Perdu dans ses pensées, Heathcliff manque de faire une omelette. Ce serait arrivé, sans aucun doute, si Asmodée ne s’était pas collé sur son torse pour le faire revenir à la réalité, lui permettant ainsi de se stopper avant que son pied n’écrase un pauvre œuf innocent posé, en plein milieu du passage. D’un signe de la tête, le médium remercie son partenaire de lui avoir permis d’éviter le pire. Il n’a pas le temps d’en faire davantage que la coquille commence à se fissurer. Oh bon sang, il va éclore ! Autant dire que ça, ça relève de l’inattendu. Refusant de partir avant de savoir quel Pokémon va naître sous ses yeux, Heathcliff attend patiemment que le nouveau-né parvienne à briser le haut de sa coquille. Quelques secondes plus tard, c’est chose faite et le Pendragon peut admirer un magnifique bébé Spoink. La réalité le frappe de nouveau lorsqu’il se rend compte qu’il ne voit pas ses parents dans les environs. Heathcliff ne sait pas s’il va pouvoir s’occuper de ce Spoink sur le long terme mais il peut déjà l’aider à passer les premiers temps de sa vie en sécurité. Sa décision étant prise, il prend le bébé Pokémon dans ses bras, sourire aux lèvres.

Naturellement, le petit Spoink se met à pleurer et Heathcliff redouble immédiatement d’efforts pour l’installer le plus confortablement possible tout en essayant de le calmer. Asmodée scrute la scène de ses yeux grands ouverts sans faire aucun bruit. Néanmoins, il faut reprendre la route ; si le médium n’a aucun problème avec le fait de rester dans cet endroit, il estime que ce n’est pas pour autant une bonne idée de rester statique. Le petit groupe se remet en marche, le bébé Pokémon un peu plus apaisé par les ballottements produits par les pas du Pendragon. Au bout de quelques mètres, le regard d’Heathcliff est attiré par une forme qui se situe non loin de là. En se rapprochant, ses yeux s’écarquillent lorsqu’il reconnaît la silhouette légèrement spectrale et tentaculaire d’un Viskuse. L’apparition inopinée de ce Pokémon le laisse penser qu’ils sont tout prêts d’un point d’eau. Evidemment qu’il y a des Pokémon spectres dans ces quartiers et cette pensée arrache un sourire à l’amateur de ce type qu’est Heathcliff.

Même si Heathcliff a une affection toute particulière pour les spectres, il préfère éviter d’aller trop près de ce Viskuse ou même de tenter de s’en faire un nouveau compagnon. Actuellement, il n’est pas capable d’accueillir un tel Pokémon dans le taudis où il vit et il n’a pas non plus les moyens de l’éduquer. Autant le laisser profiter et barboter dans sa mare plutôt que de l’enfermer dans une boîte d’où il ne sortira probablement pas de si tôt. C’est beaucoup mieux pour lui. Heathcliff pense au bien-être de ces Pokémon et il y tient. Il ne capture pas pour la simple satisfaction de le faire ou pour ensuite pouvoir les brandir comme des trophées. Quelque part, il comprend l’idéologie des Pokélovers sans pour autant y adhérer à cent pour cent. Alors, il adresse un simple geste de la tête au Viskuse pour le saluer avant de poursuivre son chemin.

Sur la route, il aperçoit la silhouette caractéristique d’un Cocotine mais haussant les épaules, il décide de passer à côté. Il n’a rien contre cette espèce de Pokémon mais à vrai dire, il n’a rien avec non plus. Disons tout simplement que ça l’indiffère. Seulement, il ne va pas aller agresser ce Pokémon fée et un regard dans la direction de son Polichombr l’informe que son compagnon n’en a pas non plus l’intention. Tant mieux. Il ne souhaite pas faire face à un nouvel esclandre à cause de son partenaire étonnement timoré aujourd’hui. L’un comme l’autre passent donc leur chemin sans plus se soucier du Cocotine. Quelques instants plus tard, c’est ce qu’Heathcliff identifie comme un Lucanon qui passe littéralement devant eux à la vitesse de l’éclair. Surpris, le Pendragon secoue la tête avant de regarder aux alentours, cherchant à voir s’il peut retrouver le Pokémon mais il semble avoir déjà disparu.

Et effectivement, le Lucanon est parti aussi vite qu’il est arrivé. Peu importe, ça ne dérange pas le moins du monde le scientifique qui poursuit sa route. Depuis combien de temps marchent-ils dans ces zones polluées par les gaz toxiques ? Heathcliff n’en sait trop rien, il a abandonné l’idée de la notion de l’heure en arrivant ici ; ayant parfaitement conscience qu’il serait beaucoup trop plongé dans ses observations pour faire attention au temps passé dans ces lieux. Toutefois, il doit être dans une zone assez ancienne étant donné l’architecture bien différente de tout ce qu’il a pu voir jusque-là. Il ne sait à quel époque c’était mais il est certain d’une chose : ça n’a strictement plus rien à voir avec leurs constructions modernes. De son point de vue, il a même l’impression qu’il n’y a aucune utilisation du béton. Enfin, ça le fait tout de même bien rire de se dire ça alors que finalement, il n’y connaît pas grand-chose en terme de construction de bâtiments.

Il observe, analyse, juge parfois un peu aussi ; il ne s’en cache pas. cela dit, jusqu’à preuve du contraire, c’est bien pour ça qu’il est là aujourd’hui. Certes, il prend du bon temps - il a une étrange façon de le faire, il veut bien le concevoir - mais ici, c’est également un endroit idéal pour renouer un peu avec ses origines les plus anciennes. Heathcliff ne pense pas en apprendre davantage sur les chromatiques en se baladant dans les environs. Cependant, ça lui permet de maintenir ce lien avec les Spectres, cette particularité qui lui est si chère. Et c’est important pour le Pendragon de faire en sorte de ne pas oublier d’où il vient. Il y a des jours où Rosalia lui manque mais il ne peut pas y retourner, pas alors qu’il se ferait sûrement accoster et sévèrement réprimander par les membres de la Team Rocket qui s’étaient occupés de son cas. Or, dans l’immédiat, il n’est pas prêt pour leur faire face et il a des affaires à régler à Lathea.

Alors Heathcliff ronge son frein, n’ayant de toute façon pas d’autres alternatives. Il espère seulement que toutes ces histoires n’ont pas eu une trop grande répercussion sur sa famille. Il sait de quoi ces hommes sont capables et il lui arrive d’avoir peur de ce qu’ils ont pu faire à sa famille en guise de représailles ; il faut dire qu’il s’est montré particulièrement égoïste quand il a quitté Johto à l’improviste sans prévenir personne. C’était pour ma propre survie, un choix mûrement réfléchi, se répète-t-il inlassablement dans ces moments-là pour se rassurer. Et si ça n’avait pas été la bonne solution à adopter ? Parfois, il y pense en essayant de ne pas avoir trop de regrets. Et puis, son regard se porte sur une forme quadrupède, fine et élancée. Un magnifique Léopardus qui éveille aussitôt la curiosité du Pendragon. Il les connaît bien, ces Pokémon de type Ténèbres et il les trouve splendides. Sourire aux lèvres, le garçon s’approche prudemment du Pokémon sauvage.

Sans grande surprise, le Léopardus remarque rapidement la présence de l’humain à ses côtés. Si Heathcliff s’attendait à le voir fuir, ce n’est pourtant pas le cas. Le Pokémon reste planté, plongeant son regard dans celui du Pendragon. Ils restent comme ça durant plusieurs minutes à se jauger l’un, l’autre. Finalement, le félin s’approche du scientifique jusqu’à pouvoir le frôler. Pas plus effrayé que ça malgré la menace évidente qui pèse sur lui. Le Pokémon sauvage se frotte soudainement davantage, faisant preuve d’une affection à laquelle il ne s’attendait pas. Il sait que les Léopardus ont des caractères qui sont souvent changeants mais il ne pensait pas en croiser un qui soit aussi tactiles et… Affectueux. Pour le coup, il n’a pas d’autre mot. Enfin, il se décide à lui demander s’il veut l’accompagner et venir vivre à ses côtés. Le miaulement du léopard le laisse croire que c’est le cas. Alors confiant, il sort une Pokéball de son sac, l’active et l’ouvre pour faire entrer le Léopardus. L’objet vibre trois fois dans sa main avant de s’éteindre. Sourire aux lèvres, Heathcliff range le ball dans son sac après qu’elle ait retrouvé une taille plus raisonnable.

La vieille Nathalia regorge de Pokémon plus intéressants les uns que les autres et à aucun moment Heathcliff ne regrette pas d’avoir fait le pari de venir ici. Le côté sombre et glauque qui est de plus en plus évident au fur et à mesure de son avancée ne lui pose aucun problème. En fait, il se sent presque comme à la maison parmi ces ruines et autres bâtiments délabrés de l’ancienne ville. Sans compter qu’il apprécie énormément le fait d’être le seul humain aux alentours. Il est tranquille et ça lui permet de respirer, de se recentrer et de faire le point sur lui-même. Des actions nécessaires qu’il ne peut pas faire là où il vit pour la simple et bonne raison qu’il ne loge pas seul. Mais là n’est pas la question, à vrai dire. Dans le coin d’une maison, il remarque qu’une forme légèrement humanoïde le regarde fixement.

Poussé par curiosité, Heathcliff s’approche pour reconnaître un Wimessir. Un Pokémon originaire de la région de Galar qu’il ne connaît pas très bien. Il ne sait pourquoi mais pour cette fois, il est désireux d’en apprendre davantage à son sujet. C’est pour ça qu’il progresse vers lui en faisant en sorte de lui faire comprendre qu’il ne lui veut aucun mal et qu’au contraire, il ne veut que “discuter”. Le Pokémon sauvage penche la tête sur le côté tout en continuant de fixer Heathcliff, comme s’il comprenait ce qu’il voulait lui dire. Caché derrière le Pendragon, Asmodée observe la scène sans oser intervenir. Quelque chose est en train de se jouer à l’instant et aucune des forces en présence n’a envie de prendre le risque de briser ça. Le temps semble comme suspendu… Jusqu’au moment où le Wimessir se met à utiliser ses pouvoirs psychiques pour faire sortir une Pokéball du sac.

Sous le regard étonné d’Heathcliff, le Pokémon de Galar utilise ses pouvoirs psychiques pour faire voler la Pokéball jusqu’à, allant même l’activer pour entrer de lui-même à l’intérieur. Les trois vibrations caractéristiques ont lieu avant que l’objet ne s’immobilise devant le regard d’incompréhension du Pendragon. Est-ce qu’un Pokémon qu’il vient seulement de rencontrer s’est réellement auto-capturé devant lui ? Il semble bien et le scientifique n’arrive pas à s’en remettre. Un coup comme ça, c’est bien la première fois que ça lui arrive. Il ne sait pas si c’est normal ou très fréquent mais lui n’avait jamais été dans ce genre de situation. Au bout de plusieurs secondes, il parvient à bouger les jambes, avançant tant bien que mal jusqu’à l’objet inanimé pour le ramasser. Non, il ne rêve pas. C’est difficile à croire mais sans qu’il n’ait à faire quoi que ce soit, un nouveau Pokémon vient de s’imposer parmi les siens.

Ne prenant pas la peine de se perdre dans des questions inutiles, Heathcliff se force à accepter l’idée bien ça reste un tantinet compliqué. Il range néanmoins la Pokéball dans son sac avec les autres puis, il se tourne vers Asmodée en haussant les épaules. Son Polichombr ne comprend visiblement pas plus que lui la scène qui vient tout juste de se dérouler sous leurs yeux. Ils reprennent la route alors que le Pendragon se demande ce qu’il va bien pouvoir faire de ce Wimessir, ignorant au passage un Scrutella et un Mimitoss en train de se chamailler. Il n’a pas la possibilité de s’occuper d’un tel Pokémon. Il a conscience que les Pokémon qui appartiennent - même en partie - au type Psy s’éduque différemment et d’une manière bien précise. Et le médium ne sait pas si c’est vraiment dans ses possibilités, d’autant qu’il a déjà beaucoup à faire avec les Spectres et les autres qui l’accompagnent quotidiennement.

Son appartement ne ressemble pas encore complètement à une ménagerie mais avec ses Pokémon et ceux de Laurine, Heathcliff a conscience que ça risque de très vite devenir le cas. Il espère seulement qu’il n’aura pas trop de problèmes de voisinage avec tout ce petit monde qui va vivre cloîtré dans un appartement qui n’est pas si grand que ça. Heathcliff pourrait se servir des boîtes proposées par le Système Gaïa pour chacun ou plus simplement, les laisser enfermés dans leur Pokéball mais ce n’est pas dans ses habitudes. A Rosalia, dans la demeure de sa famille, les Pokémon (principalement des Spectres) avaient une liberté des plus totales et parfois, c’était même gênant d’aller aux toilettes et d’être tranquille jusqu’à ce qu’un Fantominus surgisse du plafond ou de la porte pour faire une farce. Quoi qu’en y repensant aujourd’hui, ça le fait bien rire, Heathcliff. Mais à l’époque, ils avaient la place pour que les choses puissent se faire ainsi.