Il arrive souvent à Heathcliff de se demander pourquoi il a pris telle ou telle décision. Par exemple : était-ce réellement judicieux d’avoir officiellement adopté Laurine sous l’impulsion d’une simple intuition ? Notamment lorsqu’elle est aussi insupportable qu’aujourd’hui ? La plupart du temps, il n’a aucun problème pour accepter ses vannes et faire comme si de rien n’était. Seulement, il suffit d’une fois, d’un jour où il se lève de mauvaise humeur et d’une pique placée au mauvais moment pour que les choses empirent. C’est ce qui se passe aujourd’hui. Il s’est mangé une remarque pourtant habituelle de la part de la demoiselle. Une “blague” qu’il aurait très certainement ignoré un autre jour mais pas là. Il lance un regard noir à la demoiselle, retenant in extremis une réponse particulièrement acerbe. Non, il n’a pas envie de ça. Alors il soupire et se reprend. « Je m’absente pour la journée, ça vaudra mieux. », lâche-t-il en grimaçant, agacé. Il n’a aucune envie de se prendre la tête avec elle alors il fait ce qui s’impose le plus pour lui : aller prendre l’air. Après tout, ça ira mieux ce soir, n’est-ce pas ? Du moins, il l’espère et au pire, il avisera. Il faut croire qu’au fil des années, improviser est devenu l’une de ses spécialités et quelque part, ça le fait rire un peu jaune, en y repensant.

Ce qu’il apprécie dans la région, ce sont les moyens de transports comme le train qui permettent de parcourir une large distance sans trop de difficultés et en un temps record. Alors il en profite, Asmodée à ses côtés ; le Polichombr ne l’abandonne jamais. Fidèle comparse depuis des années, il accepte toujours volontiers de l’accompagner en cas de sortie, qu’elle soit prévue ou non.
Dans le train, la voyage est calme et ce n’est pas pour déplaire au Pendragon qui se sent déjà un peu moins sur les nerfs. Regarder le paysage qui défile à travers les vitres lui permet de laisser son esprit vagabonder. Le temps passe rapidement et la surprise peut se lire sur son visage lorsqu’une voix annonce qu’ils sont arrivés à destination. Sans attendre, Heathcliff ramasse ses affaires et sort de son wagon, direction : les Grottes Charbi. Un endroit sauvage de la région qu’il connaît bien mal. Voilà donc l’occasion d’apprivoiser un nouveau lieu. Un tantinet plus serein qu’à l’heure du départ, Heathcliff respire un grand bol d’air frais à l’entrée de l’une des grottes avant de s’aventurer à l’intérieur.

« C'est bon arrête de chouiner, on va la retrouver, ta peluche. » Elle pleurniche depuis environ la veille, Choupette ; ils sont allés se promener près des grottes Charbi, et sa Mucuscule a absolument tenu à prendre sa peluche à l'effigie d'unn horrible Pikachu qu'il avait quand il était gosse, et qu'il lui a cédé sans regrets. Il lui manque un oeil, il a coupé une oreille quand il était petit, mais Choupette adore son doudou. A chaque fois qu'il doit le laver, c'est la croix et la bannière ; elle est beaucoup trop affectueuse avec l'objets, et il est obligé de le nettoyer pour qu'il ne se retrouve pas simplement recouvert de mucus collant et de poussière. Sauf que là, elle l'a perdue, et elle est inconsolable depuis ; et même si en ce moment, l'humeur du batteur n'est pas au beau fixe, il n'a pas pu résister à la mine malheureuse de son pauvre Pokémon, inconsolable depuis la disparition de Pikamoche. D'ailleurs, elle est toujours en train de glouglouter à côté de lui, et ses jérémiades commencent tout doucement à lui scier les nerfs. Exaspéré, il claque la portière de la voiture ; s'ils n'ont pas de chance, un Pokémon l'aura embarquée, cette foutue peluche, et Choupette ne la retrouvera jamais.

Il y a même de fortes chances. Où l'a-t-elle perdue, Oliver n'en sait pas grand chose, et c'est là qu'il regrette amèrement que les Pokémon n'aient pas droit à la parole. Il a réfléchi un bon moment dans la voiture, s'est refait le déroulé de la journée de la veille ; il a dû aller se promener pour oublier un peu tout le bordel qui dure depuis qu'ils sont rentrés, ils ont pris un chemin plutôt tranquille ; Choupette tenait la peluche sur son dos visqueux, jusqu'à ce qu'elle voie... c'était quoi ? Une baie ou un Rattata ? Elle a foncé comme une flèche, mais elle avait toujours la peluche sur son dos. Ensuite, ils ont trouvé un petit ruisseau,et pour ne pas abîmer son horrible Pikachu, elle l'a laissé sur la berge. Ouais, ils ont dû l'oublier là.

Mais après vingt minutes de recherche, force a été de constater que la peluche n'était plus là. Ils sont près de l'entrée des grottes, et quelque chose lui dit qu'un Pokémon a dû l'embarquer ; Oliver n'avait pas prévu de s'attarder, mais tant pis du coup, hein ? Avec un soupir, il se dirige vers l'entrée des grottes, peut-être avec une pointe d'appréhension. Ça n'a jamais vraiment été son truc, les lieux fermés et sombres comme ça, mais Choupette est beaucoup trop triste, alors il ne va pas avoir d'autre choix que de faire un effort. Le coeur battant, il finit par entrer ; et même si Choupette freine un peu des quatre fers, elle finit par le suivre, vaillante. Sa peluche est plus forte que la peur qu'elle partage avec son dresseur.

A l'intérieur, il fait sombre mais Oliver est surpris de voir que les gemmes qui ornent les lieux permettent d'y voir à peu près clair. Même s'il va laisser le soin à sa Mucuscule de trouver son doudou par elle-même, au moins n'aura-t-il pas besoin de la torche qu'il a prise en partant ; ou en tout cas, pas tout de suite. D'ailleurs, il n'est visiblement pas le seul à faire un peu de tourisme ; il y a un homme, un peu plus loin, qui progresse dans les goulets sombres des grottes Charbi. Pourvu qu'ils ne tombent pas sur un Pokémon trop costaud, c'est tout ce qu'il souhaite, et qui sait, ce type a peut-être retrouvé la peluche ? C'est débile, mais autant demander. « Excusez-moi, appelle-t-il, et l'homme se retourne aussitôt, surpris. Bonjour, désolé de vous déranger. Ça va avoir l'air complètement débile mais, ma Mucuscule a perdu une peluche Pikachu dans le coin, vous en auriez pas aperçu une quelque part ? » C'est marrant, songe-t-il en haussant légèrement un sourcil, sa tête lui dit quelque chose, à ce mec. « ...on se connait, non ? »

Rapidement, Heathcliff remarque que l’ambiance de ces grottes est bien différente des endroits dans lesquels il a davantage l’habitude de se rendre. C’est... Il ne sait pas trop. Il n’a pas les mêmes ondes que lorsqu’il va se perdre dans les ruines des vieux quartiers de Nathalia, par exemple. Ici, la lumière générée par les gemmes des cristaux produit un effet doux, calme et d’apaisant. Un point qui doit rendre ce lieu un peu plus fréquentable aux yeux de la majorité des personnes et qui, actuellement, permet au Pendragon de respirer un peu. A l’intérieur, Heathcliff profite ; regarde les alentours et passe à côté d’un Larvibule sauvage sans même y prêter la moindre attention. Asmodée, quant à lui, virevolte à ses côtés sans le lâcher d’une seule semelle. Dans ces moments-là, le petit Polichombr est un peu son garde-fou ; celui qui l’empêche de trop se laisser aller et de faire n’importe quoi. Dans l’immédiat heureusement, il ne semble pas avoir besoin d’intervenir. Le simple fait de marcher et d’être confronté à un environnement différent permet à Heathcliff de laisser ses pensées aller à autre chose, loin du quotidien qui est devenu le sien depuis plus d’un an et demi.

Et si les grottes n’ont pas grand-chose à voir avec les vieux quartiers de Nathalia, le Pendragon apprécie tout de même les lieux. Du moins, c’est ce qu’il se dit au fur et à mesure de son exploration à travers ces cavités. De plus, il peut y faire la rencontre de Pokémon Roche et Sol et ça l’intrigue. Certes, pas autant que les Spectres qui ont bercé sa vie depuis sa naissance ou que les chromatiques qu’il étudie en détails mais ces types ont cet aspect que le trentenaire trouve fascinant. Heathcliff imaginait également un lieu un peu plus fréquenté mais il semble n’y avoir que lui et son partenaire aujourd’hui. Enfin, il ne faut pas parler trop vite.

« Bonjour. », dit-il en se retournant soudainement lorsqu’une voix l’interpelle dans son dos. « Non, je n’ai vu aucune peluche dans le coin et encore moins une Pikachu, désolé. », sans trouver la question débile - qu’il juge plutôt... Atypique ? -, il admet volontiers qu’il est surpris. C’est la première fois qu’il se retrouve dans un tel endroit avec quelqu’un qui vient lui parler de la perte d’une peluche. Pour son Pokémon, qui plus est. Sans porter un jugement, le scientifique n’en est pas moins perplexe pour autant. Et ça doit se voir sur son visage à sa façon de regarder l’homme qui lui fait face. Visage qui se referme pour laisser place à un air méfiant dès l’instant où le brun lui pose la question qu’il craint d’entendre chaque jour de sa vie. Est-ce qu’ils se connaissent ? « Je ne sais pas, difficile à dire avec la lumière réduite de la grotte. », faux. Les gemmes éclairent suffisamment pour qu’Heathcliff puisse aisément détailler le visage de son interlocuteur mais sans être paranoïaque, il préfère jouer la carte de la prudence. « Vous êtes ? », demande-t-il, sur la défensive ; tout en réalisant que, peut-être, cette personne ne lui est effectivement pas totalement inconnue. Mais pour peu que ce garçon ait un lien avec Johto ou la Team Rocket, il vaut mieux se montrer prudent.

Il lui dit quelque chose, cet homme. Il ne sait pas trop comment ni pourquoi, mais il lui dit vraiment quelque chose, comme s'il l'avait déjà croisé quelques années auparavant ; mais pas ici, ailleurs. Oliver et le groupe ont énormément voyagé, et ils ont rencontré un paquet de personnes ; si le batteur ne se souvient évidemment pas de tous les visages, cette drôle d'impression lui laisse entendre qu'il a communiqué avec cet homme par le passé, et de façon un peu plus poussée que bonjour merci au revoir. Pourquoi, comment, dans quelles circonstances, le batteur n'en a aucune idée. Et puis, il se trompe peut-être, à l'intérieur d'une grotte, difficile de détailler les traits d'un visage sans s'approcher et avoir l'air complètement frappadingue ; il pose quand même la question, parce que ça l'intrigue, et la peluche passe au second plan au départ, quand bien même Choupette serait-elle en train de trépigner comme une folle près de lui, pleurnichant de tout son saoul pour qu'ils avancent et qu'ils le trouvent, ce putain de Pikachu puant et dégueulasse. « Non, je n’ai vu aucune peluche dans le coin et encore moins une Pikachu, désolé. » Ah. Bon d'accord, c'est peut-être un tout petit peu emmerdant tout ça, mais ils ne sont qu'à l'entrée des galeries des grottes Charbi, il va bien la retrouver, non ? Sa pauvre Mucuscule pousse un gémissement à fendre l'âme et il se serait bien penché pour la caresser, s'il ne craignait pas d'être recouvert de substance collante et gluante dès le début de la balade. Ça va bien, merci.

Et lorsqu'il finit par poser la question, c'est un drôle d'air qui se dessine sur le visage de l'étranger ; quoi, il a posé une question qu'il ne fallait pas ? Il craint quoi, au juste ? « Je ne sais pas, difficile à dire avec la lumière réduite de la grotte. » C'est vrai, mais les gemmes éclairent assez bien les lieux et c'est assez rare, que le batteur accoste quelqu'un de cette façon sans avoir cette drôle d'intuition. « Vous êtes ? » Bon. Si ça peut le mettre en confiance, Oliver hausse doucement les épaules, peu désireux de nourrir la drôle de méfiance de l'inconnu, qui n'a pas l'air de l'être tant que ça. « J'm'appelle Oliver, répond-il tranquillement, les mains dans les poches. Oliver Porter. Pas de panique hein, j'ai juste l'impression que j'vous ai déjà vu quelque part, mais j'peux me tromper. » Pourtant, cela ressemble bien à une petite lueur d'intérêt dans le regard de l'homme, non ? Alors ils se connaissent. Au moins de vue. Ou pas seulement, si son nom lui dit quelque chose. « Bon, après ça fait peut-être longtemps et on a pas mal voyagé avec mon groupe alors... vous êtes d'ici ? De Myrtha, peut-être, j'sais pas. Dans tous les cas, c'est pas bien grave j'étais juste curieux. »

Heathcliff n’aura jamais retrouvé autant de vieilles connaissances que depuis qu’il s’est durablement établi à Lathea. D’abord, il y a eu Laurine avec qui il vit au quotidien désormais, un peu malgré lui. Ensuite, il y a eu Gaspar, lointain souvenir d’une enquête de sa femme qu’il a croisé complètement par hasard près du fleuve. Il a même revu Asteria dans les rues de Castlerain. Et là. Là, il y a cet homme qui lui fait face. Cet homme qui lui évoque cette sensation de familiarité. Et c’est à cet instant que le bas blesse. Il oublie rapidement cette histoire de peluche ainsi que le gémissement du Pokémon Dragon pour se concentrer sur ce type. Il fouille dans sa mémoire, tentant vainement d’associer un contexte au visage de ce garçon. Il fait des efforts mais non, rien ne lui vient. Et c’est frustrant parce qu’à cause de ça, il ne sait pas comment se comporter avec son interlocuteur. Est-ce qu’il doit poursuivre sur sa lancée et rester méfiant ? Ou est-ce qu’il peut envisager d’être un peu moins sur la défensive ? Alors, il essaye de se faire un avis, principalement en baratinant un peu en espérant que ce soit au moins un peu efficace.

A l’énonciation de l’identité, Heathcliff hausse les sourcils. Porter, Porter… Oliver Porter. Ce nom lui est familier. Et plus il se le répète, plus il a cette sensation d’avoir déjà croisé le chemin de cet homme ; pas dans un contexte de criminalité, cela dit. Et s’il en est à ce point persuadé, c’est parce qu’il ne ressent aucune peur en entendant, que ce soit à voix haute ou lorsqu’il le repasse dans son esprit. Ses souvenirs embrumés lui auraient envoyé un signal si ça avait été le cas. Mais alors pourquoi ? Pourquoi diantre n’arrive-t-il pas à se rappeler concrètement ? « Est-ce que deux personnes avec le même sentiment peuvent se tromper, d’après vous ? », son ton est plus calme, ses muscles un peu plus détendus depuis qu’il est convaincu que cette personne n’est pas dangereuse pour lui. Du reste, quand un seul a ce sentiment de déjà-vu, c’est peut-être le hasard. Mais quand ce sont deux personnes, n’y a-t-il pas plus de chance pour que ce ne soit pas sans raison ? « Je m’appelle Heathcliff. Pendragon. », précise-t-il à son tour, estimant qu’il est logique de se présenter. « Je ne suis pas d’ici non. Je viens de Johto. Vous connaissez peut-être puisque vous avez beaucoup voyagé ? », il reste tout de même assez vague dans ses réponses, préférant éviter d’être trop précis sur ses origines. « La curiosité n’est pas toujours un vilain défaut, vous savez. D’ailleurs, si je peux me permettre, vous avez parlé d’un groupe. De quoi ? Musique ? », demande le Pendragon afin de dévier un peu la conversation. De toute façon, comme il l’a dit, ça fait longtemps ; alors peut-être qu’il le confond avec un autre visage flou de son passé ayant un nom similaire.

Est-ce que cet homme était à Myrtha ? Ailleurs ? Durant les dix années qui se sont écoulées, Oliver a rencontré un bon paquet de personnes, après tout. S'il se souvient de certains visages, il en a très vite oublié d'autres, et l'étrange état de morosité constante dans lequel il a vécu après le départ d'Ismaël ne lui a pas vraiment permis de nouer des amitiés solides, à quelques exceptions près. Sauf que cet homme ne fait pas partie de ladite exception, bien entendu ; la seule chose qu'il est capable de reconnaître c'est cet étrange grain de voix, la placidité de son visage et l'éclat de ses yeux qui, méfiant, finit par disparaître lorsqu'il décline son identité sans le moindre mal. Alors quoi, il a des casseroles au cul, celui-là ? Oliver n'est pas flic, et les conneries des autres ne tiennent pas de son ressort ; on peut le dire plus simplement, il s'en branle totalement, en fait. Du moment qu'on ne l'emmerde pas, c'est tout ce qui compte, et après tout s'ils ne se connaissent pas, c'est pas grave, hein. Ça ne l'empêchera pas de dormir, et quelque chose lui dit qu'il oubliera ce visage à l'instant où il aura retrouvé cette putain de saloperie de peluche débile.

« Est-ce que deux personnes avec le même sentiment peuvent se tromper, d’après vous ? » Au moins, il s'est calmé, il ne le regarde plus comme s'il était un criminel, songe Oliver en secouant la tête. Bon, donc s'il a aussi cette étrange impression, ne reste plus qu'à savoir ce qu'ils ont en commun. Une région ? Un nom ? Quelque chose ? « Je m’appelle Heathcliff. Pendragon. Je ne suis pas d’ici non, je viens de Johto. Vous connaissez peut-être puisque vous avez beaucoup voyagé ? » Il réfléchit, Oliver ; maintenant c'est sûr, ce nom lui dit quelque chose. A Johto, il y a eu plusieurs évènements notables qu'il s'efforce de remettre dans l'ordre ; les concerts ont très bien marché là-bas, mais la tournée a dû être écourtée en raison de l'état de santé de Mallory. Ils se sont arrêtés à Rosalia pendant quelques mois pour faire une pause, et... oui, c'était là-bas. Il en est presque certain, maintenant. « La curiosité n’est pas toujours un vilain défaut, vous savez. D’ailleurs, si je peux me permettre, vous avez parlé d’un groupe. De quoi ? Musique ?
– Oui. De rock. Mais ça me revient, maintenant. »

Peut-être que le ton est un peu plus froid, maintenant qu'il s'en rappelle. Parce que ce type, c'était un drôle de mec, qui adorait les spectres et s'est peut-être un peu trop intéressé à Mallory à cause de ça ; il se souvient assez bien de sa propre hostilité, Oliver, devant les manipulations d'un homme à l'encontre de son meilleur ami, déjà en état de détresse. « Vous êtes l'illuminé qui avez pris Mallory comme un cobaye, non ? A Rosalia. » Oliver est un mec très simple. Absolument pas du genre à se formaliser sur les comportements des uns ou des autres, et pourtant il se souvient que ça l'avait mis en colère, de voir Mallory manipulé entre les mains de cet homme, qui l'a aiguillé vers les spectres pour s'en sortir. Sophie, d'abord, et bien entendu, mais c'est avec les Polichombr qu'ils ont le plus travaillé, à l'époque. A ce souvenir, il en fronce les sourcils. « J'aimais pas vos méthodes. Est-ce qu'elles ont seulement changé, ou est-ce que vous abusez toujours de la faiblesse des autres pour faire vos petites expériences ? »

De rock, vraiment ? J’en écoute très peu mais je ne suis pas fermé à l’idée d’en découvrir. Ça, c’est ce qu’il aurait répondu dans une conversation normale, avant que cet Oliver ne le prenne soudainement à partie. Dans la tête d’Heathcliff, c’est un peu le principe de l’ascenseur émotionnel : méfiant, rassuré et de nouveau sur le qui-vive lorsque son interlocuteur lui lance un “ça me revient” sur un ton particulièrement glacial qui ne plaît pas au Pendragon, au point de le braquer instantanément. « Pardon ? », il sent le vent tourner et il est prêt à se défendre si ça s’avère nécessaire. Il écoute ce qu’Oliver a à lui dire, blêmit presque en se prenant de plein fouet les paroles honteuses du brun. Se faire traiter d’illuminé, c’est un peu l’histoire de sa vie, alors il encaisse. En revanche, que quelqu’un ait le culot de l’accuser de faire d’immondes expériences, ça le fait grincer des dents. Parce que plus Oliver crache ses paroles, plus les souvenirs remontent à la surface. Il n’a jamais assisté à un seul de leur concert mais il se souvient très bien de leur passage de plusieurs mois à Rosalia. « Et vous, vous êtes le mec un peu chiant qui n’arrêtait pas de le coller. », affirme-t-il à son tour, adoptant un ton similaire à celui du rockeur ; affirmant par la même que c’était bien lui, à Rosalia. Oui, il a connu un prénommé Mallory, autrefois. Il n’a pas oublié ce garçon qu’il a aidé sans jamais le considérer comme un cobaye. Il a vu sa détresse, son mal être et il lui a proposé une solution pour s’en sortir. Il n’a jamais considéré Mallory comme un sujet d’expériences. Et ça le met en colère que certains puissent sincèrement avoir cette pensée.

Il est gentil, Heathcliff mais quand on l’attaque, il réplique. Le Pendragon comprend rapidement pourquoi il avait occulté cet homme de sa mémoire. « Bordel mais vous pensez que c’est mon délire ? De manipuler les gens et de m’en servir comme cobaye ? C’est quoi votre problème ? », il n’a rien fait de mal. Rien du tout. Et ça l’insupporte qu’un mec comme celui qui lui fait face vienne et se permette de le juger, de l’accuser des pires bavures pour un scientifique alors qu’il ne comprend pas la portée de ce qui a été accompli. « Que les choses soient claires : j’en ai absolument rien à faire que mes… méthodes, comme vous dites, vous déplaisent. J’en ai rien à faire que vous pensiez que je manipule les autres en me servant de leurs faiblesses. De plus, il se trouve que vous êtes bien la dernière personne devant qui je dois me justifier. », mais il va le faire quand même parce qu’il n’en a pas terminé, il a d’autres réalités à lui balancer à la figure. « Mais puisque vous dites ce que vous pensez, laissez-moi faire de même. », prenant une seconde pour respirer un bon coup, il se lance. « J’ai aidé un homme à accepter ce qu’il était et à combattre ce qu’il ne voulait pas être. J’ai fait quelque chose d’important pour lui là où la médecine traditionnelle ne pouvait rien lui apporter de plus. Et vous, vous ne supportez simplement pas l’idée que l’inconnu que j’étais alors ait pu offrir un espoir en seulement quelques mois… à un homme que vous connaissiez déjà depuis des années sans avoir pu lui donner une réponse. », il est violent, les mots sortent bruts ; ils sont durs mais nécessaires. A l’époque où il a rencontré Mallory, le trentenaire a senti les ondes émanant du malade ; il a senti qu’il fallait faire quelque chose, que c’était urgent, vital. Alors il a commencé par simplement évoquer les Pokémon Spectres et le bien-être qu’ils sont capables d’apporter aux personnes compatibles avec eux. Il lui a montré qu’une autre vision de ces Pokémon était possible. D’abord avec Asmodée ; peu farouche, il était le compagnon idéal pour que Mallory apprenne à se familiariser avec les Spectres. Ensuite, il y a eu d’autres Polichombr. Et puis, Sophie. Ah, Sophie. Une Fantominus qu’Heathcliff appréciait.

« Pardon ? » Oui, c'est lui. Et qu'on se le dise, Oliver a toujours mis un point d'honneur à se considérer comme quelqu'un de bien, sous la plupart des rapports ; contrairement à son meilleur ami, il n'est pas un grand fanatique des attaques gratuites, des agressions imprévues, et du langage acide. Pourtant, et maintenant qu'il reconnait l'homme qui lui fait face, les yeux écarquillés par la surprise qu'a précédé un étrange soulagement qu'Oliver n'a pas compris, il sait déjà qu'il ne va pas être aimable. Ce fou furieux a, à l'époque, entraîné Mallo dans sa psychose, l'a presque encouragé là où il avait plus besoin d'aide que jamais. La tournée avait dû être arrêtée parce que le jeune homme était devenu tout simplement ingérable, et c'est à Rosalia qu'ils ont fini par faire une pause ; tout ça pour tomber sur un taré qui a décidé de se servir du malade pour expérimenter sa putain de médecine de merde à base de Spectres. Rien que ça.

Alors non, il n'a pas du tout  l'intention d'être aimable, quand bien même cet homme serait-il plus grand que lui et en meilleure forme physique. Mallo n'hésite jamais à aboyer sur des Gouroutan de deux mètres, après tout. « Et vous, vous êtes le mec un peu chiant qui n’arrêtait pas de le coller. » Le jeune homme fronce les sourcils, le toise ; le mec un peu chiant qui le collait, hein ? Ça s'appelle un meilleur ami, ça arrive quand on a de bonnes relations avec les gens d'en avoir, au lieu de se balader avec des spectres toute la journée. Sans déconner, il se prend pour qui ? Voilà, c'est formidable, il partait pour une promenade, et il va s'engueuler avec un crétin qui s'est pris pour un foutu exorciste à la petite semaine. « Bordel mais vous pensez que c’est mon délire ? De manipuler les gens et de m’en servir comme cobaye ? C’est quoi votre problème ? » C'est pas ce qu'il s'est passé, peut-être ? Mallory avait besoin d'être hospitalisé et au lieu de ça, cet homme lui a déboité le cerveau avec tout un tas de conneries sur les bienfaits des Pokémon et leur usage dans la médecine plus douce que la médication. Résultat, Sophie est devenue encore plus chiante que d'habitude, Vader a évolué en Branette et passe son temps à lui tourner autour comme une putain de girouette et... il ne parle même pas de Hatta. Hatta, c'est la pire chose qui soit arrivée à Mallo, et qu'on ne lui dise pas le contraire, Oliver a toujours eu des avis bien arrêtés sur certains sujets, dont celui-là.

Alors il peut bien pérorer à désir, Heathcliff Pendragon, ça ne change absolument rien et ça  ne lui fera absolument pas changer d'avis. « Que les choses soient claires : j’en ai absolument rien à faire que mes… méthodes, comme vous dites, vous déplaisent. J’en ai rien à faire que vous pensiez que je manipule les autres en me servant de leurs faiblesses. De plus, il se trouve que vous êtes bien la dernière personne devant qui je dois me justifier. » D'accord, sauf qu'apparemment, il en a gros sur la patate et il n'a pas fini de refuser de se justifier, hein ? S'il était vraiment insolent, il en sourirait sûrement Oliver, mais il préfère croiser les bras et le toiser, agacé. « Mais puisque vous dites ce que vous pensez, laissez-moi faire de même. J’ai aidé un homme à accepter ce qu’il était et à combattre ce qu’il ne voulait pas être. J’ai fait quelque chose d’important pour lui là où la médecine traditionnelle ne pouvait rien lui apporter de plus. Et vous, vous ne supportez simplement pas l’idée que l’inconnu que j’étais alors ait pu offrir un espoir en seulement quelques mois… à un homme que vous connaissiez déjà depuis des années sans avoir pu lui donner une réponse.
– Ah ouais, bien sûr, parce que filer un Spiritomb à quelqu'un qui entendait déjà des voix c'était la chose à faire d'après vous ? Sans déconner, vous manquez pas de souffle. »

Et ça veut dire quoi exactement, ça, qu'est-ce qu'il croit, qu'Oliver n'a jamais été capable de l'aider ? Il connait Mallo depuis qu'il est gosse, il ne compte plus le nombre de crises qu'il  a apaisées simplement en restant avec lui, et au péril de sa santé, qui plus est. Il ne sait rien du tout, alors tirer des conclusions aussi débiles, ça lui paraît un tout petit peu léger, quand même. « Hatta est un Pokémon malfaisant, il fait peur à absolument tout le monde et j'ai pas franchement l'impression que Mallo aille mieux depuis que vous lui avez fourré vos idées à la con dans la tête, bien au contraire. Maintenant, la seule qu'il laisse approcher quand ça va pas c'est Sophie, vous trouvez que ça a la gueule d'une solution ? » Quand bien même aurait-il toujours autant de succès, son meilleur ami, la plupart des régions ont déjà entendu son nom ; mais quand même. Merde. « Tout c'que vous avez réussi à faire c'est l'isoler encore plus des gens avec vos spectres, alors me dites pas que c'était la solution, il y en avait d'autres. Vous aviez juste envie de voir ce qu'un Spiritomb complètement taré faisait sur la psyché de quelqu'un de déjà malade, nan ? »

Il en faut pour énerver Heathcliff et ce garçon, cet Oliver Porter, il y est parvenu en un temps record. Il se fiche qu’on le traite de taré, d’illuminé voire de fou par contre, il y a des paroles plus graves qu’il ne supporte tout simplement pas. Et il se trouve que le brun a précisément mis les deux pieds dans le plat et à pieds joints, s’il vous plaît. Heathcliff grimace ; c’est précisément le genre de confrontation qu’il espérait éviter en venant vivre à Lathea. Qu’une personne comme lui le reconnaisse et se permette de le juger, de l’accabler des pires actes possibles et imaginables sans même vraiment le connaître, ça l’exaspère autant que ça le déprime. Il n’est pas mauvais et il n’a jamais fait quoi que ce soit avec des arrières pensées, contrairement à ce que semble penser l’autre type. A aucun moment il n’a forcé Mallory à faire quoi que ce soit. Heath’ lui a expliqué son point de vue et si Mallo y a adhéré, c’est de son plein gré et sans aucun bourrage de crâne quelconque. S’il avait refusé, le médium n’aurait certainement pas insisté.

Alors il lui balance ses vérités, Heathcliff ; peu importe qu’elles ne conviennent pas à ce monsieur. Il voudrait quoi ? L’entendre dire qu’il est désolé ? Le faire admettre des crimes qu’il n’a pas commis ? Non, il ne va pas mentir pour faire plaisir à cet homme qui l’accuse tout bonnement d’être un criminel. Et puis, ce regard. Oh, que ce regard qu’Oliver lui porte agace le Pendragon. Il se prend pour qui pour le toiser avec ce pseudo air supérieur ? « J’imagine que ça va dépasser vos capacités de compréhension mais ils se sont choisis. Contrairement à ce que vous semblez supposer, je suis loin d’être le débile qui confie des Spiritomb à loisir au premier venu. », qu’il se renseigne avant de proférer certaines paroles. Il aurait suffi d’une question à Mallory pour savoir qu’Hatta et lui, c’est une alchimie un peu plus complexe qu’il n’y paraît. Mais non, c’est tellement plus simple et moins contraignant d’accuser quelqu’un qui n’est pas un intime plutôt que de s’expliquer avec le principal concerné.

« Il est malfaisant et effrayant seulement aux yeux des personnes comme vous qui sont incapables de voir les Spectres autrement que comme des monstres. Malheureusement, vous représentez la majorité mais ça vous donne pas le droit de considérer vos peurs comme des généralités. », il crache ces mots, Heathcliff. Acerbe comme jamais. Les Spectres sont des Pokémon au même titre que tous les autres pourtant, ils se retrouvent en marge de la société parce que cette dernière n’est pas prête, ni suffisamment ouverte pour les accepter et les accueillir ; exactement à l’image d’Oliver, ne lui en déplaise. « C’est vrai qu’il avait aussi l’air de péter la forme avec vous. A moins qu’en fait, vous soyez tout simplement jaloux ? Vous ne supportez pas d’avoir perdu le possible ascendant que vous aviez sur Mallory. La vérité, c’est que ça vous énerve de voir qu’il peut vivre en se passant de vous. », il sait qu’il est violent, voire terriblement blessant mais ce mec lui a mis les nerfs à vif. Et s’il avait voulu être sarcastique jusqu’au bout, il aurait ajouté que Sophie est sans doute la meilleure infirmière qui soit. « Si vous êtes tant que ça persuadé de l’existence d’une autre solution, pourquoi ne pas vous en être servi ? », véritable questionnement. S’il sait, s’il affirme qu’il y a d’autres moyens, pourquoi Diable, ne s’en est-il pas servi ? « Vous pensez que j’écume les maisons et les hôtels pour distribuer mes Spectres et voir ce que ça donne ? Non mais vous vous entendez ? Pour votre gouverne, sachez que Mallory est celui qui a fait le premier pas. C’est lui qui est venu chercher de l’aide sur le seuil de ma porte. », et c’est ça, la vérité. Heathcliff n’est pas un savant fou avec une liste de malades pouvant potentiellement servir ses intérêts. Si Mallo n’était pas venu le voir, ils ne seraient probablement pas rencontrés. « Je crois qu’on n’a plus rien à se dire, monsieur Porter. », après tout, ils ont leur vérité et aucun ne semble vouloir en démordre. Cette “conversation” est donc vouée à l’échec.

« J’imagine que ça va dépasser vos capacités de compréhension mais ils se sont choisis. Contrairement à ce que vous semblez supposer, je suis loin d’être le débile qui confie des Spiritomb à loisir au premier venu. » Il en écarquille les yeux de surprise, Oliver. Ce qu'il lui dit, ça ressemble à la putain de phrase d'une secte, c'est hallucinant de voir ça et d'entendre ça ; il ne comprend même pas où il veut en venir, ce type, exactement de la même manière qu'à l'époque, il s'est farouchement opposé à Mallory quand celui-ci lui a présenté Hatta. Oliver a toujours adoré les Pokémon, il n'a jamais eu le moindre problème avec un seul ; exception faite de ce maudit Spiritomb qu'il voit comme un ennemi à abattre, une présence malfaisante renforçant la maladie de Mallory, convaincant le jeune homme qu'il a besoin de ça pour continuer. C'est injuste et c'est ce fou à lier qui lui a mis des idées pareilles dans la tête. Il n'en revient pas. Alors quoi, qu'est-ce qu'il insinue, l'expert, qu'il est con ? Formidable, c'est sûr qu'avec autant de condescendance ils vont bien s'entendre, c'est même sûr et certain.

« Il est malfaisant et effrayant seulement aux yeux des personnes comme vous qui sont incapables de voir les Spectres autrement que comme des monstres. Malheureusement, vous représentez la majorité mais ça vous donne pas le droit de considérer vos peurs comme des généralités.
– Vous dites n'importe quoi, jamais je n'ai considéré les Spectres comme des monstres, écoutez-vous, sérieux. » Oliver a toujours profondément aimé Sophie, il adore la plupart des Pokémon de l'équipe du champion ; seul Hatta fait exception, même Erèbe, le défenseur des opprimés, refuse obstinément de s'en approcher. C'est tout de même suffisamment probant, non ? Il en plisse les yeux de mécontentement, le jeune homme, ou de colère plutôt, parce que ce genre de réflexions à la petite semaine, Heathcliff peut se les garder. Au même titre qu'il n'aurait sans doute pas dû prétendre un certain nombre de choses - bien qu'il ne le reconnaîtra sans doute jamais - cet homme devrait faire attention à ne pas tirer de conclusions hâtives. Il n'en est pas à son coup d'essai, qui plus est.

« C’est vrai qu’il avait aussi l’air de péter la forme avec vous. A moins qu’en fait, vous soyez tout simplement jaloux ? Vous ne supportez pas d’avoir perdu le possible ascendant que vous aviez sur Mallory. La vérité, c’est que ça vous énerve de voir qu’il peut vivre en se passant de vous. » Peu de personnes disposent des connaissances suffisantes pour déterminer quel type de relation s'est liée entre Mallory et Oliver. Ces deux-là se connaissent depuis l'enfance, et sans doute personne mieux que lui n'est en mesure de prévoir une crise ; a l'heure où aucun Pokémon n'était là pour le sauver, pas même Sophie, il était le seul qui avait les bras assez forts pour accueillir la silhouette de l'enfant maigre et apeuré par ce qu'il entendait dans sa tête. Alors, jaloux ? Non. Le batteur sait très  bien ce qu'il vaut aux yeux du champion ; et si un Spiritomb était vraiment en mesure de l'aider au point de l'évincer, il en aurait même été ravi. Quant à l'idée de l'emprise, elle lui arrache un ricanement sinistre ; voilà quelqu'un qui croit tout savoir et qui, en vérité, se trompe sur toute la ligne. C'est Mallory qui a fait foirer toutes les relations d'Oliver par possessivité, et non l'inverse.

« Si vous êtes tant que ça persuadé de l’existence d’une autre solution, pourquoi ne pas vous en être servi ? » Parce que Mallo ne lui en a jamais laissé l'occasion. Parce que le malade croit savoir mieux que tout le monde ce qui est bon pour lui,  parce qu'il est têtu, obtus, parce que rien de ce qu'il pourrait dire ne permettrait d'obtenir grâce à ses yeux, tout simplement. « Vous pensez que j’écume les maisons et les hôtels pour distribuer mes Spectres et voir ce que ça donne ? Non mais vous vous entendez ? Pour votre gouverne, sachez que Mallory est celui qui a fait le premier pas. C’est lui qui est venu chercher de l’aide sur le seuil de ma porte. » Mallory a été con du début à la fin dans cette histoire, il n'a rien voulu entendre. Et ce type, qui est adulte, aurait dû lui dire que toute cette blague  n'était pas une solution. « Je crois qu’on n’a plus rien à se dire, monsieur Porter. »

Oh, non. Sûrement pas. « C'est quand même intéressant de voir que vous faites erreur du début à la fin et que vous décidez vous-mêmes de conclure une discussion très loin d'être terminée, gronde-t-il en fronçant furieusement les sourcils. » Lui, il a encore deux ou trois trucs à dire à ce grand imbécile, et ça commence par mettre deux ou trois petites choses au clair. « Premièrement, ne parlez que de ce que vous connaissez la prochaine vois, vous vous rendrez moins ridicule. Vous n'avez pas la moindre idée des tenants et aboutissants de la relation que j'ai avec Mallory. On se connait depuis gosses, et à aucun foutu moment j'permettrais à qui que ce soit d'émettre un jugement au sujet de ce dont il ne sait absolument rien. » Une emprise, sérieusement, ça le rend dingue. Ça fait dix ans qu'il suit Mallory, dix ans qu'il a mis sa propre vie entre parenthèses pour prendre soin de lui et l'aider, et cet homme prétend qu'il cherche à en faire quelqu'un d'autre ? En d'autres circonstances, et si son corps n'était pas aussi cassé, il aurait certainement pris son poing dans la figure. « C'est pas une putain de question de jalousie mais de sécurité, vous avez foutu entre les mains de Mallory un Pokémon dangereux qui s'infiltre dans sa tête, personne ne peut valider une chose pareille, personne ! C'est pas une putain de question d'ascendant, c'est mon ami et je l'aime, en quoi est-ce un putain de crime, hein ? » Bien sûr qu'il s'énerve ; bien sûr que ça le rend malade. « Il est revenu dans la région, mais laissez le tranquille. C'est la seule chose que j'ai à vous dire, vous approchez pas de lui. Vous en avez déjà bien assez fait comme ça. »

Ce type l’énerve comme jamais personne ne l’a fait auparavant. Ses nerfs sont extrêmement tendus et sous le coup de l’énervement, Heathcliff lance des propos violents, voire blessants mais il ne pense pas au mal qu’il fait parce que sur le fait, c’est ce qu’il souhaite. Faire du mal, blesser moralement cet homme qui ne se montre guère plus tendres avec lui. Il s’en rend compte le Pendragon ; et il n’aime pas ça parce que ce n’est pas lui, ce n’est pas ça la personne qu’il est au fond. A vrai dire, ça le débecte d’en arriver à de telles paroles et d’un autre côté, il se dit qu’il l’a cherché. Ce type l’a provoqué. Pire, il l’a insulté : lui et l’aide qu’il s’efforce d’apporter avec bienveillance, sans aucune arrière-pensée en tête. Alors il s’emporte, prononce des choses horribles. Oh, il s’écoute très bien, il a conscience de la portée des mots qu’il envoie. Il connaît leur impact. Il grimace quand il entend les justifications d’Oliver. Lui non plus ne se rend pas compte qu’à l’entendre, il peut laisser croire qu’il pense que les Spectres sont mauvais. C’est trop facile maintenant de dire que ce n’est pas le cas. Pourtant, le médium ne dit rien à ce sujet, il se contente de froncer les sourcils et de désapprouver en secouant la tête de gauche à droite. Il ne le croit pas. Et il en sera sans doute toujours ainsi et ce, des deux côtés. Depuis le début, c’est un dialogue de sourds qui s’est engagé entre les deux hommes. Le scientifique s’en est aperçu mais sa volonté de mettre fin à l’échange avant que l’irréparable ne soit franchi est tout bonnement balayée lorsque le brun lui balance une autre réponse à la figure. Il était prêt à partir, à passer son chemin et a simplement oublier cette rencontre qu’aucun des deux protagonistes n’avaient souhaité. Alors bon sang, pourquoi il en rajoute une couche comme s’il voulait faire sortir Heathcliff de ses gonds ? C’est quoi l’utilité dans tout ça ? Montrer qui est le meilleur ? C’est si important que ça ?

« Pour moi, c’est vous qui faites erreur. Comme quoi, vous voyez, c’est fou ce qu’une même situation peut être bien différente selon le point de vue. », dit-il sur un ton clairement sarcastique qu’il ne cherche pas à cacher. « Je fais ça dans votre intérêt autant que pour le mien. Je n’ai aucune envie qu’on en arrive à un stade tragique alors qu’on sait pertinemment tous les deux qu’on sera jamais d’accord. », lâche-t-il en avisant la canne de ce type. Il ne sait pas ce qui lui est arrivé et il s’en fout. Le fait est qu’on ne se promène pas avec une canne à son âge sans avoir eu un accident grave. Il est donc diminué (si on omet la possibilité de frapper avec l’objet) par rapport à Heathcliff qui est dans la force de l’âge et en pleine possession de ses moyens. Pour le coup, ce n’est qu’une question de bon sens mais apparemment, c’est loin d’être le fort de ce garçon. « Vous connaissez l’adage qui dit : ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas qu’on vous fasse ? C’est vrai, j’ai aucune idée du lien que vous pouvez avoir avec Mallory et en toute franchise, je m’en tamponne le coquillard. Cela dit, ça vaut pour vous aussi. Qu’est-ce que vous savez de qui je suis ? Qu’est-ce que vous savez de ce que je fais ? Des combats que je mène ? Rien. Et pourtant, vous avez le culot de vous permettre de me juger. De m’accuser de faire du mal à des humains que, d’après vous, je considérerais comme des simples cobayes. Vous vous la jouez preux chevalier mais vous vous tournez en ridicule. », il fronce les sourcils, cette conversation l’agace prodigieusement.

Il ne veut pas changer Mallory. Il fait ce qu’il peut pour qu’il accepte ce qu’il est et qu’il combatte le reste. Heath n’est pas idiot, il sait qu’on ne change pas la nature d’un humain. Oui, il y a des fois où il peut manipuler mais pas là. Pas avec quelqu’un comme Mallory. C’est vrai, il le connaît moins bien qu’Oliver, et ? Tout ça ne change rien au fait qu’il se soit attaché à ce garçon. Il l’apprécie et à aucun moment il ne lui a voulu du mal. « Le truc, c’est que moi, contrairement à vous, je ne vous ai jamais traité de criminel. C’est un ami cher à vos yeux ? Ouais, c’est une bonne chose. Sauf que les amis, ça fait aussi des concessions, ça accepte les choix des autres. Vous dites qu’Hatta est dangereux, je dis l’inverse mais au final, on n’a pas vraiment notre mot à dire. », le principal concerné, c’est Mallory. C’est lui qui décide s’il a besoin de son Spiritomb ou non. Si un jour il souhaite s’en séparer, Heath’ l’acceptera, lui. « En fait, je vous promets que dalle. Tout simplement parce qu’aux dernières nouvelles, je ne vous dois absolument rien. Je n’irai pas le chercher moi-même mais si on doit se retrouver, ça arrivera et c’est comme ça. », rétorque-t-il sèchement, notant le retour de Mallory. Selon lui, c’est tout à fait idiot de lui faire cette révélation mais désormais, plus rien ne l’étonne de la part de ce type. Et si son chemin doit recroiser celui de Mallo, ce sera ainsi. Quand bien même les paroles d’Oliver contiennent une menace sous-jacente, ça ne changera rien.

« Pour moi, c’est vous qui faites erreur. Comme quoi, vous voyez, c’est fou ce qu’une même situation peut être bien différente selon le point de vue. » Bah c'est super gentil tout ça mais en attendant, le résultat est exactement le même ; il se croirait presque de retour à Rosalia Oliver, au moment où il était déjà à couteaux tirés avec cet homme qui essayait d'arracher les dernières miettes de bon sens à un Mallory éprouvé, épuisé, qui s'était raccroché désespérément aux propositions fumeuses de cet homme sans réfléchir une seule seconde aux conséquences que cela allait avoir. Il est fatigué, de se dire que tout aurait pu être évité si seulement il l'avait écouté ; il n'a jamais voulu que son bien à Mallo, il n'a jamais voulu que le protéger. Depuis qu'il est gamin il le veut, et oui, c'est rageant de songer qu'il n'a pas et n'a jamais eu ce pouvoir, finalement.

« Je fais ça dans votre intérêt autant que pour le mien. Je n’ai aucune envie qu’on en arrive à un stade tragique alors qu’on sait pertinemment tous les deux qu’on sera jamais d’accord. » Le fait d'être d'accord ou non n'est absolument pas un problème, qu'il ne s'approche pas de Mallo, c'est tout. Qu'il le laisse tranquille, il en a assez vu comme ça, il en a assez bavé comme ça, et si Oliver  n'a pas la moindre idée d'à quel point il est dans le vrai, c'est pourtant le cas. Mallory a besoin de stabilité, de repères, et les Spectres n'en sont pas. Sophie est la seule exception à cette règle, elle est la seule capable de le sauver. Il a mis du temps à l'admettre, mais c'est vrai. Le jour où il est rentré de promenade avec cette petite fille  bizarre à l'abominable sourire, Oliver a voulu qu'il la relâche ; Mallory ne l'a jamais accepté. Maintenant, il sait qu'il s'est trompé, mais ça ne veut pas dire qu'il s'est trompé pour tout, bon sang.

« Vous connaissez l’adage qui dit : ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas qu’on vous fasse ? C’est vrai, j’ai aucune idée du lien que vous pouvez avoir avec Mallory et en toute franchise, je m’en tamponne le coquillard. Cela dit, ça vaut pour vous aussi. Qu’est-ce que vous savez de qui je suis ? Qu’est-ce que vous savez de ce que je fais ? Des combats que je mène ? Rien. Et pourtant, vous avez le culot de vous permettre de me juger. De m’accuser de faire du mal à des humains que, d’après vous, je considérerais comme des simples cobayes. Vous vous la jouez preux chevalier mais vous vous tournez en ridicule.
– Ah parce que c'est pas c'que vous avez fait, peut-être ? répond-il, à bout de nerfs. » Quoi, ça lui est arrivé souvent à cet homme, de donner des Spiritomb à des malades mentaux, il y a des études sur ça ? Il est certain que  non. Il s'est servi de Mallory, il a perverti ses pensées, il en est sûr ; et peu importe qu'il se rende ridicule, il n'a aucun comptes à rendre à ce fou à lier, de toute façon. « Le truc, c’est que moi, contrairement à vous, je ne vous ai jamais traité de criminel. C’est un ami cher à vos yeux ? Ouais, c’est une bonne chose. Sauf que les amis, ça fait aussi des concessions, ça accepte les choix des autres. Vous dites qu’Hatta est dangereux, je dis l’inverse mais au final, on n’a pas vraiment notre mot à dire. »

Bon. D'accord. Il est con. Oliver lève les yeux au ciel, exaspéré ; bien sûr qu'il a son mot à dire. Cet homme non, effectivement, mais lui si. Il a toujours eu son mot à dire concernant Mallory, et ce dernier ne s'est d'ailleurs jamais gêné dans le cas de sa vie à lui, hein. C'est comme ça qu'ils fonctionnent. C'est comme ça qu'ils sont, tous les deux. « En fait, je vous promets que dalle. Tout simplement parce qu’aux dernières nouvelles, je ne vous dois absolument rien. Je n’irai pas le chercher moi-même mais si on doit se retrouver, ça arrivera et c’est comme ça. » Et cette fois, Oliver secoue la tête. Il devrait s'en aller, mais il n'arrive pas à croire qu'il puisse laisser dire des trucs aussi cons, en fait. « Si vous croyez que Mallory est capable de prendre des décisions par lui-même, c'est que vous avez définitivement rien compris, quand bien même vous essayez de vous convaincre du contraire. C'est bien, ça doit soulager votre conscience. » Sauf que ça ne marche pas du tout comme ça. Vraiment pas comme ça.

Parce que Mallory a toujours eu besoin d'aide. « Il est malade, il ne sait pas ce que c'est, un jugement calme et réfléchi. Il a toujours agi sur des coups de tête et il s'est toujours laissé influencer, par tout le monde. Qu'une personne saine d'esprit décide de se détruire la tronche avec un Spiritomb, c'est effectivement son problème et pas le mien. Mais là on parle d'un malade, bordel. Comment voulez-vous seulement qu'il ait pensé à vous dire non quand vous lui proposiez une solution miracle à quelque chose qui le ronge depuis qu'il a huit ans, hein ? » Et quoi qu'il prétende, Oliver a peur pour lui. Il a toujours eu peur pour lui, et cela ne changera sans doute jamais. « Il ne pouvait pas faire d'autres choix que le vôtre parce qu'il n'a pas le recul nécessaire, mais vous n'aviez pas le droit de ne pas considérer ça. Voir Mallory comme quelqu'un de suffisamment mature et réfléchi pour s'imaginer qu'il sait ce qui est mieux pour lui, c'est se gourer sur toute la ligne, putain. » Et ses solutions, elles sont merdiques, point final. « Réfléchissez-y la prochaine fois qu'une personne en détresse frappe à votre porte et écoutez un peu son entourage au lieu de tout miser sur un jugement biaisé par la maladie, c'est quand même pas compliqué, si ? »