Ces escapades imprévues, comme toujours, ne sauraient me combler davantage. La question s’impose tout de même; je la ressasse intérieurement tandis que sous mes pas crissent les premières feuilles recouvrant le sol. L’audace n’a malheureusement jamais fait partie de mon quotidien et la rareté de ces instants volés ne fait qu’accentuer la véracité de ce fait. Je n’ose pas sortir de la routine assez souvent et lorsque je me le permets alors je réalise l’idiotie de cette tendance : c’est que j’apprécie énormément nos petites aventures à Paix et moi ! Particulièrement au cœur d’un endroit aussi paisible que la Forêt aux Murmures qui malgré son nom quelque peu inquiétant m’envahit aussitôt d’un sentiment d’apaisement. Non pas que la vie soit particulièrement stressante ces derniers temps ! Je m’efforce après tout de mettre de l’ordre dans mon existence, à commencer par me couper des sources d’anxiété. Or, il y a quelque chose dans la communion avec la nature qui transcende tous mes efforts de guérison, qui m’amène au-delà de tout ce que je pourrais tenter d’effectuer moi-même pour parvenir à la paix intérieure. C’est ce que je veux recréer au centre du Havre, une sorte d’accueil instantané, un sentiment de bonheur distillé qui vous atteint de plein fouet sitôt vous y posez le premier pied.

Un jour, nous parviendrons à atteindre cet objectif. En attendant, cette forêt est certainement source d’inspiration.

Nous n’avions effectivement pas prévu cette escapade. Une visite chez un potentiel fournisseur nous a mené sur une route à l’orée de la forêt. Puis un petit stationnement, derrière un coude serré, presque invisible depuis la chaussée, nous a soudainement attirés et nous voilà sortis, sur ce sentier qui sinue entre les arbres, à s’immerger de l’expérience. Paix, à mes côtés, se montre insatiable. Elle oscille de part et d’autre de moi, visiblement nerveuse et excitée tout à la fois. À cette heure-ci, habituellement, je la retrouve lovée quelque part, en train de roupiller… Le sommeil aujourd’hui semble incapable de l’atteindre puisqu’elle a les yeux grands ouverts sur le monde et ses merveilles. Son enthousiasme fébrile me tire de nombreux sourires amusés. La Munna, heureusement, ne s’en offusque pas, elle n’y prête simplement pas attention. Régulièrement, elle teste les limites de son courage en s’éloignant entre les arbres puis revenant à toute vitesse en ma direction au premier son pouvant la surprendre. Autant dire qu’elle ne quitte pas si souvent ma proximité.

Il me tarde d’apercevoir quelque créature inconnue. Je n’oublie pas mon mandat de capturer des Pokémon intéressants pour l’élevage et le centre, qui s’inscriraient dans la spécialité de l’endroit. Peut-être dénicherai-je quelque chose d’intéressant ici ? À vrai dire, je me sens quelque peu frustré de n’avoir rien croisé pour le moment, la curiosité me dévorant les tripes. À force de scruter avec intensité ces bois clairsemés, je finis par apercevoir au loin ce qui me semble être une silhouette, et promptement m’éloigne pour mieux distinguer ce qui peut bien se cacher là. Est-ce simplement une branche prise par le vent que j’ai vu bouger ? Je ne réalise pas m’être éloigné considérablement de Paix, qui laissée seule se met à paniquer. Une ombre se dessine derrière elle, la faisant sursauter… Couinant de peur, elle s’élance au hasard dans la forêt. Je l’entends crier, mais sans la repérer d’un premier coup d’œil mon cœur s’alarme aussitôt. Où est-elle ? Je l’aperçois à la dernière minute alors qu’elle se dirige vers moi comme une balle ! Surprise par ma présence, se croyant en danger, le Pokémon psy déferle sur moi une attaque-réflexe que je reconnais quelques secondes avant de sombrer dans un profond sommeil.

Bel Hypnose. Oui, nah. Vraiment très réussi, Paix.

Elle met quelque temps à réaliser l’erreur. Penchée sur mon corps étalé dans une position peu enviable, le visage enfoui dans les feuilles, le dos arqué et les fesses pointant fièrement vers le ciel, elle se sent une fois de plus envahie par la peur. Comment puis-je dormir par un moment pareil, la laissant seule face à un milieu hostile ? Bien oui, je me demande tiens. Lévitant nerveusement autour de moi, elle tente de me réveiller, mais il semblerait que je sois trop occupé à rêver de la jolie fille dans la publicité de fromage à crème. Pour ne rien arranger, voilà que la Munna entend des pas… est-ce l’ombre qu’elle a vue tout à l’heure ? Non, il semblerait que ce soit un humain, et Paix aime beaucoup les humains. C’est donc en pleine confiance qu’elle s’envole en sa direction, réclamant son aide dans son langage entrecoupé de tremblements paniqués.

Je voulais une aventure, n’est-ce pas ?

Le cœur de la Munna s’anime aisément au contact de d’autres Pokémon. Habituée depuis toujours à la présence d’autres humains, elle s’est en quelque sorte identifiée à eux et n’entretient à leur endroit aucune résistance. Les intentions des créatures de ce bois lui apparaissent néanmoins bien plus nébuleuses malgré l’aspect paisible des lieux. Ainsi la vision de ce gaillard un peu plus âgé que moi la rassure et c’est pleine d’attentes qu’elle le rejoint pour lui exprimer son problème. Heureusement, celui-ci semble collaborant à ses projets et s’approche pour tenter de me réveiller. Une entreprise tout à fait louable mais aussi ardue; il semblerait que je me sois perdu dans quelque songe profond auprès d’une jolie rouquine et d’une plage de sable chaud. Mon intention n’est en rien de quitter la caresse du soleil et de la brise marine, d’autant plus que la jolie fille profite de la chaleur ambiante pour faire un saut dans les vagues ! Je n’entends rien de cette voix qui m’appelle ni ne sent cette main contre mon visage. Découragée, Paix reste très près de l’étranger, pour tenter de se rassurer et surtout faire taire cette culpabilité qui l’habite. Il est vrai que sans son intervention psychique, je ne me trouverais pas dans cette fâcheuse posture.

D’ailleurs, elle sursaute en remarquant qu’un autre Pokémon se tient là, accompagnant l’inconnu. L’Osselait n’est pas seul, il y a aussi un Polichombr avec lui ! La Munna s’éloigne un peu tandis qu’un plan s’esquisse. Croyant avoir mal entendu, Paix ne réagit d’abord pas, jusqu’à ce que le petit Pokémon sol ne s’approche de mon corps vulnérable, brandissant son os… Dans un cri de panique (on repassera pour l’héroïsme), la femelle se précipite entre l’arme et moi, se prenant brutalement le coup sur la tête. Assommée, elle tournoie un moment entre ciel et terre avant de reprendre ses esprits et d’houspiller l’Osselait : pas question de me balancer des coups de massue à la tronche ! Sa loyauté a quelque chose d’inspirant peut-être, puisque la conscience me tire brusquement de mes rêves. Je m’éveille au son des cris mi-rageurs mi-affolés de Paix, qui aussitôt me mettent sur le qui-vive. Je roule sur le côté, lourd et maladroit, tentant de mettre de l’idée parmi mes idées pêle-mêle. Pourquoi suis-je sur le sol ? Oh… Oh oui, l’Hypnose. Je sursaute en voyant que la Munna n’est plus seule, et c’est un peu honteux que je me redresse en position assise pour tous les regarder avec un air confus.

Un air très confus.

«Je euh… qu’est-ce qui se passe ?»

Mon ton n’est pas particulièrement méfiant, il témoigne simplement de ma grande confusion face à cette situation. Paix en profite pour se blottir contre moi, comme si je l’avais quittée des heures, comme si ma vie était en danger. Évidemment, ce n’était pas le cas, et il me semble qu’assez peu de temps s’est écoulé entre le moment où l’attaque a touché et le moment de mon réveil.

La Belle à la Forêt dormante ? Je dois avouer le surnom plutôt approprié. J’aurais pu très bien m’offenser de l’humour déployé par mon interlocuteur. Néanmoins ce n’est pas bien mon genre, surtout quand la blague est aussi bien choisie. D’ailleurs, qui est cette fameuse personne ? Il me paraît, avec mon vécu mouvementé, simplement apparu de nulle part en compagnie de ses deux Pokémon, à se moquer gentiment. Sa présence ne fait qu’accentuer ma confusion grandissante. Il faut dire que je n’ai pas exactement les idées très claires et qu’encore l’engourdissement qui accompagne le sommeil se fait maître de mes neurones. Sans toutes ces questions qui m’habitent, je me serais probablement permis un petit sourire : ce doit être bien loufoque de sa perspective de rencontrer quelqu’un dans une position peu enviable au cœur de la Forêt aux Murmures. Interprétant peut-être ma difficulté à réagir tel de l’inquiétude, l’homme s’empresse de me rassurer quant à ses intentions, ce qui encore une fois manque de me faire sourire de peu. L’explication qu’il donne ensuite, et les événements lentement se complètent sous mon crâne. Oui. L’Hypnose. Je me souviens maintenant.

«Ce n’est pas très compliqué, à vrai dire. Paix – ma Munna – m’a pris pour un Pokémon sauvage et m’a balancé son Hypnose (très réussi d’ailleurs) à la tronche.»

L’intéressée soudain se ratatine contre elle-même pour échapper à notre jugement. Pour ma part, je ne lui en veux pas vraiment, je dois avouer l’histoire assez cocasse. Puis je n’étais pas en danger le moindre du monde. Visiblement culpabilisée par mes paroles, elle se laisse tomber vers le sol d’un air piteux qui me tire un nouveau sourire amusé.

«Ce n’est pas grave, Paix, il n’y a pas de mal allons.» je fais en la récupérant dans mes bras pour la rassurer quant à mes sentiments vis-à-vis l’événement. J’en profite pour me redresser et épousseter mes vêtements de ma main valide. «Merci pour votre aide. Je m’appelle Daniel Lyndor. J’étais venu pour admirer la forêt et capturer des Pokémon mais il semblerait que Paix a eu d’autres plans pour moi. Si tu voulais roupiller, y’avait qu’à le dire hein?»

Je la charrie gentiment, arborant un sourire plutôt fier de moi. La pauvre, je la torture de ces petites piques; clairement elle n’est pas au bout de ses peines. Si je suis la Belle à Forêt dormante, alors elle est mon Bonhomme Sept Heures. La Munna s’éloigne en boudant quelque peu, ce qui ne fait qu’accentuer mon amusement. Je sais bien qu’elle s’en remettra, tout comme moi qui se frotte les yeux pour en chasser la fatigue.

«Pardon pour l’inconvénient du coup. Nous n’avons pas beaucoup l’habitude de sortir en terrain sauvage, ce qui rend Paix un peu nerveuse. J’ai bien tenté de lui expliquer qu’il n’y avait rien à craindre…»

Pourtant, j’entends un cri d’oiseau assez agressif dans le coin. Dans quel pétrin s’est encore mis la Munna ? Je ne la vois plus sur le sentier mais j’ai l’impression qu’elle n’est pas allée très loin.

J’ai appris à devenir le dindon de la farce dans ma jeunesse. Qui ne vaut pas une risée ne vaut pas grand-chose, dit-on, d’une certaine manière je me suis approprié le dicton dans sa version la plus extrême dans l’objectif de justifier de nombreux malaises qui m’habitent au niveau social. Je préfère qu’on s’amuse de moi qu’on s’irrite. Dans ma jeunesse, j’étais reconnu comme étant le petit clown de service et cette tendance m’a apporté de nombreux problèmes… Sauf que les habitudes ne se perdent pas facilement, surtout dans une situation sociale toute neuve auprès d’un étranger. Tant pis s’il s’amuse à mes dépends, il faut dire que j’aurais probablement agi de même à sa place.

«Soyons simplement heureux que je me sois réveillé rapidement dans ce cas.»

Ses paroles, bien que rieuses, ont provoqué un peu de nervosité chez moi : quels dangers aurais-je pu rencontre dans ces contrées sauvages, sans l’intervention conjointe de l’étranger et de la Munna ? Mon expérience à la Lumiclairière n’a pas exactement suffi à me rassurer au sujet de mes capacités de dresseur, bien au contraire. Je veux tout sauf nous mettre dans de sales draps… Non, je refuse de céder à mes peurs futiles. Déjà car je connais le caractère tranquille de ces bois. C’est bien ce qui m’a charmé en mettant les pieds ici. Puis maintenant que cet homme s’est présenté à moi, je vois en lui un potentiel accompagnateur à nos petites aventures. Après tout, tout est mieux à deux non ? Ce n’est pas du tout parce que j’ai un peu la trouille maintenant.

Pas du tout.

Puis cet homme semble plutôt sympathique, aucune raison de séparer notre route si nous avons l’occasion de socialiser quelque peu au passage, n’est-ce pas ? Je me redresse finalement. Heathcliff se présente et je souris, bien heureux de faire sa connaissance. C’est un solide gaillard déjà, puis ses Pokémon me semblent tout de même plus expérimentés que les miens.

«Oui, effectivement. Nous sommes à la recherche de Pokémon susceptibles d’agrandir notre petite famille à mon élevage de Jude’s Creek. Vous semblez avoir un peu plus d’expérience, peut-être pourriez-nous nous guider ?»

Mais oui, d’abord il faut aller voir ce que Paix fait puisque ce cri ne me rassure nullement. J’hoche la tête ainsi, précipitant mes pas sur ce sentier que la femelle a emprunté quelque temps plus tôt à la recherche de sa dignité perdue. Nous arrivons juste à temps pour voir la fin de ce combat semble-t-il à sens unique, puisque l’oiseau en question que nous avons entendu crier… s’écrase sur le sol comme une masse. Satisfaite d’elle, la Munna s’est mise à danser et à effectuer des vrilles dans les airs. Pour ma part, j’observe la scène avec un mélange d’horreur et d’hébétude. C’est vraiment Paix qui a fait ça ? Je devrais peut-être reconsidérer son nom.

«Paix qu’est-ce que… qu’est-ce que tu as fait ?»

Malgré mon ton horrifié, la petite ne démord pas, pointant le corps du Piafabec avec grand enthousiasme. Je m’approche de la créature, redoutant le pire… Mais elle respire toujours ! Hormis sa position une fois de plus peu enviable, l’oiseau ne fait que dormir à poings fermés. La Munna aussi s’approche pour regarder, radieuse. Elle porte sur son museau une assez vilaine griffure qui me laisse supposer qu’elle a possiblement été attaquée en premier, d’où sa réponse d’un bon Hypnose.

«Je pense qu’elle s’est fait attaquer par ce Piafabec et lui a donné une correction. Finalement on ne se débrouille pas si mal. Qu’est-ce que je devrais faire de l’oiseau, Heathcliff ?»

Le capturer, le laisser là ? Pauvre Paix, elle est légèrement blessée, ce que je n’aime pas énormément, mais désormais il est trop tard pour reculer. Le regard que j’offre à l’inconnu parle de mon inexpérience mais aussi d’un certain manque d’initiative. J’imagine que si je veux apprendre, il faudra aussi que je prenne certaines décisions une fois de temps en temps… Mais pas maintenant d’accord ?

Ai-je mal choisi le nom de Paix ? Se cachait-il chez elle une guerrière insoupçonnée ? Je soupçonne davantage un coup de chance dans les deux exemples récents. Je ne doute pas des capacités de ma partenaire, néanmoins je connais sa véritable nature. La Munna a probablement bien plus peur que l’inverse. Ce n’est pas la rage qui l’habite mais un profond désir de survie (et nommons-le, une certaine maladresse aussi…). Je dois lui reconnaître un instinct surprenant toutefois, un que je ne soupçonnais pas jusqu’à présent et qui me donne espoir qu’elle pourrait effectivement devenir une bonne protectrice à l’avenir. J’interprètes un peu mieux son grand sourire et ses prunelles allumées de fierté désormais. Elle est contente d’avoir pu assurer un combat, de s’être correctement défendue. J’aime voir cette expression sur son visage. Je lui offre un petit sourire à mon tour malgré ma confusion quant à la suite des choses.

«Je vous jure que nous n’avons pratiquement aucune expérience en ce domaine, même que l’idée de combattre me rend quelque peu nerveux.» je jette un coup d’œil à la blessure de ma compagne. Si ce n’est pas bien profond comme entaille, je devine que la plaie doit bien brûler tout de même. «Je n’aime pas beaucoup la perspective que les Pokémon se blessent au passage.»

Comme pour me rassurer, le Pokémon Psy émet un petit son aigu en oscillant de gauche à droite, tentant à sa manière de me dire qu’elle n’a rien de trop grave. Je reporte mon attention sur notre interlocuteur néanmoins, qui avance quelques possibilités, sans toutefois présenter la meilleure option. Celle-ci semble toute tracée, ainsi je ne réfléchis pas trop avant de sortir une balle de ma poche. J’en considère un instant le poids. Je n’apprécie pas particulièrement cette manière de le capturer alors qu’il est inconscient, mais je me doute qu’il s’agit de la meilleure solution dans l’immédiat. Au centre, il pourra recevoir les soins nécessaires. Par la suite, je pourrai lui rendre sa liberté.

«C’est probablement pour le mieux de le capturer et de l’amener au centre, je ne voudrais pas prendre la chance qu’il se réveille et nous attaque de nouveau. De plus, je ne connais pas l’étendue de ses blessures. Puis toi aussi, Paix. Tu vas avoir une vilaine cicatrice sans les soins nécessaires.»

La perspective de se voir défigurer ne semble pas lui plaire. Je lance donc la balle sur l’oiseau qui, bien entendu, n’offre aucune résistance. La capture est donc scellée. Je vais récupérer l’objet, le tout en soupirant. Je range la balle en me dirigeant vers Heathcliff. Je réalise ne pas avoir encore répondu à son questionnement de tout à l’heure.

«Oh, j’oubliais de vous répondre, tout à l’heure. Jude’s Creek peut effectivement sembler un lieu particulier pour un élevage… Néanmoins il y a une magie dans cette ville qui… incarne en quelque sorte le sentiment que j’essaie de reproduire entre mes murs. Le froid peut être désagréable, mais ce n’est que l’hiver qu’on apprécie réellement la chaleur. Mon élevage est particulier, j’y élève des Pokémon qui aident les autres à se sentir bien, de corps et d’esprit. L’élevage est jumelé à un centre qui offre des services de massage, des cours de yoga, de la méditation et d’ici quelques semaines l’accès à des bains extérieurs thérapeutiques.»

Je souris, visiblement fier de mon petit projet. Oh, nous avons encore bien à apprendre, cependant je sens bien que nous nous trouvons sur la bonne voie pour réaliser nos rêves.

«Paix m’assiste dans mon travail. Elle fait aussi la thérapie par les rêves.» je fais en la regardant. Bien entendu, cette mention anime ses pattes un instant. «Enfin, pardon, j’ai l’impression de faire de la publicité, j’en suis désolé. C’est un projet qui suit son cours, nous en sommes encore à nos débuts.»

Un peu désolé, j’offre un sourire à notre interlocuteur. Ce n’était pas mon intention de faire la vente du Havre, pourtant j’espère avoir donné au moins envie à mon interlocuteur. Peut-être ses compagnons apprécieraient-ils le calme qui règne chez nous ?

Malgré moi, je cherche l’approbation de ce pourtant étranger dans cette histoire concernant l’oiseau. Ai-je bien agi ? Dans le domaine des captures, des combats et de l’exploration, il me semble être encore aux prémisses de mes connaissances, d’avoir encore énormément à apprendre. Je suis rassuré de voir que mon attitude plutôt réservée face aux combats ne m’attire pas de mépris chez lui; ce ne serait guère la première fois après tout. Certains s’attendent à ce qu’à Lathea, on se définisse à travers les Pokémon, sa notoriété, etc. J’ai œuvré presque toute ma vie sans compagnons, sans nécessairement m’y intéresser. C’était avant de découvrir Paix et les autres Pokémon sauvages ou non habitant au centre de réhabilitation. Encore maintenant, je tâtonne, j’apprends. Le fait qu’il y ait toujours des gens pour respecter mon rythme et mes idées me tire un sourire sincère. Pour ce qui est du Piafabec, eh bien mon plan le concernant ne semble gêner personne. Nous procéderons donc ainsi. Même si cela risque d’écourter ma visite des lieux, il me tarde de remettre l’oiseau entre les mains compétentes du personnel médical d’un centre Pokémon.

Pour l’instant, la conversation a bifurqué vers Jude’s Creek et l’élevage. Les paroles d’Heathcliff me tirent un nouveau sourire : il est vrai que je peux me montrer particulièrement élogieux concernant ma ville d’accueil. Il s’agit d’un endroit significatif pour moi, de bien des manières. Mon objectivité se trouve rapidement teintée et c’est tant pis : j’ai su trouver au cœur de cette ville froide quelque chose d’absolument inespéré. Le sentiment d’avoir trouvé ma place, mon chez-moi. J’éprouve une affection particulière pour chaque arbre, chaque pas qui crisse sur la neige. Cet endroit m’a sauvé la vie de bien des manières. Si mon partenaire d’infortune se risquait à l’explorer, j’espère qu’il ne serait pas déçu. Clairement il ne pourrait pas y trouver la même magie qui m’habite en parcourant Jude’s Creek.

«C’est un endroit bien spécial pour moi il faut dire.» fais-je d’un ton doux, presque gêné.

Heathcliff semble d’intéresser énormément à l’élevage d’ailleurs, ce qui bien entendu me fait rougir de plaisir. Même si ce n’était pas mon objectif en lançant le sujet, je me satisfais de sa réponse. Un client potentiel ? Je jette un coup d’œil à ses compagnons, avec un sourire avenant. Il me ferait plaisir de les traiter des petits soins particuliers de l’élevage, eux et leur dresseur bien entendu.

«Oh, la thérapie par les rêves est un concept absolument fascinant ! Nous avons suivi une formation toute spéciale à ce sujet et c’est absolument sans regret de mon côté. C’est une science qui se développe toujours mais dont les bienfaits ne font aucun doute. Il s’agit d’un procédé plutôt simple à vrai dire, mais qui demande de l’entraînement. Paix utilise ses capacités pour endormir le client et le dirige naturellement vers le rêve. Elle peut alors intervenir de diverses manières, la plus répandue étant pour dénouer des cauchemars récurrents.» la Munna s’approche et laisse s’échapper un peu de cette brume rosée qui caractérise son espèce. «Elle ne peut jamais imposer un rêve, néanmoins elle peut l’influencer et aider la personne à combattre ses peurs, à trouver l’apaisement et à éloigner les images sensibles, selon la nature du songe. Plus elle prend en expérience, meilleure elle devient. J’espère qu’en évoluant un jour, elle deviendra une pionnière dans ce domaine… mais il nous faudrait peut-être travailler de pair avec un scientifique pour l’aider à progresser.»

Je souris, véritablement passionné, toujours curieux et avide d’apprendre. Des traits que même mes difficultés des dernières années n’ont pas su corrompre.

«Je peux vous fournir des lectures à ce sujet si cela vous intéresse. J’ai découvert cela possible en rencontrant Paix, elle me visitait la nuit car je faisais de nombreux cauchemars… c’est grâce à elle si je dors bien mieux maintenant.»

Je lui caresse la tête avec affection. Tout l’amour que je lui porte, ainsi qu’une infinie gratitude, ne fait absolument aucun doute.

«Mon élevage a effectivement un nom, il s’agit de l’élevage du Havre. Il nous fera plaisir de vous recevoir là-bas un jour ! Vous, vous faites quoi dans la vie ? Enfin, si ce n’est pas indiscret.»