Quand bien même bosser dans un élevage où il faut passer sa vie à monter et descendre les escaliers le long des épais troncs d'arbres près de Lucinel, Eva doit bien reconnaître que ça lui plait, de travailler ici. Jaeden lui a laissé une chance qu'elle s'est obligée à saisir il y a quelques temps ; elle ne vient pas tous les jours, mais l'argent qu'elle gagne pour l'aide qu'elle apporte au maître des lieux lui permettra d'assurer la pérénité de son projet au moins pour quelques temps. Alors qu'elle s'applique à ranger certaines parties de Bordeciel, là où Jaeden le lui a demandé - pour une fois, son mot d'explication était tout à fait clair quand elle l'a trouvé en arrivant ce matin - la jeune femme réfléchit avec application. A chaque fois qu'elle vient, elle observe, elle apprend en silence, et seul Ismaël connait la teneur de son petit projet ; pour les autres, c'est encore un secret. Elle craint de leur dire à tous, qu'elle voudrait s'en aller, qu'elle est fatiguée de constater qu'à son âge il n'y a plus rien qui la retient, à l'exception peut-être de cette mère malade et malheureuse qui a, depuis dix ans, besoin du soutien indéfectible de son aînée pour pouvoir continuer à tenir une maison qu'elle n'a jamais considéré comme la sienne. La sienne, elle n'est plus là, il n'en reste sans doute plus rien maintenant que Myrtha est à l'abandon. La sienne, elle est habitée par un drôle de petit fantôme aux chaussettes de couleurs différentes, qui appelle sans doute à grand cris une famille qui n'a même pas pu récupérer son corps quand il a fallu inhumer les défunts de la catastrophe. Trop dangereux, paraît-il. Sa mère ne s'en est jamais relevée. Et si Eva n'en a jamais rien montré, elle non plus.

Pourtant ce n'est pas à ça qu'elle pense, aujourd'hui. Aujourd'hui, elle pense à la façon dont elle va le retaper, ce vieux hangar délabré situé sur la parcelle de terrain qu'elle s'apprête à acheter à Nathalia ; Eva se fait un peu l'effet d'une enfant perdue, lorsqu'il s'agit de son projet, parce qu'elle n'a pas la moindre idée de par où commencer. Créer un lieu d'accueil ou les enclos ? Et comment s'approvisionner pour que les Pokémon se sentent bien ? Combien d'espèces va-t-elle pouvoir posséder sans qu'elle ait besoin d'aide ? Et les purificateurs d'air, ça coûte cher ? Distraitement, Eva essuie une assiette dans la cuisine de Jaeden, qui ne lui a jamais demandé de faire la vaisselle ; c'est un petit plus pour elle, de faire un brin de ménage dans sa maison. Jaeden l'évite le plus souvent, mais elle s'est toujours appliquée à faire son travail du mieux qu'elle peut, et pour cause. Il n'y a encore que lui qui pourrait lui expliquer quand et comment se lancer dans cette folle aventure. Si recueillir des témoignages de la part d'autres personnes un peu partout dans Lathea va lui être utile, elle sait aussi que Jaeden est le plus doux et le plus patient pour ça. Enfin, peu importe ; il sera content d'avoir sa vaisselle toute propre, et elle n'aura plus qu'à rentrer à Castlerain ce soir pour faire celle de sa maison à elle. Un bref regard lui indique que la Wimessir de l'éleveur lui jette un regard torve, comme d'habitude ; elle, elle sourit, penche doucement la tête. « Allez, ça va, t'as bien le droit de te reposer un peu toi aussi non ? Je t'ai mis à manger, reste tranquille. » Aria déteste quand quelqu'un fait le ménage à sa place ; mais Eva est au moins aussi têtue qu'elle.

« Jaeden ; Je suis rentré. » Tiens tiens. Cette voix là, elle la connait bien Eva ; surprise, elle pose l'assiette propre sur l'égouttoir avant de se tourner pour rejoindre le salon. Isa finit par donner un signe de vie alors ? C'est pas plus mal, songe-t-elle en entendant le bruit caractéristique d'un adolescent qui s'affale sur un fauteuil ; le genre de truc qui l'exaspère quand il fait ça à la maison. Amusée tout de même, et beaucoup plus calme que ces derniers jours, la jeune femme traverse la pièce pour rejoindre celle, attenante, dans laquelle son plus jeune frère est effectivement complètement avachi. Premier constat : sa gueule en vrac. Avec le temps, ça ne l'étonne absolument plus, songe-t-elle alors qu'il lève le nez en croyant trouver l'éleveur... et hausser deux sourcils surpris en reconnaissant sa soeur aînée. « Tiens-toi droit, dit-elle en fronçant les sourcils, et en guise de bonjour. Jaeden doit penser que t'as été élevé par des sauvages. » Cela dit, au vu du bordel qui règne à la maison depuis dix ans, il n'aurait pas tout à fait tort.

« Tu t'es encore battu ? » poursuit-elle en s'approchant de la fenêtre qu'elle ouvre, pour s'allumer une clope machinalement tirée d'un paquet dans sa poche. Quand le Chacripan n'est pas là... « Il s'est passé quoi, ce coup ci ? » Non parce que le coup de la fugue et le commissariat, ça prépare à tout, hein ; ou au moins à ce genre de cas, quand il s'agit d'un gosse de seize ans qui essaie de jouer les adultes.

Dix années se sont écoulées depuis le drame, et ce sont dix années qui ont laissé sur la famille toute une série de stigmates indésirables. Chez la jeune femme qui s'employait à faire la vaisselle d'un autre quelques instants plus tôt, les fantômes de Myrtha l'ont rendue plus dure, plus aride, plus dévouée, paradoxalement, à cette famille qui ne peut désormais plus compter que sur elle pour avancer. La preuve en est cette délicate manifestation bougonne d'un conflit passé et mal soigné sur le visage de son plus jeune frère ; d'ailleurs c'est obéissant qu'il se redresse pour se tenir plus droit, avant de lever le nez vers elle, surpris de la trouver là. Et il y a de quoi, bien entendu. Eva n'a pas parlé de son travail chez Jaeden à la maison, c'était son petit jardin secret. De là à ce qu'Isa pense qu'il se passe quelque chose entre eux il aurait pu n'y avoir qu'un pas, s'il n'était pas aussi évident que le maître de Bordeciel préférait largement les pantalons aux jupons. Et en attendant, que lui est-il arrivé ?

« Un pokélover a essayé de me voler ma braisillonne, soit disant pour lui rendre sa liberté. Il lui a même tordu l'aile, ce connard. » Eva hausse un sourcil. Difficile d'y croire, et pourtant cela a l'air vrai ; alors ces abrutis d'activistes en sont là, ils vont aller voler les Pokémon des dresseurs pour les relâcher, maintenant ? Il lui semblait avoir rencontré une personne venant d'Unys qui lui avait raconté une histoire un peu semblable. C'est complètement stupide. Le garçon lève sa jambe ; au moins, il a été soigné, par qui elle n'en sait rien mais c'est sa vie maintenant : si Eva sait qu'elle le couvera toujours, son petit frère, elle n'ignore pourtant pas qu'il a fait un choix il y a quelques temps. « Au moins, elle et moi on est presque assortis. »

La réflexion lui arrache un mince sourire, alors qu'elle s'approche du garçon et s'installe sur un canapé, face à lui. Depuis combien de temps ne l'a-t-elle pas vu ? Une poignée de semaines, sans doute. « Mais, et toi. Qu'est-ce que tu fais à Bordeciel ? Tu veux t'acheter un pokémon ? » Et lui, il est ami avec Jaeden ? C'est plutôt marrant qu'ils se croisent ici, d'ailleurs, songe-t-elle en secouant la tête. « Non, je bosse pour lui depuis quelques temps. Maman n'est pas au courant. » Et c'est plutôt pas mal, d'avoir son petit jardin secret, finalement ; ses frères et soeurs ne sont pas au courant de ses projets, à l'exception d'Ismaël qui a fini par la suivre. « Je vais essayer de quitter la maison. Dans pas trop longtemps, de préférence. » Et il était plus que temps après tout ; se rendre compte qu'on a passé la trentaine et qu'on vit toujours chez sa mère, sans parler de l'absence totale de petit ami et d'enfants, ce n'était pas vraiment ce qu'elle imaginait pour sa vie, Eva. « Mais personne n'est au courant pour le moment, alors j'compte sur ton silence. Et toi ? Je savais pas que vous vous connaissiez, tous les deux. »

« Je ne dirai rien. » C’est bien, songe Eva en hochant doucement la tête. Pour le moment, personne ne sait très exactement ce qu’elle prépare, et elle espère que ça durera ; elle sait comment sa décision sera prise dans sa famille, et si elle l’appréhende, elle n’en demeure pas moins déterminée. Ouvrir son élevage lui garantirait au moins de vivre par ses propres moyens, de vivre de quelque chose qu’elle aime, elle et pas seulement pour les autres. Mais qui serait capable de la comprendre ? Lazuli, sans doute. Sa petite soeur passe tout son temps à lui dire qu’il serait préférable pour elle de s’en aller. Mais Soan et ses réflexions incessantes sur le bien être des Pokémon ? Et sa mère ? Sa mère qui a toujours dépendu d’elle pour gérer le foyer, serait-elle capable de faire sans elle ? Elle n’a pas envie d’y réfléchir ; Isa doit garder le secret, c’est tout. Et accessoirement, lui expliquer ce qu’il fout là, quoi qu’il a été décidé entre eux il y a quelques temps déjà que le garçon avait le droit de vivre sa propre vie, lui. « Quand j'ai f... quand je suis partie, je n'ai passé quelques jours à la rue. En visitant la grotte Charbi pour la première, je l'ai croisé et on a visité ce lieu ensemble. On a fait connaissance, bien que j'ai tourné mon histoire à ma sauce... Et il m'a proposé de venir habiter ici tout en l'aidant avec les pokémons de Bordeciel. »

Jaeden a un coeur en or, et Isaïah a eu beaucoup de chance, songe Eva en haussant un sourcil, alors que son petit frère lève le nez vers elle. Au moins il a un toit d’assuré si jamais il en a besoin ; en espérant qu’il ne fasse pas n’importe quoi de la bienveillance de l’homme qui le loge. « Entre temps, je lui ai dit qu'il avait accueillis un connard de fugueur dans ces murs. Vu que je suis encore ici, faut croire qu'il fait parti des gens qu'on dit trop gentil. » Ou en tout cas, doté d’un altruisme sortant très clairement de l’ordinaire. Mais Isa est un bon petit gars quand il s’y met, sans doute a-t-il suffisamment de reconnaissance à l’égard de l’homme pour savoir qu’il doit se tenir à carreaux ; sa fugue et les difficultés encourues lui ont peut-être mis un peu de plomb dans la cervelle, et Arceus sait combien il en avait besoin, après tout. « Je voulais venir à la maison demain, pour te parler. Mais, vu que tu es là.... tu crois qu'on pourrait envisager une discussion ? » Devant l’air un peu implorant de son cadet, Eva hausse deux sourcils surpris. Une discussion à propos de quoi exactement ? S’il s’agit de sa fugue, ils en ont déjà parlé tous les deux, quand elle l’a récupéré au commissariat puis l’a laissé partir après deux ou trois petits conseils sur une vie d’adulte qu’elle ne vit même pas. Alors de quoi veut-il lui parler d’autre ?

De toute manière elle va le savoir assez vite. Eva n’a jamais refusé d’écouter sa famille, alors elle hoche la tête, s’installe sur un fauteuil en laissant la fin de la vaisselle à Aria. « Je t’écoute. » Et cette phrase a plus de sens que tous les conseils du monde, pour elle. « J'ai vu Isma.... deux fois en vérité. La première fois, il m'a pas reconnu, alors je l'ai juste raccompagner à la maison, c'était juste avant que tu sois venue me chercher au commissariat. Je me suis présentée comme étant un ami d'école de moi-même... Puis, il y a trois jours. Il était persuadé que j'avais fugué encore. Faut croire qu'il sait toujours pas utiliser un motismart. » Elle savait, pour la première fois. C’est elle qui a hurlé sur Ismaël quand elle lui a montré une photo de son petit frère et que ce sale crétin lui a dit qu’il venait tout juste de le croiser, là où tout le monde était à sa recherche. Tout ça parce qu’il les a abandonnés pendant dix ans, sans chercher une seule seconde à savoir ce que sa famille était devenue. Un abruti, en somme, totalement déconnecté de la réalité. Et il l’a revu, alors. Est-ce que cette rencontre s’est mal passée ? Elle n’a pas besoin de poser la question Eva, elle connait déjà la réponse. Isa en a terriblement voulu à son frère, comme une grande partie de la famille. Comme elle.

« Mais, bref, ça serait pas bien passé... Enfin.... » Isma a sûrement voulu discuter avec lui comme il l’a fait avec elle l’autre fois. En ont-ils tiré certaines conclusions ? Que se sont-ils dit ? Et surtout, depuis combien de temps Isa ne s’était-il pas confié ainsi à sa grande soeur ? En tout cas, Eva ne s’attend absolument pas à ce qui arrive. « Ce que je veux dire, c'est que tu avais pas à rester à la maison à cause de moi ou de nous. Je suis désolée que tu n'ais pas pu faire ta vie avant et je suis content de voir que tu te lances. Je suis reconnaissant de tout ce que tu as fais pour nous, mais je suis désolé de pas avoir vu que tu étais malheureuse. J'aurai dû le voir, on aurait tous dû le voir et arrêter de s'appuyer sur toi. » Elle ne sait pas si son souffle se coupe à cause de ce qu’il vient de lui dire ou si ce sont ces deux yeux larmoyants levés vers elle qui l’empêchent de respirer. Mais elle n’en revient tout simplement pas. C’est de ça dont ils ont parlé ? C’est ça qu’Isma a mis dans la tête de son petit frère, qu’elle était malheureuse à cause d’eux ? C’est stupide, ça n’a aucun sens, ils n’ont jamais rien fait eux pour provoquer ça, c’est une place qu’il lui a fallu prendre, un rôle qu’elle a dû endosser, jamais elle ne s’en est plainte, jamais elle n’a rejeté la faute sur ses frères et soeurs et elle ne le fera jamais. Si elle part maintenant, c’est avec l’assurance qu’ils sont suffisamment grands et bien élevés pour vivre leur propre vie, mais tous les sacrifices qu’elle a dû faire pour ça, Eva ne les a jamais regrettés. Sans doute parce qu’elle n’a jamais pris conscience de la jeunesse qu’elle a laissé filer avec les années. Et Jim. Jim qui n’a plus supporté, et qui a fini par l’abandonner. « Je suis désolé, Eva. »

Isaïah n’a pas à l’être. Il va encore falloir qu’elle touche deux mots à son frère alors, hein ? Pourquoi lui avoir mis ça dans la tête, c’était quoi son foutu projet, faire culpabiliser son frère ? Elle soupire, la jeune femme, passe une main dans ses cheveux rouges avant de lever le nez vers lui. Parce qu’avant tout, la première chose à faire, c’est de le rassurer. « Vous aviez besoin de moi, dit-elle lentement. Tu sais très bien que maman n’aurait jamais été capable de vous élever toute seule après la mort d’Eden. » Et leur père ? Ha. Leur père n’est plus là depuis longtemps, tout au plus est-il une présence dans cette maison, juste un homme qui va et vient dans les pièces, dans le jardin, mais indifférent à leurs vies. Bloqué dans le passé. « De quoi tu t’excuses exactement Isa, d’avoir eu besoin de grandir ? Personne n’est à blâmer dans cette histoire, je l’ai fait parce que je le voulais, parce que je vous aime tous et que j’aurais jamais permis que vous soyiez livrés à vous-mêmes. » Ce rôle de mère par procuration, elle l’a endossé et il est bien plus simple pour elle de se dire qu’elle l’a fait par choix. « J’étais pas malheureuse. » Si, elle l’a été. Souvent. Il y a bien des rêves qu’elle a été obligée de ranger au placard pour eux, mais avait-elle le choix ? Et dans tous les cas, ce n’est pas de la faute d’Isaïah. « T’as pas à t’excuser, vous aviez besoin de moi, et personne d’autre pouvait le faire. Maintenant vous êtes grands alors je vais partir, mais j’aurais pas pu avant. » Et c’est exactement pour ça que Jim est parti. Mais ça, elle n’a pas du tout envie d’y penser.

« C'est justement ça le problème. Le fait qu'on avait besoin de toi, parce que notre mère était trop occupée à pleurer ses fils disparus oubliant qu'elle nous avait encore nous et qu'on avait tous besoin d'elle... » C'est sans doute un peu plus compliqué. Eva a toujours eu la rancune tenace, elle a toujours très bien su en vouloir au monde entier, mais dans le cas de sa mère, elle n'a jamais pu. Il lui a suffi de s'imaginer avec un enfant dans les bras et plus rien le lendemain pour comprendre qu'une douleur pareille était souvent irréparable, et laissait une blessure profonde qui dévorait lentement l'esprit jusqu'à le détruire. C'est ce qui lui est arrivé, à leur mère, elle n'a pas été capable d'encaisser la mort du petit Eden, si gentil, si fragile et si bienveillant, couplé au départ silencieux d'Ismaël. Sans doute n'a-t-elle pas pu se résoudre à s'occuper des autres enfants qu'elle ne voyait déjà plus, noyée dans un chagrin douloureux et implacable. Elle aurait dû se relever pour eux, mais lui en vouloir parce qu'elle ne l'a pas pu ne rimerait à rien. Aujourd'hui, ses parents ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes. « Ils auraient dû se relever pour nous tous. Et non te laisser ce devoir à toi, t'obligeant à t'occuper de nous et d'eux... »

Mais leurs parents ont commis une erreur, une seule, qui leur a tout coûté. Par simple manque d'affection ou par égoïsme, ou simplement en réaction à leur chagrin, ils se sont enfermés tous les deux dans leurs esprits sans s'ouvrir à l'autre, sans se soutenir dans leur chagrin. C'est ce même comportement qui lui a coûté sa relation, à Eva, parce que de dispute en dispute, elle et Jim n'ont plus été capables de se comprendre. Insensibles à la souffrance de l'autre, ils ont fini par n'avoir en commun qu'une douleur qu'aucun d'eux n'a voulu partager. C'est douloureux, bien sûr, mais c'est comme ça. « C'est pour eux que je suis désolé, Eva. Parce qu'ils s'excuseront jamais de tout ça... 
– Ils n'ont pas à le faire, répond la jeune femme en haussant les épaules. » Elle n'a rien à pardonner à personne si ce n'est à Ismaël, parce que lui, il a des choses à se reprocher, et en premier lieu de s'être isolé comme ses parents en s'imaginant qu'il n'aurait pas de responsabilités à assumer. Un départ, elle aurait pu l'accepter si seulement il avait laissé au moins un mot quelque part, un message, si seulement il avait écrit à quelqu'un au lieu de s'enfuir comme un lâche en les oubliant, tous. Son retour, elle s'en moque, ou peut-être pas ; il la fait souffrir, peut-être, mais de ça elle ne veut pas entendre parler. Par chance, Isa préfère changer de sujet ; ressasser des rancoeurs passées, ça n'aidera jamais qui que ce soit. « Finalement, ma fugue t'a permis de voir que tu m'avais donné suffisamment les cordes pour me débrouiller tout seul. »

De ça au moins, elle peut être fière, songe Eva en hochant la tête, approbatrice, les bras croisés. Effectivement, Isaïah a l'air de plutôt bien s'en sortir tout seul, quoi qu'elle ne soit pas là pour vérifier. « Ce que je veux dire, c'est que si nos parents avaient été des parents, on aurait pas eu besoin d'être livré à nous même ou à toi. » Avec des si on pourrait sans doute refaire le monde ; mais au moins, Eva peut se vanter du fait que ses frères et soeurs restants s'en soient très bien sortis. Lazuli est championne, Soan... Soan est un problème différent, mais il gagne sa vie et ça lui suffit. « Quoiqu'il en soit, ce que Isma voulait dire, c'est que j'avais quelqu'un qui s'occupait de moi quitte à faire des sacrifices. Et qu'il y avait personne qui le faisait pour toi. C'est aussi de ça que je suis désolé.. » Quel culot, songe la jeune femme en pinçant furieusement les lèvres pour réprimer une remarque acerbe. Alors Ismaël a osé faire la leçon à son petit frère à ce sujet ? Isa est encore un adolescent, il n'a pas la façon de penser d'un adulte, il va grandir et mûrir, mais forcer sa culpabilité vis à vis d'elle n'est pas la solution. Et comment a-t-il seulement osé avoir ce genre de discours, était-il là, lui, pour s'occuper d'elle, pour la seconder alors qu'elle en avait besoin ?

« Disons que j'en ai mis une pleine tête à Isma, je l'ai forcé à mener un combat contre moi, parce que je voulais qu'une chose : lui foutre une raclée. Je crois qu'aucun à gagner, que ce soit le combat ou le débat de celui qui a le plus morflé entre nous deux. » Un combat de coq, songe Eva en levant les yeux au ciel. Au moins, certaines choses n'ont pas du tout changé malgré Myrtha, et malgré toutes ces années d'absence. Et qu'est-il ressorti de ce fameux débat dans lequel elle était apparemment au centre ? « J'étais tellement en colère de le revoir comme un idiot là. Pendant que lui il visitait le monde... Je ne sais pas comment expliquer ce que j'ai ressenti quand je l'ai vu pour la première fois. J'étais soulagée qu'il soit rentré. J'avais vu Oliver quelques temps avant qui m'avait dit que Mallory aussi était rentré, et je comprenais pourquoi lui, il rentrait pas... Mais, en même temps, j'étais super en colère contre lui. Sûrement dû au fait qu'il m'a pas reconnu... » Ah oui, tiens. Pour ça aussi elle le retient, Ismaël ; il n'est pas prêt de se faire pardonner avant un sacré bout de temps.

« Tu travailles à Bordeciel depuis quand ? » Le rapide changement de sujet lui fait hausser un sourcil ; ce n'est pas tout à fait comme si cette information était intéressante, et quelque chose lui dit que son petit frère n'avait pas tout à fait terminé de vider son sac. « Tu vas y être pour longtemps ? 
– Je vais rester jusqu'à avoir assez d'argent pour pouvoir ouvrir mon propre élevage, répond-elle en haussant les épaules. Quelques mois, sûrement, ensuite j'irai m'installer à Nathalia. J'ai déjà trouvé le terrain. » Et il va lui falloir pas mal d'argent pour pouvoir habiter sans trop risquer pour sa santé dans une ville pareille ; mais elle a bon espoir, Eva, elle va y arriver. De toute manière ce n'est pas le sujet. « Il y a une chose qui me chiffonne, assène-t-elle alors, sévère. J'aimerais bien savoir ce que ton abruti de grand frère t'a dit quand tu l'as vu. Isma avait pas à te faire la leçon sur quoi que ce soit. » Sans doute n'est-ce pas plus intelligent, ce qu'elle est en train de faire. Tant pis. « Quand on se barre pendant des années en abandonnant sa famille sur le bord de la route, la moindre des choses qu'on puisse faire c'est sûrement juste de fermer un peu sa grande gueule. Je lui ai dit mais à l'évidence il va falloir que je me répète ? Alors ? » Et s'il y a bien une chose dont Eva a horreur, finalement, c'est de se répéter.

« Bah... » Alors, que s'est-il passé entre ces deux-là ? Parce qu'elle ne peut pas dire qu'elle n'en veut pas à Ismaël, Eva, et loin s'en faut. Ce grand idiot les a abandonnés pendant des années et le voilà qui revient, la bouche en coeur pour réparer des liens détruits qu'il n'a pas vus se déliter au fil des années ; ça lui a fait quoi, hein, de voir dans quel état de décrépitude il les a laissés ? Il a ressenti quoi quand il a compris que le gamin à qui il avait demandé son chemin n'était autre que son putain de petit frère qu'il a été infoutu de reconnaître ? Sans doute s'est-il senti misérable et idiot ; en tout cas, c'est ce qu'il lui a dit. Mais Eva n'a pas le pardon facile. Lui, Jim, ils l'ont laissée, et elle n'a pas l'intention d'effacer l'ardoise comme si ce n'était rien, bien au contraire.

« Tu sais, j'étais vraiment en colère. Contre lui. » Et il y avait de quoi. Isma était un repère pour les deux plus jeune, le grand frère un peu rebelle, Eden et Isa lui vouaient presque un culte. Et comme ça, brutalement, alors qu'Isa avait le plus besoin de lui, cet idiot est parti. « Il a voulu m'expliquer pourquoi il était parti. Mais, je m'en foutais. Moi, je voulais qu'il comprenne qu'on avait besoin de lui, ici. » Exactement de la même manière qu'elle, elle lui a hurlé dessus il y a quelques temps, quand il s'est pointé dans la maison familiale et qu'il s'est amusé à la suivre jusqu'à Nathalia. Ce qu'elle lui a dit, espère-t-elle en tout cas, a résonné dans sa grosse tête vide. Dans le cas contraire, elle ne peut sans doute plus rien pour lui, et c'est bien malheureux, mais tant pis. Il fait partie de la famille, mais il a beaucoup de choses à rattraper, beaucoup de choix à se faire pardonner.

« Je lui ai dis, qu'en tout cas, moi j'avais besoin de mon frère aîné. » Et rien de plus normal ; voilà pourquoi elle avait refusé le départ à Jim quand celui-ci le lui a demandé. Il était trop tôt, ils avaient encore besoin d'elle ; Lazuli était partie de son côté, et Soan a toujours été trop égocentrique pour s'occuper décemment des plus jeunes de la famille. Que lui restait-il, alors ? « J'ai manifesté que j'avais perdu mon jumeau et un second frère dans cette histoire. Et il a rétorqué que j'étais pas le seul à avoir souffert et m'a demandé si je pensais à toi, parfois. Ce que toi, tu as perdu dans tout ça. » En silence, Eva fronce les sourcils ; ce qu'elle, elle a perdu, elle n'en a jamais fait mention à personne, personne n'a jamais vu ses larmes, personne n'a jamais su comme elle aurait eu besoin de tout quitter, parfois, elle aussi, le temps d'une pause, d'un répit, quelques jours pour se retrouver avec elle et décider de son avenir. Ses pleurs, elle les cachait au creux de son oreiller de plumes quand il faisait noir, quand seule la nuit pouvait être le témoin d'une détresse qu'elle considérait égoïste et injuste. Jamais elle ne s'est plaint, alors pourquoi Isma s'est-il senti obligé de la prendre en exemple ?

« Je l'ai un peu poussé à bout, aussi. On ne se comprenait pas, quand on se parlait. On était enfermé dans ce qu'on voulait exprimer et l'autre écoutait pas... ça tourner en rond, et on a fini par se dire des choses blessantes et d'autres qu'on ne pensait pas. » Au vu de leurs deux caractères, cela n'étonne finalement Eva qu'à moitié, songe-t-elle en croisant les bras, avant d'accepter de s'installer près de son petit frère. Etonnant, cette petite réunion chez Jaeden ; elle aurait cru parler de tout ça autour de la table de la cuisine, directement à la maison. « Je lui ai même dit que je le détestais, mais c'pas vrai. Je le déteste pas... » Non, il lui en veut. Ce n'est pas tout à fait la même chose. Et le soupir de son petit frère est lourd, douloureux. C'est à croire qu'Isma ne fera jamais rien comme il faut.

« Je me souviens qu'à la fin du combat, lui comme moi, on était épuisé voir abasourdis. » Elle soupire, Eva ; elle en a assez, de voir cette famille se déchirer au fil des années. A la longue, cela devient franchement épuisant. « C'est normal, c'est ton frère. On est une famille, malgré tout ce qui a pu se passer. » Alors, souffrir, cela fait partie du processus de guérison. Ce n'est pas plaisant, et elle-même en a fait les frais ; mais c'est normal, quelque part. « Ismaël fait toujours partie de la famille, et maintenant il va falloir qu'il prouve qu'il en a toujours envie. Ça commence par se réconcilier avec toi et à reprendre des rênes que papa a lâchées. » Et si elle part, de toute manière, il faudra quelqu'un avec elle pour veiller au bon déroulement des choses. « Que vous ayez mis les choses à plat, c'est bien, mais c'est pas suffisant. On a toujours été là les uns pour les autres, et peu importe qui tenait quoi à bout de bras, l'important c'est qu'on reste ensemble. Si Soan a du mal avec le concept, j'pense que Laz et Isma ont compris. Et toi ? » Tient-il à sa famille, Isaïah ? A quel point ? Quels efforts serait-il prêt à faire pour que leur aîné revienne définitivement auprès d'eux ?

Il est bien des leçons qu'il a fallu apprendre au fil des années, mais celle qui a été la plus courte et la plus importante à retenir, consistait à considérer la famille avant tout. Eva ne s'est jamais détournée de ce chemin, dès le début à Ebenelle jusqu'au grand départ pour Lathea, en passant par Myrtha et les abandons successifs ; aujourd'hui, pourtant, il lui semble que ces efforts menés à bout de bras pour garder le bateau à flots n'a finalement jamais fait que retarder une chute inéluctable. Entre Ponchien et Lougaroc, ses frères et soeurs se lient et se déchirent, se disputent et peinent à se réconcilier. Au milieu de tout ça, elle est là, à conseiller les uns, engueuler les autres, punir ou remercier, comme l'arbitre d'un jeu de massacre à ciel ouvert auquel elle n'a jamais eu envie de jouer. C'est triste, bien sûr, mais c'est la réalité. Si elle peut, pourtant, tenter de sauver quelque chose sous certains aspects, l'aînée de la famille sait qu'elle le fera.

« J'ai toujours voulu qu'on soit tous ensemble... Même après Eden, enfin surtout après.. Mais, on était que tous les deux.. Avec Lazuli, des fois... » Lazuli est gentille. Gentille, mais égoïste ; sa petite soeur n'a jamais rien fait d'autre que défendre aussi bien ses passions que ses propres intérêts. Isa voulait devenir dresseur, elle y a vu une douce opportunité de partager ses désirs à elle, en faisant de lui un autre vainqueur par procuration. Mais elle n'a jamais été assez loin. Elle n'a jamais été capable de le réfréner.

« Mais, je sais pas, je trouve pas ça juste qu'il revienne comme une fleur et qu'on doit lui pardonner tout, tout de suite. Je suis content qu'il soit là, mais qu'est-ce qui nous dit que demain il va pas repartir à tataouine ? J'ai peur qu'il reparte, j'ai pas confiance... » Et il a raison, bien entendu. Ismaël pourrait repartir sur un coup de tête, n'importe quand, il a bien assez prouvé qu'il en était capable, non ? Il a montré que la famille ne comptait plus quand une douleur était trop forte, et là où il aurait pu compter aussi bien sur son amour que sur son soutien, ainsi que celui du reste de la famille, il a pris la fuite. Qu'Isaïah ait du mal à se dire qu'il va rester est une réaction parfaitement naturelle. « Je veux lui pardonner. C'est mon frère, et je l'aime. Mais... 
– Mais Ismaël a trahi la famille et c'est difficile de passer au-dessus de ça. Crois-moi, je comprends. »

Elle lui aurait offert tout ce dont il avait besoin, absolument tout. Au lieu de ça, il est parti ; elle n'a pas pu compter sur son soutien. Il n'a pas pris soin d'un petit garçon qui avait perdu son jumeau. « Eden était le plus gentil de nous tous. » Et parler de ce petit garçon, ce petit ange qui adorait mettre deux chaussettes de couleur différente pour aller à l'école, qu'elle a quitté et vu disparaître l'instant d'après, Eva ne le fait presque jamais. « Isma était sensé le faire sortir, mais il ne l'a pas trouvé au moment où on a quitté la maison. Il ne se l'est jamais pardonné. La voilà, son explication, et il ne nous l'a jamais donnée au moment où c'est arrivé, il ne nous a pas donné de moyen de le retenir. » S'il lui avait parlé de cette culpabilité, serait-il resté ? Elle n'en sait rien. Peut-être. « Il n'a pas compris que tout le monde avait été affecté. On était supposés s'aider, tous ensemble. Alors ouais, je comprends que ce soit difficile à pardonner. » Elle-même, elle n'y arrive pas. « Mais il faudra le faire, Isa. Il fait partie de la famille. Peu importent les erreurs, c'est le sang qui prévaut. Un Eden de ton âge serait sûrement triste de vous voir vous déchirer, tous. » Soan et Lazuli, Isma et Isa. Jim et elle. Tout a fini par se casser la gueule.

Devant elle, l'adolescent hoche doucement la tête. Son visage porte les marques d'une douleur ancienne, d'une blessure jamais totalement guérie ; Eden est toujours un sujet compliqué et douloureux à aborder, et la jeune femme a un peu hésité avant de le mentionner. Pourtant, il fait partie de cette drôle de carte chance quand il faut mentionner les peines engendrées par les déchirures familiales. Il doit se réconcilier avec Isma, et elle aussi. Mais bien entendu, c'est beaucoup plus dur à dire qu'à faire. « Tu as raison. Eden, il saurait mieux comment réagir face à Isma... » Sans doute, mais Eden n'est plus là. Eden était le garçon le plus doux de la famille, le plus curieux et le plus calme. Il aimait ses frères et soeurs sans la moindre mesure ni distinction, il allait dans les pattes de tous de façon ponctuelle. S'il passait la majorité du temps dans les bras de son aînée et qu'il avait cette fâcheuse manie de l'appeler maman, Eva était sûrement la seule exception. Avec son jumeau, bien entendu.

« Je ferai des efforts. » C'est bien, ne répond pas Eva en se contentant d'un simple hochement de tête approbateur. Il est largement temps de retrouver une cohésion dans cette famille, de recoudre les liens délités. Ismaël en a détruit une bonne partie mais il n'est pas le seul détenteur de ce genre de clés ; eux aussi, ils doivent apprendre à pardonner, songe-t-elle en avisant les yeux humides de son plus jeune frère, qui les a essuyés d'un geste rapide, comme si être fort voulait dire s'interdire de pleurer un disparu depuis dix ans. « Un élevage donc ? Quel thème ? Je pourrai peut-être t'aider ! » S'il connait bien les éleveurs du coin, Isaïah en a peut-être appris un peu ; avec un sourire, Eva dodeline doucement de la tête, avant d'aller récupérer Aconit, sagement endormi sur un coussin du canapé. Le petit Toxizap remue doucement dans ses bras, mais ne fait pas mine de se réveiller.

« Pourquoi pas ? Si t'as envie de venir voir, tu pourras m'aider. J'ai pas mal d'enclos à construire, une serre à installer... j'avais pas trop d'idées pour mon thème, c'est ce petit truc-là qui m'a donné l'idée, enchaîne-t-elle en désignant d'un geste du menton le Pokémon assoupi entre ses bras, qui enroule par instincts ses bras minuscules autour de son cou. Il s'appelle Aconit. Je l'ai trouvé un tout petit peu de temps après ta petite fugue. » Quand elle a commencé à le chercher, elle a trouvé Aconit à la frontière de Nathalia et de la Peste d'Enoville. Elle n'imaginait pas trouver Isa là-bas, bien entendu, mais il avait bien fallu commencer quelque part. « Enfin, il faut déjà que j'achète le terrain, enchaîne l'aînée avec un haussement d'épaules. Je vais encore travailler un petit moment ici, ensuite on verra. Puis bon, je sais pas si tu as avoir le temps avec la quête de tes badges, hm ? Laz en pense quoi d'ailleurs ? »

Tu ressembles à un malamandre. Peut-être bien que cette drôle de phrase, pas forcément flatteuse, a mené à la réflexion d'Eva sur la nature éventuelle de son élevage. Ça, et le type d'Aconit, bien entendu ; mais quelque part, et alors que les yeux d'Isaïah se mettent à briller d'un enthousiasme naïf et attendrissant, la jeune femme sait très bien qu'indirectement, Jim a toujours orienté ses jugements, même après six longues années d'absence. « Si tu as besoin d'aide, avec les combats tout ça ! Je peux t'aider ! Même manuellement ! » Un petit sourire se dessine sur les lèvres de l'aînée ; elle sait qu'elle pourra toujours compter sur un coup de main, mais quelque chose lui dit qu'embaucher ses frères et soeurs pour l'aider reviendrait à faire les mêmes erreurs que celles qu'elle a reproché à ses parents, non ? « J'aurai le temps ! J'aide Jaeden et une éleveur de Jude's Creek, je peux bien aider ma sœur !
– Pourquoi pas, répond la jeune femme en haussant doucement les épaules. Quand j'aurai le terrain, je t'embaucherai si tu veux. » Quelque part, ça lui fait plaisir, bien entendu, de voir le garçon si volontaire. Au moins, ce n'est pas le genre d'adolescent qui dort jusqu'à quatorze heures et ne fait rien de ses journées.


Et lorsque Lazuli est mentionnée, Eva a un peu de mal à interpréter le petit rire de son jeune frère. « Bah, je lui ai pas trop parlé depuis que je suis parti de la maison. Je veux pas qu'elle voit mon équipe avant que je la challenge, et mon équipe est pas prête. » Eva s'est entretenue avec Laz, peu après la fugue d'Isaïah. La dispute a été compliquée, longue ; Lazuli a beau être très gentille, sa franchise frise parfois une insolence que l'aînée ne supporte pas. Aussi, lorsque Laz lui a tranquillement dit qu'elle avait effectivement fait en sorte qu'Isa commence son voyage Pokémon sans lui en parler au préalable, Eva a explosé. « Puis, j'imagine qu'elle est très prise avec son rôle de championne, et tout ça. » Oh oui, sans doute. Est-ce qu'elle va se rappeler de la date de son anniversaire, cette année ? Non, sûrement pas. « Mais, j'imagine que Fye a dû lui dire que son petit frère était passé à son arène. » Est-ce qu'il veut vraiment être maître alors, Isa ? Pourquoi, au juste ? Pour devenir plus fort, se démarquer de ses frères et soeurs ? Oui, sûrement pour inscrire son nom quelque part ; en tout cas, c'est un très bon départ. « Pourquoi ? »


Tranquille, Eva hausse les épaules. « J'étais curieuse de savoir. Laz et moi on se parle plus énormément, tu sais, elle habite loin et j'avais envie de savoir si elle surveillait un peu ta progression. » Mais oui, si elle fait partie de tout ce système, alors les autres champions auront sans doute parlé de sa visite, hein ? Certainement. « Enfin, c'est bien si tu fais quelque chose que t'aimes. Et si tu veux passer donner un coup de main quand j'aurai le terrain ça serait super, on peut pas dire que j'aie beaucoup de bras masculins à disposition depuis quelques temps. » Depuis le départ de Jim, à vrai dire ; elle secoue doucement la tête, tandis qu'Aconit remue doucement dans ses bras. « Et il y aura une serre à construire, alors j'aurai besoin d'hommes forts, hm ? »