Bien sûr qu’il avait raison et il était heureux de voir que son ami avait commencé à l’écouter et à prendre en considération ce qu’il affirmait. Ça promettait pour la suite. Si Alphonse lui faisait suffisamment confiance, il pourrait se rabattre sur le soigneur avant de paniquer une nouvelle fois. Kay’ était plus sérieux lorsqu’il affirmait qu’il serait là pour lui. Que la situation soit étrange ou que son ami ait beaucoup changé ne changeait à ses yeux. Kayden était bienveillant et il l’était avec tout le monde – ou presque -. Les deux hommes s’étaient, certes, éloignés pour des raisons qui leur étaient propres, mais aujourd’hui, le Weaver avait bien l’intention de soutenir son ami. Peut-être qu’une autre personne se serait moquée du fait qu’il avait peur de quelque chose, mais pas Kayden. Il n’était pas comme cela et sa position de soigneur lui avait permis de voir que cette crise était plus profonde qu’une simple peur. L’homme finit par affirmer qu’il allait réussir à le suivre pour passer cet appel. Il avait accepté le plan de match. C’était une bonne chose pour les deux hommes.

« Oui, on va aller par là. » affirma le quinquagénaire en suivant des yeux le chemin montré par son ami. Peu importe, en fait. Ils devaient avancer la forêt pour s’approcher au maximum du village le plus près en espérant y avoir un peu de réseau. Ce n’était pas très loin. Kayden avait confiance qu’en moins d’une heure, Alphonse serait capable de passer son appel et qu’ils seraient de retour à la voiture. Ensuite, ça ne serait plus entre les mains du brun qui aurait fait tout ce qu’il pouvait pour Al’. « Ça va le faire. Il y a un village à quelques kilomètres. Juste le temps de te dégourdir un peu les jambes. » Il lui fit un petit sourire rassurant. Il était en train d’embellir la réalité, il le savait, mais c’était toujours dans l’optique de mettre son ami en confiance. Il ne devait pas s’attarder sur le temps qui défilait, mais sur le fait que leur objectif premier était proche.

« Bien sûr que j’ai ça. » affirma la soigneur en retirant son sac de son épaule afin de le poser au sol. Il l’ouvrit et il sortit une bouteille d’eau neuve qu’il lança à son ami. Il lui tendit également un muffin qu’il avait acheté à la boutique de Joannie. « Tu vas voir. Il est excellent. La pâtissière est une vraie perle. » Il était impossible de ne pas craquer sur les pâtisseries de la Muddyswirls. Tout était beaucoup trop bon là-bas. Il avait du mal à se décider à chaque fois, donc il faisait confiance à Joannie pour lui préparer son sac de ses nouveautés et meilleurs produits. Cette pause de quelques minutes ne serait pas de trop pour Al’ avant de se remettre en action. Ça ne lui ferait pas de mal de manger un petit bout et de s’abreuver avant la longue marche. « Prêt ? » demanda-t-il au bout d’un petit moment. En attendant, Kay’ en avait également profité pour boire un coup et pour lancer une boulette ou deux à Amber qui réclamait à manger également. Bien sûr, il en avait offert au petit Zorua de son ami. Pas d’injustice.

Alphonse espérait que le village n’était pas trop loin et Kayden ne put retenir un léger sourire. Au fond, il espérait la même chose. L’homme passait tellement de temps sur les routes qu’il avait un petit peu de difficulté à évaluer la véritable distance. Pour lui, une demi-journée de marche c’était court. Tant que son ami ne lui demandait pas à tous les 5 minutes comme un enfant pourrait le faire, ça allait aller. Après un petit remontant, les deux hommes se mirent en route. Le silence prit place entre eux et c’était légèrement déstabilisant. Ils avaient l’habitude, avant, de se parler constamment et surtout de n’importe quoi. Tout leur venait naturellement, mais aujourd’hui, les choses étaient différentes. Ça faisait combien de temps qu’ils ne s’étaient pas parlés ? Beaucoup trop. C’était au point où Al’ n’était pas au courant des derniers développements dans la vie de Kayden. La question de son ami prit le soigneur de court qui s’arrêta complètement de marcher pour le fixer. « Je ne suis pas en train de jouer. » fut sa première réponse. Il retint un soupir. Ce n’était pas de la faute d’Al’ s’il n’était pas au courant. Personne ne l’était pour Calliope. Il n’osait pas en parler et ce n’était pas aujourd’hui qu’il allait commencer. C’était un sujet qu’il évitait religieusement. Même si la question était légitime, elle rendit Kayden un petit peu nerveux. « Alola me convient toujours, je compte bien y retourner. » avoua-t-il. Il ne savait pas s’il essayait de convaincre Alphonse ou de se convaincre lui-même. Mais dans son esprit, il était évident qu’il allait retourner chez lui dès qu’il aurait retrouvé Calliope. Il n’était pas heureux ici. « Ma femme est décédée. Il ne reste que Callie et moi… Nous avions besoin de changer d’air. » Il avait menti sur la fin. Il n’avait pas besoin d’air, il avait seulement besoin de retrouver son enfant. Mais en lançant une telle bombe, il s’évitait des questions sur sa fille. Parler de la mort de sa femme était plus simple pour lui que d’évoquer l’enlèvement de sa fille. Bon… Avec un peu de recherches, il serait possible pour Alphonse de découvrir que l’auberge de sa femme avait été attaquée ce qui pouvait soulever des questions. Mais il osait espérer qu’il allait lui faire confiance et ne pas pousser la recherche.

« J’avais bien remarqué que tu avais changé. » avoua l’homme en jetant un coup d’œil à son ami. Kayden ne l’aurait pas dit si Al’ n’avait pas amené le sujet, mais maintenant qu’il l’avait fait. Il n’allait pas se priver de poser quelques questions. « Mais si ça peut te rassurer, tu ne m’as pas semblé ridicule. Tu m’as semblé humain. » Il haussa les épaules. Il ne voulait qu’il ait honte d’avoir fait une crise. Tout le monde pouvait paniquer à un moment ou à un autre, c’était normal. « Qu’est-ce qui s’est passé, Al’ ? Pourquoi tu es à Lathea ? » Il se devait de lui retourner la question. Comme son ami lui avait dit quelques minutes avant, c’était ironique qu’ils se retrouvent ici. « Pourquoi ce… détachement ? » Parce qu’il l’avait bien senti. Alphonse semblait se tenir à l’écart comme s’ils étaient des inconnus, comme s’il craignait d’avoir un quelconque lien avec Kayden. Pourquoi ce besoin d’éloignement ?

Kayden avait fermé les yeux. Le souvenir de sa femme restait douloureux même s’il tâchait toujours de voir que le positif. Il l’avait aimé si fort et elle l’avait rendu si heureux. Avant de mourir, elle lui avait demandé de ne pas être triste et de se souvenir que des bons moments. Ce n’était pas facile à tous les jours, mais Kay’ se tâchait de le faire. Son cœur avait légèrement cicatrisé et aux côtés de Callie, il avait senti qu’il aurait pu avancer. Maintenant tout était plus compliqué. Il se retrouvait seul et il avait du mal à garder son optimiste à toutes les heures. Alphonse lui dit qu’il partageait sa peine et Kayden se contenta d’un sourire triste. Pouvait-il vraiment la partager ? Si seulement Kay’ savait tout, il ne se poserait pas la question. Il préféra ne pas s’attarder sur le sujet de toute manière. Al’ l’avait sûrement compris. Sa présence ici pouvait facilement être justifiée par un besoin de se retrouver. Et s’il lui demandait si Calliope était dans le coin, Kayden dirait « oui ». Il ne pourrait pas dire où, mais il sentait que son enfant était quelque part sur cette île. Il allait la retrouver. C’était une question de temps. Enfin… C’était son optimiste qui parlait, car s’il prenait le temps de s’asseoir et de réfléchir à la question, il réaliserait qu’il n’avait aucune piste tangible.

Pourquoi il ne devait pas dire ça ? Kayden avait seulement dit qu’il l’avait trouvé humain. Était-ce un problème maintenant ? Est-ce qu’Alphonse tentait de se robotiser ? Ça pourrait justifier son comportement particulier. Il ne souhaitait plus ressentir quoi que ce soit ? Mais pour quelle raison ? La réponse ne tarda pas à suivre et Kayden sentit un frisson d’effroi lui parcourir le dos. Sa famille avait remis les choses à leur place. C’était très négatif. C’était même effrayant et Kay’ serra fortement les dents. Tout s’éclaircissait dans son esprit. Al’ ne lui en voulait pas pour le manque de contact des deux dernières années, c’était tout le contraire, il n’était plus « autorisé » à s’adresser à lui. La mentalité des Moriarty l’avait toujours dépassé. Il avait écouté son ami se confier pendant des heures et pourtant il n’arrivait toujours pas à comprendre comment on pouvait penser comme cela. Kayden passa sa langue sur ses dents. Ne rien demander de plus ne serait pas simple, Alponse devait le savoir. Surtout que Kay’ savait des choses pas roses. Sa question sortie d’elle-même : « Est-ce qu’ils t’ont fait du mal ? » Il se doutait de la réponse au fond de lui. Kay’ essayait de continuer de marcher comme si c’était normal ce qu’Alphonse lui disait. Au fond de lui, il avait uniquement envie de s’arrêter et de le prendre dans ses bras. « Je suis désolé, Al’… Vraiment. » Il ne put s’empêcher de poser une main sur l’épaule de son ami qui tâchait d’éviter son regard. Kayden pinça fortement les lèvres pour retenir toutes les questions qu’il en avait en tête. Il le faisait par respect pour Alphonse. Il lui avait dit qu’il ne pouvait pas en savoir plus. Si Kayden refusait de parler de Calliope, il pouvait comprendre qu’Alphonse n’ait pas envie de se confier sur certaines choses. « Enfin… C’est ce que je dirai si on se connaissait. Mais ce n’est pas le cas n’est-ce pas ? » Un demi-sourire taquin étira ses lèvres. Même si la situation était des plus sérieuse, Kayden préférait prendre le tout avec légèreté. Avoir des liens amicaux lui était interdit ? Bien. Maintenant Kay’ serait un inconnu. C’est ce que le monde extérieur avait besoin de voir ? Très bien. « Mais tu n’as pas besoin d’essayer de m’éviter les ennuis. Elles me poursuivent de toute manière. Ne t’inquiète pas pour moi. Je n’ai plus rien à perdre. » Un nouveau sourire rassurant tandis qu’il continuait d’avancer à une certaine distance d’Alphonse comme s’ils ne connaissaient pas.

Kayden serra les dents. Une famille de psychopathe était réellement le bon terme. Dans sa malchance, Kay’ pouvait dire qu’il avait eu de la chance. Jamais les siens – à sa connaissance – n’avaient essayé de le retrouver. On l’avait laissé fuir et on s’était contenté de le rouler dans la boue. Il n’avait pas subi le quart de ce qu’Alphonse avait subi et il ne souhait cet enfer à personne. Ce qui confirmait le fait qu’il soit désolé pour son ami. Ce dernier était si fier, à l’époque, d’avoir fui et de pouvoir se bâtir une vie. On lui avait tout gâché. « Ne dis pas ça. Tu as toujours été mieux qu’eux. Tu le sais très bien. » Certes, le Weaver parlait sans savoir tout ce qu’Alphonse avait pu faire dans les dernières années, mais il voulait croire que son ami était encore bon. Il l’avait connu comme cela et peu importe ce qu’on pouvait le forcer à faire, il était persuadé que cette bonté restait quelque part au fond de lui.

Kayden affirmait que les ennuis ne lui faisaient pas peur. Peut-être qu’il parlait un peu vite. Il n’avait jamais été confronté à des vrais ennuis en face à face. Au fond, la mort lui ferait sans doute peur s’il se trouvait devant elle. Sauf si c’était pour Callie. Lorsque ça concernait sa fille, tout était différent. La quinquagénaire ne put retenir un profond soupir de s’échapper de ses lèvres. Sa fille, il ne l’avait plus. Et en disparaissant, elle était partie avec sa vie. Au fond de lui, il sentait qu’il n’avait plus rien à perdre, car il ne possédait plus rien. Sauf qu’il savait également qu’il ne pouvait pas se permettre de disparaître maintenant. Qui allait chercher Calliope s’il n’était plus là ? Elle comptait sur lui. Elle avait besoin de lui. « Bien sûr que je vais poser des questions. » souffla-t-il en laissant ses épaules retomber légèrement. Il avait bien compris qu’il n’aurait pas les réponses nécessaires. « Ça me tue de te savoir à mal et de rien pouvoir faire. » C’était ça le pire dans toute cette histoire. Il avait l’impression de devoir l’abandonner et de le laisser à lui-même. « Je comprends aussi que je ne peux rien faire. Je porte le nom de Weaver, mais je n’ai pas leur pouvoir ni leur autorité. » Il soupira à nouveau. Il n’était même plus certain que le Weaver avait encore une quelconque autorité depuis les évènements étranges de Myrtha. « J’ose espérer qu’il y a une solution quelque part et que tu sauras la trouver. Tu mérites mieux que cette vie. » Des paroles sincères. Kayden ne souhaitait jamais du mal à qui que ce soit. Son ami ne faisait pas exception. Peu importe ce qui avait pu faire, ça ne changeait rien à la manière dont il le percevait. « Le village est à trois cents mètres. » dit-il en pointant la petite affiche dans le bois. Cette lourde discussion avait fait défiler le temps à une vitesse… Kay’ avait du mal à réaliser que le duo marchait depuis aussi longtemps et qu’ils avaient presque atteint leur premier objectif.

Interférer ? Non, il n’avait pas l’intention de le faire. Kayden n’était pas aussi inconscient qu’il pouvait laisser croire. Il savait très bien qu’il ne pouvait rien faire. Il n’avait pas la force de caractère pour cela de toute manière. Il était beaucoup trop doux. Enfin, c’est ce qu’il pensait et il espérait que ça allait rester comme cela. Il n’avait pas envie de se retrouver dans une situation où il allait devoir commettre l’irréparable. « Bien. » Un bien froid et légèrement détaché. Il n’allait pas intervenir et il allait laisser son ami gérer en espérant que les dégâts soient limités de son côté. Malheureusement, ça ne semblait pas être le cas. Alphonse avait changé du tout au tout, il avait transformé en un autre homme par ses proches. Il n’osait pas imaginer tout ce qui s’était passé pour lui. C’était à lui donner des frissons dans le dos.

« Ne t’inquiète pas pour moi. Je vais rentrer un jour ou l’autre. Je ne risque pas de croiser les tiens. » Il avait toujours cette même confiance en lui. Il espérait retrouver prochainement son enfant et pouvoir rentrer à Alola. Il n’avait pas l’intention de croiser les Weaver, ni les Moriarty. De toute manière, est-ce que la famille de son ami avait une raison de s’attaquer à Kayden ? Il ne faisait pas partie des Weaver actifs et il ne pouvait rien leur apporter. Il avait fait sa vie de son côté et il n’avait plus aucun contact avec ses proches, sa sœur jumelle étant l’exception. Sauf que tout le monde dans cet endroit savait où elle se trouvait en tant que championne d’arène. Il n’y avait aucune raison de passer par lui. Enfin… Il espérait. Il préférait ne pas s’imaginer le pire. Il le vivait déjà le pire de toute manière. Perdre un enfant était une douleur horrible. Il n’y avait aucun mot pour décrire ce que Kayden pouvait ressentir. Il avait un doute lorsque son ami lui souhaita de vivre heureux. Sans Calliope, ça n’avait aucune chance de réussir.

Heureusement que le village se dessina devant eux pour rendre la conversation moins lourde et pour faire oublier à Kayden l’impuissance qu’il vivait. Au geste d’Alphonse, Kay’ s’arrêta. Il jeta un coup d’œil au portable et il poussa un soupir de soulagement en voyant les barres de réseau. Super. Ils n’avaient pas fait ce trajet pour rien. Le quinquagénaire laissa son ami passer son appel en s’éloignant légèrement. Sa curiosité le poussait à observer le village jusqu’à ce que la voix d’Al’ s’élève derrière lui. « Je comprends. » siffla-t-il dans un premier temps avec un léger sourire triste. Alphone semblait être traqué partout où il allait. Ça devait être pénible pour lui. « Je vais plutôt te raccompagner à ta voiture. Nous avons déjà partagé une bouteille d’eau de toute manière. Il ne faut pas abuser. » Il sourit toujours dans l’optique de détendre l’atmosphère. Dans tous les cas, il voulait que son ami sache qu’il ne lui en voulait pas du tout. Kayden avait compris que la situation était hors de son contrôle. Sans s’attarder, le duo reprit la route inverse jusqu’à la voiture d’Alphonse. Ce chemin fut plus silencieux, mais beaucoup plus détendu. Certes, la situation était loin d’être réglée du côté d’Al’, mais il espérait que cette petite discussion en pleine forêt avait pu lui faire bien. Une fois la voiture dans leur champ de vision, Kayden mit ses mains dans ses poches et il disparut dans la forêt avant l’arrivée de la dépanneuse. Il avait bien compris que c’était le mieux pour tout le monde. Maintenant, Kay’ devait se détacher de cette histoire même s’il avait des gros doutes et que sa bienveillance risquait de revenir au galop.