Heathcliff confie son numéro à très peu de personnes et à vrai dire, son obtention d’un motismart est assez récente. Dans sa famille, l’utilisation de la technologie n’a jamais été une évidence, bien au contraire. Ancrés dans leurs traditions familiales, les Pendragon ne se sont jamais particulièrement intéressés aux dernières innovations. Heathcliff côtoie les appareils technologiques depuis qu’il a été maire de Rosalia mais avant, la simple idée de l’utilisation ne lui effleurait même pas l’esprit. Aujourd’hui, il en profite comme tout le monde et il connaît bien les manipulations de base. Et puis, il faut reconnaître que c’est très pratique pour contacter les gens à qui il doit parler. En l’occurrence, il sait que la demoiselle fera un bon usage du numéro qu’il vient de lui donner et qu’elle range dans la coque de son propre motismart après avoir, suppose-t-il, noté dans son appareil les quelques chiffres qu’il vient de griffonner. Difficile pour eux de se perdre de vue, désormais. Et ça ne dérange pas Heathcliff qui, même s’il ne le dit pas, passe un bon moment avec la jeune fille ; en témoignent les rires qui rythment certains de leurs échanges. C’est peut-être aussi pour ça qu’égoïstement, il n’a pas envie qu’elle croise ses collègues en le cherchant parce que finalement, ce serait prendre le risque de se perdre. « D’accord, merci ! Je t’ajouterai après, si ça ne te pose pas de problème. », dit-il en entendant la sonnerie caractéristique de l’appareil placé dans sa poche. Il vient bien de recevoir le message tapoté quelques secondes auparavant. Quelques secondes s’écoulent avant qu’elle ne tente de nouveau sa chance pour capturer le Gruikui sauvage. Un refus de l’abandon qui s’avère payant puisque cette fois-ci, l’objet s’immobilise sur le sol sans que le Pokémon ne parvienne à s’en échapper. Les félicitations dans le regard, le Johtien n’ajoute rien ; préférant laisser la demoiselle savourer sa nouvelle réussite.

A la place, il poursuit sa petite démonstration. Ses doigts manipulent les cartes avec une dextérité acquise durant des années de pratique ; il ne triche pas, Heathcliff. Chacun de ses gestes est visible par la jeune spectatrice. Du moins, c’est ce qu’il fait croire. Les mains bien en évidence, il effectue certains mouvements qui, malgré un sens de l’observation notable, passent inaperçus pour un œil inexpérimenté tel que celui de sa jeune amie. Seul le magicien est en mesure de savoir où la carte a pris place actuellement et il joue avec ça. Il prend plaisir à exécuter ces mélanges. Quand enfin il s’arrête, c’est pour former trois tas de cartes. Heathcliff en sort une et pose la question fatidique bien qu’il connaisse déjà la réponse. Mais plus que le fait d’avoir raison, c’est cette lueur qui illumine soudainement le regard de la jeune demoiselle qui est sa plus belle récompense. C’est pour ce regard qu’il faisait ses spectacles à l’époque et il est agréablement surpris de constater que même avec les années, elle n’a pas perdu sa capacité à s’émerveiller. A cet instant précis, il la revoit à l’époque où il s’est retrouvé avec elle pour seul public. Et lorsqu’elle s’exclame que c’est la bonne carte, le sourire du Pendragon se fait plus large encore. Un cri qu’Heath n’a aucune envie de réprimander malgré les risques qu’il est susceptible de provoquer. « Ce n’est rien, ne t’en fais pas. », il tente de la rassurer sans se départir de son sourire. Elle n’a aucune honte à avoir, au contraire. « C’est un tour classique que tout bon magicien apprend à exécuter durant les premiers temps où il se forme. Tu veux que je te dise ? Si tu persévères et que tu as vraiment envie d’y arriver, alors toi aussi, tu pourras te vanter de faire partie de ces gens qui y arrivent. », dit-il en replaçant ses cartes dans leur petite boîte. Il pense sincèrement ce qu’il vient de dire : elle est tout à fait capable de répéter ce qu’il vient de faire.

C’est précisément pour ça qu’Heathcliff n’a jamais cessé de pratiquer la magie. Parce que depuis toutes ces années, il conserve l’espoir de pouvoir faire rêver une nouvelle génération. Il comprend que ce n’est pas irréalisable quand il voit la mine à la fois émerveillée et boudeuse de la jeune fille. Le temps d’un instant, il est encore capable de mettre des étoiles dans les yeux des personnes lorsque celles-ci se montrent un minimum réceptives à son art. Sans oublier l’envie d’apprendre qu’il peut malgré lui transmettre à des jeunes gens. Il semble que ce soit le cas de la demoiselle et un grand sourire fend son visage quand elle lui annonce qu’elle va persévérer parce qu’elle a aussi envie d’impressionner les autres avec quelques tours de magie. « C’est la bonne attitude ! Je suis certain que tu vas y arriver à force de pratique. Et surtout, n’oublie pas : quand tu fais de la magie, c’est important d’être généreux envers les autres, de leur montrer que tu fais ça pour eux. », que pendant quelques secondes, ils puissent mettre de côté les tracas de la vie quotidienne ; qu’ils s’égarent et oublient un peu que là, dehors, le monde n’est tendre avec personne. Comme il vient de le faire avec elle avec un tour extrêmement basique. Pour tout ça, il faut y croire et persévérer ; c’est la clé pour réussir dans tous les domaines. Pour Heathcliff, elle n’est certainement pas moins douée qu’un autre et il espère qu’elle le sait. Pour autant, le but n’est pas de s’en rendre malade. La magie, c’est un plaisir et à aucun moment ça ne doit devenir une contrainte. « Si tu as besoin d’aide pendant tes entraînements, n’hésite pas à me contacter et je ferai ce que je peux pour t’aider. », indéniablement, le mieux est qu’elle réussisse par elle-même ; elle en serait d’autant plus fière mais si vraiment elle a des difficultés, le magicien peut lui donner quelques conseils parce que si ça fait partie de ses rêves, elle ne doit pas l’abandonner. Et qu’importe si les adultes détournent majoritairement le regard.

« On peut dire ça. Au-delà du travail, j’ai grandi avec eux, ils ont toujours accompagné ma vie. Je leur dois énormément et j’ai beaucoup de respect et de tendresse pour eux. », il répond sincèrement sans vraiment comprendre pourquoi elle lui pose cette question. Du moins, jusqu’à ce qu’il entende l’explication de la demoiselle et il se sent bien stupide de ne pas y avoir pensé avant. « Oh, je ne savais pas qu’ils te faisaient peur. », pourtant, ça n’a rien de très surprenant et il le sait. Les spectres effraient, c’est pour ça que la plupart des gens ne les aiment pas. Généralement, le Pendragon déplore de telles attitudes mais là, c’est différent. Il apprécie la blondinette et il n’a pas envie qu’elle reste figée face aux spectres à cause d’une méconnaissance de ce qu’ils sont réellement. « Écoute, ça vaut ce que ça vaut mais peut-être que je peux te proposer de t’accompagner dans une démarche pour surmonter ta peur ? Si tu le désires, évidemment, je ne peux pas et je ne veux pas te forcer. », même si ce serait dommage de rester bloqué. Les Pokémon spectre comme Asmodée ont une réputation qui fait peur mais lui, en tant que créature, il n’est pas méchant ou agressif pour un sou et il a même tendance à se sentir aussi mal que les humains qui l’évitent même s’il n’est plus blessé par les méchancetés qu’on peut lui dire sous le coup de la crainte. Le Johtien attend patiemment la réponse de sa cadette sans relever la gêne perceptible dans toute son attitude.

L’attitude positive de la blonde agit comme un baume sur le Pendragon. Elle ne s’en rend probablement pas compte mais elle ajoute un peu de bonnes ondes dans la vie du Johtien qui ne va pas cracher dessus. C’est ce fait qui le laisse penser qu’elle est parfaitement capable de faire une très grande magicienne. La générosité, elle l’a naturellement ; l’envie d’amuser, il est convaincu que c’est également le cas et pour ce qui est de la pratique en elle-même, ce n’est qu’une question de temps et d’entraînement. Heathcliff n’a pas vocation d’être un modèle à admirer mais il est heureux de constater qu’il peut encore réveiller certaines passions chez des jeunes gens. Il n’a fait qu’un simple petit tour, une simple manipulation avec les cartes mais ça s’avère suffisant pour surprendre la blondinette. Une petite chose, un petit geste qui la fait rêver. Tout ça semble anodin mais pour lui, sa réaction est une énorme récompense. Alors il l’encourage au mieux tout en donnant quelques conseils qu’elle est libre de prendre ou non en considération. Néanmoins, le magicien ne doute pas du fait que ses mots soient pris au sérieux lorsqu’il voit avec quelle détermination elle hoche la tête. Elle a compris la première intention du magicien : faire rêver, amuser et non pas abuser. C’est le leitmotiv des gens qui pratiquent cet art. Nul doute qu’elle est capable de le comprendre ; il le voit à son sourire ainsi qu’à son annonce. Heathcliff hoche la tête, approuvant l’idée qu’elle s’entraîne dès son retour chez elle. Il devrait peut-être lui dire de ne pas négliger ses études pour autant, préciser qu’on ne peut malheureusement pas gagner sa vie en faisant uniquement de la magie mais il n’en fait rien. Les gens comme elle sont beaucoup trop rares pour qu’il les empêche de s’essayer à cette discipline. « Je serai là en cas de coup dur. », affirme-t-il, le sourire jusqu’aux oreilles. Elle sait où le trouver, désormais. Sa porte ne sera jamais fermée.

Heathcliff apprécie la compagnie de la demoiselle mais un point non-négligeable vient perturber ces instants agréables. Elle a peur des spectres mais le médium n’arrive pas à lui en vouloir. Il comprend que les gens aient ces craintes. Certains ont de bonnes raisons, d’autres les détestent parce qu’ils sont tout bonnement incapables de comprendre ces Pokémon ou même de tenter le moindre pas dans leur direction. « Ne t’excuse pas, ce n’est rien. », il a envie de croire qu’elle fait partie de ces personnes qui ont une réelle raison de se méfier des spectres. Il ne veut tout simplement pas croire qu’une personne à l’esprit si ouvert à la magie puisse refouler ces Pokémon par simple peur. « Pourquoi tu te caches ? Il ne sera pas vexé, il a l’habitude, tu sais. », triste réalité du Polichombr qui est pourtant une adorable créature. Au début, les critiques lui donnaient encore plus envie de disparaître dans les jupons d’Heathcliff mais aujourd’hui et malgré la timidité persistante, il commence à prendre sa place quand il le faut, sans trop se soucier des paroles des autres. Des progrès notables qui rendent le scientifique fier. « Je le peux, oui. », si c’est ce qu’elle désire vraiment, il est prêt à mettre la main à la pâte afin qu’elle apprenne à mieux connaître et appréhender ces Pokémon. « Si tu veux bien commencer, dis-toi que tu n’es pas un cas désespéré, d’accord ? Je vais faire de mon mieux pour t’aider mais il faut que tu aies conscience que c’est toi qui va devoir faire le gros du travail. », il peut lui montrer la marche à suivre mais c’est à elle seule de passer au-delà de ses peurs. « Relève la tête. », dit-il doucement en l’écoutant. « En un sens, c’est normal d’avoir peur. Les êtres humains craignent ce qu’ils ne connaissent pas parce qu’ils ignorent comment s’en protéger correctement. C’est la même chose avec les spectres et c’est déjà bien de savoir que tous ne sont pas méchants. », il hausse les épaules. « Je peux t’apprendre à les appréhender. Je peux t’expliquer comment reconnaître ceux qui ne te feront rien et t’enseigner les différentes façons d’appréhender ceux qui sont un peu plus dangereux quand on y va sans précaution. », parce que visiblement, ce n’est pas évident pour tout le monde : on n’approche pas un Polichombr de la même manière qu’un Funécire, par exemple.

Il a l’habitude qu’on le traite d’arnaqueur, de charlatans et autres synonymes peu flatteurs. Ce n’est jamais agréable à entendre mais il faut savoir passer au-dessus pour pouvoir continuer d’avancer. A quoi bon donner de l’importance aux mots de ceux qui jugent sans connaître ? C’est sans le moindre intérêt et c’est complètement contre-productif. Ces paroles, Heathcliff les balaie d’un revers de la main et si la gamine s’engage sur ce chemin-là, il espère qu’elle sera vite faire de même. Les jugements hâtifs sont le quotidien du Johtien depuis qu’il est jeune mais il doute que ce soit le cas de la blonde. Il ne critique pas ; seulement, il lui semble évident qu’il y a un certain manque de confiance en elle et il n’a pas envie qu’elle abandonne ses rêves et ses envies par la faute d’andouilles qui sont incapables de comprendre ce que sont réellement les magiciens. Des donneurs d’espoir, des faiseurs de rêves ; c’est ça, leur véritable vocation. Les arnaqueurs utilisent la ruse pour un profit personnel. Heathcliff n’utiliserait jamais la magie pour ça. Il ne prétend pas être totalement immaculé. Il a fait des erreurs et il sait qu’il fera d’autres choses répréhensibles mais certainement pas en usant de magie. Il n’a ni l’envie, ni le droit de salir cette pratique qu’il estime énormément. La magie émerveille, elle ne détruit pas. Comment pourrait-il l’envisager autrement quand il voit des réactions comme celles de Mavka ? Quand il se rend compte qu’en quelques gestes anodins, il est capable de la faire sourire ? Il n’a pas envie qu’elle perde ça. Heathcliff apprécie cette gamine et il n’a pas envie de la décevoir. Alors il propose également son aide pour le jour où elle voudra aller chercher des fossiles sur la plage. Ils pourraient s’y promener pendant qu’il raconte quelques anecdotes de vie ou qu’il montre quelques tours. Ils ne s’ennuieraient pas, le magicien en est certain.

Alors quand elle le remercie, il se contente de sourire et d’hocher la tête. C’est avec plaisir qu’il propose son aide. Pour ça et... Même pour le sujet un peu plus sensible dont ils discutent par la suite. Mavka a peur des spectres. Une peur qui n’est pas rare mais aujourd’hui, il y a une différence : Heathcliff a envie de l’aider. Il pense qu’il est capable de lui apprendre, de lui montrer qu’ils ne sont pas tous si effrayants. Quand elle relève la tête et qu’elle hoche cette dernière, le Pendragon comprend qu’elle l’écoute ; qu’elle peut avoir envie de combattre cette peur. « Tu connais Mallory et Sophie ? », demande-t-il soudainement, arquant un sourcil d’étonnement. Tout le monde les connaît au moins de vue mais de ce qu’elle dit, elle les a déjà rencontrés en face à face. Le médium écoute attentivement les paroles de sa cadette avant de secouer la tête. « Sophie est une Ectoplasma exceptionnelle. », dit-il en sentant un sourire poindre sur ses lèvres. « Peut-être que le fait qu’elle ait pris sa forme humaine t’a aidé mais je pense que ça ne fait pas tout. Elle a dû sentir que tu avais peur mais que tu ne lui voulais pas de mal. Alors elle t’a aidé à être un peu plus à l’aise. », en apparence et en comportement, Sophie est une adolescente. Mais dans les faits, elle est sans doute le Pokémon le plus intelligent qu’Heathcliff ait eu l’opportunité de connaître jusque-là. Il ne dénigre pas les autres, certainement pas. Cependant, il faut dire ce qui est. « Sophie est sans doute la meilleure rencontre possible pour aider une personne à vaincre sa peur des spectres. », parce que comme le dit Mavka, elle est douce et foncièrement gentille. Quand elle ne part pas dans ses jeux un peu fous, elle invite à la confiance et c’est sans doute pour ça que la jeune fille a osé. Et c’est bien, c’est même très bien.