La soirée est encore claire et la plage est calme, sur ce coin un peu plus éloigné de Jaeda que ne le sont les espaces de plaisance aux abords de la ville. Avec le Festival qui se prépare, les touristes s'attardent au bord de l'eau beaucoup plus longtemps, il y a plus de monde et si Gaspar n'a jamais rechigné à se balader au milieu des plaisanciers tous disposés à le reconnaître et à lui demander des autographes, il n'en a tout simplement pas l'envie, ce soir.
Son pas est lent, il traîne bien plus qu'il ne progresse le long de la berge, les pieds dans l'eau et ses chaussures dans la main. Silver rampe près de lui, relevant le nez vers son dresseur chaque fois que celui-ci soupire ; la Minidraco est inquiète et pour cause, elle a rarement vu son dresseur aussi déprimé.
Un peu plus loin, Alecto prend l'eau. Pour l'instant, elle reste à proximité en suivant l'avancée de Gaspar ; en cas de besoin il enverra Silver la ramener vers lui. Il a eu bien assez de mal à attraper ce Magicarpe comme ça pour la laisser s'en aller aussi simplement que ça. Enfin, ce n'est pas comme s'il allait être capable de la gérer une fois évoluée, quand on voit comment il galère avec ses bébés dragons pour l'instant... alors un Léviator ? Oliver avait raison, il va se faire bouffer tout cru. Du coup, devenir Maître, ça semble un peu compromis.
Soupirant une fois de plus, il traîne des pieds tourne deux yeux verts et tourmentés de questionnements bien trop existentiels pour lui vers l'horizon. C'est à ce moment-là qu'un petit cri intrigué de Silver lui fait tourner la tête de l'autre côté, surpris ; il y a quelqu'un un peu plus loin, une femme, qui regarde vers lui. Il ne s'attendait pas à croiser qui que ce soit ici et à cette heure ; sans doute une autre âme torturée de sombres pensées venue chercher un peu de paix dans... ouais, pour qu'il laisse ce genre de phrases traverser son esprit aussi sérieusement, c'est qu'il a disjoncté. Ça-aussi il a dû le trouver dans un bouquin.

Que c'est agréable de se balader pieds nus le long de la plage en dehors des heures de pointe. La plupart des touristes sont rentrés en ville ou dans ce qui leur sert de maison temporaire. Il n'y a que moi et ma petite robe flottante au gré de la légère brise qui caresse ma peau et s'engouffre dans mes cheveux. Que moi et mes doutes, mes craintes et un lourd passé que je me surprends à ressasser chaque jour que dieu fait. Ce même dieu qui m'a enlever mes proches un par un au fil des années et qui m'a fait naître au sein d'une famille qui ne m'a jamais compris.

Je suis désespérément seule dans une monde qui a besoin de moi.

Un monde qui m'a même érigé sur un piédestal comme chaque fan ou dresseur me rappelle à longueur de journée. J'ai mal aux zygomatiques à force de sourire et d'afficher ce satané masque à longueur de journée. J'ai mal au cœur à la vue de tous ces couples qui se pavanent devant moi si amoureux et qui me rappellent à quel point je suis démunie. Tout le monde me croit riche mais je ne suis qu'une coquille vide attendant que la mort daigne enfin lever les yeux sur moi.

Je suis comme un bâton de dynamite, j'ai le potentiel d'exploser mais ma mèche est interminable.

En attendant je fais de mon mieux. Tous les jours. Dans tout ce que j'entreprends. Je passe mes rares pauses et mes rares vacances à comprendre pourquoi je fais tout ça alors que je n'ai plus rien à y gagner. Comme ne cette magnifique soirée. Une soirée qui me rappelle mon ex-mari décédé dans notre maison le jour de la catastrophe de Myrtha. Une période bénie qui remonte à plus de dix ans. Une période qui occupe mes pensées lorsque ces dernières s'éloignent un peu de ces ténèbres qui grouillent dans les tréfonds de mon âme et qui sont comme des chaines qui me tirent inlassablement vers les abysses. J'en viens même à m'imaginer des choses. A revivre cette période comme une agitée du bocal. J'en viens à voir mon ex-mari partout, sur des affiches de propagande politique, sur le visage d'autres gens.

Comme ce type là-bas qui marche vers moi.

Je me fige. Immobile. Je cligne des yeux. L'apparition ne part pas et pire elle regarde dans ma direction. Non seigneur de m'infligez pas cette torture. Je vous en supplie. Pas ce soir. Tout en cet inconnu me rappelle mon mari alors que des larmes commencent à couler sur mes joues. Ses grands yeux de séducteurs. Ses pommettes hautes et sa mâchoire ciselée. Je mets mes mains devant ma bouche pour ne pas hurler son nom. Comme si je croyais que c'était bel et bien lui. Pitié Seigneur.

Pitié que cette apparition ne disparaisse jamais.
 

D'abord, Gaspar commence par se détourner ; peut-être que cette personne a simplement été surprise de trouver quelqu'un d'autre dans ce lieu reculé et que ce n'est pas spécialement lui qu'elle regarde. Alors il reprend son chemin, quelques pas puis quelques autres et puis à nouveau, c'est Silver qui attire son attention, poussant un soupir à fendre l'âme avant de venir se frotter contre la jambe de son dresseur qui, étonné à nouveau, baisse les yeux vers elle. Qu'est-ce qu'il lui arrive ? Elle a l'air si triste tout à coup, quand elle lève son petit museau vers... l'inconnue. L'inconnue qui le regarde toujours malgré les quelques mètres qu'il a parcourus pour passer devant elle et maintenant qu'il plisse un peu les yeux pour distinguer plus précisément les traits de son visage, il comprend que quelque chose ne va pas. Silver a dû ressentir le chagrin de cette femme. Il ne peut pas décemment la laisser comme ça, alors qu'elle est vraisemblablement en détresse, pas vrai ?
Ignorant la probabilité, plutôt élevée en vérité, pour qu'il se fasse simplement envoyer paître, Gaspar commence à s'approcher de l'inconnue, sa Minidraco sur les talons - en priant quand même un peu pour que sa Magicarpe n'en profite pas pour se faire la male. La femme qui se tient à a les yeux brillants, les joues sillonnées de larmes malgré ses épaules droites et sa posture rigide. Maintenant qu'il est là, il ne sait pas trop quoi dire et ce sont ses yeux verts d'abord, brillants d'inquiétudes, qui l'interrogent tout d'abord avant qu'il ne se décide à articuler quelques mots à son attention : « ... Madame ? Est-ce que vous allez bien ? »

Oh mon dieu je suis totalement en train de le fixer. Il se rapproche ! Qu'est-ce que je fais ? Je m'essuie le visage brièvement d'un revers de manche de ma petite robe d'été qui vole allégrement au gré de la petite brise qui parcourt la plage. Une brise bienvenue qui assèche légèrement mes larmes alors que l'inconnu se rapproche et vient m'accoster. J'avais l'air si désespéré que ça ? Je me demande alors que je secoue ma tête comme pour me remettre les pendules à l'heure et oublier ce passage gênant. Malheureusement, mon maquillage a coulé et je ne ressemble plus à rien...

"Désolé jeune homme, ce n'est rien. Ne vous inquiétez pas, j'ai juste pris une bourrasque de sable dans la figure."

Je sais à présent que cet inconnu n'a rien de mon ex-mari. Il n'en a pas la voix, ni la dureté. Mon ancien amant ne se serait jamais permis d'accoster les gens dans la rue, ni n'aurait montré une quelconque empathie envers une inconnu. Il savait se tenir. Ouais c'était un type coincé du cul bourré de manières imbuvables mais je m'étais habituée à lui. Ces quelques pensées positives ont pour mérite de me faire revenir à la réalité. Elles sont cependant loin de me rendre joyeuse et avenante. Je décide toutefois de faire un brin de chemin avec cet homme. Ca sera toujours mieux que de ruminer ma misère...

"Je suis navrée de vous avoir dérangé durant votre balade nocturne, monsieur ?"

Le visage de cette femme lui dit quelque chose ; c'est probablement pour cette raison qu'il y trouve quelque chose de dissonant. Comme si ces traits-là associés à une telle expression de détresse ne collaient tout simplement pas, mais pour le moment, il est bien incapable de dire pourquoi. L'inconnue qui n'en est pas une secoue la tête, essayant visiblement de se remettre de ses émotions ou... de ce qui lui arrive, du moins. « Désolé jeune homme, ce n'est rien. Ne vous inquiétez pas, j'ai juste pris une bourrasque de sable dans la figure.
– Oh, dans ce cas je m'excuse, j'ai cru qu'il vous arrivait vraiment quelque chose, répond-il simplement, plutôt soulagé, sans songer une seconde qu'une expression à ce point débordante de chagrin n'aurait pas pu être provoquée par une bourrasque de sable. »
Ses joues marqués de mascara attirent les yeux verts du chanteur ; elle devait être sacrément violente, cette bourrasque. En mettant de côté ce dérapage chromatique sur la peau blanche de la vieille femme et celui qui teinte de rouge ses yeux clairs, l'ombre d'un souvenir lui revient ; il est sûr de l'avoir déjà vue, mais... où ? Alors qu'elle reprend une posture et une expression dignes, la révélation lui tombe dessus sans qu'il ne comprenne tout de suite d'où elle vient. Mais il en est certain maintenant : il l'a vue à la télé. «
Je suis navrée de vous avoir dérangé durant votre balade nocturne, monsieur ?
– Neskov ! répond-il très vite en lui tendant la main pour la saluer correctement. Gaspar Neskov. Mais appelez-moi Gaspar, j'aurai moins l'impression d'être en interview. »
Jamais de sa vie il n'aurait pu croire qu'il en aurait ras le bol des journalistes et de leurs éternelles questions envahissantes, mais il faut croire que les choses changent. « Je... suis désolé si c'est indiscret, mais j'ai l'impression de vous avoir déjà vue, finit-il par dire après une seconde d'hésitation. Vous faites de la télévision ? »

Je suis soulagée lorsque le jeune homme n'insiste pas. Je profite de la légère brise et du simple fait de me remettre la chevelure en place pour effacer les dernières traces de ma tristesse. Bon mon visage ne s'illumine pas pour autant, j'ai pas la réputation d'une reine des glaces pour rien. D'ailleurs je viens de passer l'après-midi à bronzer sur cette même plage et j'ai pas gagner ne serait-ce qu'une teinte. En même temps, ça n'a pas d'importance à cette heure de la journée...

"Enchanté monsieur Neskov."

Je lui offre un sourire avant de tiquer sur ce nom. Ca me dit quelque chose. Mais j'ai beau me creuser la soupière j'arrive pas à situer le personnage. Etrangement, il arbore le même genre de visage que moi. On dirait qu'il se demande aussi quelle est mon identité. Je glousse à cette simple idée. On fait une belle paire. Je caresse la tête de Skye ma petite Draby pour lui signifier que tout va bien. Son attention est tournée vers le Magicarpe de mon interlocuteur. Elle secoue la tête en le voyant sautiller comme un débile.

"Je suis Angarad Weaver, championne de l'Arène de Jude's Creek. Ah ça y'est je vous remets ! Vous êtes une rockstar ! Le hasard fait bien les choses parfois."

Je m'exclame tout à coup, comme touchée par la grâce divine. Les groupe de Gaspar s'est produit de nombreuses fois dans ma ville et à force je me souviens de tous leurs noms. question de sécurité. C'est la moindre des choses pour une Commissaire de Police.

"Je me baladais pour échapper à mes fans qui m'ont repéré en ville un peu plus tôt. C'est aussi votre cas ? J'imagine qu'avec le Festival c'est compliqué pour vous aussi..."

La femme le salue et continue de le dévisager ; on dirait qu'elle-aussi a un peu de mal à savoir à qui elle a affaire. Gaspar lui, ça le perturbe clairement, et s'il sourit par réflexe en réponse, il a tout de même beaucoup de mal à regarder ailleurs, tout concentré qu'il est à essayer de remettre un nom sur ce visage. « Je suis Angarad Weaver, championne de l'Arène de Jude's Creek. »
Bah voilà ! Il est bête ; un peu qu'elle passe à la télé, et souvent ! Le visage du chanteur s'illumine et il pousse une petite exclamation de soulagement, parce que sinon ça l'aurait tant travaillé qu'il aurait peut-être même eu du mal à dormir, c'est dire le drame que ça aurait été. « Ah ça y'est je vous remets ! Vous êtes une rockstar ! Le hasard fait bien les choses parfois.
– C'est vrai, vous me connaissez ? demande-t-il, les yeux brillants et la voix pleine d'espoir, comme si ça avait quelque chose d'étonnant dans la mesure où sa tronche a de nombreuses fois été placardées partout dans la région pour des concerts et d'autres. »
La plupart des gens doivent être en mesure de le reconnaît mais dans le cas de célébrités que lui-même admire il faut dire que c'est quand même un peu particulier et il se sent comme n'importe quel fan fou d'enthousiasme devant l'une de ses idoles. Autant dire qu'il va falloir qu'il se calme avant de passer pour un crétin. « Je me baladais pour échapper à mes fans qui m'ont repéré en ville un peu plus tôt. C'est aussi votre cas ? J'imagine qu'avec le Festival c'est compliqué pour vous aussi...
– J'vous le fais pas dire, bougonne-t-il en perdant son sourire aussi sec pour froncer le nez dans une expression boudeuse qu'on aurait aussi bien pu trouver sur le visage d'un petit garçon qui est obligé d'aller chez sa nounou. Avec ce festival et l'ouverture de ce fichu Casino, j'en ai plein le cul qu'on vienne me poser des questions sur le financement et les actionnaires et qu'est-ce que j'en sais moi, c'est mon père et ses caprices, j'ai rien à voir avec ça. »
Petit coup de gueule du soir, bonsoir ; heureusement et une fois n'est pas coutume, il a le bon sens de s'en rendre compte et soupire furtivement en haussant les épaules. « Pardon, c'est un peu... oppressant, dans le genre. J'ai décidé de devenir chanteur et puis dresseur au lieu de prendre la suite des affaires mais apparemment c'est compliqué à intégrer pour certains. »

Pourquoi il me parle du casino ? Il n'est pas qu'une rockstar ? Je croyais qu'il était venu dans les environs de Jaeda pour se produite avec le groupe Asylum lors du Festival. Je reste perplexe alors qu'il me raconte son histoire. Mais quelque chose me turlupine. Ah je l'ai sur le bout de la langue. Qu'est-ce que ça peut être énervant ! J'ai l'impression de devenir gâteuse des fois. Ah Neskov ! Comme le groupe Neskov, propriétaire du nouveau Casino de Jaeda ! Punaise j'avais pas percuté !

"Ha j'ai crû que vous étiez harcelé par vos fans, par par les journaleux ou les amateurs de gestion d'entreprise !"

Je dois dire que le destin fait visiblement bien les choses. Je viens d'apprendre en quelques minutes qu'une autre personne que moi se retrouve débordée par ses obligations. enfin façon de parler parce que ce jeune homme ne souhaite pas s'impliquer dans l'affaire familiale mais dresseur est un métier annexe qui demande tout de même énormément de temps ! De plus, Gaspar partage un autre point commun avec moi.

"Vous aussi vous avez fuit votre famille ?"

Je demande sans réellement attendre de réponse, mon regard hagard se perdant dans l'immensité de la mer. Skye, ma petite Draby vient attraper ma jambe comme pour me réconforter. Je lui caresse la tête machinalement.

"Désolé. J'ai une famille compliquée. J'espère que ce n'est pas le cas pour vous. Du moins que ce n'est pas aussi grave. Faut dire c'est dur de faire plus dur que moi qui suit une Championne du système alors que ma famille entière est Pokélover."

Pourquoi il me parle du casino ? Il n'est pas qu'une rockstar ? Je croyais qu'il était venu dans les environs de Jaeda pour se produite avec le groupe Asylum lors du Festival. Je reste perplexe alors qu'il me raconte son histoire. Mais quelque chose me turlupine. Ah je l'ai sur le bout de la langue. Qu'est-ce que ça peut être énervant ! J'ai l'impression de devenir gâteuse des fois. Ah Neskov ! Comme le groupe Neskov, propriétaire du nouveau Casino de Jaeda ! Punaise j'avais pas percuté !

« Ha j'ai crû que vous étiez harcelé par vos fans, par par les journaleux ou les amateurs de gestion d'entreprise !
– Mes fans sont plus calmes depuis que je suis marié, explique le chanteur avec un petit sourire. Il faut dire que mon public est principalement constitué de filles maintenant alors... »
Alors son coming out en a refroidi beaucoup ; et de toute façon, comme Asylum est de retour au pays maintenant, ils s'approprient la plus grande partie de l'attention. Ce n'est pas forcément pour lui déplaire, ça lui laisse le temps de se consacrer à sa nouvelle carrière qui a clairement besoin qu'on s'en préoccupe. « Vous aussi vous avez fuit votre famille ?
– D'une certaine façon, répond-il doucement, plutôt attentif à l'air à nouveau songeur de son interlocutrice, qui observe la mer en caressant la tête de son Draby.
– Désolé. J'ai une famille compliquée. J'espère que ce n'est pas le cas pour vous. Du moins que ce n'est pas aussi grave. Faut dire c'est dur de faire plus dur que moi qui suit une Championne du système alors que ma famille entière est Pokélover.
– Ça ne doit pas être facile, observe bien judicieusement le dresseur, qui n'est pas passé à côté de la décente aux enfers des Weaver quand bien même il se serait largement tenu à l'écart de la politique. Je comprends que ce soit pesant ; mon père n'est pas Pokélover mais mon mari, oui. Autant vous dire qu'il n'a pas vraiment approuvé mon choix de devenir dresseur, même si je suis loin de maltraiter mes Pokémon. Enfin, je ne pense pas... »
Il n'est plus sûr de grand chose, mais ça lui briserait sans doute le coeur de se rendre compte qu'il ne s'occupe pas bien de ses bébés alors qu'il les aime aussi fort qu'il le peut. « De toute façon mon mari est dans le coma depuis une manifestation qui a mal tourné, donc il me fout la paix, si j'ose dire. »
Ça a l'air un peu cruel, dit comme ça, non ? « J'ai rencontré un Weaver qui n'était pas fanatique comme les autres, se rappelle-t-il tout à coup pour changer de sujet. Il était gentil, vous devez le connaître... son prénom c'est Kayden. »