“Il fait chier.” Trois mots. Trois mots qui t’ont coûté cher lorsque tu les as prononcé devant la machine à café en parlant de ton supérieur qui t’avait collé à une vieille mission de patrouille toute pourrie au parc. Trois mots que tu as prononcé sans te rendre compte qu’il était à portée d’audition.
T’aurais dû tilter en voyant ton collègue Tristan tirer une gueule de trois mètres de long alors que tu lui parlais. Il a vu la catastrophe venir de derrière toi. Une catastrophe presque clichée tant elle est classique. Un mauvais timing de qualité. Du coup, puisqu’il fait chier, ton connard de chef t’a collé au parc pour la semaine au lieu de la journée. Putain mais, pour commencer, qu’est-ce que vous en avez à foutre que des dresseurs capturent quelques Pokemon dans l’enclos aux hippies franchement? Et puis c’est même pas comme si vous vous faisiez chier en ce moment vu le nombre de fions qui se perdaient hors des villes ou de crétins pas foutus d’approcher un Pokemon sauvage sans se manger une mandale de leurs grand-morts.

Tu fulmines en avançant entre les arbres du parc comme un automate bien programmé, lançant des regards méchants à ceux qui ont le malheur de dégainer une Pokeball dans ton champs de vision. La plupart des concernés rangent vite fait le matos et t’en restes là mais ceux qui ont le malheur de pas comprendre assez rapidement le message ont le droit à un petit combo “prune + leçon de morale à deux sous” sans sommation, le tout accompagné d’une expulsion du parc pour les petits malins spécialisés dans la négociation. Et si d’un côté ça te défoule bien, de l’autre, au rythme où tu vas, tu vas faire du chiffre, ce qui n’est pas une bonne chose car on risque de te recoller à la tâche.

Alors que l’idée de te contenter des leçons de morale commence doucement à t’effleurer l’esprit, tu décide de t'arrêter à un kiosque où se trouve un vendeur de gaufres. Ronchonner et emmerder des dresseurs ne faisant rien de mal t’a donné faim, ce qui n’a pas arrangé ton humeur. Tu prends donc une gaufre au chocolat avec double dose de chantilly et une bouteille de coca avant de t’installer sur un banc et de remplir ton bide en regardant ce qui se passe autour, beaucoup moins méchamment cette fois dans la mesure où tu glandes au lieu de taffer.

« Quoi ?! Mais comment ça tu l'as revu ?
– Eh, arrête de gueuler j'suis un grand garçon et j'ai pas...
– Ouais ouais c'est ça, un grand garçon hein ? Une grande tête de con irresponsable et abrutie ouais, espèce de putain de traître, t'as couché avec ?!
– Q...
– Réponds à cette putain de question Porter ou j'te jure que ça va mal aller. » Quand il veut, il est un peu soupe-au-lait, Mallory ; ce matin, Oliver a eu le malheur de lui avouer, à demi-mots, qu'il avait recroisé un certain chanteur que son meilleur ami ne peut plus voir en peinture depuis dix ans. Elle commençait bien pourtant la matinée, il a dormi chez lui cette nuit et il serait resté sans doute un peu plus longtemps si... si. Bah, s'il n'avait pas avoué avoir vu Gaspar dans la Lande. Puis dans la Lumiclairière.

Envoyer chier Mallory ressemble à une bonne idée tout de suite, pour plusieurs raisons : d'abord, parce que ça ne le regarde absolument pas ce qu'il fait de son cul en-dehors de cet appartement, ils sont parfaitement raccords là-dessus ; ensuite, parce que ça lui ferait pas de mal à Mallo, des fois, de rencontrer quelqu'un qui soit capable de lui dire de fermer sa gueule sans culpabiliser pendant deux heures après. Parce que là, son meilleur ami est tout simplement furieux ; debout au milieu de la chambre, torse nu, il gesticule de tous ses membres maigres, le visage pâli par la colère. « Ça te regarde pas.
– Ah ouais ? Putain ça veut dire oui ça. Et tu vas faire quoi maintenant, tu vas lui demander de divorcer à cette tapette débile, ça se passe comment l'amoureux transi ?!
– Mallory, arrête.
– JE LE SAVAIS que t'allais foncer retrouver ce trou du cul à l'instant où on a foutu un pied à Lathea, je l'savais, t'as toujours été con avec lui, même plus de dix ans après tu trouves encore le moyen de faire de la merde, putain. Ce type s'est foutu de notre gueule du début à la fin et toi tu sautes dans son pieu à peine arrivé ?!
– Eh, j't'ai dit que j'voulais pas revenir dans la région, c'est toi qui as ramené le groupe ici alors tu peux t'en prendre...
– NON MAIS JE RÊVE ? »  

Dans le couloir, un mouvement discret attire son attention ; il vient d'apercevoir une mèche de cheveux blonds voleter dans l'encadrement de la porte. Sophie n'en rate pas une miette, et sans doute prévenue par ses pouvoirs qu'Oliver a remarqué sa présence, elle passe la tête par l'ouverture, pour lui adresser l'un de ses sourires trop grands, hideux. Sophie fait beaucoup de bien à Mallory mais objectivement, c'est parce que c'est au moins autant une connasse que lui est colérique. « Tu sais quoi ?! Fais ton choix, mon grand. C'est soit le groupe soit lui et le temps que tu réfléchisses, tu vas prendre ton cul à poignée et te casser de chez moi, j'veux plus voir ta gueule avant au moins une semaine, c'est clair ?
– Putain, mais j'peux savoir en quoi c'est un problème que je l'aie vu ?
– J'me rappelle très bien des dix putains d'années à te ramasser à la petite cuillère à cause de cet enfoiré alors si t'es pas capable de prendre les décisions intelligentes de ton propre chef...
– Ah ouais, ricane Oliver, écoeuré, avant de ramasser furieusement ses fringues qu'il enfile. Il veut qu'il se barre ? Soit. Il se barre. C'est vrai que toi t'es un modèle en terme d'exemplarité quand il s'agit de prendre des décisions réfléchies, connard.
– Putain, dégage. Dégage ou j'te jure que j'envoie Sophie te faire descendre par la fenêtre.
– Te fatigue pas va. Ça va toi j'te dérange pas ?! aboie-t-il justement en direction de l'intéressée, qui disparaît dans un pop ! sonore. C'est bon, j'me casse, tu m'gonfles.
– Et reviens pas tant que t'auras pas allumé les deux neurones qu'il te reste, tête de noeud, va ! »

C'est sûrement pour ça qu'il se retrouve dans le parc, aujourd'hui ; il faut qu'il marche un peu avant de rentrer, parce qu'il est énervé, et qu'il va vraiment falloir qu'il se calme un peu avant de rentrer se faire chier chez lui. Qui plus est, Meleys a besoin d'exercice ; sa Salamèche est relâchée à l'entrée du parc Pokélovers, c'est pour mieux aller galoper à l'intérieur, au milieu des autres Pokémon en liberté. Si c'est pas de la connerie ça aussi, parce qu'il les voit bien, les dresseurs qui s'amènent dans l'espoir de trouver un Pokémon et de le capturer sans se faire choper par les flics ; les Pokélovers, c'est le putain de cancer de cette région, songe Oliver avant de shooter furieusement dans un caillou.

Tout à ses pensées, il n'a pas remarqué que Meleys s'est éloignée ; dans le plus parfait des silences, et alors que sa Salamèche est plutôt du genre gueularde et bruyante, elle s'est avancée en direction d'une jeune femme aux cheveux bleus, visiblement attirée par l'odeur d'une sucrerie. Insouciante, et totalement malpolie, elle s'approche sans faire de bruit, pour aller renifler la moitié de gaufre que la fille tient dans ses mains, avant de tenter... de la lui piquer, au moment où Oliver tourne  la tête. « Meleys, c'est une blague ?! Tu t'crois où ? » Sala ! répond furieusement son Pokémon ; il ne parle pas couramment la langue, mais ça doit vouloir dire quelque chose comme oh c'est bon, tu m'emmerdes. Formidable. Il va être obligé de s'approcher maintenant. « Désolé, lâche-t-il à l'intention de l'inconnue, tandis que d'un regard sévère, il ordonne à Meleys de reculer. Elle a pas encore intégré toutes les notions de politesse. » Loin s'en faut, même.

Le sucre de la gaufre, la douceur de la chantilly, le chocolat. Il y a tant de choses dans la vie capables de soulager l’esprit et de réchauffer le coeur. Une paire de gants, un radiateur, un Salamèche voleur. Il y a tant de choses dans la vie capables de réchauffer une main.
Trop occupée à regarder un enfant jouer avec son Caninos, c’est une subite source de chaleur près de ta main qui te fait tourner les yeux vers la petite créature dorée, juste à temps pour sauver ton investissement d’un sort funeste. “A moi!” Tu fusilles le Pokemon du regard par réflexe. La bouffe c’est sacrée. Puis tes traits se radoucissent presque aussitôt, ton casse-croûte étant maintenant en sécurité, loin du scélérat à écailles. D’ailleurs, en parlant du scélérat… “Meleys, c’est une blague?! Tu t’crois où?” Ton début d’analyse s’interrompt en entendant une voix le rappeler à l’ordre, enfin, qui essaye vu la réaction scandalisée de la bestiole.

“Vous en faites pas, j’ai secouru ma gaufre à temps.” Réponds-tu calmement à l’inconnu sans vraiment le regarder. “Et puis je sais ce que c’est d’avoir un Pokemon caractériel.” C’est le moins qu’on puisse dire même. Au moins le Salamèche n’avait pas utilisé Onde Folie pour faire diversion, lui. Léna n’aurait pas eu autant de retenue. “D’ailleurs j’ai de la merde dans les yeux où il n’est pas tout à fait orange?”. C’était presque une question rhétorique à ce stade mais elle ferait très bien le taff. Tu te lèves du banc, non sans faire attention à ta gaufre. C’est peut-être pas tout-à-fait tes affaires mais les Pokemon chromatiques ayant une légère tendance à attirer l’attention, tu résistes difficilement à l’envie d’aller taper la discussion au propriétaire, au moins pour t’assurer qu’il ne se balade pas les mains dans les poches avec un Pokemon valant son poids en Pokédollars et facile à voler.

Ça lui apprendra à Oliver, de capturer un Pokémon au simple prétexte qu'il est jaune et qu'il n'y en a presque pas. Il aurait dû se douter que c'était trop beau, qu'on ne pouvait pas avoir autant de chance ; la preuve, Drogon est un amour absolu avec Gaspar tandis qu'il se farcit la sale petite garce de service de Salamèche à grande gueule qui ne lui a jamais pardonné de la séparer de son grand amour, si c'est pas ridicule, hein ? Lui il en a été séparé pendant douze ans, du sien, et il n'en fait pas toute une histoire. Agacé par l'attitude du Pokémon, Oliver fronce les sourcils, l'avertit d'une oeillade noire ; comme si ça allait l'arrêter, Meleys. Ça marche très bien avec Choupette mais avec celle-là, c'est clairement comme pisser dans un violon.

« Vous en faites pas, j’ai secouru ma gaufre à temps. » Dans le cas contraire, il lui en aurait payé une autre bien entendu, Oliver ; con, pas doué avec ses Pokémon, mais pas méchant et pas ingrat pour deux ronds. Soulagé par l'information, cependant, il soupire et passe une main dans ses cheveux avant de tirer une pokéball de sa poche ; il n'est pas du tout d'humeur pour les conneries de Meleys tout de suite alors soit elle se calme, soit il ira se promener avec quelqu'un d'autre. « Et puis je sais ce que c’est d’avoir un Pokemon caractériel. D’ailleurs j’ai de la merde dans les yeux où il n’est pas tout à fait orange?
– Elle est jaune, en fait. C'est un chromatique, je l'ai attrapée dans la Lande il y a deux semaines. » Au vu de la façon dont elle brillait, Meleys, c'était difficilement loupable, cela dit. « Enfin, elle est insupportable, encore désolé. J'vous laisse tranquille. Meleys, on y va. » Autant ne pas faire perdre plus de temps à une inconnue ; et il n'est pas du tout d'humeur à parler chiffons, de toute manière. Mallory lui a scié les nerfs pour la journée, et c'est en allumant un peu nerveusement une clope qu'il se détourne, tandis que la jeune femme lève la tête pour le regarder. « Bonne journée ? »

Tu lèves les yeux du Pokemon à son propriétaire toujours en train de demander pardon pour une broutille. “Pas de soucis, faites juste attention avec lui, les vols de Pokemon chromatiques sont moins rares qu’ils ne devraient l’être.” Surtout ceux des Pokemon populaires comme les Salamèche. En parlant du propriétaire, il te rappelait justement quelqu’un. Pas quelqu’un que tu connaissais personnellement, non, plutôt une célébrité. Bah, ça devait juste être un air. Déjà que vous aviez le champion d’arène local qui se la jouait en utilisant un Ectoplasma comme musicien, ça allait commencer à faire un peu beaucoup là, non?

Il commence à partir en allumant une clope. T’en profites pour faire une petite recherche sur google image, vite fait, juste au cas où, sur un certain Oliver Porter. Ah ouai, c’est chaud la ressemblance là. On peut même parler de sosie à ce niveau… Ce qui est drôle dans la mesure où Porter et le champion local sont censés se connaître. Tu en aurais de la chance de le rencontrer par hasard au parc, le Porter. Cela serait un sacré coup de bol même. Un heureux évènement tu dirais même. Surtout que t’as un stylo sur toi afin de pouvoir coller des amendes.
…
…
“Attendez!” commences-tu, incertaine de comment amener la chose sans être gênante, surtout si tu te gourres. “C’est peut-être une question débile mais… Vous ne vous appelleriez pas Oliver, par hasard?” Okay, là, tu te sens débile et la chaleur montant dans tes joues annonce clairement qu’elles trahissent ton embarras. “Enfin, vous ressemblez vraiment à une célébrité donc je me demandais, désolée si ça vous dérange.” Tu trifouilles une mèche de cheveux en tentant tant bien que mal de te justifier.

Elle est vraiment formidable cette débile de Salamèche, vraiment. Qu'est-ce qui lui a pris d'aller emmerder une jeune fille comme ça ? Surtout que ce n'est pas tout à fait comme si elle crevait la dalle Meleys, bien au contraire elle a même tendance à bouffer trois fois plus que les autres. Il va falloir qu'elle se calme, songe Oliver en soupirant avant de reprendre sa marche dans le parc, d'abord parce qu'aujourd'hui il n'est clairement pas d'humeur, et ensuite parce qu'il n'a pas du tout envie que sa future Dracaufeu noire et classe ressemble à un putain de Wailord auquel on aurait collé deux petites ailes ridicules pour faire genre. Shiny le Wailors, mais ça ne change rien. Et puis, comment compte-t-elle s'entraîner, si elle est plus facile à rouler qu'à pousser ? D'ailleurs, il va lui faire la remarque maintenant, songe-t-il en se tournant vers sa Salamèche avançant presque trop innocemment près de lui, histoire d'en rajouter une couche.


« Attendez! » Il n'a fait que quelques pas, mais la voix de la jeune femme l'arrête ; il a oublié son téléphone ? Non, il ne l'a même pas sorti de sa poche, alors quoi ? Quand il se tourne, il croise un regard un peu incertain ; ce petit air gêné que prennent les fans quand ils reconnaissent un membre d'Asylum, et qu'ils n'osent pas le dire. Il a vu ça très souvent avec Mallory, Erèbe aussi - et ce crétin adore en jouer d'ailleurs - mais lui n'y a jamais vraiment accordé d'importance. Pourtant, là, il est un peu curieux. « C’est peut-être une question débile mais… Vous ne vous appelleriez pas Oliver, par hasard ? » Oui, c'est donc ça : elle l'a reconnu. D'un autre côté c'est logique, depuis qu'ils sont revenus sur Lathea, les affiches promotionnelles d'une future tournée sont absolument partout ; d'ailleurs Mallo a bien spécifié qu'elles devaient se trouver pile poil au même endroit que les affiches de promo du dernier album de Gaspar, mature comme il est, ce connard. Il hoche la tête, Oliver ; après tout, c'est lui qui l'a dérangée en premier, il peut bien faire un effort. « Enfin, vous ressemblez vraiment à une célébrité donc je me demandais, désolée si ça vous dérange. »

D'accord, c'est presque mignon et si la très mauvaise humeur du batteur ne se calme pas pour autant, la gêne de l'inconnue lui arrache un sourire, un peu plus léger. Fourrant une main dans la poche de sa veste pour en extraire un paquet de cigarettes, il en tire une, la porte à ses lèvres et l'allume rapidement, sous le regard de Meleys qui se détourne très vite avec dégoût pour observer l'inconnue, des fois que la célébrité de son dresseur lui permettrait d'obtenir un petit bout de gaufre, la connasse. « Ouais, c'est moi. Vous écoutez Asylum ? » Beaucoup de gens n'écoutent pas le groupe mais connaissent les trois chanteurs et les deux Pokémon qui le forment ; c'est même plutôt marrant de se dire que les deux principales célébrités d'Asylum, c'est Mallo... et Sophie. Geof' aussi, dans une moindre mesure. « Enfin, le plus connu c'est Mallory mais ça fait toujours plaisir, j'suppose. Vous avez besoin de quelque chose ? » Une fois, il a eu le malheur de proposer un autographe à quelqu'un qui l'avait reconnu sans que la personne le demande ; il s'est pris un vent tellement stratosphérique qu'il n'a plus jamais osé. « Si c'est rencontrer Mallory, j'vous préviens, aujourd'hui vaut mieux pas. »

La clope, ce fléau des narines. Et même embarrassée comme tu es, tu dois te retenir de grimacer en le voyant en sortir une. Son chapardeur de Salamèche n’a pas autant de manières que toi et se détourne de son dresseur. Le naturel du Pokemon t’amuse et te fait souffler du nez en affichant un petit sourire. « Ouais, c'est moi. Vous écoutez Asylum ? » Bingo! Sans aller jusqu’à dire que tu es une immense fan, tu dois bien reconnaître que rencontrer un membre de l’un des groupes apparaissant dans tes playlist n’est pas pour ton déplaisir, comme le trahit le grand sourire se formant sur ton visage. “Oui j’écoute vos chansons!” commences-tu, te retenant de sautiller sur place alors que tu essayes de trouver comment lui demander un autographe sans passer pour une grosse sagouinne.

“Ben non, pourquoi je passerais par vous alors qu’il me suffit d’aller à l’arène pour lui? Et j’avais pas prévu de m’y repointer de si tôt après la branlée qu’il m’a mis en plus.” Réponds-tu du tac au tac. Tu es légèrement interloquée par son évocation du champion Spectre mais tu passes rapidement outre. “Autant profiter de vous puisque vous êtes là!” Tu couvres ta bouche subitement. Oups. Ca sonnait carrément mieux dans ta tête. “Je voulais pas dire ça comme ça, pardon.” Tu rigoles un peu, complètement honteuse. Tu glandes en service et en plus t’es en train de passer pour une débile. Mais l’occasion est trop belle, tu peux pas la laisser passer alors que ta mission consiste littéralement à patrouiller et à faire la casse-burnes. Tant pis pour la subtilité, tu vas la jouer au culot. Tu prends une grande inspiration. “Je suis censée être en patrouille mais ça vous tente de m’accompagner et de discuter un peu? Pour vous ça serait comme une balade. Enfin si ça vous dérange pas.” demandes-tu, certainement en train de tourner au rouge pivoine.

C’est vrai que toi, tu ne rencontres pas tous les jours des célébrités de la musique mais lui, il rencontre certainement tous les jours des fans. T’abuses peut-être un peu là. “Ou de me signer un autographe si vous n’en avez pas envie, s’il vous plaît?” ajoutes-tu d’une petite voix. “Et je vous offre une gaufre, peut-être?” Oui, c’est moche. C’est moche mais même les stars ont un estomac.

Peut-être qu'il est un peu trop humble Oliver, ou un peu trop con il n'en sait rien. En tout cas, il est toujours surpris quand quelqu'un l'arrête dans la rue et le reconnait ; parce que oui, son visage partage l'affiche avec Mallory et Erèbe, mais ce ne sont pas ses chansons qui ont le plus de succès au sein du groupe. Et puis derrière la batterie, il est toujours un peu difficile de discerner son visage, alors... et puis quelque part, ça lui va très bien, hein. Sauf que la jeune femme secoue la tête. « Ben non, pourquoi je passerais par vous alors qu’il me suffit d’aller à l’arène pour lui? Et j’avais pas prévu de m’y repointer de si tôt après la branlée qu’il m’a mis en plus. » Aïe. Cette fois il grimace un peu pour elle ; il la plaint, il doit bien admettre. Mallory est odieux avec les challengers, il a la réputation de ne faire aucun cadeau, et de prendre son temps pour les achever. Il a vu quelques matches, depuis qu'ils sont rentrés, et chacun a tordu son estomac quand il a songé qu'un jour, ce serait à lui de tenter le coup. Pourquoi t'es dresseur, en fait, hein ? Crachait le chanteur dans un ricanement méprisant. Tu ferais mieux de retourner cueillir des baies avec ta mère, tu feras perdre moins de temps à toi et à tout le monde. Allez dégage. Sans parler de Sophie, bien sûr. Quelle plaie, cette gamine.

Mais là, il doit bien admettre que ça lui fait plaisir, de savoir que la jeune femme l'a arrêté parce que c'était lui. Et son enthousiasme lui arrache un sourire. « Autant profiter de vous puisque vous êtes là! » Il hausse un sourcil ; et se rendant compte de sa maladresse, elle se couvre la bouche, les yeux écarquillés. Pour peu, il se moquerait un peu mais elle a l'air bien assez gênée comme ça, autant ne pas en rajouter une couche. « Je voulais pas dire ça comme ça, pardon.
– C'est bon, vous inquiétez pas, j'ai compris l'idée, répond tranquillement le batteur en haussant les épaules. » Il s'est bien assez énervé pour aujourd'hui, et il n'a pas du tout envie de faire le gêné pour ce genre de conneries. Et puis de toute manière, elle ne lui laisse pas du tout le temps d'enchaîner, alors ? « Je suis censée être en patrouille mais ça vous tente de m’accompagner et de discuter un peu ? Pour vous ça serait comme une balade. Enfin si ça vous dérange pas. »

Et hop, elle prend une belle couleur rouge ; ses pommettes se colorent, et lui hausse les épaules. Il doit bien reconnaître qu'après la fumée qu'il vient de se bouffer de la part de Mallory, un petit tour ne lui ferait pas de mal. C'est d'ailleurs ce qu'il avait prévu et lui, contrairement à certains chanteurs complètement cons et asociaux, il dit rarement non pour être accompagné, en fait. Et il habite à deux pas ; donc pour rentrer, ça ne sera pas trop compliqué, au final. « Ou de me signer un autographe si vous n’en avez pas envie, s’il vous plaît? » Tous les fans se ressemblent, c'est incroyable. Mais cette fois, il doit bien admettre que l'engouement de l'inconnue lui font du bien. Au moins, il se sent un peu moins merdeux que tout à l'heure, c'est plutôt positif. « Et je vous offre une gaufre, peut-être? » Cette fois, Oliver éclate de rire ; Meleys se retourne même d'un air très contrarié, et il décide de s'en foutre complètement. Sérieux, une gaufre ? « Non ça va, merci. J'ai pas du tout faim et j'ai horreur des sucreries, contrairement à cette petite sagouine, là. » Meleys, elle n'aurait pas du tout dit non à une gaufre mais Meleys, c'est pas elle qui décide, en fait. « Mais un tour pourquoi pas. Si vous voulez toujours un autographe après ça, j'vous le ferai à la sortie, d'accord ? » Il a toujours trouvé ça con, de signer des bouts de papier, il n'a jamais su quoi écrire dessus, il se sent toujours complètement abruti à le faire. Mais bon, si ça lui  fait plaisir, hein ?

Alors, autant s'engager sur les chemins avec elle, ça lui fera passer le temps et oublier tout ce putain de bordel. « Alors comme ça vous avez tenté l'arène de Castlerain ? Avec votre Ténéfix ? » Demande-t-il en jetant un coup d'oeil au Pokémon qui l'accompagne. C'était peut-être un poil téméraire de sa part, à la jeune femme. « J'suis sincèrement désolé pour vous, alors, ricane-t-il sans vraiment se moquer. Mallo est un génie de la musique mais c'est vraiment, vraiment un sale con. Surtout dans son arène. » Et après il s'étonne qu'on lui  gueule dessus, putain. « Vous êtes dresseuse ou vous challengez juste les arènes ? J'vous avais prise pour une surveillante du parc en pause, j'ai dû me planter. » Sauf que ça ressemble quand même vachement au logo du Système, le truc qu'elle a sur son vêtement, non ?