motismart :

Il est déjà tard quand Gaspar règle la course de son taxi-volant, le ventre un peu noué, et l'esprit tout retourné par les événements de la journée. Il s'attendait à beaucoup de choses, bien sûr, étant donnée l'annonce qu'il avait à faire à son mari, ça allait forcément être compliqué. Mais à ce point ? Non, il ne s'en doutait pas, loin de là.
C'est l'impatience, mais aussi et surtout le stress, qui fait battre son coeur aussi fort alors qu'il entre dans le parc Pokélovers. Et si Oliver réagit mal ? Et s'il ne veut pas attendre, s'il ne comprend pas ? Il s'en mord les lèvres d'angoisse, alors qu'il scrute l'entrée de l'espace protégé, étonné de ne trouver personne. Est-ce qu'il y a plusieurs entrée à ce truc ? Oui, apparemment, constate-t-il en avisant le petit plan. Fait chier.
Un quart d'heure de plus passe, pendant lequel il tâtonne un peu dans le noir, cherchant à retrouver son amant avant que celui-ci ne perde patience - la batterie de son Motismart l'a lâché pendant le trajet en taxi. Ça n'a rien d'étonnant puisqu'il n'a pas chargé depuis plus de vingt-quatre heures mais pour le coup, ça-aussi, ça fait chier.
Quand il finit par trouver Oliver, il ne sait même pas par quel miracle le jeune homme peut être encore là ; en tout cas il ne réfléchit pas une seconde avant de presser le pas pour le rejoindre et se glisser dans ses bras sans même lui demander son avis. « J'ai eu peur que tu m'aies pas attendu, souffle-t-il, en posant son front contre l'épaule du musicien. Je suis désolé pour le retard. J'me suis planté d'entrée. »
Deux mains se posent sur ses bras, le font reculer doucement, et alors qu'il croise les yeux sombres de son amant, il pince un peu les lèvres, et détourne le retard. « Pardon pour... ces mystères. J'voulais pas t'inquiéter. Ça... ça va, toi ? »

Ce n'est pas normal. Que Gaspar lui écrive à une heure pareille après lui avoir annoncé qu'il irait parler à son mari pour s'en séparer, ce n'est pas normal. Il mentirait Oliver, en prétendant qu'il n'a pas passé toute la journée à y penser, à s'inquiéter ; bien sûr qu'il a peur, et bien sûr qu'il est prêt à reculer à tout moment, parce qu'une confiance brisée ne peut pas se réparer en une nuit, aussi belle a-t-elle été. Il en a gardé la marque, invisible sur sa peau mais brûlante au fond de son esprit, comme une série de points au fer rouge sur chaque centimètre de son corps ; parce qu'il lui a manqué, parce que prétendre le contraire serait mentir, et parce qu'il sait, quelque part, qu'il sera malheureux jusqu'à la fin de ses jours s'il doit subir une seconde désillusion avec le chanteur. Gaspar, c'était son avenir à l'époque, et force est de constater que ce n'est toujours pas le cas aujourd'hui. Après douze ans, Gaspar est toujours là, dans ce même petit recoin de coeur qu'il n'a  jamais quitté. Pourtant, ça n'a pas été faute de l'en chasser.

Et bien sûr, il est en retard. Assis sur un banc, près de son immeuble donnant juste en face du parc Pokélovers, désert en pleine nuit, Oliver ronge son frein en silence. Cette fois, c'est Calypso qui l'accompagne, il a remarqué que sa petite Tarsal était beaucoup plus à l'aise la nuit que le jour. Elle gambade paisiblement à côté de lui, inconsciente de l'angoisse de son dresseur ; est-ce qu'il va venir ? Est-ce qu'il va le lâcher ? Il n'en sait rien ; il n'en sait rien du tout, et il a peur, maintenant, au point de sentir sa main trembler sur la canne qu'il a été obligé de ressortir, peut-être un peu éprouvé par l'exercice de la veille. Il y avait bien longtemps que ses hanches n'avaient pas aussi bien servi et la pensée, peut-être un peu grivoise, lui aurait arraché un sourire un peu con s'il n'était pas aussi angoissé à l'idée de patienter toute la nuit que son chanteur vienne enfin le chercher.

Quinze minutes après l'heure prévue, pourtant, c'est une haute silhouette surmontée d'une tête blonde qu'il voit apparaître, à la lueur des réverbères. Le soulagement lui arrache un long et très lourd soupir, et il se lève, peut-être un peu trop vite, tandis que l'homme ne réfléchit pas une seule seconde pour se lover dans deux bras qu'il a déjà tendus pour l'étreindre. Tu m'as manqué. Comment est-ce seulement possible, alors qu'il a passé douze années sans le voir ? Peut-être parce qu'il n'a jamais arrêté de lui manquer, songe-t-il en fermant les yeux, avant de glisser une main dans ses cheveux blonds, inspirant son odeur à pleins poumons.

« J'ai eu peur que tu m'aies pas attendu, entend-il alors, et il raffermit sa prise Oliver, peut-être inconsciemment. Il l'a attendu pendant douze ans. Je suis désolé pour le retard. J'me suis planté d'entrée. » D'une douce pression, il finit par le faire reculer ; Gaspar a les cheveux en bataille, le regard perdu, et alors ça lui revient : pourquoi vouloir le voir en pleine nuit ? Qu'est-ce qui  s'est passé à Lucinel ? Pourquoi est-il allé là-bas ? Pourquoi tourne-t-il la tête, comme ça ? « Pardon pour... ces mystères. J'voulais pas t'inquiéter. Ça... ça va, toi ?
– Oui. » Et on s'en fout en vrai, il a besoin de savoir ce qui se passe, là. « Qu'est-ce que tu faisais à Lucinel ? Qu'est-ce que tu voulais pas me dire par message ? » Qu'est-ce qu'il lui a dit, son connard de mari, hein ? Quoi pour le perturber comme ça ?

« Assieds-toi. » C'est peut-être un peu autoritaire, quand il lui désigne le banc sur lequel Gaspar s'installe, obéissant. « Dis-moi ce qu'il s'est passé. »

« Oui. »
Bon, c'est un peu expéditif et de toute évidence Oliver n'a pas envie de s'étendre sur la question ; peut-être qu'il s'est un peu inquiété sur ce que Gaspar allait bien pouvoir lui dire, hein ? Quel idiot je suis. Ses lèvres se pincent, un peu plus, et il les mordille nerveusement en rêvant de se cacher à nouveau entre les bras de son amant. Mais ça ne règlera rien, hein ? « Qu'est-ce que tu faisais à Lucinel ? Qu'est-ce que tu voulais pas me dire par message ?
– C'est... ah, par où commencer, marmonne-t-il en passant une main dans ses cheveux, tourmenté.
– Assieds-toi. »
Bien. Il ne fait même pas mine de protester, suivant sagement Oliver jusqu'au banc sur lequel il s'assoit, les fesses au bord du bois, les genoux serrés et les mains sur les cuisses, à respirer profondément pour ne pas perdre ses moyens. Et pourquoi, hein ? Parce qu'il s'inquiète ? Non, c'est pas ça. Il a surtout peur de ce qu'Oliver va lui répondre, qu'il ne comprenne pas, qu'il... « Dis-moi ce qu'il s'est passé.
– Te fâche pas, d'accord ? implore-t-il en tournant furtivement un regard littéralement suppliant vers son amant, qui fronces les sourcils en réponse. »
Bon, c'était peut-être pas la chose à dire. Allez, un peu de courage. « Sacha a eu un accident. Il a été blessé à la tête à cause d'un... je sais pas trop, une balle perdue de flashball, quelque chose comme ça. Il est à l'hôpital, et il ne s'est pas encore réveillé. »
Dans cette disposition, courir rejoindre son amant à l'autre bout de la région est sans doute encore plus condamnable. Et Gaspar se sent coupable, bien sûr. Ça ne change rien à ce qu'il ressent, mais ça rend fatalement tout beaucoup plus compliqué. « Alors... j'ai pas pu lui dire quoi que ce soit, pour l'instant. »

« Te fâche pas, d'accord ? » Bien. A partir de là on peut considérer que ça part mal, hein ? Il en fronce les sourcils Oliver, parce qu'il n'est pas certain d'avoir très envie d'entendre Gaspar balbutier des conneries du genre que tout s'est passé trop vite et qu'ils n'ont plus rien à faire ensemble, que leur vie a changé maintenant, mais au moins il sera fixé, hein ? Il va bien falloir qu'il l'entende, qu'il s'est monté la tête beaucoup trop vite, sûrement, comme un gros con. Le gros con qu'il est, naïf, stupide, qui l'a beaucoup trop cru. Ces murmures-là, et les textos qui ont suivi, c'était sûrement trop beau pour être vrai, il le sait, pourtant, que certains bonheurs lui resteront à jamais parfaitement inaccessibles.

« Sacha a eu un accident. Il a été blessé à la tête à cause d'un... je sais pas trop, une balle perdue de flashball, quelque chose comme ça. Il est à l'hôpital, et il ne s'est pas encore réveillé. » Ils auraient pu faire un effort pour viser correctement, ces cons-là, songe cruellement Oliver en soupirant tout de même de soulagement. Donc, il n'a pas de regrets immédiats, c'est juste qu'il n'a pas pu lui en parler ? Si ce n'est que ça, alors c'est pas grave, songe le batteur en détendant enfin ses muscles, malgré son silence et ses yeux sombres qui ne quittent pas l'homme qui tord ses mains l'une contre l'autre. Quelque part, son mari est à l'hosto et il a traversé le pays pour venir le rejoindre, ça veut bien dire ce que ça veut dire. « Alors... j'ai pas pu lui dire quoi que ce soit, pour l'instant. » Oui, il s'en doute, ce serait un peu malhonnête que de dire ciao à un type dans le coma. Il soupire, Oliver : il ne manquait plus que ça, tiens. « J'peux comprendre pourquoi, répond-il finalement, en allumant une cigarette, avant de tendre son paquet au chanteur. Du moment que t'as toujours l'intention de le faire... j'suppose qu'il faudra attendre, de toute façon. » Il veut bien ; quelques semaines, le temps que ce connard sorte, et ensuite il n'attendra plus. S'il ne le dit pas, ses yeux sévères, eux, n'en cachent absolument rien.

« C'est gentil d'avoir eu... le tact de me le dire de vive voix. J't'avoue que j'ai un peu de mal à y croire, là. » Douze ans. Et ce serait si simple, alors ? « J'veux dire, c'est con non ? Si j'avais su... j'serais sûrement revenu plus tôt, je suppose. »

Si Oliver ne soupire pas, Gaspar se doute qu'il en a l'envie, et il est infiniment désolé que les choses se soient passées de cette façon, parce que ça ne l'arrange pas non-plus, à vrai dire. C'était déjà assez compliqué de devoir annoncer ça à Sacha, mais dans ces circonstances... il ne sait pas du tout comment il va s'y prendre. La pensée lui fait accepter sans même réfléchir la cigarette que son amant lui propose. « J'peux comprendre pourquoi. Du moment que t'as toujours l'intention de le faire... j'suppose qu'il faudra attendre, de toute façon.
– Je veux faire ça bien, confirme-t-il du bout des lèvres, le nez bas. » 
C'est un peu trop tard, dans la mesure où il a déjà trompé son mari, mais il ne sera pas un connard au point de se tirer pendant que Sacha est à l'hôpital. D'un côté, il n'a pas l'intention de faire attendre Oliver indéfiniment. Quelle merde. « C'est gentil d'avoir eu... le tact de me le dire de vive voix. J't'avoue que j'ai un peu de mal à y croire, là. »
Cette fois, c'est un sourire un peu con, amusé sans l'être, qui étire les lèvres du chanteur, furtivement. Ouais, lui-aussi il a du mal à y croire. Il avait même arrêté d'espérer, avant de se prendre ce coup de poing en pleine face, il y a quelques semaines.« J'veux dire, c'est con non ? Si j'avais su... j'serais sûrement revenu plus tôt, je suppose.
– Tu pouvais pas deviner, répond Gaspar, en relevant finalement la tête pour souffler la fumée vers le ciel. J't'ai pas donné beaucoup d'indices. »
Et c'était bien con d'ailleurs, effectivement. Doucement, il se décale d'une demie-fesse sur le côté, afin de frôler son bras du sien, s'appuyer à peine contre lui. « Moi si j'avais su, murmure-t-il en tournant la tête pour poser timidement la pointe de son menton sur l'épaule d'Oliver, je serais juste pas parti, en fait. »

« Tu pouvais pas deviner. J't'ai pas donné beaucoup d'indices. » Non, c'est sûr, mais tout de même ; peut-être qu'il aurait dû insister un peu, à l'époque, se dire qu'il devrait insister un peu, continuer, persévérer. Au lieu de ça, il a abandonné, détruit par un seul message, comme quoi, le bonheur ne tient pas à grand chose et le chagrin non plus, visiblement. Parce que l'homme qui se tient à côté de lui, serait-il revenu s'il l'avait imploré, supplié, s'il lui avait dit tout ce qu'il avait envie de hurler, à l'époque ? S'te plait Gaspar, me laisse pas, gâche pas tout parce que t'as peur, on était bien tous les deux et moi j'suis rien sans toi, absolument rien. Mais il n'a rien fait, rien dit. Poussé par Mallo et Isma, il a préféré lâcher l'affaire, comme un con.

Et ce menton qui se pose doucement sur son épaule, c'est un peu comme un baume posé sur son coeur, quand il tourne la tête pour croiser deux yeux brillants dans la nuit, assombris par les ombres nocturnes, plus juvéniles que jamais, pourtant. Combien de temps va-t-il se dire qu'il lui a manqué, avant de voir sa présence comme la plus pure des normalités ? « Moi si j'avais su, je serais juste pas parti, en fait.
– Comme quoi ça tenait à pas grand chose, juste un peu de courage des deux côtés, ricane-t-il doucement, avant d'approcher ses lèvres de son front. » Sa main s'accroche à une autre, peut-être un peu fébrile maintenant qu'il est là, son chanteur ; il est revenu, cette fois, et il ne partira pas il en est sûr et certain. En tout cas il le faut, sinon ça ne marchera jamais.

« Tu vas rentrer à Enoville, maintenant ? » Demande-t-il finalement en levant le nez, tandis que Calypso s'amuse avec un Crémy qui prend très vite la fuite ; sa Tarsal est un peu brutale dans sa façon de débarquer auprès des Pokémon sauvages. « Parce que bon, il est tard et j'habite à vingt mètres, alors... tu veux rester ? » Il l'espère, en tout cas ; des matinées, des vraies, ils n'en ont jamais connu, après tout, et tant que l'autre connard est dans le coma, au moins il ne fera pas chier à l'appeler toutes les deux secondes. « Enfin, on peut faire un tour avant, si tu veux. Le parc est sympa la nuit et on risque pas de se faire gauler à choper un Pokémon... »

« Comme quoi ça tenait à pas grand chose, juste un peu de courage des deux côtés. »
Dans le cas d'Oliver, c'était pas du courage qu'il fallait, mais une bonne grosse dose d'inconscience et de masochisme, sans doute. Ou des tendances suicidaires, il ne sait pas Gaspar, après tout il ne s'est jamais vraiment retrouvé dans cette situation. Tout ce qu'il sait, c'est que sa réaction si Oliver avait cherché à le retenir, ce jour-là, alors qu'il sautait dans le premier train pour l'autre bout de la région, elle est impossible à deviner. Ils ne sauront jamais ce qui se serait passé si, alors autant regarder plutôt ce qu'ils ont maintenant, hein ? Cette main chaude qui saisit la sienne, c'est la plus rassurante des sensations qu'il ait connue de sa vie. Et ça faisait longtemps, très longtemps qu'il ne s'était pas senti autant en sécurité. « Tu vas rentrer à Enoville, maintenant ? »
C'est une bonne question, se dit-il en relevant la tête à son tour, tirant sur cette cigarette qui se consume elle-même entre ses doigts. Il n'a pas envie de penser à Sacha et c'est sans doute ce qui arrivera s'il rentre. Et puis, il n'a pas envie de quitter Oliver ; à vrai dire il voudrait ne jamais avoir à retourner affronter son ancienne vie, quel qu'en soit l'aspect. « Parce que bon, il est tard et j'habite à vingt mètres, alors... tu veux rester ? »
Rester... chez lui ? Cette nuit ? Gaspar est si surpris qu'il en tourne vers son amant deux yeux ronds comme ceux d'un Hoothoot. « Enfin, on peut faire un tour avant, si tu veux. Le parc est sympa la nuit et on risque pas de se faire gauler à choper un Pokémon...
– Ah, ça ! rigole-t-il, avant de froncer les sourcils pour une expression affreusement sévère. Tu sais que c'est interdit, quand même, et que si ces crétins de flics faisaient leur travail tous ceux qui lancent une pokéball ici iraient en prison ?! »
Amusé de ses propres conneries, il rigole doucement et secoue la tête. « Des fois, j'te jure, ces Pokélovers... on peut faire un tour oui, si tu te sens de le faire, précise-t-il, sans baisser les yeux vers sa hanche cette fois, conscient que ça doit agacer Oliver comme peu de choses. Y a quelques Pokémon ici que j'ai jamais pu attraper mais ça m'dit bien. »

« Ah, ça ! » Et c'est quoi exactement, cette tête énervée, comme si Oliver venait de prononcer la pire des grossièretés. Il le regarde, le batteur, froncer les sourcils dans un faux air très sévère, haranguant une foule invisible dans une fausse posture parfaitement outrée, qui lui arrache un sourire. « Tu sais que c'est interdit, quand même, et que si ces crétins de flics faisaient leur travail tous ceux qui lancent une pokéball ici iraient en prison ?! » Est-ce que c'est son mec, qu'il imite ? En tout cas, ce petit ton aigu lui arrache un rire, parce que ça, ça ressemble très bien aux tarés qui ont fait construire ce parc après la défection de leur régime. Il est grand et c'est vrai, les Pokémon s'y sentent sans doute très bien ; tout comme ils se sentaient bien à Myrtha, et Oliver a vécu suffisamment longtemps avec une politicienne pour être convaincu par ses idées, à savoir ; ce sont les Weaver qui ont provoqué ce terrible désastre, là-bas. Sa hanche, il la doit à cette famille de connards, et il le sait très bien.

« Des fois, j'te jure, ces Pokélovers... on peut faire un tour oui, si tu te sens de le faire.
– T'en fais pas, je vais très bien. » Il ne va pas aller s'amuser à lui dire que c'est l'exercice de la veille qui a réveillé la douleur de sa hanche ; après demain, il n'en paraîtra plus, et ce n'est pas tout à fait comme s'il avait très envie de recommencer mais si, en fait. Et ça, il sait que ce sera impossible si Gaspar s'inquiète. Alors il empoigne sa canne d'une main ferme posée sur le pommeau à tête de Minidraco, prend courageusement appui sur ses jambes pour se relever, retient la grimace sans vraiment de peine. Les années passant, la douleur est devenue une horrible amie, terriblement familière. « Y a quelques Pokémon ici que j'ai jamais pu attraper mais ça m'dit bien.
– Ah oui ? Lesquels ? » Répond-il avec un sourire, alors qu'un couple de Ponchiot traverse la zone pavée du parc, juste sous leur nez. « J'te vois pas du tout avec un Mastouffe. Un Charmily à la limite... oh ouais, ça ça t'irait bien, mais tu peux dire adieu à ta merveilleuse équipe de dragons, hm ? » D'ailleurs, comment ça avance, ça ? Est-ce qu'il a déjà commencé à les entraîner ? C'est bien beau de se promener, mais ça ne suffira pas, et ça, ses parents le lui ont bien dit et répété. « T'as commencé les combats ? »

« Ah oui ? Lesquels ?
– Tu verras si on en croise, répond Gaspar en souriant, l'air faussement mystérieux alors qu'il s'empêche de tendre les mains pour aider son amant à se lever. »
Il n'a pas envie de vexer Oliver, quand bien même l'intention serait bienveillante, alors il se contente de sortir une pokéball de son sac ; quitte à se promener, autant que les Pokémon en profitent. « J'te vois pas du tout avec un Mastouffe. Un Charmily à la limite... oh ouais, ça ça t'irait bien, mais tu peux dire adieu à ta merveilleuse équipe de dragons, hm ?
– Non non non, je veux mes dragons, chantonne-t-il en réponse, même s'il doit reconnaître qu'il aime beaucoup Cremy, en fait. »
Pas question cependant de le dire à voix haute, et il libère Yucca, fièrement. Sa petite Germignon est forte et solide, c'est sûr qu'elle va impressionner Ollie. « T'as commencé les combats ?
– Hm, lâche-t-il en grimaçant, regardant autour de lui l'air de rien. J'en ai fait un, oui. J'ai presque gagné. Ça s'est joué à rien ! »
Son enthousiasme est beaucoup trop forcé pour être crédible, et au regard que lui jette Oliver, il le comprend bien, c'est donc un rire un tout petit peu mal à l'aise qui s'échappe de ses lèvres. « Oui bon. Il m'a éclaté. Vraiment éclaté. Mais j'avais pas encore Yucca, maintenant j'suis paré ! »
Il l'espère, en tout cas, mais à vrai dire il aime autant ne pas y penser. « Et toi hm, t'en as déjà faits ? »

« Hm, j'en ai fait un, oui. J'ai presque gagné. Ça s'est joué à rien ! » C'est marrant, mais il a un peu de mal à y croire, Oliver. Il tourne la tête, un peu moqueur, et un sourcil se hausse devant l'expression parfaitement confiante de son amant ; quelqu'un sans la moindre notion des combats Pokémon ? Ou alors il est tombé avec un nullos, ce qui est tout à fait possible, mais la plupart des dresseurs qu'on rencontre sur le chemin sont tout de même relativement rôdés à l'exercice. Et il a l'air beaucoup trop tranquille, comme à chaque fois qu'il ment et c'est presque avec ravissement qu'il la retrouve, cette formidable expression, sur le visage de celui qui n'a finalement pris que quelques rides, mais qui n'a absolument pas changé. C'est tellement bon de le retrouver. « Oui bon. Il m'a éclaté. Vraiment éclaté. Mais j'avais pas encore Yucca, maintenant j'suis paré ! »

C'est vrai qu'elle a l'air solide, sa petite Germignon, elle regarde un peu partout autour d'elle avant de se lancer en avant, suivie par une Calypso un peu timorée, il faut bien l'admettre. La Tarsal est beaucoup moins confiante, elle a du mal à s'éloigner de lui et c'est un regard encourageant qui parvient à la convaincre ; il va falloir qu'elle apprenne à grandir, si elle veut apprendre à combattre. « Et toi hm, t'en as déjà faits ?
– Euh, répond-il en passant une main dans ses cheveux, parce qu'il n'a aucune envie de répondre à cette question. Ouais, j'en ai fait quelques uns. Une fois contre Isma et j'ai perdu, et il y a quelques années, j'ai voulu défier quelqu'un que j'aurais absolument pas dû défier. » Parce qu'Allumette n'a jamais pris aussi cher de sa vie, ce jour-là. « Mallory, explique-t-il finalement, et ça n'a pas vraiment besoin de commentaires, Gaspar doit se rappeler du don que possède le garçon avec ses Spectres. Tu te souviens de Sophie ? »

A dire vrai, qui connaissait Mallory connaissait forcément son Pokémon ; Sophie ne le quittait pas d'une semelle, de petite fille à adolescente, elle avait fini par choisir la forme d'une jeune femme blonde au moment de son évolution. Mais son horrible sourire, lui, n'avait pas changé. « Il se trouve que c'est un Ectoplasma et que j'étais un peu bourré, alors je l'ai un peu provoqué. Le combat a duré trente secondes et Allumette a mis deux jours à s'en remettre. J'ai cru qu'elle allait le bouffer. » C'était un tout petit peu humiliant, il fallait bien le dire. « Donc, euh. J'ai pas beaucoup combattu. Mais je commence doucement à les entraîner, maintenant que... enfin, si on part ensemble, il va bien falloir, non ? » C'est toujours d'actualité, même si son abruti de mari bave sur un oreiller d'hôpital ?

« Euh. »
Oui ? Mais encore ? C'est sûrement un peu mesquin mais le manque d'enthousiasme dont Oliver fait preuve rassure un peu Gaspar ; au moins, il ne va pas avoir trop de retard par rapport à son compagnon de route. Assez soulagé, mais surtout curieux, il observe Ollie avec attention tandis qu'ils s'avancent dans la pénombre du parc, éclairé de loin par les réverbères dans les rues alentours - la lumière artificielle serait mauvaise pour les Pokémon la nuit, c'est nouveau ça vient de sortir. « Une fois contre Isma et j'ai perdu, et il y a quelques années, j'ai voulu défier quelqu'un que j'aurais absolument pas dû défier. »
Ah oui ? Et qui ça ? « Mallory. »
Ah. « Tu te souviens de Sophie ?
– Hum, comment l'oublier, grince Gaspar avec un petit frisson désagréable. »
Pour autant, il écoute la suite, parce que ça l'étonne un peu qu'Oliver parle de cette façon d'un combat supposé être amical. « Il se trouve que c'est un Ectoplasma et que j'étais un peu bourré, alors je l'ai un peu provoqué. Le combat a duré trente secondes et Allumette a mis deux jours à s'en remettre. J'ai cru qu'elle allait le bouffer. »
Et Mallory il pouvait pas le tenir son horrible Pokémon ? Pauvre Allumette ! « Donc, euh. J'ai pas beaucoup combattu. Mais je commence doucement à les entraîner, maintenant que... enfin, si on part ensemble, il va bien falloir, non ?
– Ah bah pour voyager avec moi ça va, on va s'en sortir, mais pour les arènes... va bien falloir qu'on s'entraîne, ouais ! »
Non parce que s'ils y vont en l'état ça risque de faire un peu mal, objectivement. « Mais attends, j'comprends pas, c'est Sophie ou Mallory que t'as provoqué ? Parce que... j'comprends pas trop qu'il ait laissé Allumette se faire massacrer. Il est devenu con avec les années, Mallo, pour provoquer ou laisser faire ça ? »

« Ah bah pour voyager avec moi ça va, on va s'en sortir, mais pour les arènes... va bien falloir qu'on s'entraîne, ouais ! » Donc c'est toujours d'actualité. Par chance, Gaspar ne se rend pas compte du profond soulagement qui envahit le batteur ; ça veut donc dire que rien n'est perdu, et que tout ce qui se passe, ces impondérables de la journée, n'ont pas érodé la volonté du chanteur de le rejoindre. Quelque part, c'est presque un miracle, songe le batteur avec un grand sourire, avant d'approcher ses doigts pour effleurer ceux du dresseur en herbe, qui ne se rend absolument pas compte de l'effet qu'une simple phrase comme celle-ci a sur lui. Au moins pour ce soir, il est rassuré. Et cette nuit, il va rester.

« Mais attends, j'comprends pas, c'est Sophie ou Mallory que t'as provoqué ? Parce que... j'comprends pas trop qu'il ait laissé Allumette se faire massacrer. Il est devenu con avec les années, Mallo, pour provoquer ou laisser faire ça ?
– Bah, tu sais bien qu'il a toujours été un peu soupe-au-lait, répond le batteur en haussant les épaules. » Quel doux euphémisme que celui-là, et ils le savent très bien tous les deux. Si Gaspar n 'a pas changé, Mallory non plus, tout au plus s'est-il légèrement assagi depuis quelques années, grâce aux soins de ses Pokémon ; mais ça s'arrête là. « C'était après un concert, on avait tous bu sauf lui, j't'avoue que je me rappelle pas très bien de ce que je lui ai dit. Mais ça l'a beaucoup énervé, ricane-t-il en glissant définitivement sa main dans celle du chanteur. J'me rappelle qu'il m'a dit de sortir, il m'a lâché Sophie dessus, et tu la connais, hein. Elle fait pas trop dans les états d'âme quand il s'agit pas de Mallo. » Allumette n'a plus jamais voulu s'en approcher après ça. Et tu m'étonnes, vu les dégâts qu'elle lui a fait. « Il s'est bouffé une Ball'Ombre en pleine tête et elle allait lui mettre la suite quand je l'ai rappelé. Mallory m'a dit que ça me servirait de leçon au cas où il me viendrait à l'idée d'en redonner aux autres, donc j'pense que j'ai vraiment dit une grosse connerie. » Même si Mallory n'a jamais voulu lui dire quoi exactement, donc ce devait être sacrément odieux. « Il est pas devenu con. Il est... enfin tu sais bien comment il est. Il est pas guéri, ça s'est un peu arrangé mais ça sera jamais un enfant de choeur, hein. Je plains ceux qui vont devoir l'affronter en arène. » Eux, par exemple.