au flanc. Ce dernier n'a absolument aucune chance, et quand il tombe sur le côté, il s'effondre dans un barrissement à fendre l'âme, sous les piaulements joyeux de son équipe qui revient réclamer des caresses amplement méritées. « C'est super vous deux, s'exclame un batteur au comble de la joie en dépit de sa hanche douloureuse, en se penchant pour flatter le petit corps de la Mucuscule et laisser une caresse sur la tête de l'Evoli. Vous êtes géniaux. » En tout cas, cette après-midi commence merveilleusement bien.

Oliver a toujours un peu peur que Nox s'ennuie. Son petit Evoli est une boule d'énergie qui a toujours besoin de courir et se dépenser, et il est arrivé beaucoup trop fréquemment que le jeune homme le sente attristé par l'enfermement. Pourquoi l'a-t-il choisi, alors ? Il ne sait pas trop, mais le petit Pokémon chromatique est entré de lui-même dans sa Pokéball, cela voulait au moins dire qu'il croyait en lui, non ? Aurait-il été plus heureux si Oliver n'était pas obligé de marcher avec une canne ?

La canne, ce n'est pas vraiment le problème principal, finalement. Le vrai problème est le manque évident d'épanouissement du musicien ; Oliver est aigri depuis des années, et si le dressage commence tout doucement à lui redonner goût en la perspective d'un autre futur, il va lui falloir du chemin avant d'accepter de ne plus rester enfermé chez lui avec sa weed et sa frustration. Peut-être n'est-ce que pour le faire changer que Nox a décidé de venir avec lui.

Un petit cri de panique résonne à la gauche du dresseur en herbe et Oliver se retourne, pour apercevoir une Choupette en difficulté face à un Marisson qui doit estimer qu'elle s'est approchée un peu trop près de son arbre. Le Pokémon, d'en haut, s'amuse à jeter des petits morceaux de branchage sur la pauvre Mucuscule qui ne comprend absolument pas ce qui lui arrive ; Nox vole à sa rescousse et saute près du tronc dans l'espoir de chasser l'importun qui embête sa copine. Est-ce que Nox peut apprendre l'attaqué Météores ? Ça l'arrangerait grandement, songe le batteur en réfléchissant au meilleur moyen de se débarrasser du petit Pokémon. « Hé ! s'écrie-t-il finalement, un peu con, en direction du Pokémon sauvage. Laisse-la tranquille, on est pas venus habiter dans ton arbre hein ! » Mais le Marisson ne veut rien savoir ; il pousse un sifflement furieux et cette fois, c'est lui qui se mange une petite branche directement sur la tête.

A l'instant où il reçoit le projectile, cela semble réveiller sa petite équipe qui pousse un grondement de concert ; leurs efforts se coordonnent, et Choupette fait un petit bond en l'air pour permettre à Nox de lui grimper dessus pour atteindre les branches basses. En quelques secondes, le Marisson est chassé d'un formidable coup de tête de la part de l'Evoli, qui redescend triomphant pour sauter directement dans les bras d'Oliver. Ses petits yeux brillent de fierté, et après une gratouille affectueuse derrière les oreilles, il accepte de descendre pour se laisser couvrir de bave par une Mucuscule très reconnaissante. « Vous faites la paire tous les deux, lance-t-il avec un grand sourire. C'est bon à savoir, hein ? Allez, on continue. » Nox a la queue haute, quand il s'avance droit sur le chemin qui s'enfonce dans le petit bois, direction l'autre côté de la lande. S'ils continuent tout droit, ils pourront peut-être même apercevoir Skyler Bay.

Il n'y a rien de terriblement intéressant dans le petit bois ; même le couvert des arbres commence à lui donner froid. Nox va et vient entre Choupette, la route et lui, renifle un peu partout, sautille sur place et revient tranquillement vers lui pour se frotter dans ses jambes. Sa Mucuscule, elle, ne quitte pas énormément son dresseur ; elle glougloute tranquillement à côté de lui, profite de la liberté que lui apporte la promenade. Il devrait vraiment faire ça plus souvent, songe Oliver en pinçant doucement les lèvres. Devenir dresseur oui, mais il n'a visiblement pas très envie de se mouiller assez pour prendre de véritables risques, et cela dessert clairement son équipe. Si Nox n'est pas voué à le suivre à la Ligue, il adore son Pokémon, et il sait qu'il a besoin d'exercice ; de simples après-midi ne suffiront pas. Sera-t-il capable de coupler les entraînements, les sorties et la musique, il n'en sait rien. Comme Gaspar, il aura peut-être une décision à prendre.

Est-ce qu'on peut voir la mer, au bout de la Lande ? Il ne s'est jamais promené aussi loin Oliver, et quand il quitte le couvert des arbres, il peut encore apercevoir sa voiture dans laquelle se trouve un énorme sac qu'il n'a pas osé prendre, avec sa toile de tente à l'intérieur. Il y a un mois, peut-être un peu moins, il n'était pas question de faire du camping sauvage, mais aujourd'hui... aujourd'hui, il a bien envie. Il pourrait faire demi-tour et aller la chercher, non ? Il y a beaucoup de gens qui font ça ici, qui investissent les bâtiments abandonnés, et... c'est un Ponyta qui est en train de se battre avec Nox et Choupette là, non ? A peine sont-ils sortis de la forêt que le Pokémon leur a foncé dessus. Bien, celui-là il le lui faut, songe le dresseur en fronçant les sourcils, avant de saisir une Pokéball vide dans sa poche. Ensuite, il retournera à la voiture.

Il y a quelque chose d'extraordinairement satisfaisant, à voir une Pokéball remuer dans tous les sens puis s'éteindre sous ses yeux brillants. En quelques secondes, et grâce aux efforts combinés de Choupette et Nox, le Ponyta est capturé ; encore une créature qu'il va devoir élever et entraîner, mais c'est pour la bonne cause. Avoir plusieurs montures peut être bénéfique pour que l'une se repose alors que l'autre prend le relais, et puis, il pourra toujours le prêter à Gaspar pour lui montrer que les flammes des Galopa ne sont pas dangereux pour monter dessus, qui sait ? Il est très content le jeune homme, quand il ramasse le Pokémon sous les cris joyeux de Mucuscule et Evoli qui tournent autour de lui. Alors il sourit, le batteur. « Ça vous dit de dormir ici, ce soir ? » Oui. Au vu des piaillements qu'ils poussent en réponse, ça les dit carrément.

Allez, c'est reparti pour un retour
à la voiture. Nox part devant en courant, et Oliver, lui, marche en claudiquant sur le chemin balisé, clé en main. Est-ce qu'il devait voir Gaspar ce soir ? Ah merde, oui. Bon, il va falloir qu'il le prévienne, songe-t-il en saisissant son Motismart tout en déverrouillant la portière de sa voiture. On devait se voir ce soir, non ? Quelque chose lui dit qu'il ne va pas être ravi, son amant, de dormir dehors alors qu'il prévoyait de partager la chambre du batteur, mais il faut savoir ce qu'on veut dans la vie, hein ? Saisissant son sac à dos, il passe la lanière sur son épaule, avant de claquer la porte du coffre. Les Pokémon comprenant ce qu'il se passe, se jettent à nouveau sur le chemin ; heureusement qu'il n'était pas loin avant de faire demi-tour, songe-t-il avec un sourire en reprenant sa route.