Qu’elle était cette idée, Eos ? Nan mais, vraiment, toi, parfois, tu dois vraiment chercher ton mal. Tu veux pleins de belles choses, tu penses à un milliard de truc à la fois, tu essaies de faire au mieux, mais la vérité c’est que clairement, tu n’es pas la meilleure qui soit pour gérer un élevage. Ou pas encore. En tout cas, c’est absolument ce que tu en penses, toi, après ce qu’il s’est passé ce matin.

Tu es assise sur une chaise de la petite cuisine ancienne, les mains sur ton visage, le dos un peu voûtée depuis de longues minutes. Il n’y a aucun bruit autour de toi, tout simplement parce que tu as eu si peur que tu as remis tous tes pokémons en balls pour éviter qu’ils ne soient blessés ou choqués. Et c’est peut-être pour ça que toi tu te sens aussi mal maintenant. Tu es habituée d’entendre des bruits, des cris, voir des pokémons qui jouent, d’autres qui paraissent, et ce silence qui règne te rappelle le silence imposé par ta mère à la maison. Ouais… ça t'angoisse.

« Allez Eos, bouge-toi ma fille… Tu ne peux pas rester assise sur cette stupide chaise toute la journée… Tu te parles à toi-même, absolument oui. Tes mains viennent claquer contre tes joues et tu finis par te redresser sur la chaise. Il faut vérifier les dégâts déjà puis… rattraper tout ça. »

C’est au son de ta voix que tu décides enfin de te remettre sur tes pieds. Pendant quelques instants, ma douce, tu as cette impression que tout va s’écrouler autour de toi, et puis tu finis par simplement secouer la tête et repousser au loin cette idée. Non. Rien n’est perdu, tout n’est pas abîmé. En faite, c’est le choc qui parle pour toi, en toi, et qui te donne la sensation que ce qu’il s’est passé est si grave que cela.

Avant de sortir de la cuisine, tu fais un crochet par le grand évier en pierre et pour la seconde fois de la journée, tu viens attraper la grande bassine que tu as remplie d’eau et de glaçon et tu reviens y enfoncer tes doigts, lentement, jusqu’à immerger complètement tes mains, poignet bras, jusqu’au dessus des coudes. C’est penchée sur cette bassine que tu reviens enfin regarder l’état de tes bras. Rouges, un peu enflés, tu sais très bien que tu n’en garderas aucune cicatrice, mais tu ne peux pas t’empêcher de ressentir la même douleur que lorsque tu t’es jetée dans la cabane de jardin en feu.

En feu oui…. Tu soupires, Eos, et quand la sensation de chaleur pulsante réduit et reflux en toi et te voilà à ressortir tes bras de l’eau pour essuyer doucement ta peau et partir non pas vers le jardin mais en premier lieu vers la remise propre et ordonnée où tu stockes toutes tes plantes et remèdes et que tu as transformé, rapidement, en laboratoire de préparation de tout ce dont tu as besoin.

Dans l’atelier, c’est l’odeur des plantes, de la chlorophylle en passant par les arômes puissants de certaines fleurs et les musc particulier de certains des agent de fixation que tu utilises pour préserver les éléments actifs, qui te prend au nez. Pour nombre de visiteurs, cela serait simplement écoeurant ou repoussants, trop forts pour être simplement accepté. Pour toi, Eos, c’est simplement rassurant. Tu as développer un amour tout particulier pour l’odeur de cet endroit. Quand tu y entres, tu sais toujours que c’est pour concevoir ou trouver un remède qui soulagera une personne ou un pokémon et ça te réchauffe le coeur.

« Une crème grasse et des bandages, ça devrait me suffire pour l’instant. »

Si ça avait été quelqu’un d’autre, Eos, tu n’aurais pas pris si peu de soin à calmer les brûlures, c’est juste qu’il s’agit de ton propre corps et, comme toujours, tu ne lui donnes que peu d’attention. Tu viens donc grimper sur un petit banc, pousser sur la pointe de tes pieds et attraper un gros pot contenant un baume blanc, gras et épais, constitué à partir de plantes grasses que tu fais pousser dans ton jardin.

Comme tu l’as dit, tu viens enduire tes mains, tes avant-bras jusqu’au coude, et en serrant les dents tu fais entrer un maximum de la préparation dans ta peau abîmée et chaude. Quand tu finis, c’est avec une habitude d’expert que tu viens nouer deux bandages (un pour chaque main) autour de tes bras puis tu testes leur résistance et leur maintien avant de soupirer encore une fois et de ressortir de l’atelier d’un pas décidé.

Te voilà donc à retraverser la maison en entendant le bruit de résonance de tes pas dans le silence. Non, vraiment Eos, tu n’es pas faite pour vivre seule, c’est certain maintenant. Pourtant, si toute ton âme te supplie de libérer tes petits compagnons de feu pour les regarder se dégourdir les pattes et profiter de la maison, ton instinct continue de retenir ce geste au fond de toi.

C’est en arrivant dans le jardin que tu es obligée de te rendre compte, encore une fois, de l'erreur que tu as faite, aujourd’hui. Les herbes, dans le coin nord-est sont roussies, brûlées par endroit, calcinée à d’autres. La petite cabane où tu stockes quelques râteaux et autres instruments de jardinage fumme encore sombrement. Fort heureusement, le feu n’est plus actif et quand tu avances lentement, les jambes presque tremblantes, tu ne ressens plus la chaleur infernale qui s’en échappait il y a encore vingt minutes.

« Tout n’est pas perdu. »

Voilà ce que tu te répètes en avançant vers la cabane et en découvrant que, si la porte et la toiture ont été sacrément bien endommagées par le feu, le reste du batiment tient encore debout. Il va certes te falloir tout nettoyer, y mettre sacrément de l’huile de coude, mais oui, Eos, les pertes sont moins importantes que ce que tu avais prévu.

C’est en arrivant devant la cabane que tu acceptes, enfin, de repenser à comment tout cela s’est passé. Tu as fait une erreur. Probablement que ceux qui te connaissent te dirait que ce genre d'événements commencent toujours par une erreur, mais toi, Eos, tu en prends conscience que maintenant. Donc voilà, tu as fait une erreur… tu en as fait plusieurs. Ca a commencé quand tu es rentrée de Thiapolis, bien trop pressée de libérer tous les pokémons que tu avais emporté en pokéballs pour leur montrer où serait leur nouvel endroit de vie. Parmi tous, il y avait ces deux Caninos qui ne cessaient de tourner dans tes pensées, et c’est bien là ta plus grosse bêtise.

Tu venais de libérer Silver, Natsu, et Zmeï dans l’espace quand tu as décidé de faire de même avec Clyde, en premier temps, afin de pouvoir prendre soin de lui. Et tu as fait ça dans la cour, là où il te semblait qu’il se sentirait le moins agressé par ta présence et le nouveau lieu. Ca s’est plutôt bien passé, alors tu as pris un peu trop la confiance et le temps que tu t’écartais pour aller chercher de la valériane et des baies gourmandes, tu as décidé de lui rendre sa compagne pour lui tenir compagnie.

C’est elle qui a complètement paniquée. Silver s’était rapproché du Caninos blessé pour le renifler et elle a probablement pris cela pour une attaque. Le temps que tu te retournes, la femelle s’était attaqué au Héricendre et les attaques feu explosaient dans les deux sens. Tu as juste eu le temps de rappeler tes pokémons en ball pour éviter que ce ne soit tout l’élevage qui parte en cendre…

C’est la cabane de jardin qui a tout pris. Les pokémons disparaissaient les uns après les autres quand tu t’es rendue compte de ça. Et le problème, Eos, c’est que tu es une jeune femme qui ne prend pas toujours le temps de penser avant d’agir. Cette fois-ci encore, tu t’es littéralement jetée en avant, pour intervenir de peur que les herbes ne s’enflamment plus et qu’un incendie incontrôlable ne se déclare chez toi. Avec des seaux d’eau et l’aide du puit de la cour, tu es venue éteindre les herbes, et puis, tu as continué sur la cabane. Te jetant en avant, directement au contact du feu, tu n’as pas hésité un instant pour attraper des objets brûlants et les tirer des flammes, d’où tes blessures sur les mains.

Donc voilà. Une erreur, puis une autre, et encore une fois. Dans toutes cette folie, tu as réussi à remettre les pokémons à l’abris assez vite pour être persuadé qu’aucun n’avait été blessé. Maintenant, Eos, tu es devant ce triste tableau en te demandant par quoi tu vas commencer. En vérité, tu pourrais simplement commencer à chercher du bois, pour refaire une porte, aller à Lucinel chercher de quoi décaper les murs, mais tu n’as même pas la foi de ça. Non… c’est une toute autre idée qui te tourne dans la tête.

« Je suis probablement folle de faire ça mais… je ne peux pas attendre et repousser indéfiniment. »

C’est ça oui. Tu pourrais prendre le temps de souffler et de te remettre de tes émotion mais ce n’est pas ce que tu décides. Non, au contraire. Tu retraverses la course sans hésiter et dans le hall d’entrée de la partie de la vieille maison que tu retapes et qui est ton lieu de vie, tu attrapes ton fameux sac de marche. Il y a déjà tout ce qu’il faut pour une balade. De la nourriture, de l’eau, des plantes. Un crochet par l’atelier te permet de rajouter de la valériane et quelques autres plantes particulières et puis tu sors de la maison, tes pokéballs dans la poche dédié de ton sac.

Tu marches pendant un long moment. Là où tu veux aller, ce n’est pas tout près de la maison, mais tu as tant l’habitude de marcher que ta foulée est puissante et que tu couvres le chemin avec une vitesse qui pourrait surprendre des promeneurs. Véritablement, Eos, tu donnes l’impression d’être un Tauros piqué par une mauvaise mouche. Et dans le fond, c’est peut-être un peu ce que tu es, avec ta drôle de dégaine à base de bras bandé, short noirci par endroit et débardeur blanc qui n’a plus rien de blanc.

C’est quand la nature commence à laisser place à la roche que tu sais que tu approches de l’endroit que tu visais, Eos. Tu n’es partie en balade pour le plaisir de trouver de nouvelles plantes, des pigments ou même des pokémons dans le besoin, oh non. Si tu es en train d’approcher des Grotte Charbi, c’est pour l’unique raison de ces deux pokéballs qui pèsent sur ton esprit et qui contiennent des pokémons encore sacrément dangereux.

Tu comptes en effet en finir avec les Caninos. Ces deux chiens de feu ont besoin de ton aide, et tu te refuses complètement de les laisser enfermer dans leurs balls comme des éléments problématiques. D’autres le feraient, qu’on se le disent. Ils utiliseraient certainement l’effet apaisant des balls pour finir par les convaincre, mais toi, Eos, qui tient tant à ta liberté, tu te refuses de prendre celle des autres, humain ou pokémon. Oui, chacun est traité de la même manière, c’est comme ça que tu fonctionnes.

« Bon, mes petits, il va falloir que l’on discute vous et moi. Espérons simplement que vous ne cherchiez pas à me rôtir trop rapidement, parce que j’aimerais vraiment faire votre connaissance, pour ma part. Tu murmures en prenant les deux pokéballs qui m'intéressent dans le lot de celles contenant tes pokémons. »

Si ton coeur voudrait libérer rapidement les deux Caninos pour tenter d'interagir avec eux, tu prends pourtant le temps de bien préparer cette rencontre. Isolée à l’entrée de la première salle minérale, tu viens poser les pokéballs sur le sol, avant d’ouvrir ton sac, et en sortir tout un amas de sachets à base de plantes et de fleurs. Avec un savoir-faire qui n’a plus rien à prouver à personne, tu récupères différentes plantes que tu mélanges entre elles. Une poignée de fleur, tu viens enlever les pétales délicatement, une à une. Puis tu mélanges consciencieusement le mélange dans un sac en toile. Quand tu en as finis de tout cela, te voilà à venir faire plusieurs tas de ce mélange dans la pièce, en arc de cercle et tu reviens te placer au milieu de cette forme après avoir craqué une petite étincelle dans chaque tas pour en tirer une fumée fine, odorante et rassurante.

C’est quand tu en as fini de toutes ces préparations que tu viens enfin reprendre les pokéballs dans tes mains. Tu pourrais libérer les deux Caninos ensemble, mais le souvenir de la colère de Bonnie te fait clairement revenir sur ce choix. Alors, plutôt que d’imposer un nouveau stress au mal blessé, c’est la femelle que tu choisis de libérer en premier. Tu ranges la première pokéball, et tu lances la secondes. Concentrée, calme et préparée, tu regardes la forme du gros chien de feu apparaître devant toi, dans une attitude clairement agressive, comme un souvenir de ce qu’elle a été juste avant.

« Hey ma jolie. Tu fais entendre d’une voix calme, en attirant aussi sec son regard sombre. Je ne te veux aucun mal, d’accord ? Je veux juste apprendre à te connaître. Tu présentes tes mains vides de toute arme, lentement. J’ai besoin d’aider ton compagnon, mais si tu ne me fais pas confiance, je ne pourrai pas te laisser veiller dessus sans risque. »

C’est fou comme ta voix est calme, et comme tu sembles transformée, Eos. Tu es sûre de toi, tu te tiens droite, sans prendre une attitude qu’elle pourrait prendre pour de l’agressivité. Tes yeux la parcourent, et quand la Caninos s’avance vers toi d’un bond, en grognant de tous ses crocs, tu ne frémit même pas. En faite, tu ne fais rien d’autres que la regarder, en conservant cette attitude ouverte.

Bonnie semble se surprendre de ta réaction. Elle recule, renifle le sol, grogne encore quelques fois sans réussir à te tirer une expression de crainte. Quand elle fait mine de reculer pour s’échapper dans les grottes, plus profondément, tu as un sourire. Elle est intelligente, cette Caninos, elle est clairement entrain de te chercher, de te tester. Comme pour lui prouver que tu ne comptes pas changer d’attitude et que tu n’iras pas vers elle sans son accord, tu plies lentement les jambes et quand tes fesses tombent sur le sol, tu fais entendre encore ta voix.

« Je ne suis pas pressée, prends le temps qu’il te faut pour décider si tu veux me faire confiance ou pas, d’accord ? »

La Caninos grogne un peu quand tu bouges pour t’asseoir, mais tu ne lui laisses pas le temps d’attaquer ou fuir et tu finis par poser les fesses au sol. Tes yeux ne sont pas décidés à la lâcher. Au sol, tu sais aussi que tu es vraiment à sa merci. Il suffirait qu’elle se jette sur toi et d’une attaque morsure, elle pourrait t’arracher la tête ou te faire saigner à mort. Pourtant, tu choisis clairement de lui faire confiance. Comment réussir à gagner la sienne si tu ne lui offres pas la tienne, hein ?

Tu restes en silence pendant de longues secondes, Eos. Tu observes la Caninos nerveuse, qui fait des allers et venues. C’est comme ça que tu remarques que, petit à petit, elle renifle de plus en plus l’air et les odeurs qui s’y répande. Comme tu l’as déjà dit à Ethan, ce n’est pas des drogues que tu utilises, simplement des remèdes qui aident à s’apaiser, à relâcher la tension, mais qui ne force en rien à retrouver un calme non voulu.

Même toi, Eos, tu commences à te sentir un peu plus détendue, au fur et à mesure que l’odeur se répand dans l’air. Ce n’est pas trop fort, avec l’air qui rentre dans la grotte par derrière toi, les arômes deviennent rapidement subtil. Il te faut un peu de concentration pour reconnaître chaque fragrance et visiblement, la Caninos est décidée à en faire autant que toi.

Les minutes passent lentement. Elles s'égrènent dans le vent et les odeurs et après la colère, l’agressivité et la tentative de fuite, tu vois le pokémon en venir à une forme de résignation. Ce n’est pas de l’abandon, elle n’a pas l’air de le faire contre sa volonté, mais elle semble se rendre compte que rien de tout ce qu’elle fait ne te fait réagir. Tu sais aussi qu’elle ne se sent pas assez en danger pour t’attaquer et qu’elle préfère se reculer que de venir te mordre. Toi, Eos, ça te va plutôt bien comme choix.

« Tu veux venir un peu vers moi, ma jolie ? Tu finis par lui proposer tout doucement. Si tu as faim, j’ai amené un peu de nourriture, tu sais. »

Et tu viens attraper tout doucement et tout lentement ton sac à dos. Tu y plonges la main sans cesser de regarder la Caninos avant de sortir un peu de nourriture que tu sais qu’elle appréciera. Tu ne connais pas que les plantes de soins, tu as appris les goûts de chaque pokémon de type feu… tout simplement parce que tu es complètement fan de ce type. Quand tu te passionnes pour quelque chose, tu finis invariablement par pousser ta curiosité à son paroxysme.