Parfois, la vie de ranger mène à s’occuper de missions pour le moins inattendues, comme aujourd’hui. Des toutes les contrées sauvages et sans pitié de Lathea, la forêt aux murmures est certainement l’une des moins dangereuses. Enfin, si l’on met de côté les pluies de fientes d’oiseaux en tous genres qui représentent effectivement un danger majeur pour le romantisme, il faut reconnaître que le principal danger de l’endroit est de perdre la notion du temps ou de se manger des orties. Bon, il y a bien sûr toujours le risque de se tordre la cheville ou d’avoir une crise aigüe d’allergie au pollen mais au bout d’un moment, quand même le risque de se prendre un coup de soleil est minime, les ranger ne peuvent plus grand-chose pour les randonneurs poisseux. C’est donc très rare que les tiens aient besoin de faire grand-chose dans le coin, hormi peut-être de reconduire un égaré à la route la plus proche.

Cela avait donc plus que surpris tout le monde quand un ordre de mission prioritaire avait été reçu concernant cette zone, sans parler de l’ordre en lui-même. Des voyageurs se faisaient endormir par quelque chose, souvent en plein milieu de la route, avant de se faire délester d’une partie de leurs affaires. Tout le monde semblait susceptible d’être attaqué par le brigant et les affaires volées variaient d’une personne à l’autre. Pour certains, seul le pic-nique prévus en amoureux avaient été dérobé. Pour d’autres, c’étaient des bijoux ou objets de valeur. Bon, passe encore pour les montres à plusieurs centaines d’euros, ça doit bien pouvoir se revendre ce genre de trucs. Mais les vols de pic-nique n’ont laissé que peu de place au doute: le coupable était certainement un Pokemon un peu farceur et possédant fort peu de scrupules.

Alors pourquoi, diantre, un ordre de mission prioritaire? Qu’un ranger aille s’occuper de quelque chose comme ça, c’était logique, c’était votre boulot. Mais de là à dépêcher trois équipes au grand complet pour quadriller la zone et localiser le chenapan, il y avait un monde. La raison était toute simple et assez évidente pour qui y réfléchissait cinq minutes. Pour revenir à ces histoires de montres, un gamin de haut-responsable d’une des entreprises formant le système Gaïa s’était vu délesté de la sienne. Prix estimé: quelque chose comme cinquante milles pokédollars. Le gamin a le seum et les darons aussi. Les darons ont donc fait jouer leurs relations jusqu’à ce que ton chef soit obligé d’expliquer pourquoi on déployait des moyens pareils pour un banal Pokemon chapardeur, le tout alors que tu faisais des pieds et des mains pour ne pas ricaner en apprenant pour le gosse de riche.

Ah non, parce que bon. Qu’il faille s’occuper d’un Pokemon chapardeur comme ça, c’est une chose, et tu vas prendre ta mission au sérieux. Le Pokemon pouvant effectivement faire chier un bon paquet de personnes n’ayant rien demandé à qui que ce soit. Mais quand même, à cinquante milles pokédollars la montre, fort est de constater que c’est le karma qui a frappé. Une partie de toi se demande même à quel point tu ne capturerais pas toi-même le responsable si tu le trouves au lieu de simplement te conformer au plan de base. Mais le reste de toi te rappelle que t’as une envie tout à fait limitée de te retrouver à nouveau à surveiller le Parc des Pokehippies en guise de punition pour encore avoir énervé tes supérieurs. Même si, dans l’absolu, le lieu semblait attirer les célébrités locales, ce qui pouvait vite transformer la corvée en récompense.

Trois équipes entières de rangers, donc, pour une histoire de montre perdue. Trois équipe et une stratégie au petit oignons avec ça. Clairement, tu n’avais pas l’impression de poursuivre un Pokemon commun, présentement, quand bien même cela allait certainement être un random Pokemon doté d’Hypnose, de Poudre dodo ou d’une autre capacité dans ce genre. La première équipe était une équipe entièrement aérienne. Elle avait pour rôle de suivre les déplacements du Pokemon fugitif une fois celui-ci repéré. De plus, pour peu que le voleur en question soit doté de la capacité de voler, cette équipe était chargé de le poursuivre et de le capturer. La deuxième équipe était l'appât. L’un des ranger la composant de déplaçait présentement en tenue de civil avec un pic-nique et des objets brillants sur lui tandis que les autres étaient dissimulés autours afin d’intervenir et de capturer le coupable la main dans le sac.

La dernière équipe, la tienne, était disposée en étoile autour de la deuxième et avait pour rôle de traquer le fugitif au sol si celui-ci arrivait à s’enfuir entre les arbres ou dans un plan d’eau. Car oui, vous aviez été sélectionnés et répartis en équipes en fonction des Pokemon partenaires dont vous disposiez. Dans ton cas, Léna et Ondine te qualifiaient pour la poursuite au sol, d’autant plus que Léna était un Pokemon troglodyte donc susceptible de poursuivre le fugitif dans de petits renfoncements sans crainte. Les trois équipes sur le terrain mises à part, une dernière catégorie de ranger était sur le coup. Moins nombreux, ceux-là travaillaient depuis un camion situé non loin de là et avaient pour rôle de synchroniser les déplacements des équipes sur le terrain et de faire circuler les informations. Et evidemment, vous disposez chacun d’une radio et d’un dispositif GPS pour faciliter tout ça.

Tu saisis ta radio, étant maintenant en position. “Equipe 3 Agente Laurine. En position.” Tu n’avais plus qu’à sortir Léna de sa Pokeball et attendre les ordres suivants. De fait, tu es la première de ton équipe à t’être positionnée. Tu es également celle à avoir reçu l’ordre de positionnement le plus proche des camions vous ayant fait faire la route. “Equipe 3 Agent Roman. En position.” Entends-tu sortir de l’engin que tu accroches dans une encoche située sur ta poitrine. “Equipe 3 Agente Flora. En Position.” Deux de tes collègues, Flora et Roman sont en position. Tu ne les connais pas plus que ça, les ayant rencontré lors de la mise en place des équipes, aussi ne sais-tu pas grand-chose d’eux, si ce n’est qu’ils ont tous les deux la quarantaine et que, par conséquent, ils ont bien plus d’expérience que toi. Finalement, tu te rends compte que tu ne ne connais que peu des membres de ton équipes maintenant que tu n’as plus qu’à regarder les arbres.

“Equipe 3. Agent Soledad. En position.” Ah ben tiens, quand on parle du loup, on en voit le bout de la queue. Enfin, ici, le loup ressemble plutôt à un agneau tout doux. Un agneau d’environ ton âge que tu avais rencontré très récemment lors d’une mission des plus ennuyeuses au parcs des hippies. Toi, t’y avais été collée après avoir encore une fois énervé ton chef. Elle, parce qu’elle est plus bonne poire qu’un Germignon. Vous aviez donc papoté et vous étiez bien entendu. Quatre personnes sur dix étaient donc en position au sein de votre équipe. Normalement, l’équipe aérienne devait déjà être en place ~ il faut dire que c’est bien pratique de poser son derrière sur un gros oiseau qui fait le trajet à sa place ~ donc il ne manquait plus que seize personnes pour commencer l’opération. Seize personnes et un Pokemon qui n’a certainement aucune idée de ce qui va lui tomber dessus.

“Equipe 3. Agente Alizée. En position.” Alizée, ou la parfaite réflexion dans un miroir de Soledad. Et ce n’est pas vraiment un compliment, loin de la même. Son prénom provenait peut-être d’un célèbre courant aérien mais ce n’était pas une raison pour avoir une si grosse tête qu’elle en obtenait certainement une fonction montgolfière, même si son nez faisait certainement gouvernail. Et en plus elle avait le QI d’un Concombaffe. “Equipe 2. En position.” Ah, et voilà la promo du jour! Un ranger en position acheté, neuf offerts! En attendant que le reste du casting de la mission se positionne, tu regardes un peu le terrain autours de toi. De façon très surprenante, tu y vois des arbres dont les branches accueillent tout un tas de nids différents. Pour autant, tu te laisses dire que leurs branches ont l’air assez épaisses pour que de petits Pokemon s’y déplacent en sautant.

De la radio sort finalement le signal annonçant le début de l’opération, même si cela ne signifie pas grand-chose tant que le poisson n’a pas mordu à l'hameçon. “Tiens toi sur tes gardes, Léna.” intimes-tu à ton Pokemon partenaire, sachant qu’un ordre pouvait survenir à tout moment. A tout moment, oui, mais sur une longue période, aussi est-ce plus pour la forme qu’autre chose que tu le lui dis. Une minute passe, deux minutes passent, cinq minutes passent. L’appât se déplace, parcourant la route au pas, comme un simple randonneur. Tu te déplaces, toi aussi, au pas, comme un simple randonneur beaucoup trop bien équipé pour l’occasion, suivie de Léna qui en profite pour regarder vers la cime des arbres par intermittence, comme si elle y cherchait ou percevait quelque chose. “Quelque chose ne va pas?” lui demandes-tu en regardant toi aussi vers les cimes.

La lumière de l’astre diurne perce par endroits la couverture chlorophyllienne pour s’abattre violemment dans tes yeux et te forcer à les refermer partiellement. Les filets de lumières qui dansent entre les feuilles ne sont pourtant pas les seules entités que tu perçois s’agiter au gré du vent s’engouffrant dans la forêt. Si tu ne la vois pas distinctement, nimbée qu’elle est dans un voile végétal, une créature brille dans la pénombre arrivant tant bien que mal à survivre au sein du sanctuaire de bois. “N’y prête pas attention, restons en mouvement.” Quand bien même tu souhaites savoir ce que Léna a repéré, tu n’as pas le loisir de t’y attarder, occupée que tu es à participer à cette plaisanterie d’opération. Alors que tu te remets en mouvement, des ricanements arrivent à tes oreilles par les hauteurs et une baie vient caresser ton oreilles pour s’écraser à tes pieds.

Tu tournes la tête dans la direction des ricanements, coïncidant grossièrement avec celle d’où provenait la baie dont il ne reste qu’une bouillie à tes pieds. Accroché à une branche loin au dessus de Léna et toi, un Ouisticram te sourit, certainement heureux d’avoir attiré ton attention. “C’était donc toi qui brillait” dis-tu, en regardant sa queue de flammes. “Désolée mon beau mais on est pressées Léna et moi. Va jouer ailleurs.” Ni le regard franc du singe de feu ni son sourire innocent ne trahissent une quelconque agressivité. Aussi es-tu calme, quoiqu’un peu frustrée de ne pas pouvoir rester jouer avec lui comme il semble te le demander. Tu vois son sourire qui s’estompe, sans doute t’a-t-il compris, et il retourne là d’où il est venu tandis que tu ressens un petit pincement au coeur. “On repassera par là après l’opération Léna, si jamais il y est toujours.” Il a l’air mignon ce Pokemon après tout.