Camper une nuit avec Judicaël, c'était mon idée. Je voulais passer du temps avec lui tout en visitant des endroits dans Lathea où je ne suis jamais allé. Et en même temps, nous isoler du monde pour qu'on soit juste tous les deux. J'ai acheté une tente exprès pour ce jour là en plus ! Vous savez, celle qu'on jette en l'air et qui se déplie toute seule et qu'on a qu'à la clouer au sol avec les bouts de métaux vendus avec. Bon, ce sera plus difficile à la replier, mais c'est pas grave, c'est quand même super pratique.

« Là, ça semble un bon endroit, non ? »

Je sais que Jude a peur de l'eau alors je me suis mis dans un endroit où le fleuve Mangetimor n'est pas très profond, ça nous suffira pour nous baigner et nous laver. De toute façon, on a prévu d'y rester qu'un soir, juste histoire de passer le samedi soir. Le milieu d'après-midi est déjà bien entamé et nous avons marché le long du fleuve assez longtemps après déjeuner. Je pose mon sac et j'enlève la tente de sa protection pour la lancer sur l'herbe à cinq mètres du fleuve, légèrement en hauteur de ce dernier. Comme prévu, la tente se déploie et se pose, à l'endroit, par terre.

« Je m'occupe d'accrocher la tente, tu t'occupes de déballer les affaires et sortir les duvets ? »

Je demande en m'armant des bouts de métaux qui ont un nom précis, mais je l'ai oublié … Pour moi c'est juste des bitoniaux de métal. Je le fais avec les huit encoches pour clouer la tente au sol et éviter qu'elle ne s'envole si il y a du vent. L'automne est là, le temps est encore doux en journée mais les nuits sont fraîches, surtout quand le vent est levé. Une fois la tente installée, je viens sauter sur mon amant pour l'embrasser au creux de son cou.

« Voilà, c'est fait ! Maintenant, tu es tout à moi, rien qu'à moi pendant tout le week-end ! Et je dors avec toi dans le duvet ! »

Je ne lui laisse pas le choix, je souris avec assurance, me doutant très bien que ça ne le gênera pas.

Les deux amis et amants s’étaient retrouvés après près d’un an de séparation. Il fallait rattraper le temps perdu. Jaeden avait alors eu l’idée de camper avec Judicaël.  Le dramaturge avait accepté avec plaisir avant même de savoir que ça serait sur les berges du fleuve Mongetimor. Savoir que l’eau ne serait pas loin n’était pas très rassurant, mais il avait aussi confiance en Jaeden. Il savait que l’éleveur ne le mettrait pas dans une situation délicate. Puis, Judicaël voulait aussi combattre cette phobie, ce n’était pas pour rien s’il vivait à Halosis, près d’un lac immense. Ce n’était pas la mer, l’eau douce n’était pas rassurante, mais pas au point de perdre ses moyens.

_ Parfait. Répondit-il en souriant.

L’endroit était vraiment idéal, assez loin du fleuve et en hauteur. Et avec Jaeden à ses côtés, Judicaël n’avait pas besoin de plus pour se sentir rassuré. L’éleveur avait été en charge de la tente et le dramaturge des duvets et de quoi se nourrir.

_ Accroche la bien où on va être obligé de passer toute la journée dedans pour éviter qu’elle ne s’envole. Dit-il avec un sourire amusé.

Il resta quelques instants à instant à observer Jaeden clouer la tente au sol avant de défaire les deux duvets et de les déplier dans la tente. Il fit de même avec le reste des affaires. En l’espace de quelques petites minutes, le campement était prêt à être utilisé. Soudain, Jaeden sauta dans les bras de Judicaël. Ce dernier plaça ses mains sur les hanches de son ami en riant.

_ J’ai de la chance d’avoir ma bouillotte personnelle. Je compte sur toi pour m’éviter d’attraper un rhume.

Sur ces mots, il posa un doux baiser sur les lèvres de Jaeden. Les deux hommes n’étaient pas en couple, mais il était facile de le croire. Leur comportement l’un envers l’autre semblait aller dans ce sens. Judicaël devait aussi avouer qu’il était très attaché à ce jeune homme qu’il avait rencontré dans les bois et que l’averse avait surpris.

D’un geste rapide, Judicaël passa sa main sous les jambes de Jaeden et le souleva comme une princesse. Il le porta ainsi jusqu’à un rocher où il le déposa avant de s’asseoir à côté de lui.

_ Raconte-moi un peu tes exploits récents. Je veux tout savoir, même ce que tu as mangé hier au petit déjeuner. Quoi que j’ai pas besoin de le préciser, tu me l’aurais dit quand même. Taquina-t-il avant de déposer un baiser sur le crâne de l’éleveur.

« Est-ce que tu insinues que je suis chaud comme la braise ? »

Je dis ça sur un ton faussement sensuel avant de remuer les fesses comme un Couaneton maladroit, n'hésitant pas à pincer mes lèvres pour en faire prendre la forme du bec de ce même pokémon avant de rire de mon propre ridicule. Il finit par m'embrasser en retour dans une étreinte chaude avant de me soulever et m'installer sur un rocher près de la rivière avec lui. Autant profiter que le soleil soit toujours là pour rester à l'extérieur de la tente. Sa question me prend un peu au dépourvu. C'est vrai que souvent, je raconte trop de choses en détails. Mais je le fais de moi même, il me demande pas. Là, il me le demande avec une sorte d'excitation qui me surprend. En quoi mon déjeuner est-il si excitant ? Je ne sais même plus ce que j'ai mangé hier en vrai …

« J'ai fait éclore des œufs et j'ai même trouvé des dresseurs intéressés pour adopter certains de mes nouveaux nés, j'étais content. Après je me souviens plus de ce que j'ai mangé, j'étais tellement à fond sur mes éclosions que j'ai pas capté ce qu'Aria m'a tendu pour que je mange un bout. »

J'ai laissé Aria à Bordeciel, j'ai préféré laissé Berlioz aussi. Je n'ai emmené que quelques uns de mes pokémon avec moi en camping au cas où, quitte à les faire profiter un peu du week-end aussi.

« Puis j'ai pensé à toi toute la soirée. Parce que je savais qu'on allait se voir le lendemain et ce pendant tout le week-end. Et que j'avais hâte d'être avec toi. Dis toi que j'ai même essayé de dormir plus longtemps en faisant une sieste hier parce que je voulais veiller aussi tard que possible avec toi ! »

Je lui avoue en riant, excité comme un gosse qui part en vacances après être allé trop souvent à l'école à son goût. Je prends sa main dans la mienne et entremêle mes doigts aux siens quand il dépose un baiser sur mon crâne.

« Et toi ? T'as fait quoi de beau ? »

Je demande en enlevant mes chaussures et mes chaussettes, puis de ma main libre, je remonte les pans de mon pantalon pour dévoiler mes mollets et la base de mes genoux. Je me lève, déliant ma main à celle de Judicaël et vais dans le fleuve, le niveau est bas. Il couvre juste mes mollets. L'eau est fraîche mais heureusement le fait qu'il fasse beau et chaud en ce début d'automne m'aide à résister à la température du fleuve.

« Tu viens ? Juste là, promis. J'ai pieds et je suis suis largement plus petit que toi, alors tu iras très bien. Et je te lâcherai pas, promis. »

Je le rassure, je sais qu'il est aquaphobe. C'est comme ça que ça s'appelle ? J'en sais rien, je suis pas un spécialiste mais je sais juste qu'il a peur de l'eau, la mer, les profondeurs. Mais je sais aussi qu'il veut apprendre à conquérir sa peur. Et je veux l'aider.

_ Peut-être, je te confirmerai ça ce soir.

L’attitude de Jaeden et son rire finirent par faire glousser le dramaturge. Comment Jaeden pouvait avoir un côté aussi séduisant et en même aussi enfantin ? L’éleveur était vraiment quelqu’un à part dans le bon sens du terme. A lui seul, il précisait la solitude du dramaturge et le faisait faire des choses comme décider de camper auprès d’un point d’eau qu’il n’aurait sans doute jamais fait seul. Alors, après un baiser, Judicaël installa son ami sur un rocher avant de demander à en savoir plus sur les occupations de Jaeden, voulant vraiment savoir.

Ce fut avec beaucoup d’attention et un sourire sur les lèvres que le plus vieux écoutant l’éleveur lui raconter son quotidien. Judicaël était content de voir que Jaeden s’en sortait dans son élevage et qu’il arriva même à trouver des dresseurs pour les nouveau-nés. Il n’avait peut-être que 24 ans et pourtant il faisait tourner un élevage. Dans un sens, il avait bien mieux réussi sa vie que Judicaël qui du haut de ses 30 ans cherchait encore à se faire produire.

Un grand sourire se dessina sur le visage de Judicaël en entendant qu’il avait occupé les pensées de Jaeden toute la soirée. C’était étrange, le dramaturge aurait pu se sentir mal d’occuper autant l’esprit d’un homme. Il n’avait jamais eu d’histoire de couple ni cherchait à en avoir, c’était plutôt même le contraire. Pourtant avec Jaeden et le rapprochement qui était en train de se produire entre eux, il ne faisait rien pour changer les choses. Une part de lui appréciait tout ça, car Judicaël lui aussi avait beaucoup pensé à Jaeden. Il n’était pas prêt à se l’avouer, mais il était peut-être bien en train de tomber amoureux.

_ Moi ? Je me suis préparé pour le camping et j’ai ajouté un nouveau personnage à ma pièce, un peu insouciant, toujours de bonne humeur et des plus sexy. Il est inspiré de quelqu’un que j’apprécie beaucoup. Fit-il avec un clin d’œil.

Son regard se posa sur les pieds de l’éleveur dont les chaussures disparurent rapidement. Il releva ensuite la tête vers le visage de son ami, le regardant avec curiosité. Jaeden se leva finalement du rocher et alla mettre les pieds dans l’eau. Judicaël le regarda faire, non sans éprouver un certain frisson. A la proposition de l’éleveur, il pâlit. L’eau et le dramaturge n’étaient plus amis depuis que la mer avait emporté son frère aîné et bien failli le tuer lui aussi. Jaeden savait que Judicaël n’aimait pas l’eau, mais le dramaturge ne lui avait jamais parlé des raisons profondes à ça. Il avait du mal en discuter avec qui que ce soit. Néanmoins, ça ne l’empêchait pas de voir que ce que l’éleveur voulait, c’était l’aider. Alors, il le leva doucement du rocher, faisant un peu en directeur de l’eau avant de s’arrêter.

_ Je… euh… Je sais pas. Tu es sûr que c’est stable ?

La question était stupide, Judicaël lui-même le savait, mais il luttait pour ne pas laisser la peur le submerger. Son regard se posa alors sur le visage de Jaeden pour essayer de se concentrer uniquement sur son ami. Il prit une grande inspiration et retira ses chaussures et chaussettes avant de remonter son pantalon imitant l’éleveur. Une nouvelle inspiration et il fit un pas de plus en direction de l’eau. Il tendit alors la main en direction de Jaeden. Il avait besoin de ce contact, d’une ancre, d’une corde et c’était son ami. Ce ne fut que lorsque ses doigts furent noués autour de ceux de l’éleveur que Judicaël fit un pas dans l’eau. Tout son corps fut pris de frissons et ce n’était pas à cause de la température de l’eau. Il se figea alors en serrant la main de Jaeden.

_ Je vais pas y arriver… Murmura-t-il.