Ah, Mallory rigole ? Oui, ça doit lui paraître bien futile, à un gars comme lui ; l'affection des autres, mais qu'est-ce qu'il en ferait ? Il ne doit même pas savoir, probablement qu'il a renoncé à en recevoir depuis longtemps. « Attends, est-ce que je rêve ou t'es en train de me parler d'amour de mon prochain là ? »
Ah, monsieur est au-dessus de ça ; pardon, vraiment navré, ricane intérieurement Ismaël. « De la part d'un putain d'égoïste  notoire comme toi, ça manque pas de piment, faut bien avouer, mais quand même. »
Oh, c'est lui l'égoïste maintenant ? Il la sort d'où celle-là, de son cul ou du chapeau de l'un de ses spectres ? « Merci pour le conseil, mais je l'écouterais s'il venait pas d'un tocard qu'a abandonné sa famille pendant dix ans, tu m'en veux pas. Se faire aimer, sans rire. Les gens qui t'aiment ils te connaissent pas. »
Là, Isma s'arrête. Parce que là, Mallory va trop loin. Il ne l'a pas vu venir, il ne l'a pas anticipé ; ça, pas plus que l'élan qui le précipite jusqu'au garçon chétif qu'une main solide et déjà tremblante d'une colère - qu'Ismaël lui-même n'a pas encore identifiée - arrête d'un coup, et le retourne aussi sec avant de le laisser s'échapper et reculer d'un pas. « Excuse-moi ? Répète un peu ça, pour voir ? »
Non, qu'il ne le répète pas, qu'il ferme bien sa gueule et qu'il réfléchisse un peu avant de dire de la merde, parce que celle-là, elle est tellement énorme qu'elle a dû lui faire vachement mal par où elle est passée, putain. « C'est beau ça, c'est vachement clairvoyant comme commentaire ; est-ce que t'as idée de pourquoi j'suis parti, au moins ? J'suis même pas sûr, un salopard comme toi doit même pas pouvoir appréhender ce genre de trucs, crache-t-il, furieux, blessé et indigné. »
De quel droit est-ce qu'il se permet de juger sa décision, son départ, sa douleur ? Parce que c'est bien de ça dont il s'agit, et non pas d'un égoïsme écrasant, n'en déplaise à ce sale merdeux. Personne n'a le droit de le juger à ce sujet, et certainement pas un gars comme lui. La pensée s'accompagne d'un ricanement tremblant tant de rage que de mépris quand il se met à le toiser, avant d'envoyer la suite : « Vaut mieux pas, cela dit. Quand on voit qu'Hydris a réussi à s'retrouver avec quatre points de suture parce qu'il a eu le malheur de te contrarier dans un mauvais jour, j'ose même pas imaginer c'que ça donnerait si tu vivais un vrai truc traumatisant ailleurs que dans ta petite tête de taré. »

Allez, qu'il épargne sa salive, ce connard ; qu'il ne cherche pas plus loin que ça, qu'il la ferme et qu'ils avancent, il en a bien assez entendu comme ça. Mallory marche, ne se doute pas un seul instant de ce qui va lui arriver ; alors oui, son souffle se coupe un peu quand une poigne se referme violemment sur ses vêtements pour l'attirer vers un visage furieux. Ah ouais, ça plaît beaucoup moins quand c'est dans l'autre sens qu'on se moque, hein ? En attendant, c'est la vérité. Ce type, tout comme lui, il n'a jamais pensé qu'à sa putain de grande gueule de con. Sa magnifique grande gueule de con. Ismaël le relâche aussitôt, et le choc le fait tituber vers l'arrière ; par chance, il est réceptionné par Sophie. « Excuse-moi ? Répète un peu ça, pour voir ? »

Inutile, il a très bien entendu, ce crétin. Pas besoin de répéter, il n'est pas sourd, et vu le visage furieux qu'il affiche, sa réponse a fait mouche. « C'est beau ça, c'est vachement clairvoyant comme commentaire ; est-ce que t'as idée de pourquoi j'suis parti, au moins ? J'suis même pas sûr, un salopard comme toi doit même pas pouvoir appréhender ce genre de trucs. » Pour le coup, la réplique lui arrache un sourire clairement amusé ; il partage son quotidien avec un Pokémon qui a emprunté les souvenirs d'une petite fille morte à quatre ans et il vient lui donner des leçons ? Elle est pas mal, celle là.

« Vaut mieux pas, cela dit. Quand on voit qu'Hydris a réussi à s'retrouver avec quatre points de suture parce qu'il a eu le malheur de te contrarier dans un mauvais jour, j'ose même pas imaginer c'que ça donnerait si tu vivais un vrai truc traumatisant ailleurs que dans ta petite tête de taré. » D'accord, là ça l'énerve. Les sourcils de Mallory se froncent, il le foudroie du regard en croisant les bras ; voilà, c'était ça qu'il voulait. Le détester, c'est beaucoup plus facile que l'espérer, et c'est avec rage qu'il lui répond cette fois. Lui non plus, il n'a pas la moindre idée de ce qu'il vit. Sauf que là où Isma a subi un deuil, lui vit avec sa souffrance presque tous les jours, quand bien même serait-elle soulagée par la présence de ses Pokémon. Quant à parler d'Hydris, ce n'est jamais une bonne idée. « Vu ton niveau de fragilité quand il s'agit du vide entre tes deux oreilles, je sais déjà que tu s'rais pas capable de survivre une journée en étant dans ma tête, pauvre tocard. » Huit ans sont passées, mais les choses sont restées les mêmes ; la haine, c'est sa meilleure arme, après tout. « Mais tu sais quoi mon mignon ? reprend-il avec un sourire acide, furieux en osant approcher d'un pas pour le toiser, on peut pas s'enfuir de sa propre tête. On peut pas l'abandonner, elle. »

On ne peut pas décider d'arrêter de penser. Lui s'est tiré parce qu'il en a eu l'occasion, au prix des souffrances de sa famille, mais Mallory ? Il peut pas faire ça. Alors qu'il ne compare pas ce qui est absolument incomparable. « Alors t'es gentil, mais occupe toi de c'que tu maîtrises, tu veux ? Et ne prends pas ta lâcheté pour une manifestation de souffrance. La souffrance tu sais pas c'que c'est. Y'a qu'à voir c'que t'as mis dans la gueule d'Oliver quand il était au fond du trou lui aussi, tu pensais qu'à ta petite tronche, comme d'habitude. Tu vaux pas mieux que moi et c'est p'têtre bien ça qui t'énerve. » Il sourit. Il n'est pas amusé. Il est en colère, mais comme ça, c'est beaucoup mieux, beaucoup plus facile. « Quelque part, t'es même pire que moi. »

« Vu ton niveau de fragilité quand il s'agit du vide entre tes deux oreilles, je sais déjà que tu s'rais pas capable de survivre une journée en étant dans ma tête, pauvre tocard. »
Peut-être pas. C'est même à peu près certain que si du jour au lendemain devait se retrouver petit, faible et taré, il ne pourrait pas le supporter ; comme quoi la nature n'est décidément pas très juste dans les dons qu'elle attribue aux uns et aux autres « Mais tu sais quoi mon mignon ? On peut pas s'enfuir de sa propre tête. On peut pas l'abandonner, elle. »
Est-ce qu'il s'attend à ce qu'Isma verse une larme sur son pauvre petit sort ? Non parce qu'il l'aurait bien fait, fût un temps, et sans la moindre trace de mauvaise foi ; mais là ? Qu'il aille cramer dans les flammes de Groudon, ça vaudra mieux pour tout le monde. Au lieu de s'approcher et de le regarder comme ça, comme s'il avait pas peur et qu'il voulait l'affronter alors qu'une poignée de minutes plus tôt il tremblait de peur à cause d'un malheureux éboulement dans une grotte pour promener les enfants. « Alors t'es gentil, mais occupe toi de c'que tu maîtrises, tu veux ? Et ne prends pas ta lâcheté pour une manifestation de souffrance. La souffrance tu sais pas c'que c'est. Y'a qu'à voir c'que t'as mis dans la gueule d'Oliver quand il était au fond du trou lui aussi, tu pensais qu'à ta petite tronche, comme d'habitude. Tu vaux pas mieux que moi et c'est p'têtre bien ça qui t'énerve. Quelque part, t'es même pire que moi. »
Ce geste-aussi est automatique, quand la phrase à peine prononcée, Isma tend le bras pour saisir violemment le col de l'avorton qui lui fait face et l'approcher de son visage. « Ça te rassure, de te dire ça ? grince-t-il en réponse, peut-être un peu plus fébrile qu'il ne veut bien l'admettre. Après tout c'est vrai, tes pétages de plombs à répétition personne à le droit de te les reprocher, c'est pas ta faute à toi, c'est la méchante maladie, pauvre petit Mallo si faible. »
Il pourrait presque le soulever d'une main, et d'ailleurs il l'aurait sûrement fait si Sophie ne l'avait pas fixé aussi intensément. Elle doit sentir sa colère, et se méfier donc ; qu'elle ne s'en fasse pas, il ne va pas faire de mal à son si précieux et fragile dresseur.
A ses pieds, la Petite a reculé pour se tapir dans un coin près du Voltoutou. « C'est ta maladie qui t'a empêché de te foutre en l'air pour éviter d'infliger tes névroses à tous ceux qui subissent ta présence depuis autant de temps ? Ah attends, j'ai mieux : c'est elle aussi qui t'a fait coucher avec moi histoire que tu puisses garder Oliver rien que pour toi ? »
Elle a bon dos, sa maladie, putain. « J'suis p't-être un connard, et un plus gros connard que toi puisque t'as l'air d'y tenir ; par contre j'te laisse la carte du taré manipulateur égoïste incapable de survivre deux secondes dans un monde qui tourne pas autour de lui. »

Et c'est reparti,  le sujet qui fâche et  le bras qui se tend pour l'attraper, l'attirer ; c'est comme ça que ça a commencé la dernière fois aussi, il s'en souvient beaucoup trop bien de cette main solide qui l'a empoigné par le col pour lui balancer des horreurs et les siennes qui n'ont pas pu s'en empêcher, qui l'ont définitivement fait flancher. Il s'en doutait Mallory, qu'il doit amèrement regretter ce qu'il s'est passé Isma, mais tant pis, pas lui, pas lui, c'était la meilleure nuit de sa vie. Maintenant, son visage se rapproche, et si ses traits sont toujours déformés par la fureur, c'est bien cette magnétique attirance, incontrôlée, qu'il sent vibrer au creux de ses veines quand il le regarde et qu'en dépit de tout ce qu'il lui crachera, il ne pourra jamais le haïr. « Ça te rassure, de te dire ça ? Après tout c'est vrai, tes pétages de plombs à répétition personne à le droit de te les reprocher, c'est pas ta faute à toi, c'est la méchante maladie, pauvre petit Mallo si faible. »

En un clin d'oeil, Ismaël pourrait lui démonter la tête, en deux coups de poing, non, sûrement un, il serait au sol le chanteur. Il le sait, et ça ne lui fait absolument pas peur ; les espaces clos, oui, mais ça non. Il peut sentir la haine irradier par tous les pores de la peau du baroudeur et c'est peut-être elle qui les a liés cette nuit-là, qui a masqué la vérité suffisamment fort pour que les choses se passent. Il ne comptera jamais assez aux yeux de ce type. Mais au moins il compte, même si ce n'est pas pour les bonnes raisons. Au moins, tu penses à moi. « C'est ta maladie qui t'a empêché de te foutre en l'air pour éviter d'infliger tes névroses à tous ceux qui subissent ta présence depuis autant de temps ? Ah attends, j'ai mieux : c'est elle aussi qui t'a fait coucher avec moi histoire que tu puisses garder Oliver rien que pour toi ? »

De nouveau, quelque chose se fracasse au creux de sa poitrine, à en rendre sa respiration presque rauque et douloureuse. Non, bien sûr que non, et il a presque envie de lui dire tout de suite, j'm'en tape d'Oliver, c'était pas Oliver le problème c'était toi, juste toi, c'était toi que j'voulais. Mais là maintenant, Ismaël lui cracherait sans doute au visage avant de le planter là en ricanant, méprisant ; c'est sans doute tout ce qu'il mérite, mais c'est beaucoup plus que ce qu'il pourra accepter. Se foutre en l'air, il l'a si souvent envisagé quand il a imaginé ses yeux bruns posés sur quelqu'un d'autre, la tendresse brillant dans ce regard chaud qui ne lui serait jamais adressée. La seule manière qu'il estimait valable pour le sauver, le seul pour qui il aurait accepté de rester. Cet enfoiré qui lui crache à la gueule, et qui le tient toujours par le col, fermement.  « J'suis p't-être un connard, et un plus gros connard que toi puisque t'as l'air d'y tenir ; par contre j'te laisse la carte du taré manipulateur égoïste incapable de survivre deux secondes dans un monde qui tourne pas autour de lui.
– Si tu veux, crache-t-il, le souffle rauque, épuisé par la lutte qu'il entreprend contre lui même et cette paume qui bloque sa respiration. C'est plus facile comme ça, de toute façon. » C'est plus facile si tu me hais. Et si lui a le droit de le détester aussi.

Il n'a même plus envie de rire, Mallory ; pas quand il voit ces yeux qui le toisent, pas quand il sent la fermeté de ce poing contre son t-shirt. Comme la dernière fois, il est démuni ; il n'a pas peur, non. Il aurait juste tout donné pour être un autre. « Pourquoi t'as couché avec moi ce soir-là, alors ? Si tu sais qui j'suis, t'aurais pas dû en avoir envie. » Et peut-être qu'il y a de la détresse dans ses yeux sombres, quand il les lève vers lui dans la pénombre. « Tu peux pas mettre c'qu'on a fait sur le compte de ma maladie et uniquement. Toi t'es parfaitement sain d'esprit. » Et ses yeux s'égarent sur son visage tendu de colère, son cou, ses cheveux en bataille et peut-être qu'il lui sourit, Mallory, d'un simple recoin de ses lèvres, en dépit de son regard déserté de la moindre joie. « T'as eu une drôle de façon d'me haïr ce soir-là, sussure-t-il finalement, conscient qu'il lui a beaucoup trop manqué, sachant pourtant qu'il ne recevra plus rien quand bien même Ismaël tomberait encore  une fois dans ce piège malsain. De me haïr plusieurs fois. »

La respiration qu'il sent s'échouer sur son visage est courte, rauque à cause de la main qu'Ismaël tient toujours trop près de la gorge de ce parasite, et peut-être que ça lui plaît un peu trop, cette position de force dans laquelle il est tout de suite, exactement comme la dernière fois ; cette fois-là qui lui revient comme un coup de poing dans le ventre, dont il avait pourtant soigneusement effacé toute trace dans sa mémoire. Et pourtant. C'est cet homme-là qu'il redevient aujourd'hui sous la même influence néfaste de ce salopard. « Si tu veux, siffle une voix épuisée à deux doigts de son visage, portant cette même étrange reddition qu'il a déjà entendue il y a longtemps, et qui confirme les précédentes pensées qui l'ont traversé. C'est plus facile comme ça, de toute façon. »
Ismaël ne sait pas ce qui est plus facile, plus facile comment ; tout de suite, il ne réfléchit plus vraiment, occupé à départager la frustration de la satisfaction qui se mélangent dans son esprit tourmenté par une colère dont il avait perdu l'habitude. « Pourquoi t'as couché avec moi ce soir-là, alors ? Si tu sais qui j'suis, t'aurais pas dû en avoir envie. »
Effectivement. Et les quelques fois où il y a réfléchi, il n'a pas compris. Il avait oublié. Maintenant il se rappelle. « Tu peux pas mettre c'qu'on a fait sur le compte de ma maladie et uniquement. Toi t'es parfaitement sain d'esprit. »

Et ce sourire que ses yeux écarquillés ne peuvent manquer, qu'est-ce qu'il veut dire ? « T'as eu une drôle de façon d'me haïr ce soir-là. » 
Il va devenir dingue. Peut-être qu'il l'est déjà un peu. Et tout ça c'est de sa faute, à ce salopard insolent qui continue de le provoquer alors même qu'Isma pourrait l'assommer là et l'abandonner à son sort. « De me haïr plusieurs fois. »



« J'dois être un peu taré aussi, réplique-t-il en s'approchant de son visage, le souffle déjà raccourci par une proximité étrangement familière, aussi oppressante que libératrice. Moins que toi. Mais un peu quand même. »


Sa prise sur le col de Mallory se relâche et c'est sa nuque qu'il saisit cette fois pour plaquer son visage contre le sien, décidant de se laisser porter par cette multitude de sentiments certes contraires, mais qui le poussent tous dans la même direction : vers lui.


Lorsque Isma appuie sa main sur la paroi de la caverne en libèrant finalement le corps tremblant de son amant inattendu, il n'a pas les idées claires. Cette étreinte était bien trop étrange pour qu'il puisse tout simplement l'ignorer et reprendre son chemin comme si de rien n'était. Ses reins fourmillent encore de plaisir et il se sent effroyablement fatigué, mais c'est bel et bien un sourire qui se dessine sur son visage aux traits encore un peu affaissés. « Sportive, cette balade dans les cavernes, observe-t-il dans un élan de perspicacité, alors qu'il glisse un regard vers le chanteur occupé à remettre ses vêtements. Pas sûr que ça nous aide à trouver la sortie mais... au moins on va peut-être pouvoir arrêter de s'aboyer dessus maintenant, hm ? »

Peut-être qu'il l'avait un peu espéré, Mallory. Peut-être qu'il l'a un peu cherché, tout ça, de la douleur au creux de ses reins à ses jambes flageolantes alors qu'il est doucement reposé sur le sol, écarté là où il aurait voulu passer l'éternité entière dans ses bras, le nez dans ses cheveux. Il a à peine eu le temps de le faire avant de sentir Ismaël reculer, le libérer ; il ne peut pas vraiment dire qu'il est frustré, mais cet étrange goût amer, là, celui qu'il aurait voulu ne plus jamais avoir en bouche, est tout doucement en train de revenir. Ce soir, il rêvera des mains plaquées dans son dos, de ses yeux brillants d'une étrange adoration muette, de son souffle mourant sur ses lèvres et du sourire plus tranquille qu'il lui adresse maintenant, toute colère envolée, alors qu'il lui rend gentiment ses vêtements. Ce mec va le rendre dingue, si tant est qu'il puisse l'être plus que maintenant. Dingue jusqu'à l'obsession au moins, ça c'est absolument certain.

L'esprit en voyage mais le coeur beaucoup plus apaisé, Mallory prend quelques secondes pour reprendre son souffle, étirer ses jambes et son dos. Puis, il enfile rapidement ses affaires, comme pour masquer définitivement ce qui vient de se passer ; effacer les dernières traces d'un moment donné qui, s'il le hantera pendant des semaines, demeurera sûrement comme un souvenir un peu bizarre dans la tête de celui qui le regarde faire, tranquille, serein. Magnifique dans cette façon si simple qu'il a d'être lui, et de ne pas chercher plus loin. Ismaël n'a pas la moindre idée de ce que Mallory serait prêt à donner pour ressentir, au moins une fois dans sa vie, une telle sérénité. « Sportive, cette balade dans les cavernes. » Sportive, c'est sûrement le bon mot, songe Mallory en esquissant un drôle de sourire fatigué, tandis qu'il tente de remettre ses cheveux en ordre, sa tête aussi. Huit années se sont écoulées, et la première chose qu'ils font ces deux-là, c'est s'engueuler avant de s'envoyer en l'air. C'est quand même assez improbable et il n'y aurait sûrement jamais cru.

« Pas sûr que ça nous aide à trouver la sortie mais... au moins on va peut-être pouvoir arrêter de s'aboyer dessus maintenant, hm ?
– Ouais, j'suppose, répond le garçon, la voix fatiguée en mettant son sac sur son dos. » Au moins craint-il un peu moins l'obscurité de ces cavernes ; et la tranquillité de l'homme en face de lui non plus, tant qu'il ne revient pas le bassiner avec Oliver, par exemple. Ou de son absence d'empathie pour les autres, ou tout autre sujet qui pourrait l'amener à recommencer. Il n'en a pas envie : même si c'est plus simple, il est fatigué de se battre contre quelqu'un qui, dans une autre vie, aurait pu lui faire énormément de bien. Alors, les mains dans les poches - et en s'efforçant de dissimuler la douleur qui menacerait presque de le faire boitiller - il s'approche du baroudeur, qui a tiré un joint de sa poche pour l'allumer. « Tu m'le prêtes, celui là ? » Demande-t-il, l'air de rien, métamorphosé en quelqu'un d'autre simplement pour voir ses yeux se poser sur lui. C'est malsain cette dépendance, et il le sait ; mais il ne peut pas faire autrement, et il le sait aussi.

Le tube de papier lui est tendu et c'est avec une drôle de tranquillité qu'il tire une fumée nocive, Mallory, en soupirant de soulagement, ricanant presque malgré lui alors qu'il ramasse ses Pokéballs pour libérer les Pokémon pudiques. « J'devrais toujours en avoir sur moi, au cas où on devrait me coincer encore dans un couloir, plaisante-t-il, sous l'air un peu perplexe et étonné du Johtien. C'est quand même c'qu'il y a de mieux après une promenade sportive. » Clairement, ça fait du bien ; ses muscles se détendent doucement, tandis que la marche prend et que Sun se précipite en avant pour courir dans le couloir en aboyant, très vite suivi de la Zorua. « Pourquoi tu l'as laissé, cet oeuf ? » Demande-t-il alors, peut-être un peu trop franchement. Mais il peut au moins essayer, non ?

« Ouais, j'suppose. »
En soi, ça ne tient qu'à lui, mais Isma se garde bien de le dire ; au moins, Mallory ne l'a pas encore envoyé chier et c'est déjà un point plutôt positif. Autant essayer de le garder de bonne humeur ; ce joint-là, il va le lui proposer. Dommage que l'autre soit tombé quelque part au début de cette étreinte pas du tout préméditée, il n'en avait fumé que la moitié. Mais bon, il peut dire sans crainte de se tromper que finalement, ça valait le coup. Tranquille, il allume sa super cigarette et soupire de soulagement quand la première bouffée de fumée vient éparpiller ses pensées alourdies par les endorphines. « Tu m'le prêtes, celui là ? demande le chanteur en se glissant près de lui, l'air de rien.
– On dit s'il te plaît, tente-t-il, un sourire clairement amusé aux lèvres en dépit de l'air vaguement agacé que Mallory affiche en réponse. » 
Il lui donne pourtant le joint sans discuter, compatissant à la douleur du garçon qui a l'air d'avoir un peu de mal à marcher. Il est coupable, il peut bien aider.
Les deux jeunes hommes ramassent leurs pokéballs et libèrent leurs Pokémon, bien contents de pouvoir à nouveau gambader. Eux, ils remettent leurs sacs sur leurs épaules et ils se remettent en route, parce que la sortie ne va pas se trouver toute seule. « J'devrais toujours en avoir sur moi, au cas où on devrait me coincer encore dans un couloir, dit alors Mallory sur un drôle de ton ; est-ce que c'était une plaisanterie ? C'est quand même c'qu'il y a de mieux après une promenade sportive. »
Cette fois, il ricane franchement, l'air sans doute un peu con, mais objectivement, c'était drôle. « Au moins tu sais ce qu'est bon, c'est bien, on est sur la même longueur d'ondes, répond-il tranquillement en récupérant son joint. »
Avec un peu de chance, le reste de la promenade se passera bien. « Pourquoi tu l'as laissé, cet oeuf ? »
La question, posée de but en blanc, le surprend quelque peu, et il hausse les sourcils avant de les froncer pour se concentrer un peu. Il a la tête toute retournée, ce n'est franchement pas facile. « Je ne sais pas, dit-il alors, après quelques secondes d'un silence un peu bizarre. J'pensais qu'on se reverrait jamais. J'avais pas envie de partir comme ça, sans rien. »
Il glisse un oeil ver le Voltoutou qui gambade joyeusement, langue pendante, et ça le fait un peu rire. « J'me disais p't-être que ce Pokémon te ferait penser à moi mais je m'attendais à un Typhlosion, du coup... j'espère que c'est pas trop le cas, ce serait un peu humiliant. »
Il sourit, blagueur ; ce n'est pas vrai, en plus, Isma a toujours adoré tous les Pokémon et la bonne bouille de celui-là l'attendrit beaucoup. « J'adore son nom, d'ailleurs. »

Peut-être qu'elle est un peu brutale cette question, un peu cavalière, et peut-être que Mallory se pose un peu trop de questions, tout de suite. Pourtant, il a envie, presque besoin de savoir ; à quel moment a-t-il été assez important pour que ce garçon lui laisse quelque chose en partant ? Sans mot, certes, mais quand son Voltoutou a éclos, Mallory a d'abord cru à une très mauvaise blague, avant de comprendre. Les yeux de Sun ont toujours été pleins de vivavité, de curiosité, de gentillesse. En dépit de ses râleries perpétuelles à son encontre, il a aimé ce Pokémon au premier regard. Aujourd'hui, et même si ce n'est que dans le secret de son appartement, le Pokémon est au moins aussi chouchouté que Sophie. Ce qui énerve beaucoup cette dernière, d'ailleurs.

 « Je ne sais pas. J'pensais qu'on se reverrait jamais. J'avais pas envie de partir comme ça, sans rien. » Alors ça a compté, au moins un petit peu. Suffisamment pour qu'il laisse une trace de son passage, au moins, même si Ismaël n'a pas la moindre idée qu'il n'avait pas besoin de ça pour que Mallory s'en souvienne. A-t-il fait ce genre de cadeau à tous ses amants ? Il a envie de croire que non. Il a besoin de croire que non. Peut-être que ses yeux brillent un peu d'espoir, quand il regarde le Johtien sourire en voyant Sun gambader devant lui, joyeux ; alors ça a compté. C'est con, comme son coeur s'emballe à cette simple et stupide pensée. « J'me disais p't-être que ce Pokémon te ferait penser à moi mais je m'attendais à un Typhlosion, du coup... j'espère que c'est pas trop le cas, ce serait un peu humiliant. »

En toute franchise, Mallory n'aurait pas eu envie d'avoir un Typhlosion. Sun, c'est un Pokémon qu'il n'aurait jamais cru avoir de sa vie, mais qui lui apporte au moins autant que ses Spectres ; du réconfort, et un certain amusement enfantin qu'il croyait ne jamais pouvoir ressentir de sa vie. Et oui, même si pour lui cela relevait de la cruauté, il n'a jamais pu regarder ce Pokémon plus de trente secondes sans penser à celui qui le lui avait laissé. « J'adore son nom, d'ailleurs.
– Bah, c'est... plutôt banal, en fait. » Sun, n'importe qui aurait pu appeler son Pokémon comme ça ; mais jamais personne n'a compris pour quelle raison c'était ce nom-là qu'il avait choisi. Peut-être qu'il s'embourbe un peu dans ses pensées, peut-être que le joint délie un peu sa langue quand il regarde le Pokémon, puis Ismaël. « Il me fait penser à toi. T'as réussi ton coup. » Et ça n'a rien de honteux ; et il ne rentrera pas dans les détails, d'ailleurs il se renfrogne quand Ismaël tourne une tête un peu curieuse vers lui. « Il est aussi débile, insupportable et hyperactif que toi, voilà. Mais j'suis content que tu m'l'aies laissé. » Il hausse les épaules, décide de changer de sujet ; le terrain est beaucoup trop glissant. Il lui tend son joint ; grimace, avance. « Il est différent de mes Spectres. J'en ai des nouveaux, alors si... ça te branche de passer à l'arène un de ces quatre. Autrement que pour te faire humilier, j'veux dire. »

« Bah, c'est... plutôt banal, en fait. »
Certes, mais peu importe, non ? Voltoutou est un Pokémon assez banal, à en croire certains ; ce n'est pas pour autant qu'il est dénué d'intérêt, bien au contraire. Tous les Pokémon ont leurs particularités, leur caractère, leurs manies ; pour cette raison, ils sont tous incroyable. Un nom commun n'est pas forcément un mauvais nom et puis, de toute façon, Ismaël serait bien mal placé pour le juger : il n'y a qu'à voir comment il a appelé sa Zorua... « Il me fait penser à toi. T'as réussi ton coup. »
Ah oui ? Curieux, le baroudeur tourne la tête vers son voisin, et sourit par anticipation quand il le voit se renfrogner : réflexion désagréable dans trois, deux, un... « Il est aussi débile, insupportable et hyperactif que toi, voilà. Mais  j'suis content que tu m'l'aies laissé. »
Isma rigole doucement, choisissant de ne pas répliquer ; il veut bien admettre qu'il est débile, insupportable et hyperactif. Ça n'empêche pas les gens de l'aimer, alors de quoi il se plaindrait ? C'est peut-être idiot, mais il est convaincu que malgré ce qu'il en dit, Mallory aime beaucoup ce Pokémon. Si le Johtien avait une certitude en laissant cet œuf dans sa chambre, c'est que le bébé qui en sortirait serait bien traité. « Il est différent de mes Spectres. J'en ai des nouveaux, alors si... ça te branche de passer à l'arène un de ces quatre. Autrement que pour te faire humilier, j'veux dire.
– J'y manquerai pas, répond-il du tac au tac. J'suis jamais contre une balade, ça fait pas de mal. »
Et de toute évidence, ce n'est pas du temps de perdu, songe-t-il en souriant, alors qu'ils s'arrêtent d'un même mouvement en arrivant à une intersection. C'est là qu'on rigole. « Bon, dit-il en posant son sac sur le sol. Tu veux savoir ce que c'est le secret pour trouver la sortie d'une grotte à tous les coups ? »
Oui, non ? Isma rigole devant la perplexité de son compagnon d'infortune, en se redressant après avoir trouvé un carnet et un stylo dans une poche de son sac. « Y en a pas. J'vais faire une carte, ça nous évitera de tourner en rond. Petite ? »
La Zorua le regarde, puis répond à son signe de tête par un aboiement sonore avant de donner un grand coup de griffe crissant dans le mur de pierre. Les éraflures sont blanches, ils ne pourront pas les manquer. « Alors, à droite ou à gauche ? » 

« J'y manquerai pas. » Il ne sait pas trop si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle, Mallory ; c'est peut-être un peu suicidaire d'avoir envie qu'il revienne le voir, non ? Contradictoire comme d'habitude, il fait tout pour se faire haïr mais perd ses mots lorsqu'il décide tout de même de rester, le baroudeur. Il tourne doucement la tête, cherche ses yeux bruns ; croise son sourire, frissonne en l'imaginant près de ses lèvres, encore une fois. Si seulement il avait un peu de courage. « J'suis jamais contre une balade, ça fait pas de mal. » Et il faut qu'il arrête de décortiquer la moindre parole et espérer comme un con. Ils s'arrêtent à une intersection, et une vieille peur finit par revenir broyer le ventre de Mallory ; est-ce qu'ils vont seulement réussir à en sortir, de ces putains de cavernes ?

« Bon. Tu veux savoir ce que c'est le secret pour trouver la sortie d'une grotte à tous les coups ? » Oh, il a une méthode magique ? Ce serait absolument formidable, il aimerait bien rentrer avant la nuit Mallory, et quelque chose lui dit que si ce n'est pas le cas, Sophie va être horriblement chiante. Patient, il attend, hausse un sourcil sous le rire de ce grand con qui est encore en train de se foutre de sa gueule. « Bon, t'accouches ?
– Y en a pas. J'vais faire une carte, ça nous évitera de tourner en rond. Petite ? » C'est comme ça qu'il l'a appelée, sa Zorua ? C'est mignon pour le moment, ça aura l'air vachement moins chou quand elle deviendra un gros Zoroark et qu'il faudra l'envoyer dans l'arène. Tandis que le baroudeur sort de son sac un carnet et un stylo, le Pokémon griffe le pan de mur entre les deux passages ; lui il ricane un peu, rien qu'à imaginer ce crétin gueuler devant Shade un truc comme "Petite, attaque Griffe-Ombre !" Quel con.

« Alors, à droite ou à gauche ? » Il n'en a pas la moindre idée, mais il va faire semblant, hein ? « A gauche, répond-il en s'engageant dans le couloir à sa suite. » C'est simple, ce couloir là est plus vaste, et beaucoup moins angoissant, alors autant suivre son instinct de survie, hein ? Il soupire, Mallory, glisse une main dans ses cheveux ; c'est marrant comme il a envie de sortir, et à la fois pas du tout. « Sophie veut dehors maintenant. » Tiens, ça faisait longtemps qu'elle l'avait pas ouvert, celle là ; il tourne la tête pour observer l'air purement insolent de son Ectoplasma, avant de lui jeter un sourire acide. « On serait déjà dehors si t'avais pas pété la moitié de la grotte, grande débile.
– Sophie peur chienchiens moches pour Isma et Mallo. » Hein ? Cette fois, il hausse un sourcil, le champion ; il a un peu peur de comprendre là. « Qu'est-ce que tu.
– Isma et Mallo ensemble parce que la grotte est cassée, et Sophie est coooooonteeeente. » Ricane-t-elle en reprenant sa forme originelle, avant de les dépasser toutes les deux, bondissant sur le sol. « Comme ça toujours Mallo cont...
– BON AVANCE, au lieu de dire n'importe quoi, j'aime toujours pas ces putains de cavernes alors dépêche-toi. » Il va s'en débarrasser. Il va la donner à quelqu'un, et au moins il aura la paix. « J'y allais à cause de cet abruti d'Oliver, il va m'entendre lui aussi. » Vite vite, changer de sujet.

« A gauche.
– Va pour la gauche. »
De toute façon, que ce soit la bonne direction ou pas, il faut bien commencer quelque part. Le secret, c'est la patience, et le sang-froid. Paniquer serait inutile et totalement contre-productif ; c'est un coup à se perdre pour de bon et à devoir tout recommencer. 
Près de lui, Mallory a l'air beaucoup plus nerveux, pourtant, alors Isma tend la main pour lui rendre le joint sur lequel il n'a pas tiré. Autant garder les idées claires. « Sophie veut dehors maintenant. »
Ah bah ça... Il n'existe hélas aucun objet magique qui permette de sortir d'une grotte en se téléportant. Les films sur les voyages initiatiques mentent, n'en déplaise à tous les couillons qui ont cru que devenir dresseur se faisait en claquant des doigts. « On serait déjà dehors si t'avais pas pété la moitié de la grotte, grande débile.
– Sophie peur chienchiens moches pour Isma et Mallo. »
L'intervention de Sophie fait hausser un sourcil à Isma, qui glisse un oeil vers elle en penchant la tête sur le côté, curieux. « Qu'est-ce que tu.
– Isma et Mallo ensemble parce que la grotte est cassée, et Sophie est coooooonteeeente. »
Ce Pokémon est objectivement effrayant, mais qu'est-ce qu'il l'aime, se dit-il en ricanant un peu, guère sûr de comprendre où elle veut en venir, pourtant. Elle doit avoir de quoi s'amuser quand elle les voir tous les deux, c'est sûrement ça. « Comme ça toujours Mallo cont...
– BON AVANCE, au lieu de dire n'importe quoi, j'aime toujours pas ces putains de cavernes alors dépêche-toi. »
Bah qu'est-ce qui lui arrive à Mallory ? Il avait pourtant l'air plus calme. Est-ce qu'il vient d'empêcher Sophie de dire quelque chose de gênant ? Il a reparlé de lui, pendant huit ans ? Un peu perturbé, Ismaël observe peut-être un peu trop intensément le visage du chanteur, qu'il jurerait un peu moins pâle que d'habitude. Sur ce coup, il envie un peu l'Ectoplasma ; savoir lire dans les pensées doit être extraordinairement pratique, avec un garçon comme Mallory. « J'y allais à cause de cet abruti d'Oliver, il va m'entendre lui aussi.
– Bah, il y est pour rien, hein, répond Isma en haussant les épaules. Et puis j'suis pas si contrarié que ça par ce contretemps, moi. »
Regard curieux. Ça lui a tant déplu que ça, au chanteur ? Il n'avait pourtant pas l'air. « Rallume le joint et respire, Méli-Mallo. On va pas mourir ; je t'ai dit que j'avais de l'eau et de la bouffe et, dans le pire des cas, on a encore Plectrum. »
Qui est Plectrum ? Ah, il ne prendra pas le risque de le sortir de sa pokéball s'il n'y est pas obligé, et la pensée le fait doucement rire alors qu'il tourne la tête vers sa Zorua. « Petite, tu montres Plectrum ? En miniature, s'il te plaît. »
Il ne sait jamais trop à quoi s'attendre quand il fait une demande un peu personnalisée comme ça : la jolie Pokémon a beau être dotée de capacités de copie impressionnantes, elle a encore du mal à doser certaines choses et... sur ce coup-là, c'est hors normes. En lieu et place du petit Steelix qu'il voulait voir apparaître, c'est un espèce de gros serpent tout à fait ridicule avec son long corps fin et sa tête en taille réelle qui prend la place de la Zorua. Aussitôt et malgré lui, Isma éclate de rire. « Allez, t'y étais presque ! C'est pas mal, dit-il entre deux éclats de rire un peu nerveux. Non j'te jure, pas si mal, eh ! »
Mais elle se vexe, bien sûr ; quel sale caractère, se dit-il en voyant la Petite reprendre sa forme normale et s'éloigner en trotinant, la queue haute, outrée. « Bon... tu vois l'idée. J'ai un Steelix sous le coude, il pourrait nous creuser un tunnel mais j'ai un peu peur que ça pourrisse définitivement l'endroit et... ce serait dommage, quoi. »

« Bah, il y est pour rien, hein. Et puis j'suis pas si contrarié que ça par ce contretemps, moi. » Ouais, enfin s'il ne lui avait pas parlé avec autant d'emphase de cette putain d'inscription sur le mur de la grande pièce, il n'y aurait pas été et... et il n'aurait pas revu Isma, il n'aurait pas passé de longues minutes à s'aggriper à lui et à.. bordel, non, ça suffit. Ça ne l'empêche pas de lui jeter un petit coup d'oeil, audit baroudeur, un peu curieux, un peu content aussi. Non, ça ne lui a pas déplu, pas du tout même, mais rentrer dans ce genre de sujet, c'est con et inutile. Et tout se passe bien pour le moment, alors si ça pouvait durer, hein ? Quelque part, ça l'énerve, Mallory. Il aimerait bien avoir ce genre de détachement quand il y pense. Pour Isma, c'était juste un bon moment ; pour lui, c'était tellement plus que ça.

« Rallume le joint et respire, Méli-Mallo. On va pas mourir ; je t'ai dit que j'avais de l'eau et de la bouffe et, dans le pire des cas, on a encore Plectrum. » Plectrum, c'est quoi encore ce nom ? Il en a combien des Pokémon, Ismaël ? Décidant d'arrêter de réfléchir à toutes ces conneries d'histoires d'amour impossible et de souffrance éternelle, Mallory lève le nez, penche un peu la tête ; il n'a pas envie que ça se termine mal, cette fois. Ce moment-là, il a envie d'en profiter, parce qu'il n'a pas la moindre idée de quoi le prochain sera fait. Alors, Plectrum ? « Petite, tu montres Plectrum ? En miniature, s'il te plaît. »

D'accord, donc il a visité quoi exactement comme régions Ismaël, pour avoir vu cet espèce de gros verre à tête triangulaire là ? Il fronce les sourcils, tente de reconnaître la créature dont la Zorua a pris la forme ; mais là non, ça n'existe pas, il en est presque sûr. Ou alors c'est une bestiole de laboratoire ratée, les scientifiques adorent faire joujou, après tout ? Un grand rire lui fait tourner la tête, et il a un peu de mal à comprendre ; bon, d'accord, lui aussi il a bien envie de ricaner, là, tout de suite, parce que la Zorua n'a pas du tout l'air d'apprécier la moquerie de son dresseur. « Allez, t'y étais presque ! C'est pas mal. Non j'te jure, pas si mal, eh ! » Peut-être qu'il pose un peu sa paume sur sa bouche Mallory, pour éviter de se marrer lui aussi ; la Petite est affreusement vexée, et lui n'a pas du tout l'intention de passer pour un con. Erèbe l'appelle Grahyèna quand il rigole, et ce n'est absolument pas flatteur.

« Bon... tu vois l'idée. J'ai un Steelix sous le coude, il pourrait nous creuser un tunnel mais j'ai un peu peur que ça pourrisse définitivement l'endroit et... ce serait dommage, quoi.
– T'as une sacrée équipe, en fait, répond le jeune homme en étouffant un nouveau pouffement de rire, avant de secouer la tête. J'pensais pas que tu t'étais amélioré à ce point. » A l'époque, Isma parlait déjà de devenir dresseur ; et en toute objectivité, il se débrouillait très bien. Pas autant que lui à l'époque, mais très bien. Pour avoir un Scolocendre et un Steelix, il faut avoir un peu d'autorité ; pas autant qu'avec ses Pokémon à lui, mais quand même. « D'accord, j'reconnais que c'est impressionnant, même si ta Zorua a pas mal de choses à apprendre, encore. J'me disais que j'allais essayer d'attraper d'autres types, moi aussi. » Et, pour que la pilule passe un peu mieux, il hausse les épaules, prend un faux ton nonchalant. « J'aime beaucoup mes Pokémon, mais certains sont un peu... lugubres, enchaîne-t-il avec un petit rire. J'peux pas emmener tout le monde avec moi, Hatta ferait peur aux passants. C'est un Spiritomb. » Un Spiritomb avec un horrible caractère.

« T'as une sacrée équipe, en fait. J'pensais pas que tu t'étais amélioré à ce point.
– Je sais pas exactement comment prendre cette remarque, mais dans l'doute j'vais dire merci, rigole-t-il en réponse, pas du tout vexé contrairement à ce qu'il pourrait avoir l'air de dire. »
Il sait à quel point Mallory est avare de compliments et contrairement à un certain type qui n'a jamais su comprendre ce genre de subtilités dans la façon dont Mallory communique, il est assez malin pour comprendre que ça, c'en est un. « D'accord, j'reconnais que c'est impressionnant, même si ta Zorua a pas mal de choses à apprendre, encore. J'me disais que j'allais essayer d'attraper d'autres types, moi aussi. »
Ah, c'est sûr que la Petite n'est pas encore au maximum de ses capacités, même si pour un Pokémon de son âge il est déjà très impressionnant de voir qu'elle est capable de réussir aussi aisément ses transformations en taille réelle. Disons qu'elle a encore un peu de mal à gérer ses illusions quand elle n'a pas de modèle, voilà.
Isma ne prend pas la peine de répondre, pourtant : il préfère écouter ce que Mallory va ajouter, peu désireux de tout ramener à lui et considérant que si sa Zorua veut sauver l'honneur, elle n'aura qu'à s'améliorer. « J'aime beaucoup mes Pokémon, mais certains sont un peu... lugubres. J'peux pas emmener tout le monde avec moi, Hatta ferait peur aux passants. C'est un Spiritomb.
– T'as un Spiritomb, sérieux ? demande-t-il en écarquillant les yeux. C'est génial. J'en ai rencontré un à Sinnoh mais j'ai pas réussi à le capturer, il a foutu toute mon équipe par terre. »
Pour le coup, il est carrément et complètement impressionné. « C'est bon à savoir, cela dit. T'as du bol que j'puisse pas envoyer ma Lysaria contre toi quand j'viendrai à l'arène pour t'affronter. »
Apparemment, la Petite est vraiment très vexée, parce qu'elle entend à peine prononcé le nom de sa camarade qu'elle prend déjà l'apparence d'une grande et belle Gardevoir. « Elle a une dent contre les Spectres depuis ce jour-là. C'était une Tarsal, tu parles, elle pouvait pas faire grand chose... En tout cas j'comprends mieux pourquoi tu casses des gueules à l'arène, hein ? Un Ectoplasma, un Spiritomb... t'as quoi d'autre ? »