L’histoire débute souvent de la même manière pour toi. Il était une fois, une jeune femme qui, malgré ses presque 30 années de vie, arrivait encore à oublier sa tête dans un coin et à se perdre au moindre sentier dont elle sortait. Cette fois-ci n’est pas différentes des autres, qu’on se le dise. Tu es partie de l’élevage pour faire le plein de plantes et de baies, c’est quelque chose qui arrive souvent. Et puis, en chemin, tu as rencontré des gens, qui avaient besoin de toi. Et te voilà maintenant à chercher à la fois tes plantes, mais aussi un Roselia pour la petite fille d’un couple qui t’a hébergé. C’est son rêve et toi, les rêves des enfants, tu prends ça bien à coeur.

Du coup, tu finis par te perdre dans la Lande un panier accroché au bras et ton sac sur le dos. Natsu, ton Goupix et Silver, la petite Héricendre, sont hors de leur pokéball pour te tenir compagnie, mais aussi parce qu’ils apprécient tous les deux le lieu et le calme qui s’en dégage. Tu les regardes jouer dans l’herbe, se sauter dessus, rouler sur le sol avant de se remettre sur patte en émettant des cris de joie, c’est comme ça que tu sors encore une fois du chemin. Et, ma vieille, quand tu t’en rends compte, il n’y a plus que de l’herbe à foison autour de vous.

« Eh bien, me voilà encore nulle part… Tu marmonnes en regardant la nature qui ondule sous la brise douce. Natsu, Silver, ne vous éloignez pas les chéris, je ne sais pas où nous sommes. La petite Héricendre vient sautiller dans tes pieds en émettant des sons et tu finis par sourire étrangement. Tu as raison, c’était peut-être par ici que l’on a rencontré Ethan la première fois. »

C’est à cette pensée que tu prends une expression nouvelle, Eos. Si ta mère te voyait, elle se chargerait de te ramener à la réalité avec l’une de ces gifles dont elle avait le secret. Ça faisait un bruit qui choquait presque autant que la douleur ou la surprise. Elle aurait posé un regard dégoûté sur toi, en te disant de cesser de rêver. C’est bon pour celles qui n’ont pas d’avenir, de rêver, toi, Eos, tu avais de grandes choses à accomplir.

« Gou...pix ? »

Tu sursautes en sentant le petit Natsu venir s’enrouler dans tes jambes et relever un regard curieux, probablement un peu inquiet sur toi. Tu vois, si Silver est une boule d’amour qui déverse son grand coeur sur tout le monde, le joli Goupix s’est principalement attaché à toi. Il ne cesse de te protéger et de veiller à ce que tu recommences à sourire. Et, encore une fois, il arrive à chasser ce souffle de souvenir de ton esprit et te voilà à t’accroupir pour lui offrir une caresse, ainsi qu’à Silver qui vient vite réclamer sa part.

« Tu as raison Natsu, il faut profiter de l’endroit. Que diriez-vous de pique-niquer en cherchant cette Roselia ? Et si l’on trouve des fleurs, je promets de vous tresser à chaque une couronne de fleurs, d’accord ? »

C’est le cri heureux des deux pokémons qui t’apprend que l’idée est reçue avec les honneurs. Tant mieux, tien !

Il ne te faut donc pas plus pour te redresser et regarder autour de toi. L’endroit est beau, et tu as envie de t’y arrêter, Eos, mais tout au fond de toi, tu as cette crainte de te faire happer par d’anciens souvenirs. Alors après un instant d’hésitation, tu finis par reposer un pied en avant et, comme si c’était un déclencheur pour tes deux pokémons, tu te retrouves à les voir te dépasser en sautillant.

« Bon, si j’étais un Roselia, où irais-je me cacher ?
-Heri, herii, hericeeendre !
-Hm, un pokémon aussi beau qu’une fleur pourrait se cacher parmi elles. Cherchons un champ de fleurs, alors ! »

Et Silver a l’air vraiment fière d’elle, d’avoir pu te donner une piste, et toi tu es bien contente d’être assez à l’écoute de tes pokémons et de les observer pour le faire pour comprendre leurs cris et les mimiques qu’ils font pour te guider. Vous avancez tous les trois dans les herbes assez hautes pour cacher par moment les petits pokémons de tes yeux. Toi, ma belle, tu ne cesses de les chercher, de les compter, de les effleurer du regard pour ne pas les perdre.

« Oh regardez ! Tu clames subitement, en montrant dans les airs un superbe banc de Passerouges qui font des ballets aériens. Ils sont si synchronisés… »

Tu es quand même pire qu’un Papilusion, nan ? Il te suffit de voir quelque chose pour oublier le reste et te retrouver plantée dans une plaine avec la tête basculée en arrière. Tu vois, tu t’es souvent demandé comment un type comme Ethan avait pu finir encorné par un Tauros furieux, mais vu comment tu es à l’instant, il y en aurait un qui te foncerait dessus que tu ne le verrais pas plus. Peut-être c’est ça, la réponse à ta question, il regardait des beaux pokémons vols faire un spectacle dans les cieux ?

En tout cas, tu es captivée un moment par ce que t’offrent les petits oiseaux rouges. Ce n’est qu’en entendant la petite Héricendre qui t’appelle et tire sur ton pantalon que tu penses (enfin !) à baisser la tête. Tu les découvres alors, tous les deux, tes pokémons à attirer ton attention pour s’élancer l’un et l’autre et… oh non. Ils se mettent à faire des galipettes, des sauts, des pirouettes, plus ou moins en même temps. Et toi, ma douce, tu te retrouves à devoir porter la main à tes lèvres pour retenir le rire qui monte en toi.

« Vous me faites un spectacle, c’est ça ? Tu leur demandes, en retenant ton rire en toi. Vous êtes merveilleux ! »

Et probablement jaloux de l’attention que tu donnes à d’autres, c’est vrai. En tout cas, tu les regardes se démener avec plutôt pas mal d’énergie quand soudainement, le Goupix réapparait hors de l’herbe, mais pas son compagnon Héricendre. Et toi, ma belle, tu as déjà failli perdre un pokémon récemment, tu ne supporteras pas ça, alors tu démarres au quart de tour.

Te voilà à crier le nom de ton pokémon avant de bondir en avant. Natsu aussi à l’air surpris de la situation et quand tu passes près de lui, il saute et tu n’as qu’à tendre les bras pour le réceptionner contre ton coeur alors que tu entends ses petits cris, comme s’il cherchait à te calmer ou à appeler sa compagne. Et toi, les bras solidement refermés sur le corps du renard de feu, tu traces à travers les herbes hautes vers là où était le Héricendre.

Ce que tu ne prévois pas, sûrement comme Silver en fait, c’est que la plaine cesse soudainement sous tes pieds et qu’une pente un peu abrupte t’attendait là, comme un piège bien ficelé. Tu n’as le temps de ne rien dire, ma pauvre, tu bascules en avant et si pendant quelques secondes tu te retrouves à courir sur la pente de quelques mètres, l’herbe encore humide de la précédente averse te fait glisser et… ouais pour la millième fois cette année, tu te retrouves à valdinguer la tête la première, avant le goupix contre toi. Tu t’enroules, tu fais des roulades en boucle, en encaissant les chocs consécutifs et les cailloux qui te blessent, mais quand le mouvement cesse, tu es sur le dos, bien sonné, alors que le Goupix se libère de tes bras et trotte sur ta poitrine pour venir te lécher le visage de sa langue brûlante.

« Goupiiiiiix ! Goupixgoupix ! »

Toi, dans le flou, tu l’entends presque clairement te supplier de te réveiller et tu cherches au fond de toi pour revenir à la réalité et te secouer, parce que Silver n’est pas encore en vue pour l’instant.

Il te faut de longues secondes pour que ta tête cesse de vibrer et que tu arrives à chasser la sensation de roulis qui te tient toujours. Tu te retrouves à cligner plusieurs fois les paupières pour comprendre ce qu’il se passe, et tu finis par comprendre que la sensation chaude et poisseuse qui, au départ, te laisse croire que tu t’es ouvert le crâne et que tu saignes, n’est rien d’autre que Natsu qui te noie de sa bave pour te faire revenir à lui.

« Du calme, mon beau. »

Tu le repousses de ton visage et lentement, te voilà à te remettre sur tes jambes pour regarder autour de toi et calmer autant sa frayeur que la tienne. Au-dessus de vous, il y a le plateau où vous étiez. Là, toi, tu te trouves dans un vallon pas très gros. Des belles et grandes fleurs colorées se mêlent aux herbes bien vertes et brillantes. Au loin, tu repères le plus d’un petit ruisseau qui clapote.

« SILVER ? »

Ta voix résonne dans le val et revient en écho qui te fait froncer les sourcils. Sans te laisser plus le temps de te reprendre, te voilà déjà à te remettre sur tes jambes en déposant le Goupix à tes pieds. Il vient s’enrouler dans tes jambes en te surveillant de ses grands yeux sombres et toi, Eos, tu cherches la trace de ton autre pokémon.

Il n’y a rien qui te répond, c’est peut-être ça le pire. Si Silver était tombée là, elle devrait te le faire savoir, en se faisant entendre. Les deux raisons à ce silence te rendent complètement dingue, Eos : soit elle est inconsciente et ses blessures sont probablement graves, soit elle n’est pas tombée ici comme tu le croyais. L’un dans l’autre, ça te remue suffisamment pour que tu te dépêches de regarder autour de toi, jusqu’à apercevoir des herbes un peu tassées et dont certaines brindilles semblent cassées.

Le truc, c’est que c’est en faisant ton premier pas que tu te rends compte que toi non plus, tu ne t’en es pas sortie indemne. Si tu n’as pas de blessures visibles, hormis quelques égratignures ou bleus, ta tête vibre et tu as la sensation qu’un Voltali t’envoie une attaque éclair en pleine face. Tes yeux se ferment d’eux-mêmes alors que tu pars sur le côté. Il te faut attraper ta tête d’une main et cherche ton équilibre de l’autre pour finir par éviter la chute.

« GOUPIX !
-Ça va, ça va Natsu. J’ai simplement dû me cogner la tête. Viens, avançons, il faut trouver Silver. »

Si ton Goupix n’a clairement pas d’accord avec cette idée, tu es probablement bien plus entêtée que lui. Avec lenteur, te voilà à appuyer sur tes pieds sans lâcher ton crâne de ta main droite. Et tant bien que mal, tu avances vers les herbes qui semblent abîmées, à quelques mètres de vous, alors que Natsu ne quitte pas le contact de ta jambe, complètement concentré à t’aider à avancer et à ne pas tomber.

Mine de rien, Eos, tu en as de la chance d’avoir des petits compagnons aussi dévoués non ?

Quand tu atteins les herbes que tu as repérées, tu vois bien que c’est Silver qui est passé par là. C’est tout frais et la taille de la silhouette qui est tombée là est trop petite pour être un humain ou un plus gros pokémon. Lentement, te voilà à t’accroupir pour toucher l’herbe. Tu observes les alentours, et c’est quand tu commences à sentir l’inquiétude revenir souffler un vent dangereux en toi que tu entends le Goupix, qui s’est écarté de toi, t’appeler.

Il te faut un peu de temps pour te remettre sur tes jambes. Tu finis par le rejoindre maladroitement et quand tu découvres une ligne d’herbes abîmées, un peu roussie sur le bout, tu retiens un souffle de soulagement. Ne pas se réjouir trop tôt, Eos, tu le sais. Aux côtés du Goupix qui ne cesse de faire peser son regard sur toi et qui s’inquiète clairement de ton état, tu te retrouves à avancer vers le léger bruit de clapotis que tu entendais jusque là.

« Silver ?
-Gouuupix ? »

Tu es en train de ronger nerveusement l’un de tes ongles, avec toujours cette sensation que ta tête va exploser quand il y a du bruit pas loin devant vous. Tu te figes en intimant à Natsu d’en faire autant. Les herbes bougent, frissonnent et toi, Eos, tu continues à te dire que si ton pokémon était celui qui se trouvait là, tu aurais déjà eu une réponse. Même si tu sais que les pokémons de la Lande sous paisible, tu te retrouves incapable de ne pas prendre le temps d’observer pour te préparer au pire.

Pendant de longues secondes, ma douce, tu ne fais qu’observer ce qu’il se passe devant vous. Le Goupix coller contre ta jambe commence à se gonfler, le poil tout hérissé, comme s’il s’apprêtait à passer à l’attaque pour te protéger, et quand tu l’entends grogner, tu comprends qu’il ne faut pas laisser la situation s’éterniser. Sans faire un bruit, tu te retrouves à avancer doucement dans l’herbe et tes poings se serrent de plus en plus.

C’est un mètre avant d’arriver au ruisseau que tu entendais sans difficulté que tu découvres la chose la plus étrange que tu aies vue aujourd’hui. Parce que ton Héricendre est bien là, couché sur le côté, inconscient. Si ta première réaction est l’angoisse et l’envie de bondir à ses côtés pour vérifier son état, tu te figes quand tu vois un Salamèche oser mettre les pattes dans l’eau pour venir humidifier le front de la petite Silver.

C’est lorsque le pokémon sauvage relève les yeux vers toi que tu te rends compte qu’il ne t’avait même pas entendu arriver. Il se fige, tout autant que tu l’es, et tu l’entends clairement murmurer son cri, l’air de ne pas savoir si tu es un danger ou pas. Et toi, tu es et seras toujours fidèle à qui tu es. Alors tout doucement tu viens tendre une main vers lui, ouverte, sans agression.

« Coucou toi… Ne prends pas peur, je ne te veux aucun mal. Ta voix est douce, rassurante et le Salamèche n’ose plus bouger. C’est toi qui as emmené Silver ici ? Tu voulais le soigner ?
-Sala…
-Tu as l’air d’un incroyable pokémon. Tu me laisses approcher, que je puisse le soigner ? »

Et te voilà à parler à un pokémon sauvage pour avoir son autorisation d’approcher. Drôle de sketch non ?

Le Salamèche respire à peine. Tu vois bien à son attitude qu’il hésite à s’enfuir en courant, comme beaucoup de pokémons sauvages le font face à des humains. Toi, Eos, tu es différente de beaucoup de tes compatriotes. Si certains ne se seraient pas démonté et auraient lancé leurs pokémons et une pokéball aussi sec sur le petit, toi tu lui demandes cette permission. Et ensuite tu attends, sans bouger, sans respirer.

Il finit par oser bouger. Doucement, tu le vois reculer le long du ruisseau en veillant à ne surtout pas entrer dans l’eau et quand son cri se fait à nouveau entendre, tu comprends qu’il accepte que tu ailles vers ton pokémon. Là encore, Eos, tu ne te précipites pas. Tu viens juste lentement vers eux et quand tu t’accroupis près du Héricendre qui à l’air sonné, mais pas blessé gravement, tu glisses pas main dans une de tes poches pour ressortir des friandises que Joannie fabrique à sa boutique.

« Natsu, va en donner un à notre nouvel ami, s’il te plait.
-Goupix !
-Moi, je m’occupe de Silver. »

Le petit Goupix attrape le gâteau dans sa gueule et en bondissant sans crainte, il va vers le Salamèche. Il finit par poser le gâteau devant lui et le pousser du nez, en répétant plusieurs fois son cri pour lui faire comprendre que c’est pour lui. Du coin de l’oeil, ma douce, tu finis par voir le pokémon sauvage attraper le gâteau entre ses pattes, le sentir maladroitement et finalement il vient l’engloutir tout rond avec gourmandise.

Tu finis par simplement t’agenouiller près du petit Héricendre qui respire sans difficulté. Doucement tu poses ton sac à côté de toi, ainsi que ton panier et tu ouvres le sac à dos pour récupérer des remèdes de plantes et les poser près de toi. Plus loin, assis par loin du Salamèche, Natsu t’observer en geignant à rythme soutenu par inquiétude pour son ami de feu. Le Salamèche, lui, renifle l’air et tu te doutes qui cherche d’autres gâteaux.

« Je m’occupe de mon petit ami et je t’en donnerai d’autres, d’accord mon grand ? Tu lances au Salamèche. »

Il a plutôt l’air de ton avis, tu vois, parce qu’il accepte sans même cherche ta proposition d’un hochement gourmand de tête. D’ailleurs, il vient même s’enhardir à s’approcher un peu et, comme Natsu, il finit par tomber assis, l’air un peu idiot, et t’observer avec ses grands yeux curieux. Toi, Eos, tu n’as pas mille choses à réfléchir. Tu bouges doucement le corps de Silver et tu trouver une petite blessure sur sa patte arrière et une bosse sur sa tête.

Avec douceur, tu viens panser sa patte et appliquer un baume odorant sur sa tête. Quand tu finis par lui faire humer des sels puissants, la petite bête finit par se secouer et il ouvre maladroitement ses paupières, l’air perdu. Son cri te déchire le coeur et tu t’empresses de lui faire boire un mélange d’eau claire de la rivière et d’un antidouleur naturel en caressant sa peau.

« Je suis là, Silver, ça va aller. Tu as pris un coup sur la tête en tombant, mais un gentil Salamèche t’a aidé. Tu viens poser tes lèvres sur son nez chaud et humide. Je vais te remettre en pokéball pour que tu te reposes, d’accord ? »

Le Héricendre refuse. Il a clairement du mal à rattacher les choses à la réalité. Tu le vois se secouer, tenter de te convaincre de ne pas l’enfermer dans sa ball. Il te faut de longues minutes à le tenir dans tes bras et à le chouchouter pour qu’il finisse par se résigner. Encore plus que tu lui jures de la ramener avec vous quand vous prendrez le goûter.

Quand la pokéball se referme sur Silver, ton coeur est tendu, lourd, mais le plus gros de la crise de panique est passé. La petite Héricendre n’a rien de très grave et tu es persuadée qu’elle se remettra vite sur patte. De toute façon, au moindre doute tu iras à une clinique ou trouvé Kayden pour avoir son avis.

« Sala ?
-Ah oui, je t’avais promis quelque chose, excuse-moi, mon joli. »

Tu changes de position pour te retrouver assise au bord de l’eau et pouvoir fouiller plus facilement dans tes poches. Tu finis par en ressortir deux autres friandises que tu tends devant toi, sans les quitter des yeux, mais avec ce sourire si doux que même ton regard paraît aussi tendre que du beurre au lait Meumeu. Face à toi, le Goupix se relève aussi sec et vient trottiner jusqu’à ta main pour prendre dedans en te gratifiant d’une grosse léchotte. Il se tourne vers le Salamèche et l’enjoint à en faire autant alors que tu t’es figée, toi, comme une statue de sel pour ne pas faire fuir le petit pokémon sauvage et lui prouver que tu ne lui veux aucun mal.