Au final, Eos, tu ne l’as pas revu. Tu y as pensé, après avoir pleuré tout ton saoul dans la forêt et être rentrée chez toi bredouille. Tu t’es dit que tu allais le chercher, le trouver et t’expliquer avec. Tu t’es même mise à lui écrire une lettre, au cas où il refuse de te parler, où tu pourrais au moins essayer de lui expliquer que tu es perdue, que tu sais que tu l’as blessé, mais que tu ne voulais pas le faire. Lui dire probablement que tu as des sentiments pour lui, aussi. Et puis ce courrier de ton ex-beau-père est arrivé et ça a tout soufflé ma douce. La conclusion est simple : tu n’as pas revu Ethan depuis, et maintenant que tu enchaines les boulots, et bien tu n’as plus le temps d’envisager de le voir. C’est peut-être un signe du destin.

En tout cas, Eos, tu as vraiment d’autres problèmes pour le monde. Le premier, et pas des moindres, c’est qu’on te noie encore de lettre te parlant de ce stupide gamin que tu n’as jamais eu et que tu cacherais visiblement. Le second, c’est que même si tu travailles le soir dans un bar puis la nuit en surveillance d’un immeuble et bien tu ne gagnes pas assez pour rembourser dans les délais cette bague que tu as emportée avec toi. La dernière ? Tu as présumé de tes forces, ma belle. En deux semaines, tu as réussi à te créer un teint unique : gris, des cernes noirâtres immenses, et déjà plusieurs kg en moins. Autrement dit, à ce rythme-là, tu t’as te tuer, ma vieille.

Il n’y a que le dimanche que tu ne travailles pas à l’extérieur de l’élevage, et c’est à ce moment-là que tu mets le plus d’énergie dans ton propre business pour le faire vivre et avancer. Aujourd’hui n’est pas différent des autres. Tu es en train de tirer un énorme rouleau de grillages parce que tu as enfin décidé après avoir rehaussé la clôture suite à ce qu’il s’est passé pour Tezca la dernière fois que tu allais mettre un deuxième jeu de mur de métal pour éviter que les pokémons sauvages de la forêt ne viennent tourner autour de chez toi. Le truc, Eos, c’est que c’est un travail que tu devrais faire avec quelqu’un, pour éviter de t’épuiser en vain, mais tu es seule, et en plus tu es bornée.

« Zmeï, Silver, sortez de mes pieds. Tu râles, parce qu’ils te reniflent tous les deux. Ce truc pèse une tonne et je… »

Tu ouais. Tu rien du tout. Tu tires, tu repousses du pied le Reptincel beaucoup trop curieux et tu es sur le point de reprendre ton chemin quand tu viens juste complètement t’emmêler les pieds dans le grillage. Tu ne tombes pas, non, non. Tu arrives juste à t’écraser sur le sol de manière volontaire et commencer à tirer comme une brute épaisse sur le rouleau pour libérer ton lacet coincé dans le métal en grognant :

« Mais c’est pas possible ça ! J’aurais mis fait de faire faire une cage, ça aurait été bien plus simple à poser… Quel merdier ! Tu tires, tu tires et ton doigt ripe contre un bout de métal qui dépasse du grillage. AIE ! Merde ! Silver, va me chercher de quoi me soigner, s’il te plait… »

Tu sais que le Feurisson sait parfaitement où trouver ta trousse de soins et te la ramener. Ce que tu ne comprends pas, par contre, c’est qu’il ne fonce pas tout droit vers l’entrée de ta maison, grande ouverte, mais… au loin. Et si tu paniques, Eos, t’es juste complètement coincée sur le sol pour pouvoir tenter de faire quoi que ce soit.

C’est probablement difficile à croire, hein, mais ces derniers jours, Ethan, tu as été plus … insupportable, et désagréable que jamais. Il ne fait pas bon t’avoir dans les pattes lorsque tu es blessé de cette façon, mon grand, ça c’est certain, et malheureusement, pas mal de tes collègues, ainsi que ton supérieur, en ont fait les frais. Pas certains qu’ils aient envie de retenter l’expérience, parce qu’ils ont fini par te laisser en roue libre. Même ton chef, dis donc, celui qui ne cessait de te rappeler que tu n’avais pas à t’occuper de certaines choses, et bien, il a fini par simplement abdiquer pour que tu te concentres et pour pouvoir probablement apaiser un peu cette aura de ténèbres qui s’est installée tout autour de toi.

Tu n’es pas quelqu’un de si fragile. Et puis, surtout, avec le temps, tu as appris qu’il fallait mieux laisser courir. Normalement, c’est ce que tu sais. Tu as parfaitement l’habitude d’être déçu des autres, ce n’est plus quelque chose qui t’atteint. Quand les gens sortent de ta vie, et bien … ils en sortent. Tu ne t’en préoccupes pas, au point de rester passif, de laisser faire les choses, et de ne jamais chercher à réparer ce qui a été cassé. Ça passe comme ça. Cette fois, par contre … c’est différent.

Tu rumines, mon vieux. Eos est restée dans ta tête et visiblement, elle ne semble plus décidée du tout à en sortir, ou te laisser un peu de répit. Tu y penses trop. Tu réfléchis trop. Et c’est difficile, parce que tu ne comptes pas revenir à elle. Tu ne veux plus la voir. Tu ne veux pas y retourner. Et tout ça, tu ne le fais pas par rancune, non, tu le fais simplement pour te protéger, toi. Et elle sans doute, un peu, en partie.

Bref. Ethan. Tu supposes maintenant que tout ce que tu as à faire, c’est attendre. Patienter. Tu ne comptais pas retourner du côté de Lucinel de sitôt, et puis, il y avait eu ce papier qui était passé sous ton nez. Tu l’avais réceptionné, tu n’y avais pas jeté un œil au départ, et tu étais bien parti pour le transmettre à ton supérieur quand tu avais finalement posé les yeux dessus. Là, tu avais lu le nom d’Eos, et si pendant quelques secondes, tu t’étais mis à penser que tu virais fou, il t’avait suffi de relire. Une fois. Deux fois. Son nom, son prénom. La plainte. « Soustraction de mineur. » Evidemment que ça t’avait intrigué, et après t’être planté pour lire, et relire, encore, et encore, tu avais attrapé tes affaires, et tu avais quitté ton poste en emmenant le papier avec toi.

Qu’on soit clair. Si tu ne l’avais pas transmis, toi, ça ne voulait pas dire que ce document ne finirait pas par arriver entre les mains de ton supérieur. La plainte était réelle, et on attendait simplement de la Police de la Région qu’elle intervienne pour informer Eos, et l’arrêter. Pour l’heure, tu avais retardé les choses, mais d’ici quelques jours, une relance serait envoyée, et tu ne pouvais tout simplement pas y faire grand-chose. Par contre, tu as besoin de savoir maintenant parce que … ce que tu as lu sur ce document, ça a inscrit de la peur, en toi, mais aussi une certaine forme de rage et de déception. C’est ridicule, mais tu te dis que finalement, tu comprends bien des choses, que si cette femme cache un enfant, elle n’avait probablement pas envie qu’un flic fouille dans sa vie, et c’est encore plus douloureux qu’avant de te dire que tu as surement été berné.

Tu as donc fait la route le plus rapidement possible jusqu’à l’élevage d’Eos. Tu as usé et abusé d’Ymir et de sa force pour te transporter, tu n’as même pas voulu qu’Azel soit avec toi, en dehors de sa Pokéball. Ce n’est qu’une fois aux abords de l’élevage que tu as sauté au sol, et puis, tu t’es mis à avancer d’un bon pas. C’est Silver qui est venu t’acceuillir, et si tu étais prêt à saluer le Feurisson comme il se doit, tu t’es rapidement aperçu que quelque chose clochait. Le Pokémon feu était … agité, presque paniqué, et il ne t’en avait pas fallu plus pour comprendre qu’il était – encore – arrivé quelque chose à Eos. Evidemment, ce n’est pas parce que tu es déçu, et probablement en colère que tu vas l’abandonner à un danger, du coup, tu cours droit devant, tu passes le portail, et tu fonces en direction de la clôture.

Quand tu la retrouves, elle est au sol. Si elle est blessée, ça n’a pas l’air si grave, en revanche, elle force sur son pied, et quand tes yeux glissent de sa jambe jusqu’au rouleau de grillage, tu vois bien le lacet coincé. Dans un soupire, tu viens donc soulever le grillage, défaire le lacet, et puis, sans un mot, tu lui tends la main pour l’aider à se redresser.

Tu essaies tant bien que mal de te défaire de ce fichu grillage et de courir à la suite de Silver, même si tu sais qu’elle n’est pas et n’a jamais été du genre à prendre la fuite de ce genre. Elle a forcément senti quelque chose ou eu une idée… Le problème, Eos, c’est que ton Feurisson c’est aussi miss tête en l’air, qui finit tout comme toi par se perdre. Et ça, c’est problématique, assez en tout cas pour que tu te débats comme un diable agrippé dans un piège à ours, la douleur en moins. Le truc c’est que tu ne parviens à rien et tu es n’as pas envie de crier le nom de Silver, pour ne pas inquiéter tes autres pokémons qui pourraient vouloir bien faire et partir à leur tour pour la chercher. Tu es prise au piège et surtout tu es crevée, Eos. Regarde-toi, tu trembles tellement que tu n’arrives même pas à défaire ce noeud de ton lacet et à soulever le grillage qui pèse trois tonnes contre toi. Ridicule, voilà ce que tu es.

Sauf que ça ne se finit par sur ça. Toi qui finit par t’en sortir ou rester coincée là à vie, oh non. Parce que Silver réapparaît en courant et elle guide quelqu’un avec elle. Quelqu’un que tu reconnais aussi sec, Eos. Et ton coeur, il fait un saut dans ta poitrine avant que tu ne l’écrases de toutes tes maigres forces par terre, pour y tuer l’espoir qui vient d’y naître en même temps.

« Ethan. »

Tu le laisses approcher, et tu n’oses même pas le regarder dans les yeux, en faite. Tu fixes ta main un peu abîmée, que tu viens finalement cacher de sa vue pour ne pas qu’il voie que tu t’es encore lamentablement blessée. Tu ne veux plus qui joue au preux chevalier, parce que… parce que tu as mal au coeur et que tu ne sais pas comment faire. Tu es complètement stupide Eos. Tu voulais le revoir et reprendre les choses en main, maintenant qu’il est là, tu détournes la tête et fait ton Doduo…

« Merci… Tu finis par murmurer alors qu’il te libère et qu’il te tend la main et que tu acceptes son aide pour te remettre sur tes jambes, parce que tu as peur de tomber encore devant lui. Tes genoux tremblent, Eos. Je… je ne m’attendais pas à te voir ici. Je… Tu as fait bonne route ? »

Tu es complètement stupide, idiote, inutile ! Tu pourrais te mettre une gifle en pleine tête pour cette bêtise, mais tu n’arrives qu’à te mordre l’intérieur de la joue à sang et détourner la tête en récupérant ta main. Tu époussettes tes vêtements, alors que Silver revient en courant avec ta trousse de soins. Et tu n’attrapes qu’une compresse épaisse que tu viens presser sur le creux de ta main avant de soupirer, souffler un bon coup et agir en adulte.

Tu restes où tu es Eos, mais tu oses enfin relever la tête vers lui. Visage basculé en arrière, tes yeux viennent glisser sur son visage, et tu y décèles une froideur certaine, une colère silencieuse. Il n’est pas là pour régler ce qui a laisser en plan la dernière fois, voilà ce que tu en comprends. Alors tu viens simplement conserver ce lien visuel avec lui et tu lui demandes d'une voix calme :

« Tu voulais me voir ? Qu’est-ce qui t’amène ici ? Tu reviens mordre ta lèvre, parce que tu sais que tu te fais du mal, mais tu ajoutes. Je n’ai pas changé d’avis, si je peux t’aider, je le ferai toujours. »

Tu n’es pas … clairement Ethan, en fait, on peut le dire, tu es d’humeur massacrante lorsque tu mets les pieds à l’élevage. Non seulement, ce qui s’est passé entre vous la dernière fois t’es resté en travers de la gorge, mais voilà que maintenant, il y a ce document qui a eu le malheur de passer entre tes mains et qui sous-entend clairement que cette femme qui t’attire plus qu’aucune autre auparavant t’aurais … menti par omission ? Si tu en crois le papier, elle a eu un enfant, Ethan. Un enfant qu’elle a pris à son père, et qu’elle cache. Qu’elle cache bien d’ailleurs, parce que, tu en as passé du temps ici, et jamais tu n’as la trace d’un enfant. D’ailleurs, ça devrait probablement te faire comprendre à quel point c’est ridicule. Le truc, c’est que visiblement, tu es aveuglé par ta colère. Tu ne réfléchis plus correctement.

Pourtant, tu viens tout de même donner un coup de main à Eos. Avec cette expression trop pleine de neutralité, tu dégages son lacet, et tu l’aides à se remettre debout, avant de pousser un soupire las, et si lourd. « Peu importe. » Que tu finis par lâcher, sèchement, oui, plus que tu ne l’aurais voulu, d’ailleurs, quand elle te parle d’avoir fait bonne route. En fait, mon vieux, tu ne veux et ne peux pas perdre de temps sur le sujet qui t’amène jusqu’à elle aujourd’hui.

Tu profites donc de ses questions quand aux raisons de ta présence pour en venir au fait. Tu viens tirer le document, plié en quatre, d’une des poches de ton sac, tu l’ouvres, et tu le lui mets sous le nez immédiatement. « C’est arrivé sur mon bureau. » Tu lui déclares, en lui laissant le temps de prendre connaissance de ce qui se trouve là-dessus. Ensuite, tu passes une main sur ton visage, et tu te rends bien compte qu’elle n’a pas de compte à te rendre sur sa vie personnelle, du coup, tu luttes pour mettre de côté ta rancœur quant à ce … mensonge. « Je ne l’ai pas transmis, mais d’ici deux jours, ce sera fait, sans que je ne puisse intervenir cette fois. » En clair, tu lui as donner un peu de temps, mais tu ne pourras pas faire grand-chose de plus. « L’enfant dont il est question … » Tu désignes le document, du doigt. « Où est-ce qu’il est ? » Et tu vois, tu es bien trop croyant en la loi, la justice, et le système que tu sers. Pour toi, un tel document officiel ne fait pas d’erreur. Il ne ment pas, il donne même la vérité. Tu n’arrives pas à concevoir une seconde qu’il puisse y avoir une coquille, quand bien même ta logique te le hurle.

Il te suffit de voir son visage pour savoir qu’il n’est pas là pour régler vos problèmes, et tu en as la confirmation à sa réponse, quand tu lui demandes s’il a fait bonne route. C’est aussi brusque qu’instinctif, Eos, tu viens refermer les bras sur toi-même, reculer d’un pas et voûter légèrement comme si tu craignais de la violence de sa part. Dans le fond, ma belle, tu sais bien qu’il ne lèvera pas la main sur toi, ou en tout cas qu’il n’est pas venu pour ça, mais tu n’arrives pas à t’en empêcher. Tu as un pied dans le passé, et ça t’empêche de réagir clairement.

« Pourquoi es-tu venu, alors ?! Tu finis par faire entendre, alors qu’il déplie un papier. Qu’est-ce que… »

Tu t’arrêtes, d’un coup d’un seul, quand tes yeux se posent sur le papier. Au départ, tu crois qu’il a reçu une lettre étrange de quelqu’un et qu’il vient t’en accuser. Mais tu reconnais le logo de la police en haut. Tes yeux glissent dessus, jusqu’à y trouver ton nom. Ton nom complet, second prénom y compris. Et quand ton sang ne fait qu’un tour, tu viens arracher le papier de ses mains pour le lire avec précipitation.

« Tu n’as pas transmis… Tu… Vous avez reçu ça au poste ?! »

Et tu t'effondres Eos. Tu pâlis plus encore, si c’est possible, avant de repousser le grillage pour changer de direction. Tu te remets en route vers chez toi, subitement, comme si Ethan n’existait plus. Tes yeux sont exorbités, ton souffles courts, et tu es en train de remettre tous tes compagnons en pokémon, précipitemment et sans les prévenir quand sa question vient t’arracher littéralement le coeur.

« L’enfant ? Tu sais ce qu’il croit, mais tu pensais qu’il serait assez intelligent pour ne pas croire ce tissu de mensonges. Non… qu’il avait assez confiance en toi. Où veux-tu qu’il soit, Ethan ?! Arrêtes avec ces conneries, je dois faire mes affaires ! »

Et tu t'engouffres dans le hall de la maison, en manquant de décrocher la porte d’entrée tant tu la cognes fort contre le mur. Tu te retrouves à attraper ton gros sac de marche, et y fourrer tout ce qui te passe sous la main. Parce que tu ne réfléchis même plus, Eos. Tu es littéralement en train de prévoir ta fuite, aux vues d’un policier qui te croit couple d’un enlèvement de mineur. De toute façon, tu ne le vois même plus, tu es juste complètement paniquée, engloutie dans un cauchemar.

« Tu comptes rester là ? Que tu lui demandes, d’une voix suraiguë horrible quand tu laisses tomber ton sac surchargé devant la maison avant de te mettre à chercher les clés pour tout refermer à clés. Pousse-toi, Ethan, il faut que j’y aille ! Que tu grognes, parce qu’il à un pied sur ton paillasson ou tu n’as sûrement pas caché tes clés, mais ça tu ne t’en rends pas compte. »

Bon. Clairement, on sent bien que tu es d’humeur massacrante. Tu as ton petit caractère, et c’est là probablement qu’on se rend compte que quand tu dis être insupportable, ce n’est pas une exagération de ta part. Tu es réellement insupportable. Parfois, tu as des réactions stupides. Souvent, tu es incapable de comprendre les autres. Tu fais toujours des erreurs avec tes semblables, et là, tu es encore en train de foncer droit dans le mur avec Eos. Tu devrais essayer de comprendre … tu l’as couverte, après tout, en venant ici, et en omettant de transmettre ce document. Tu vas te faire taper sur les doigts si on apprend que c’est toi, mais tu sais que tu pourras t’en sortir. Elle, par contre, ce n’est pas si sûr.

Du coup, si tu lui donnes un coup de main, tu ne gardes pas sa main dans la tienne bien longtemps, et puis, surtout, tu en viens au fait presque immédiatement en lui donnant le document, et en lui posant cette question qui te brûles les lèvres. Parce que, tu te sens crétin, Ethan. Comment une femme peut-elle cacher un enfant ? Tu l’aurais vu, s’il était là. Il n’est pas à l’élevage. C’est impossible. Alors … tu veux savoir où elle le cache, tu te dis que si tu arrives à trouver un compromis, tu pourras alléger ce qu’elle risque.

Sauf que … c’est un sujet sensible. Evidemment. Et a peine l’as-tu lancé qu’elle s’agite. Elle est vive, presque brutale, quand elle ramène ses Pokémon à leur Pokéball. Ça ne ressemble pas à la Eos que tu connais ça, mon vieux, et encore une fois, te voilà à te demander si tu n’as pas fait fausse route, ou si ce sont juste ses nerfs qui lâchent. « Tes affaires ? » Tu ne comprends pas de suite ce qu’elle fait, et ce qu’elle dit. Par contre, quand ça percute, tu as l’impression que le sol est en train de se dérober sous tes pieds. Elle est en train de prendre la fuite, en se doutant bien que tes collègues ne vont pas tarder à débarquer.

Et elle est là, sous tes yeux en train de faire ses affaires, et toi, tu fronces les sourcils quand elle s’adresse à nouveau à toi. « Hors de question. A quoi est-ce que tu joues ? » Le plus triste, c’est que ça joue en sa défaveur, tout ça. Elle est en train de fuir comme une coupable … alors, tu laisses ton pied sur le paillasson, oui, tu appuies même fortement dessus et puis, d’un geste vif, tu viens attraper son poignet. Tu n’es pas violent, mais tu la forces à se tourner, et tu viens saisir son autre main pour la ramener dans son dos. « Je suis désolé, mais je ne peux pas te laisser faire ça. » Trop honnête. Et tu as besoin de la vérité. Tu sais que tu as un peu de temps, alors, tu comptes bien l’utiliser. C’est avec une grimace que tu viens lui passer les menottes, et que tu fais mine de l’arrêter dans les règles. Après ça, tu la tires avec toi, une main accrochée à son bras, l’autre vient attraper son énorme sac et tu la pousses dans la maison pour balancer le sac sur le côté. Tu refermes la porte, que tu verrouilles, et puis, tu la fais s’asseoir sur une chaise. « Maintenant, tu vas me raconter. Et s’il te plait … ne me mens pas. » Ça, tu ne le supporteras pas.

Tu es clairement en panique, Eos. Tu voudrais juste… claquer des doigts et disparaître, ouais. Ou qu’un de tes Caninos ait évolué pour pouvoir te porter comme Ymir le fait pour Ethan, et que tu partes loin de tout ça. Tu ne veux plus être là, c’est ça. Sauf que si tu ne fuis pas, tu te connais ma belle, tu vas juste complètement craquer. Et ce n’est pas beau à voir, encore plus que le policier est là, et que tu refuses de te permettre cette faiblesse devant lui. Tu es stupide… tu ne vois même pas qu’il pourrait t’aider.

« Quoi ?! Tu t’étrangles quand il vient se dresser face à toi, et qu’il refuse de se bouger, de te laisser fermer la maison. Je... ÇA NE TE REGARDE PAS ! »

Oh là, ce n’est plus du tout le petit bout de femme adorable qu’il a connu qui lui fait face. Non, Eos, tu deviens mauvaise, tu te gonfles et jusqu’à tes yeux pourtant de la couleur du ciel devient sombre et nuageuse comme si une tempête se préparait. Tu lèves les mains, prêtes à lui rentrer dedans et tenter de le repousser, mais avant d’avoir pu faire ce que tu prévois, il t’attrape. Et… Ton sang se glace, se fige, ton souffle s’arrête. Il t’a passé les menottes.

« Arrête ! ARRÊTE ÇA ! Lâche-moi ! NE ME TOUCHE PAS ! Tu es littéralement enragée, ma belle. Tu te débats, tu rues entre tes bras, pour tenter de le faire lâcher prise, mais tu ne parviens à rien, Eos. Je m’en fiche de tes excuses ! Laisse-moi partir ! »

Non. Il t’entraine avec lui comme si tu n’avais pas pesé plus de quelques kilogrammes. En continuant de hurler, de crier, de te débattre, tu te retrouves entraînée chez toi, ton sac est abandonné dans un coin et il t’assied. Quand tu parviens enfin à lui faire face, tes yeux sont déchirés entre la douleur et la colère. Tu as l’air animale, bien plus sauvage que les pokémons que tu captures parfois. Et ses paroles, tu pourrais lui cracher dessus, hein… Jusqu’à cette supplication.

« Laisse-moi… Tes yeux débordent de larme, aussi secs qu’il t’a demandé de ne pas mentir. Laisse-moi, je t’en supplie. Je dois… Je dois partir… je… Tu ne comprends pas ! Et tes larmes se transforment en gros bouillons de sanglots. Ils finiront par me tuer… »

Peut-être pas littéralement, Eos, par contre un jour, ce sera au-delà de ta tolérance et tu te doutes que tu plaqueras tout. Tu craqueras, tu reviendras à la maison, et tu les laisseras te détruire jusqu’à ce que tu cesses de respirer. Mais ça, ma fille, Ethan ne le comprend pas… et pour cause. Alors tu pleures encore un peu et quand tu rouvres les yeux, c’est pour accrocher ton visage hideux à son regard et essayer d’expliquer :

« Les Gordons… ceux de la plainte… C’est ma belle famille. Ex… Tu secoues la tête. Il m’a réclamé une grosse somme d’argent et il m’a menacé de porter plainte pour l’état de dépression de son fils. Tu avales ta salive. Et bien entendu, ma mère s’en est mêlée. Tu crois quoi, Ethan ? Que j’ai un enfant ? Je le cache où, d’après toi ? Dans ma cave ?! Tu te secoues et tu viens te pencher au bout de ta chaise, pour planter ton regard déchiré d’orage dans le sien. Honnêtement… tu me crois aussi affreuse ? Si j’avais un enfant, je le chérirais, plus que tout, rien que pour lui prouver qu’une famille peut être une belle chose dans sa vie, toi, tu aurais dû le comprendre mieux que les autres ! »