Avant, y'avait la douceur, la tendresse. Foyer d'amour, de rire, petite bulle d'oxygène. Bulle éclatée par la maladie, qui a frappé à l'aveugle. Ton père, un dommage collatéral. Ce même père qui t'emmenait avec lui chercher les pierres évolutives, qui t'apprenait à observer la nature, à grimper aux parois rocheuses. Il a fait d'toi un vrai petit Férosinge, capable de crapahuter un peu partout. T'aimais ça, t'accrocher aux prises naturelles dans la roche, le vide sous tes pieds. T'aimes toujours ça, mais sans ton père, ça n'a plus la même saveur.

Vous étiez heureux, à cette époque. Gamine pleine de vie, à courir dans tous les sens, toujours dans les pattes des adultes, à poser ton cul sur les premiers genoux de visiteurs qui t'inspiraient confiance pour les écouter parler de leurs voyages, des autres régions, de leurs victoires, parfois de leurs défaites aussi. Combien de fois on t'a retrouvée endormie, pelotonnée contre le Pokémon de votre invité de la semaine, la petite bête avec l'air con de celle qui sait pas trop quoi faire de cette petite rousse qui lui ronfle sur les genoux. Ton enfance, tu t'en rappelles comme on se rappelle d'un doux rêve. Ce moment où ta mère était encore dresseuse, où ton père était guide et vendeur de pierres évolutives, et où le couple avait ouvert un gîte exprès pour les dresseurs qui faisaient étape à Lencliff. Toi, tu pensais que ça serait toujours comme ça. Mais la vie est rarement aussi généreuse sur le long terme.

Votre vie s'est brisée quand ton père a fait un AVC. C'est son Bourrinos qui l'a retrouvé par terre, avec tous les équipements éparpillés pour une visite guidée des alentours autour de lui. Bourrin est venu chercher ta mère, t'as pas compris ce qui se passait. T'avais quoi... neuf ans. Dix peut-être, pas plus. La jolie Gardevoir de ta mère t'a bloqué l'accès à la porte et t'as compris à ce moment là qu'il se passait quelque chose. Quand Leila – le Pokémon de ta mère – t'a serrée contre son cœur en te berçant, t'en as été convaincue. Les ambulances sont arrivées, ta mère a donné des ordres à ses Pokémons pour qu'ils s'occupent de toi ; Leila a soupiré, tu t'en souviens, et t'as même pensé à ce moment là que la Gardevoir avait un tel instinct maternel que c'était ridicule de lui dire quoi faire d'un mini-humain.

Après ça, tu n'as revu ton père que le jour de ses funérailles. Parce que les choses se sont enchaînées trop vite, que son AVC a déclenché d'autres problèmes de santé, jusqu'à en être fatal pour l'homme qui t'a élevée. Ce jour-là, aux obsèques tu t'es sauvée, sur le dos de Bourrin, en larmes. C'était ton pilier qu'ils étaient en train de mettre en terre. Ton père, tu l'as toujours plus aimé que n'importe qui d'autre sur cette planète. T'as fugué, avec Bourrin. Lui aussi était agonisant de chagrin. Tu t'es effondrée en larmes dans les Landes. Bourrin s'est effondré avec toi. Vous avez pleuré ensemble longtemps, accroché l'un à l'autre. Ta mère t'a cherché partout, mais c'est Leila qui vous a trouvé la première. Leila qui s'est agenouillée près de vous et qui vous a enlacé, toi et Bourrin, pendant un temps que tu n'aurais pas su définir.

Nouveau chapitre, celui de la tristesse. T'as fait un épisode majeur de dépression, t'en étais rendue au point de ne plus pouvoir te nourrir seule, avec plusieurs hospitalisations à la clef, jusqu'à ce que tu reprennes peu à peu vie. Ta mère était paumée, elle. Anéantie de douleur. Elle a fermé le gîte. Elle a arrêté de courir la région et les arènes pour se trouver un petit boulot de serveuse et payer les factures. Votre foyer était réduit en cendres. Presque entièrement, vous ne le saviez pas encore, mais le pire était devant vous.

Y'a eu le patron de ta mère. Celui qui lui faisait des avances, des menaces aussi. Elle te l'a jamais dit, mais la première fois qu'elle a eu à coucher avec lui, c'était pour pouvoir t'offrir le cadeau de ton douzième anniversaire. Ta mère, c'était pourtant une femme forte. Une femme qui avait obtenu tous les badges de Kalos et d'Hoenn, et presque tous ceux de Lathéa. Une femme qui avait assez de sagesse pour écouter ses Pokémons. Pendant des semaines, des mois, l'impression même que cela a duré des années, tu l'as entendu se disputer quotidiennement avec Leila, leadeur avéré de son équipe, son tout premier Pokémon. Un jour, tu as vu Leila claquer la porte de la maison. Elle n'est plus jamais revenue. Non, à la place, tu as vu le patron de ta mère s'installer dans le fauteuil que ton père occupait autrefois, poser ses pieds sur la table basse que vous aviez construit ensemble. Ta mère t'a dit qu'il allait vivre ici, maintenant. Que Leila avait voulu sa liberté. Et tout ça n'avait aucun sens pour toi.

Ils se sont mariés rapidement. Tu as passé le mariage à te cacher dans un arbre, eux ont passé une bonne partie de la soirée à te chercher. Et quand ils t'ont trouvé, ton beau-père a levé la main sur toi pour la première fois. Ta mère est restée sidérée, tes grands parents se sont insurgés, et toi tu as hurlé au visage de cet imposteur que tu le détestais, qu'il rendait ta mère malheureuse, que c'était à cause de lui si Leila était partie. Ta mère t'a dit que tu lui faisais honte, et tu n'as pas compris qu'elle prenne la défense de cet homme. Tout ce que tu sais, c'est que les années suivantes ont été cauchemardesques. Ta mère a coupé les ponts avec ses amis, puis avec la famille de ton père, et enfin avec la sienne. Prise dans les filets d'un pervers narcissique, d'un connard alcoolique qui aimait avoir le dessus sur les deux femmes de la maison, elle s'est enfoncée plus profondément encore dans cette relation, s'accrochant à ce qu'elle croyait être de l'amour pour oublier la douleur d'avoir perdu l'amour de sa vie.

Tu n'étais pas la seule qu'il battait. Les Pokémons de ton père ont bien essayé de vous défendre, ta mère et toi, mais ils sont tous été donné à des dresseurs, souvent peu recommandables. Très vite, vous vous êtes simplement retrouvées seules avec ton beau-père. Isolées. Tu as même fini toi-même par arrêter de te battre, par arrêter de résister ; les coups, les humiliations étaient devenus de simples habitudes. Tu trainais un peu plus pour rentrer de l'école, mais pas trop pour ne pas te prendre toute la fureur de ton beau-père. Tu as passé la seconde partie de ta vie à vivre avec la boule au ventre. Jusqu'à tes dix-huit ans et ta rencontre avec Aube. Jusqu'à ce que le petit Abra, en usant de ses pouvoirs psychiques, brise le bras de ton beau-père quand il a voulu te frapper une énième fois pour une raison que tu as oublié. Aube a été l'impulsion qui te manquait pour prendre tes affaires et partir, vite et loin, à l'autre bout de la Région, là où ton beau-père n'aurait jamais l'idée de foutre les pieds.

Ça te ronge de savoir ta mère seule avec ce connard, mais Aube et toi, vous n'êtes pas assez forts encore. Mais c'est une promesse que tu t'es faite à toi-même ; tu sortiras ta mère de tout ça. Quand tu seras plus forte, quand tu auras la force de tenir tête à ton beau-père, ta mère sera la première personne que tu sauveras.

putain ce perso me donne envie d'lui faire des câlins. J'pense que Josh il apprend tout ça sur elle, il aura qu'une envie c'est de la protéger de tout J'aime beaucoup trop Aurore  
Et je suis surtout grave contente de te retrouver héhé