Depuis que Laurine lui a parlé de cette Lumiclairière, Heathcliff s’est un peu renseigné à son sujet ; pour ne pas dire qu’il a écumé plus ou moins toute la lecture qui la concerne. Et s’il n’a rien trouvé sur la présence des Zarbi malgré les dires de celle qu’il héberge, le Pendragon a tout de même posé les yeux sur un récit intéressant. Une histoire tellement belle qu’elle lui paraît invraisemblable. Il serait possible de faire apparaître un Célébi shiny si on respecte certaines conditions et qu’on effectue correctement un rite. C’est beau, ça donne envie mais il n’est pas dupe Heathcliff, ni naïf. S’il se doute que certains ont probablement déjà tenter l’expérience, lui n’a pas l’intention de prendre le risque de se ridiculiser. Et pourtant, ça a de quoi donner envie et attiser la curiosité. Un Célébi chromatique. Le rêve pour le scientifique qu’il est mais son côté terre-à-terre lui rappelle que ces légendes partent souvent de rumeurs infondées lancées par on ne sait trop qui. Or, Heathcliff est en partie un homme de science et en tant que tel, on lui a appris qu’il est important de toujours vérifier ses sources. Un principe qu’il applique très méticuleusement dans son travail. Tout ça pour faire comprendre que tant qu’il n’aura pas vu ce Célébi rose de ses propres yeux, il préfère ne pas accorder de crédit à ces racontars. Cocasse de la part d’un homme qui, d’un autre côté, fricote avec des forces que beaucoup pense imaginaires mais que lui sait présentes. C’est pour ça qu’il accepte l’idée que certaines personnes tentent leur chance.

De plus, ce n’est pas parce qu’il a certains a priori scientifiques qu’il ne compte pas se rendre à la Lumiclairière. Au contraire, il s’est levé tôt - très tôt - pour pouvoir se rendre dans cet endroit. Il faisait encore nuit quand il a quitté son lit pour se préparer en faisant le moins de bruit possible avant de quitter son appartement de fortune. Asmodée à ses côtés, les deux compères sont montés dans le premier train pouvant les emmener à la clairière, au nord de Castlerain. Une fois sur place, ils peuvent assister au réveil du lieu avec le lever du soleil qui darde encore timidement ses rayons sur la végétation environnante. Le spectacle est calme, paisible et finalement très appréciable. L’ambiance est vivante, colorée, joyeuse ; diamétralement opposée à celles qu’Heathcliff a l’habitude de ressentir. Si ça le perturbe un peu, il ne trouve pas ça désagréable. C’est juste différent : les ondes ne sont pas les mêmes et à vrai dire, il en perçoit très peu. Ici, il n’est pas en terrain conquis et il le sait. Pourtant, ça ne l’empêche pas de progresser, son Polichombr flottant à proximité de son dos. C’est là qu’il voit les fameuses statuettes et qu’un boum parvient à ses oreilles. Ni une, ni deux, le Pendragon n’a qu’à tourner les talons pour voir la source du bruit. Là, un garçon, littéralement étalé sur le sol ; Heathcliff comprend ou, du moins, suppose aisément ce qui vient de se passer : tombé à côté d’une statuette, le jeune homme a possiblement essayé d’en faire le tour à cloche-pieds. Haussant les épaules, le trentenaire attend que le garçon lève les yeux pour ouvrir la bouche. « Eh bien gamin, tu as oublié comment on marche ? », dit-il en ricanant, tendant tout de même sa main vers le garçon pour l’aider à se relever ; avisant, dans un même instant, le sandwich désormais recouvert par un mélange de terre et de plantes. Ah, en voilà un qui vient de perdre son petit-déjeuner.

Heathcliff retient un éclat de rire lorsque le gamin gromelle tout en se relevant sans faire attention à la main tendue. Aucunement vexé, le scientifique regarde dans la direction indiquée où il n’y a absolument rien si ce n’est un sac à moitié renversé. « Soit ton Pokémon est rapide, soit il n’y avait rien. Tomber n’est pas dramatique, tu sais. », dit-il en souriant. Au fond, il s’en fiche du pourquoi il s’est retrouvé affalé sur le sol. Et puis, ça n’a pas l’air très grave pour qu’il soit encore capable de se plaindre de cette manière. Le geste qu’adresse le garçon au Wattouat achève de convaincre Heathcliff que tout va bien. Il ne va pas être obligé de l’emmener aux urgences et c’est une excellente chose. Néanmoins, l’ascenseur émotionnel d’Heathcliff fait une chute vertigineuse à l’instant même où le jeune garçon lui demande s’il vient de Johto. Le fait qu’il mentionne ensuite sa ville natale n’aide clairement pas. Le Pendragon se stoppe net, haussant les sourcils sans parvenir à répondre quoi que ce soit. C’est qui ce garçon ? Comment peut-il le connaître ? Il le détaille, essaye de reconnaître certains traits de son visage mais il a beau faire tous les efforts du monde, Heath n’arrive pas à remettre ne serait-ce qu’un prénom sur le visage de cet enfant.

Ce n’est pourtant pas faute de chercher des indices, n’importe lesquels. Non, il ne se souvient pas de lui et Heathcliff n’arrive pas à le lui dire. Alors qu’il sent qu’il devrait et ça le met dans l’embarras. Du moins, jusqu’à ce qu’une identité bien précise soit donnée. « Isaïah Esperanza ? », répète-t-il par automatisme alors que petit à petit, des flashs de son passé lui reviennent. « Oh bon sang, Isaïah Esperanza ! », lâche-t-il ; les yeux soudainement écarquillés en comprenant qui est le gamin qui faisait le malin autour de la statuette, quelques secondes plus tôt. « Désolé, je ne t’avais pas reconnu. Tu as grandi et… changé. », oui, ce sont les mots justes. Heathcliff n’en revient pas ; dans son esprit, Isaïah est encore ce bambin d’Ébènelle qui lui grimpait sur le dos en réclamant des tours de magie que le Pendragon exécutait toujours avec le sourire. C’était son premier fan, comme il aimait le dire en ricanant. Le revoir ici est un choc auquel il n’était pas préparé. « Qu’est-ce que tu fais là, à Lathea ? », demande-t-il soudainement, sans envisager la possibilité que cette question soit peut-être un peu trop rapidement intrusive pour le jeune adolescent.

Dans d’autres circonstances, Heathcliff aurait trouvé la situation sacrément cocasse. L’une des principales raisons de sa venue définitive à Lathea, c’est fuir ce qu’il vivait à Rosalia ; fuir cette pression qui pesait sur ses épaules, fuir ses responsabilités qu’il n’avait jamais désirées. Fuir et recommencer une nouvelle vie dans un endroit où, potentiellement, il pouvait facilement se faire oublier. Il se rend compte qu’il s’est lamentablement trompé. D’autant qu’il ne peut pas blâmer les origines de sa défunte femme pour toutes les retrouvailles de ces derniers temps. Isaïah est une relation qui date de bien avant sa rencontre avec celle qu’il perçoit encore aujourd’hui comme l’amour de sa vie. A vrai dire, il ne la connaissait même pas encore à l’époque où il se rendait à Ébènelle et où il acceptait, le sourire aux lèvres, d’accompagner ses cousins lointains lorsqu’ils allaient faire des repas chez les Esperanza ; des amis merveilleux, disaient-ils pour les décrire et attiser la curiosité de leur cadet de Rosalia. Heathcliff n’a jamais été déçu de cette rencontre. Cette famille s’est toujours montrée aimable avec lui et réciproquement. Alors oui, il était content ; il affichait un sourire jusqu’aux oreilles quand Markus lui disait : on va manger chez les Esperanza ou ce soir, ce sont eux qui viennent. Des moments bénis de son passé que l’inconscient d’Heathcliff avait enfoui sous plusieurs strates de souvenirs douloureux. Et il se sent idiot, le Pendragon ; il regrette de ne pas avoir pris de leurs nouvelles, de ne pas leur avoir présenté sa magnifique femme qu’il a rencontré dans la même ville, de les avoir tout simplement oubliés.

Parce que s’il avait osé, il aurait été capable de reconnaître ce garçon. Ce bambin devenu adolescent ; preuve irréfutable du temps qui s’écoule. Évidemment qu’il a grandi et changé. Et ça lui fait bizarre de se rendre soudainement compte de ce si grand écart entre l’image du garçon de quatre ans qui refuse de quitter son esprit et celle de cet adolescent, grand, responsable de ce qu’il fait. Oui, ça lui met un coup, à Heathcliff même s’il assume son âge. « Ha ha, oui heureusement, ça aurait été bizarre sinon. », qu’il répond en ricanant, cherchant à dissimuler la gêne qu’il ressent après avoir dit des propos d’une évidence telle qu’il n’était même pas important de les souligner, finalement. Il embraille, passe maladroitement sur un autre sujet pour écouter avec attention la réponse d’Isaïah. « Je l’ignorais. Je pensais même que vous étiez encore à Johto. », dit-il sans oser insister sur les paroles concernant Myrtha. Le scientifique a beau ne pas avoir vécu ou subi la catastrophe de plein fouet, il s’est suffisamment renseigné pour savoir que c’est un sujet particulièrement sensible pour les Lathéens et, plus spécifiquement, pour ceux qui ont vécu cette tragédie et qui y ont laissé une part d’eux-mêmes : des proches - famille, amis, enfants -, des Pokémon ou qui ont failli y laisser leur vie, devant aujourd’hui composer avec des séquelles irréversibles. Il se mord la lèvre inférieure, secoue légèrement la tête de gauche à droite. « J’habite ici depuis environ un an et demi. », laisse-t-il en guise de réponse lorsqu’Isa lui retourne ses questions. Néanmoins, il reste évasif sur les raisons de son départ de Johto et de sa venue à Lathea. « Je… J’habite aussi à Castlerain. », il hésite quelques instants avant de donner cette informations pour arriver à la conclusion qu’il ne peut simplement pas cacher ça au garçon. « Je suis venu y travailler. C’est dommage, si j’avais su que vous étiez dans le coin, j’aurais pris la peine de venir vous saluer. », mais il ne l’a pas fait. Parce qu’il n’a pas eu l’initiative de contacter sa famille d’Ébènelle pour leur demander.

Partir du jour au lendemain, il ne comprend que trop bien cette initiative puisqu’il a lui-même dû se résigner à la prendre. Néanmoins, il estime que ça n’excuse pas son silence par rapport à cette famille qui s’est montrée si avenante avec lui alors qu’Heathcliff a été si irrespectueux dans sa démarche de ne pas les avoir contactés. A cette pensée, le Pendragon se crispe soudainement. Il le sait, c’est minable de sa part et il ne fait aucun doute qu’il ira les saluer maintenant qu’il sait que les Esperanza vivent à Castlerain également. « Vous deviez en avoir pour être parti de cette manière mais de toute façon, ça ne me regarde pas. », il ne veut pas savoir ce qui a précipité le départ des Esperanza de la région de Johto. Ce ne sont pas ses affaires et il ne veut, en aucun cas, forcer la main au jeune Isaïah. De toute manière, le sujet est vite clos lorsqu’il sourit en passant à autre chose. « Oh ça, je suis resté silencieux sur mon arrivée alors vous n’êtes pas à blâmer. », ah, sa discrétion n’est peut-être pas tant à revoir que ça, finalement. S’il n’avait pas recroisé Isaïah en ce jour, ils auraient simplement continué d’être des voisins sans même le suspecter. Est-ce que ça aurait été mal ? Heath’ n’en sait rien mais la question mérite de se poser, d’après lui. « Je travaille au laboratoire de la ville. Ils ont l’équipement le plus sophistiqué de la région ! Le rêve pour tous les scientifiques qui y travaillent. », ses paroles donnent peut-être l’impression qu’il en fait des caisses mais pourtant, c’est la plus stricte vérité. Il y a de tout dans le labo’ de Castlerain mais vu la diversité des études qui y sont faites, il pouvait difficilement en être autrement.

Plus amusé que pris de court par les questions en rafale de l’adolescent, Heathcliff prend tout de même son temps pour répondre convenablement à chacune d’entre elle. Sur ce point, il n’a pas changé : il est toujours cet enfant curieux et impatient qui paraissait insupportable au yeux des autres mais qu’Heathcliff trouvait attachant. « Évidemment ! Et toi, ça te fascine toujours autant ? », demande-t-il en retour, sourire aux lèvres. Le Pendragon a toujours eu l’espoir de faire briller cette lueur d’innocence mêlée à la fascination dans les yeux de ceux qui prennent le temps de s’arrêter. Pas pour le regarder gesticuler mais pour rêver, simplement. Pour mettre leur vie en pause le temps de quelques minutes ; leur offrir une parenthèse afin qu’ils se rappellent que, quelque part, il y a toujours cette âme d’enfant qui est là, en eux. A défaut de réellement maîtriser sa vie, le magicien se targue d’offrir une pause à celle des autres. C’est tout ça, cette envie qui le pousse à toujours pratiquer son art, encore et encore. Pour voir des sourires comme celui qu’affiche Isaïah présentement. « Compte sur moi, je ne manquerai pas d’aller la féliciter. Et puis, moi aussi, je serai content de revoir Lazuli. », il se souvient désormais. De chacun d’entre eux et de tous les moments passés en leur compagnie ; seuls avec l’un ou l’autre mais aussi avec toute la famille. « Tu peux me donner leur adresse ? Ce sera plus simple que de toquer à chaque porte pour voir si c’est eux. », parce qu’il compte bien se réserver du temps pour leur rendre visite. Le garçon n’a pas évoqué la présence d’Eden et d’Ismaël mais Heathcliff hausse les épaules, se disant qu’ils sont certainement partis de leur côté. « Et toi ? Qu’est-ce que tu deviens ? », qu’il n’espère pas échapper aux questions.

Il voit bien la grimace d’Isa quand il parle de son métier officiel, celui qui lui rapporte de l’argent et qui lui permet de vivre. Mais il ne lui en tient pas rigueur parce qu’il a l’habitude que ceux qui le connaissent sous un certain visage aient du mal à comprendre et à accepter qu’il puisse y avoir l’autre. Pour beaucoup, c’est tout bonnement incompatible. Il s’en fiche, Heathcliff, de ce que les autres peuvent penser. Lui, il arrive très bien à gérer ces deux facettes, ces deux domaines si éloignés qui parviennent pourtant à le fasciner à un niveau égal. « J’étudie les Pokémon qu’on appelle shinies ou chromatiques. Je me pose des questions sur les phénomènes qui peuvent être à l’origine de ces changements de couleurs et j’essaye de les comprendre. Est-ce à cause d’une modification dans leur ADN ? Est-ce un phénomène qui se produit rarement mais à intervalle régulier dans une même espèce ? Ou est-ce que ça arrive sans prévenir, de manière aléatoire et donc, sans répondre à un schéma précis ? Ce sont les questions que je me pose et pour lesquelles je cherche des réponses concrètes. », dit-il en réponse à l’interrogation d’Isaïah, avant de se rendre compte qu’il s’est peut-être un peu emballé. L’adolescent ne demandait peut-être pas autant de précisions mais c’est difficile de ne pas détailler quand on parle de sujets particulièrement aimés. « Enfin, c’est ma spécialité mais de manière un peu moins spécifique, je suis Pokémonologue. J’observe les Pokémon dans leur habitat naturel, j’apprends sur leur façon de vivre pour mieux les appréhender et savoir comment s’en occuper. », ajoute-t-il tout de même, estimant que c’est important de dire qu’il ne fait pas seulement « mumuse » avec des couleurs. Heath’ espère juste qu’il n’a pas perdu ou ennuyé le jeune homme avec ses explications. Dans le doute, il repasse sur le sujet de la magie ; heureux de constater qu’Isaïah ne s’est pas séparé de cette passion. « C’est dommage, c’est vrai que ça a quelque chose de plus incroyable de voir ça en vrai plutôt qu’en vidéo. Mais je suis content de voir que ça t’intéresse toujours. Maintenant que je sais que tu es là, je pourrai toujours te faire quelques sessions, si ça t’intéresse ? », propose-t-il en souriant franchement. Non-content de lui permettre de s’exercer devant un public, ça lui donne l’occasion de montrer ses nouveaux tours à l’adolescent parce que non, il n’a pas chômé durant toutes ces années. La magie, ça fait partie de ce qu’il est et abandonner sa pratique n’a jamais été envisageable. Il aime beaucoup trop ça.

Du reste, ça lui fait plaisir d’avoir des nouvelles des Esperanza ; bien plus qu’il n’aurait pu l’imaginer. Cette famille, c’est un peu la représentation de l’époque la plus insouciante de sa vie alors forcément, il y tient. Peut-être que c’est stupide de s’y raccrocher maintenant mais il s’en moque. Alors oui, il est content quand Isaïah lui parle de la carrière que mène à présent Lazuli, l’une de ses sœurs aînées. Quand il allait les voir, il se souvient que la demoiselle faisaient partie des plus jeunes. Ils ont une dizaine d’années d’écart après tout et aujourd’hui, ça lui fait bizarre d’imaginer que la gamine qu’elle était à l’époque soit devenue une redoutable combattante au point d’avoir été choisie pour tenir une arène. Pas qu’il doute de ses capacités non, il a juste du mal à se la représenter en tant qu’adulte. Mais ça ne l’empêche pas d’être très fier pour elle et évidemment, il a à cœur d’aller la féliciter personnellement. « Le type Dragon, carrément ! Ce sont pas les plus simples à élever ! », effectivement, il sourit. Heathcliff se souvient d’une demoiselle relativement douce alors imaginer qu’elle éduque et gère des Pokémon Dragons, oui, ça le rend perplexe. Mais pourquoi pas ? Il est bien placé pour savoir qu’il vaut mieux ne pas trop se fier aux apparences. Après tout, elle est amie avec Sandra et Peter même s’il l’ignorait jusque-là. Il ne connaît pas personnellement ces deux dresseurs mais leur réputation à Johto les précède.
Il hoche la tête quand l’adolescent lui demande un support pour écrire et de quoi noter. Aussitôt, il attrape son sac à dos pour fouiller à l’intérieur. « Tiens. », dit-il sobrement en tendant un stylo et une petite réserve de post-it accrochés les uns aux autres. Un seul est suffisant pour noter une adresse mais il préfère lui proposer le paquet ; à défaut d’avoir un réel support pour écrire, c’est plus simple pour tout noter convenablement. En attendant, Heathcliff en profite pour prendre quelques nouvelles du jeune homme. « Le plus grand dresseur de Lathea, rien que ça ! », qu’il lâche en ricanant. « Et par curiosité, ça se présente comment ton voyage ? Tu as eu des badges déjà ? », parce que de ce que voit Heathcliff, le garçon a encore le temps avant d’être le plus grand dresseur de la région alors autant dire que ça lui semble plus que prématuré d’envisager dès maintenant de tenter l’aventure dans les autres régions du monde. Même s’il admet que c’est important d’avoir des rêves sur le long terme. Le ton de la conversation est bon enfant jusqu’à ce qu’Isaïah lâche une énorme bombe. Celle-là, il ne s’y attendait pas. L’air détendu d’Heathcliff s’évapore soudainement pour laisser place à un visage attristé et sincèrement navré. « Je suis désolé, Isa. Je ne voulais pas que tu te sentes obligé de me raconter ça. », indirectement, il l’y a forcé en demandant leur nouvelle adresse et il s’en veut parce qu’il sait ce que ça fait, de perdre des êtres auxquels on tient. « Je m’abstiendrai d’en parler quand j’irai là-bas, c’est promis. », il se sent con, sur ce coup-là, vraiment. De ce qu’il se souvient, Eden était un peu plus discret que son frère mais il n’en n’était pas moins adorable. Quant à Ismaël, le Pendragon aimait bien passer du temps dans les ruines que l’Esperanza avait découvertes.

« Tu sais, c’est parce que des personnes comme moi se posent trop de questions que des objets du quotidien comme les Pokéball, le Pokédex ou les motismarts existent. », explique-t-il calmement, sourire aux lèvres ; malgré l’insolence sûrement involontaire de l’adolescent. Il comprend que ces domaines laissent le garçon indifférent. Il est jeune et il doit certainement rêver d’aventure ; là où, pour lui, scientifique doit être synonyme de vieilles personnes aigries qui sont enfermées dans des laboratoires toute la journée et qui portent des blouses blanches. Pour certains, il n’est pas loin de la vérité mais une grande partie de la communauté n’est pas comme ça. Heathcliff n’est pas comme ça, il aime le grand air et être sur le terrain lui procure des sensations qu’il n’abandonnerait pour rien au monde. « Ce n’est pas qu’il en faut absolument mais les avoir permet à chacun de comprendre au mieux le monde qui nous entoure. Certains ont besoin de ça pour appréhender leur environnement, d’autres sont simplement curieux. », cocasse venant d’un homme qui se trouve à Galopa entre un monde fait de sciences, d’actions concrètes et un autre fait de mystères, d’incertitudes constantes et de fantasmagories en tous genres. Mais il aime cette position si singulière qu’il a, Heathcliff ; c’est pour ça qu’il comprend les différents points de vue et qu’il ne se vexe nullement suite aux paroles d’Isaïah. Pour le Pendragon, c’est en ça que consiste un échange : confronter deux points de vue sans a priori et voir après si on décide d’apprendre, de s’enrichir ou non de ce que son interlocuteur propose pour forger sa propre vision du monde. « Comme tu le dis, sur le fond, c’est la même chose. Pourtant, il y a bien une différence fondamentale entre ces trois catégories ! Un Pokémonologue se spécialise ou non dans un type précis puis, il observe les Pokémon concernés dans leur environnement naturel, il les laisse libres. Il n’est pas question de les capturer pour les faire se reproduire ou pour combattre. Ce qui nous intéresse, c’est vraiment leur comportement le plus ordinaire, à l’état sauvage. », dit-il sans aucune haine pour les dresseurs et les éleveurs. Heathcliff n’est pas aussi catégorique, il sait très bien que certains dresseurs prennent soin de leurs compagnons sans se contenter de les faire se battre. Tout comme il a conscience que certains éleveurs font tout pour préserver le bien-être de leurs compagnons. Et pour ce qui est de ces gens-là, le Pendragon ne peut que saluer leurs actions.

Heathcliff hausse d’abord les sourcils avant d’éclater d’un rire franc en entendant la question du jeune Esperanza. « Le Célébi shiny ? Oh non ! J’en ai entendu parler mais j’ai du mal à croire à la présence d’un tel être en ces lieux. Je suis là parce qu’on m’a parlé de cette clairière, je me suis renseigné pour avoir plus de détails et j’ai lu à peu près partout que c’était l’un des plus beaux endroits sauvages de Lathea. J’ai eu envie de vérifier par moi-même. », et il n’est pas déçu, le scientifique. Cette Lumiclairière est à la hauteur de tous ces éloges qu’il y a sur elle. Il espère seulement que cette beauté naturelle ne soit pas victime de son succès au point de finir détériorée. Ce serait une énorme perte pour la région et pour ses habitants. « Ah oui, vraiment ? Et qui est donc cet heureux élu ? », demande-t-il en souriant, curieux et finalement gagné par l’enthousiasme du garçon. Enthousiasme qui n’est pas sans lui rappeler cette époque où il n’était qu’un bambin qui pouvait se permettre de grimper sur son dos en lui réclamant de la magie. Aujourd’hui, Heathcliff voit mal Isaïah agir ainsi. « Évidemment que j’en ai des nouveaux ! Je n’ai pas autant de temps libre qu’autrefois mais ça ne m’empêche pas de confectionner des nouvelles surprises. Eh, tu sais quoi ? On fait un deal. A chaque fois que tu auras un badge, je t’apprendrai quelques tours, ça te dit ? », ses secrets de magicien, il ne les révèle pas au premier venu ; heureusement pour Isaïah, il n’est pas n’importe qui aux yeux du Pendragon. Néanmoins, le gamin va quand même devoir faire ses preuves. La magie, c’est un art, un état d’esprit et si c’est juste pour paraître impressionnant aux yeux d’une personne, alors le Johtien ne voit aucun intérêt à l’enseigner.
« Je te crois, je sais qu’il ne faut pas se fier aux apparences. », tout de même, Lazuli l’impressionne ; ça l’intrigue alors c’est décidé : il ira voir ça de ses propres yeux. Et s’il a conscience que l’ado’ peut parler de son aînée pendant des heures, Heathcliff a envie d’en savoir davantage sur ce qu’il devient lui alors il le coupe, attendant ensuite des réponses qui ne tardent pas à venir. « Passerouge et Grainipiot ? Ce sont d’excellents choix, félicitations ! Mais tu as effectivement intérêt à bosser avec eux pour conquérir les badges. Tu vas commencer par quel champion ? Lazuli ? Dans tous les cas, j’ai entendu dire que tous les champions de Lathea étaient des monstres. », qu’il lâche en récupérant le post-it avec l’adresse et le stylo pour ensuite ranger le tout dans une poche de son sac. L’annonce du décès d’Eden et du départ d’Ismaël encore à l’esprit, le médium se contente de sourire aux paroles d’Isa sans y répondre. Même s’il a le droit de savoir, c’est brutal et justement, il les a connus depuis qu’ils sont tout petits alors par respect et pour ne pas remuer le couteau dans la plaie, il préfère se taire ; du moins à ce sujet. « D’abord, mon travail est très amusant, espèce de Chenipan. », rétorque-t-il en parvenant à sourire légèrement, aidé par les réactions enfantines mais drôles du garnement qu’est Isaïah. « Sinon, à part ça, hum... Quand je ne suis pas au laboratoire ou chez moi, je parcours un peu la région. J’aime faire des découvertes et il y a encore plein de lieux que je ne connais pas à Lathea. », il s’en doute : il doit y en avoir certains dont il ne soupçonne ni l’existence, ni la portée.