Oui, tu avais accepté de la ramener. Tu avais eu tout le loisir de remarquer que, franchement, cette femme était peut-être douée avec les Pokémon, tu ne doutais vraiment pas qu’elle puisse être une éleveuse compétente, cependant, en ce qui concernait son sens de l’orientation et la prudence sur les routes, c’était toute autre chose. Sérieusement, il y avait bien des choses à redire, et tu avais crains qu’elle ne puisse s’égarer, ou bien faire de mauvaises rencontres. C’était stupide, Ethan. Elle avait su se frayer un chemin jusqu’à la Lande, et même te retrouver, alors, probablement que tu exagérais un peu, mais tu avais insisté auprès de ton supérieur pour prendre un peu de temps, tu avais prétexté devoir ramener une « amie pas très dégourdie » chez elle et vu que tu n’avais pas demander de congé depuis … toujours, il n’avait pas tant râlé que ça.

De Skyler Bay à Lucinel, il y avait une longue route, tu avais donc fait ton possible pour que vous empruntiez au maximum les moyens de transports mis à votre disposition et quand ça n’avait plus été possible, tu avais repris la tête de la marche, avec juste Azel dans les pieds, puisqu’elle avait grandement insisté pour voyager hors de sa Pokéball. La route avait été longue, pénible, mais au terme de celle-ci, tu avais pu te reposer, comme promis, l’élevage que tenait Eos était relativement reposant, certes, encore à l’état de travaux, en cours, mais déjà prometteur.

Et pourtant, Ethan. Tu restes qui tu es, n’est-ce pas ? Et évidemment, tu n’étais pas resté si longtemps que ça, à l’élevage. Tu savais que tu étais proche des grottes Charbi, et tu savais aussi que tu n’avais toujours pas réussi à mettre la main sur ton Malosse. Du coup, lorsqu’Eos avait eu le dos tourné, tu avais rapidement attrapé Azel, et malgré ses protestations, en te voyant prendre la poudre d’escampette de ce lieu pour la seconde fois, tu étais parvenu à t’échapper sans que l’éleveuse ne te remarques, ou ne te rattrapes. Oh, tu ne comptais pas partir comme un voleur … tu savais que ce serait inutile, de toutes manières, tu te doutais qu’elle reviendrait à toi pour te passer un savon à un moment donné, non. Tu étais simplement résolu à faire le tour des grottes, au moins une fois, une heure, ou deux, trois tout au plus, juste histoire de te donner une chance de dénicher ce que tu cherches. Ensuite, oui, tu avais prévu de repasser à l’élevage pour dire au revoir avant de faire le chemin inverse pour rentrer à Skyler Bay.

« Est-ce que tu boudes, Azel ? » Pas de réponse. De toute évidence, ta Salamèche, Ethan, est bien plus sociable que toi. Elle ne semble pas avoir apprécier que tu t’échappes sans prévenir la belle Eos, et ça, tu le savais, elle allait te le faire payer d’une manière ou d’une autre, d’autant qu’elle semblait apprécier l’éleveuse. « On y retournera après. C’est promis. Juste un tour … un petit tour. »

Tu es emmêlée dans un grand drap blanc, tes pensées virevoltants au loin et l’air clairement heureuse, aujourd’hui. Il faut dire qu’il y a de quoi être heureuse, Eos. Ethan t’a laissé venir chez lui. Quand tu t’es remise en route pour rendre les plantes trouver au vieux couple et rentrer chez toi, il t’a accompagné, comme si c’était la chose la plus normale qui soit. Dans le fond, ma belle, tu te doutes à son regard qu’il craint simplement que tu ne te perdes en chemin, qu’il ne te croit pas assez débrouillarde pour t’en sortir. Et avec un autre, tu aurais certainement pris la poudre d’escampette en râlant oui, sauf que là, tu lui as juste offert un joli sourire et tu as suivi ses pas. Tu sais quoi, Eos ? Tu veux passer du temps avec lui.

L’élevage est calme, comme tu le lui avais promis. Tu as bien vu que l’endroit semble l’avoir touché comme il ne cesse de bercer ton coeur. Dès que tu es arrivé à la maison, tu as lui a fait faire le tour, avec ses pokémons, Silver qui courrait partout et le petit Natsu lové dans tes bras, l’air aussi timide que quand tu l’as capturé, en douceur. En lui, Eos, tu as vu ce goupix qui t’avait touché le coeur quand t’étais gamine, et quand il est venu vers toi en boitillant, alors que tu marchais aux côtés d’Ethan, tu as décidé de lui ouvrir la porte de ta maison et de ton coeur.

Te voilà donc emmêlée dans le drap blanc d’une de tes lessives, oui. C’est Silver qui arrive en courant à toute allure, l’air clairement affolé, et elle te tire de ton ménage en émettant des cris précipités. Même si tu l’as toujours comprise, son inquiétude rend ses cris difformes et il te faut plusieurs minutes pour comprendre le souci. Ethan est parti avec Azel, vers les grottes. Natsu, qui ne voulait pas que tu sois triste s’est mis en tête de le suivre et l’arrêter. Silver est paniquée pour le petit renardeau et toi, quand tu comprends ça, tu lâches tout, tu attrapes Silver dans tes bras et sans penser à remettre des chaussures, tu pars en courant de l’élevage.

Tu es si paniquée, ma douce, que tu ne vois rien autour de toi. L’herbe devient gravier, le gravier roche, et tes pieds se mettent à devenir douloureux, mais tu n’en as même pas conscience. Silver pousse des cris destinés à attirer l’attention de Natsu, alors que toi, tu n’arrives même pas à émettre un cri pour le retrouver, ni Ethan. En faite, tu es tétanisée par la peur, tu viens de glisser des années plus tôt et tes yeux ne voient plus le présent, mais un passé douloureux.

C’est quand tu finis par te prendre les pieds dans une roche, sur le sol, et que tu glisses à cause du sang qui couvre la plante de tes pieds que tu reviens douloureusement à la réalité. Tu pars en avant, et tu serres Silver fort dans tes bras pour encaisser la chute pour elle. Pourtant, quand tu te stabilises, tu n’arrives pas à te redresser, tremblante et perdue.

« NATSUUUUUUUUUUUU ?! Ton cri est aussi déchirant que celui du petit Hericendre qui se fait entendre juste après le tien. ETHAAAAAN ! AZEEEEEEEEEEL ! Des larmes coulent sur ton visage, ma belle, et Silver s’échappe de tes bras. Je vous en prie, répondez-moi ! »

Ce que tu ne vois pas, Eos, c’est que Silver, elle, a entendu du bruit pas loin. Et alors que tu te recroquevilles sur toi-même, en essayant de te reprendre, elle s’échappe court et c’est sur Azel qu’elle saute pour arrêter les deux autres pas si loin. Elle se met à piailler à tout va, tire sur la queue de la Salamèche, puis mord le pantalon de l’homme pour les forcer à revenir avec elle vers sa maîtresse.

Tu es têtu, oui. Mais c’est comme ça, Ethan, tu es si détaché des autres, depuis toutes ces années, que tu ne penses même pas au fait que ton absence pourrait inquiéter quelqu’un, ou même provoquer de la peur, de la tristesse, voir de la colère. Tu as tant l’habitude de n’inspirer que l’indifférence qu’il n’y a, dans ta tête, pas le moindre souci au fait de faire ce tour rapide aux grottes, tu te dis que ça sera rapide, que tu veux juste voir, que si tu ne trouves pas rapidement ce que tu cherches, tu feras demi-tour aussitôt, et tu rentreras. Tu n’as clairement pas prévu qu’on puisse se mettre à te suivre, non, alors, tu ne fais attention à rien d’autre que ce qui se trouve devant ton nez, tu guettes les mouvements à l’intérieur des grottes, tu écoutes, dans les galeries profondes, tu essaies de ne pas perdre de temps.

Azel semble toujours t’en vouloir. Cependant, ta Salamèche te parais être aussi attentive que toi à ce qui vous entoure, sans doute désireuse de dénicher ce que toi, tu sembles chercher, au plus vite, afin que vous puissiez faire demi-tour plus rapidement. Et tu sais quoi ? Moins de dix minutes seulement après votre arrivée ici, tu captes un grognement. Un grognement très caractéristique, un grognement qui te pousses à accélérer le pas, à avancer, plus profondément, parce que tu te mets en tête de le suivre. Aveuglément, presque. Et tu aurais probablement perdu toute notion de temps, dans cette quête, qui, aujourd’hui, te parait plus fructueuse que toutes les autres fois, si, subitement, Azel n’avait pas poussé ce cri. Si Silver n’était pas apparue dans ton champ de vision en tirant sur la queue de la Salamèche, puis sur le bas de ton pantalon avec une force qui n’augure rien de bon. « Silver ! » Ta voix porte. Elle est grave. Puissante. C’est la voix que tu prends lorsque tu cherches à calmer tes propres Pokémon lorsque leurs instincts débordent. Pourtant, la petite Héricendre n’en démord pas. « Eos … » Voilà ce que tu murmures aussitôt. Tu comprends, oui, que quelque chose ne va pas, et tu finis par demander au petit Pokémon feu de passer devant. Elle se remets à courir à travers les galeries, et toi, tu la suis, au pas de course, Azel près de toi, tout aussi déterminée.

« Eos ! » Tu répètes, plus fort. « EOS ?! » Et là, tu es littéralement en train de paniquer. Tu le sens. Ça ne t’arrive pas souvent, parce qu’il est rare que tu te retrouves dans des situations qui te donnes l’occasion de ressentir un sentiment si désagréable et acide que ça. Mais là, ça te dévore de l’intérieur pendant plusieurs longues minutes, jusqu’à débouler dans une espèce de salle de pierre, jusqu’à la voir, au sol, le visage humide de larmes, les pieds en sang, sans chaussures. Et sans plus penser à rien d’autre, tu fonces dans sa direction, tu tombes à genoux près d’elle, et tes mains viennent s’accrocher à ses joues. « Qu’est-ce que tu fais là ? Qu’est-ce qui t’es arrivée ? Tu m’as suivi ? » Et là, ça te frappe. C’est de ta faute. Tout ça parce que tu n’as rien dit. Parce que tu as encore fui. Il serait tellement plus simple que tu apprennes à dire les choses, Ethan, mais … visiblement, c’est quelque chose que tu oublies encore trop souvent. On peut avoir l’espoir que ça finisse par venir, mais en attendant, le mal est fait, pour aujourd’hui. « Tes pieds … » Et tu relâches son visage, tes mains glissent, le long de sa jambe pour attraper doucement l’un de ses pieds, et tu grimaces, devant les coupures, le sang, les morceaux de pierres coupantes dans sa peau. « Je vais te porter. Viens. »

Tu pleures. C’est ridicule de pleurer, tu entends encore la voix dure de ta mère te le dire et te le répéter, quand tu craquais si souvent parce qu’on t’avait trouvé un époux et que toi, tu voulais simplement vivre. Alors oui, tu entends cette voix que tu as appris à haïr te dire que c’est ridicule. Et dans le fond, Eos, tu sais bien que ça ne fera pas revenir Natsu, ni apparaître Ethan devant toi, mais tu es tellement perdue, engluée dans ces souvenirs qui te rendent malade que tu n’as rien à faire de mieux.

Au final, tu es en train de lutter, sur le sol, recroquevillé, pour reprendre le dessus, en tapant un de tes poings sur le sol à un rythme presque régulier quand tu entends ton prénom. Lointain. Puis encore une fois. Tu relèves ton visage tout humide vers une galerie et c’est là que tu les vois. Silver en tête de course, qui avance à toute allure en soufflant fort. Elle emporte dans son sillage Ethan et Azel, et c’est lui qui t’a ainsi appelé.

Il se jette devant toi, et si tu sens ses mains sur tes joues, si tu entends ses questions, si tu comprends qu’il voit l’état de tes pieds, et bien tu n’arrives pas à réagir. Pire, même, tu viens littéralement craquer et te jeter contre lui, en passant tes bras autour de son cou pour enfouir ton visage contre son épaule. Tu trembles ma douce. Tu pleures et tu trembles et il te faut quelques secondes pour rejeter au loin tout ce qu’il dit et propose.

« Non ! Ta voix claque, et tu le relâches aussi vite que tu lui es tombé dessus. Une de tes mains reste simplement accrochée à son haut, alors que tu reprends. Où est Natsu ?! Tu l’as vu ? Silver s’est un peu écartée de vous pour renifler l’air et visiblement chercher le Goupix elle aussi. Silver m’a dit qu’il t’avait suivi quand tu es parti, parce qu’il s’inquiétait que je ne sois triste et… et… Tes yeux débordent à nouveau alors que tu reviens cogner le sol, plus rageusement. Je n’arrive pas à le trouver ! »

Tu as déjà rejeté au loin cette idée de pied sanglant ou de douleur à la marche. Tu n’as d’yeux que pour l’homme qui s’est jeté à tes côtés et qui tente, tant bien que mal de te rassurer ou au moins de prendre soin de toi. Tes doigts viennent chercher sa main et tu refermes ta prise sur sa peau, tu serres en tremblant et pourtant avec une prise qui laisse voir la force qu’il y a en toi. Tu n’as pas retapé la maison et l’élevage toute seule pour rien, hein.

« Je t’en prie, Ethan, il faut que tu m’aides à le retrouver. Il ne connait pas du tout les environs et il pourrait être perdu ou blessé… Tu portes tes deux grands yeux sur lui, et tu le captures sous la coupe de tes iris pâles. Je ne voulais pas te suivre ou te faire peur. Je… je veux juste trouver Natsu. Si tu veux que je te laisse, ensuite, je ferai ce que tu veux, mais il faut que je le retrouve ! »

Et te voilà à pousser sur tes jambes pour te remettre debout, en tenant à peine sur tes pieds, avec cette sensation qu’on te brûle la chair et qu’on l’écrase en même temps. Tu boitilles, avant de tirer sur sa main et de le forcer à suivre ton mouvement.

« S’il te plait, ne me laisse pas. Que tu répètes, une dernière fois, l’air complètement dépassé. »

Oh, bon sang, Ethan, elle pleure. Et toi, toi, mon vieux, tu n’as jamais su y faire avec les gens qui pleurent. Et là, c’est pire. C’est elle. Et tu ne sais pas ce que ça veut dire, ça, mais, ça te chamboule complètement de la voir en larmes, comme ça, de te dire que tu y es pour quelque chose, ça te rend complètement dingue. Tu pourrais juste te mettre à hurler la rage qui s’installe en toi, mais tu crains de l’effrayer alors, tu prends sur toi, tu luttes, pour conserver au moins un peu de douceur pour elle, et tes mains glissent jusqu’à l’un de ses pieds que tu examines, sommairement, à la faible lueur de la queue de ta Salamèche. C’est moche. Et ça doit sacrément faire mal. Pourtant, quand tu lui dis que tu vas l’emmener, la porter, que tu vas la ramener … elle se braque. Et tu ne comprends vraiment pas au départ, si bien que tu fronces les sourcils, près à lui envoyer à la tête que, cette fois, ça suffit les caprices, et que, pour le coup, tu ne comptes pas lui céder. Sauf qu’elle parle de Natsu, ce petit Goupix qu’elle vient à peine de recueillir, elle t’explique qu’il t’a suivi, lui, quand il t’a vu partir. Le hic, c’est que, si tu as trouvé la jeune femme, tu n’as vu aucun Goupix dans les parages.

Subitement inquiet, tu te mets à regarder autour de toi, tout en la laissant s’accrocher à toi un moment. « Arrête une seconde, je ne vais pas te laisser toute seule. » Tu as tes limites. Disons ça comme ça. Tu n’es pas un monstre. Tu ne vas tout de même pas la laisser seule dans ces grottes, dans cet état, en sachant que son Goupix s’est égaré, de surcroît. « On va le retrouver. » Que tu souffles, alors que, déjà, elle se redresse, et que tu grimaces. Ce n’est pas toi, qui a mal, mais tu imagines sans peine à quel point ses pieds doivent être douloureux, tu te demandes même comment elle peut tenir debout de cette manière, et essayer de t’entraîner avec elle comme elle le fait. « Eos … » Elle tire ta main. Elle est littéralement en train de te supplier, mais, tu ne bouges pas, tu ne fais pas un pas. En fait, Ethan, tu la fixes, un instant, avant de brutalement tirer sur ta main, et donc la sienne, pour la ramener brusquement à toi. Tu la réceptionnes contre toi, et sans lui demander quoi que ce soit, tu passes un bras dans son dos, l’autre sous ses genoux et tu la hisses dans tes bras. « Je ne vais pas te laisser, mais tu ne peux pas marcher avec des pieds dans cet état et sans chaussures. Plus on va s’enfoncer, plus les roches seront coupantes et glissantes. »

« Azel, passe devant, occupes toi de Silver. » Tu ordonnes, en désignant à la Salamèche une direction à suivre. Tu pars du principe que le petit Goupix à du te suivre à l’odeur, du coup, tu choisis la direction que tu avais empruntée auparavant. Là où tu suivais les grognements prometteurs. « On va le retrouver, il ne doit pas être bien loin, ne t’inquiètes pas. » Tu finis par caler correctement la jeune femme dans tes bras, avant de t’enfoncer la galerie, à la suite des deux Pokémon feu.

Tout à coup, Eos, tu as un revirement complet dans l’ordre de tes priorités. Si les pokémons ont toujours passé avant toi et ton bonheur, tu avais placé Ethan tout en haut de cette liste des choses importantes. Tu étais déterminée à apprendre à le connaître et à lui prouver qu’il pouvait avoir confiance en toi et que tu ne le décevrais pas. Là, pourtant, tu es si déchirée de peur que tu en viennes à lui donner ce qu’il réclamait fortement il y a quelques jours : sa tranquillité. S’il le souhaite, tu le laisseras, tout ce que tu veux c’est retrouver Natsu.

Alors tu te relèves sans même vraiment comprendre qu’il va t’aider. Tu n’entends plus grand-chose, tu es juste focalisée sur cette angoisse qui te donne envie de t’enfoncer dans un petit trou de souris. Tes pieds te brûlent, la douleur irradie jusqu’à tes mollets, mais tu le presses lui, d’en faire autant, prête à l’entrainer avec toi, sans te soucier des traces de sang que tu laisserais sur ton passage. Ouais, tu pourras continuer longtemps comme ça, mais lui, il t’arrête avant que tu ne glisses complètement. Quand tu seras calmée, ma douce, tu pourras le remercier d’avoir pensé à toi…

« Mais je dois y aller… ! Tu tentes de te défendre, après être retombée dans ses bras, sans bien comprendre pourquoi il t’a ramené vers lui aussi fortement. Natsu a besoin de moi, tu ne comprends pas… Tes yeux se remettent à couler, encore une fois, et tu te retrouves à tenter de lui expliquer, alors qu’il te hisse avec force dans ses bras. C’est la deuxième fois… qu’on m’arrache un pokémon et… Je n’ai rien pu faire avant, mais là… là je dois le retrouver ! »

Pourtant, ça ne change rien. Il te tient maintenant contre lui, et si tu es sur le point de hurler pour qu’il te lâche, parce que tu es persuadée qu’il va te ramener chez toi, tu arrêtes ça aussi sec qu’il se remet en route. À la lueur des flammes des deux pokémons de feu, vous vous avancez dans les galeries les plus sombres, en délaissant le chemin par lequel tu es arrivée en courant, toi.

« Ethan… »

Rien, tu ne sais pas quoi dire, ou comment alors tu t’arrêtes à ce simple prénom. Tes bras reviennent passer autour de ses épaules et tu tentes de te faire le plus petite possible pour ne pas le déranger. Pendant de longues secondes, tu ne dis plus rien. Tu ne fais qu’observer les alentours et effacer les larmes qui se tarissent sur tes joues. Quand tout d’un coup, tu captes quelque chose. Lointain, inaudible. C’est ton coeur qui fait un bond douloureux en toi et tu te remets à bouger dans ses bras.

« Par là ! Tu montres un tunnel encore plus sombre que les autres et bien escarpé dans une descente probablement dangereuse. Laisse-moi descendre, tu risques de tomber si tu me portes. Tes yeux sont accrochés aux ombres tant et si bien que tu as l’air sûre de toi et en pleine hallucination à la fois. Il est par là. J’en suis sûr. Je le sens ! »

Et tu continues de te remuer dans ses bras, sans parvenir à t’extraire de sa poigne. Les deux pokémons vous observent en attendant de savoir par où aller et toi, tu acceptes enfin de ramener tes yeux à lui. Ta main vient se poser sur sa joue, alors que tu approches ton visage doucement du sien, tes yeux posés dans les siens.

« Ethan, aie confiance en moi, je t’en prie. Je suis certaine de ce que je dis et je ne veux pas que tu te blesses. Laisse-moi descendre, je m’en fiche de mes pieds. Ton visage est tout près du sien, probablement trop près d’ailleurs. S’il te plait. Ethan… »

Tu restes parfaitement silencieux, alors que tu te mets en route, droit devant, dans la galerie que tu as désignée à Azel et Silver. Heureusement, les deux Pokémon dégagent un peu de lumière, ce n’est pas éclatant, c’est certain, mais ça te permet tout de même de savoir où tu mets les pieds, et où tu vas, à peu près. Que ce soit clair : tu ne permettras pas qu’Eos perde son Pokémon. Tout ça, tu sais que c’est ta faute. Uniquement ta faute. Si tu avais pris le temps de prévenir la jeune éleveuse de ton départ, elle t’aurait probablement suivi, oui, mais le petit Goupix serait en sécurité. Tu essaies pourtant de la rassurer, de lui dire que tout ira bien, et que, forcément, vous allez le retrouver. Ce que tu oublies de mentionner, cependant, c’est le fait que c’est ici que tu as trouvée Ness, dans un piteux état. Normalement, les Pokémon de ces grottes sont passifs, et paisibles, à Lathea, les zones comportant des Pokémon plus dangereux sont interdites au public sans une certaine autorisation. Pourtant, un Pokémon sauvage reste un Pokémon sauvage, même les plus inoffensives créatures peuvent devenir dangereuses s’il le faut.

Durant de longues minutes, dans la galerie, on entend plus que tes pas lourds qui résonnent, se répercutent sur les parois loin d’être lisses. Tu ne parles plus. Et mis à part ton prénom qui s’échappe de ses lèvres, une fois, elle non plus. Tu te concentres. Tu écoutes. Tu essaies de capter quelque chose qui te pourrais te mettre sur la piste, mais, finalement, c’est Eos qui réagit en premier. Subitement, elle s’agite entre tes bras, elle te donne une direction, alors que, toi, franchement, tu n’as rien entendu. C’est une galerie sombre qu’elle te montre. Une galerie qui descend, s’enfonce sous terre, le genre de passage glissant et dangereux si on ne fait pas assez attention en s’y engageant. « J’ai compris, arrête de … cesse de t’agiter. » Malgré toi, ta voix est un peu sèche. Rien à faire, décidément, tu ne parviens pas à conserver ta douceur sur le long terme, Ethan. Surtout quand tu te sens si stressé, oppressé, sous pression.

Tu avances encore, tu te penches légèrement pour observer la galerie. Et puis, tout à coup, tu fais signe à Azel d’approcher, et ton regard ne laisse pas de place au doute, elle a compris que tu voulais qu’elle reste prudente. Et qu’elle fasse attention à la petite Héricendre, parce que, franchement, il ne manquerait plus qu’Eos la perde en route, elle aussi. « Je te fais confiance. » Que tu finis par souffler, avant de soupirer. « Mais il est hors de question que tu marches. Je ne te lâcherais pas. » Et tu sais pourtant qu’elle a raison, mon vieux, la dernière fois, tu étais comme un enfant qui apprends à marcher dans une galerie similaire, les deux mains accrochées aux parois pour ne pas glisser. Cette fois, tes mains sont prises, tout ce qu’il te reste, c’est la prudence. Au moins faux pas, tu glisses et ta seule consolation là-dedans, c’est que tu sais que tu prendras tout, durant la chute, que tu vas la protéger. « Toi, tu t’en fiches. Pas moi. Maintenant … arrête. » Et une nouvelle fois, tu la cales correctement, tu bouges tes bras, resserres ta prise, et puis, tu t’avances à la suite des deux Pokémon. « Azel, vas-y doucement. »

Et tu sens rapidement que ça descend, que la galerie s’enfonce, sous tes pieds, tu sens aussi que la roche est humide, qu’elle glisse, tu sens que c’est irrégulier, et à plusieurs reprises, tu t’arrêtes, pour tâter le sol devant toi, du pied, avant de te remettre à marcher. Tu mets un temps fou à descendre, mais pour le coup, tu oublies même l’idée de t’impatienter, parce que tu veux à tout prix éviter de chuter avec elle. « On y est presque … accroche toi bien à mon cou, ça glisse là, en bas. » Et puis, tu finis la descente, tranquillement, en glissant légèrement, en te faisant une légère frayeur, mais tu arrives tout de même en bas sans bobo, et vous vous retrouvez dans une autre salle, une salle immense et bien sombre. « Natsu ??! » Tu finis par appeler, en avançant encore un peu.

Tu es entêtée, c’est quelque chose qui a fait que ta vie ressemble à ce qu’elle est aujourd’hui. Si tu avais été plus calme et douce, tu aurais probablement accepté ce que ta mère voulait pour toi, ce que ton père soutenait sans réfléchir. Tu n’aurais pas quitté Galar. Tu serais mariée. Tu aurais probablement des marmots. Ouais, si tu étais moins entêtée, tu serais beaucoup moins toi-même et ça, c’est ce qui te caractérise le plus, alors que tu ressens le petit Goupix au fond de toi et que tu exiges d’y aller… et d’y aller à pied.

Le truc, Eos, c’est que l’homme qui t’accompagne, que tu as décidé de suivre et d’interférer dans sa vie, il est au moins aussi obtus que toi. Si tu es une Tiboudet, c’est un Tauros cornu et fonceur. Alors il t’intime d’arrêter de te remuer et si tu crois qu’il va enfin te lâcher et bien il refuse. Et toi, tu es encore sur le point de râler de te débattre, de le frapper s’il le faut mes ses mots te bloquent dans une expression que tu ne peux pas lui cacher. Surprise et touchée par ses paroles.

« Tu es fou… Je n’en vaux pas la peine. »

C’est tout ce que tu arrives à souffler, alors qu’il s’engage sur la pente glissante de la grotte. Et si tu voulais descendre, et bien tu ne cherches plus à faire le moindre geste maintenant. Tu viens juste glisser tes bras autour de sa nuque et tu te serres le plus fort possible contre lui sans lui couper le souffler, les yeux fermés. Honnêtement, Eos, tu as peur. De tomber, de l’emporter avec toi dans ta folie. Tu crains de le blesser. Oui, tu t’en voudrais pour ça.

« Fais attention à toi, je t’en supplie. »

Encore ces mots, ces suppliques. Tu ne fais que le prier et supplier de t’écouter, parce que tu ne sais pas comment l’atteindre autrement. Et si tu le sens glisser, il se rattrape jusqu’à finalement que tu cesses de le sentir bouger. Lentement, tes yeux s’ouvrent et tu distingues difficilement les contours de la salle immense et sombre. Un endroit inquiétant, où aucun pokémon sain d’esprit ne se glisserait. À moins que…

« Natsu ?! Tu cries avec Ethan, en regardant autour de vous. Il est là. Il est forcément par ici ! »

Et voilà qu’en faite, tu te mets à douter ma douce. Tu te dis que tu t’es peut-être trompée, que ton instinct ne voulait pas vraiment te mener ici. Tu es presque en train de perdre espoir de t’excuser en te faisant plus petit encore quand tu vois quelque chose quand la Salamèche d’Ethan se met à parcourir la pièce.

« NON ! »

Ton cri t’explose les oreilles, et certainement celles de l’homme au passage. Elle fait sursauter la Salamèche et geindre le Héricendre. Et toi, tu repousses si fort l’homme que tu arrives à t’arracher de ses bras par surprise. Tu sautes au sol, avec un cri retenu tant bien que mal de douleur quand tes pieds rencontrent la surface dure, mais avant que quiconque n’ait pu réagir tu te précipites comme une malade mentale dans le coin que tu ne lâches plus des yeux.

« Non ! Non, non, non ! NATSU ? NATSU OU ES-TU ?! Et tes doigts viennent happer sur le sol une touffe de poils roux, que tu relèves à la lueur de Silver, entremêlée dans tes pieds. Le visage frappé d’effroi tu te tournes vers Ethan. Il est passé par là ! Il faut qu’on le retrouve ! »

Tu te retiens, Ethan. Tu te retiens de t’agacer, parce que, tu l’entends te dire qu’elle n’en vaut pas la peine, et, bon sang, tu as une folle envie de lui balancer à la tête que ça, ce n’est clairement pas à elle d’en juger, surtout dans votre situation. En fait, tu te concentres, vraiment, tu fais tout pour ne pas chuter tandis qu’elle s’accroche à toi de toutes ses forces, et qu’en retour, tu la sers contre toi, avec une puissance certaine comme si tu craignais qu’elle ne t’échappe, subitement.

Finalement, tu parviens à aller jusqu’en bas sans la moindre chute, sans le moindre incident. Tu souffles, et tes yeux balayent la grande salle dans laquelle vous venez d’arriver, alors qu’Azel avance, avec prudence pour éclairer l’endroit, en longeant la paroi, lentement, mais surement. « On va … » Le retrouver, oui. C’est ce que tu t’apprêtais à répéter, Ethan, pour essayer de la rassurer, encore une fois. Sauf que, pour le coup, elle ne t’en laisse pas le temps, elle s’agite, encore une fois, et tu souffles, hein, parce que, toi et la patience, ça fait quelque chose comme huit mille, environ. Tu penses à nouveau à lui faire la morale, peut-être même hausser le ton, parce que, merde quoi, elle est pieds nus. Déjà que ce n’était pas brillant comme idée de te suivre jusqu’ici pour son Pokémon, sans une paire de chaussures, mais là, là. Ouais, non là. Hein. Mais le truc, mon vieux, c’est qu’elle ne s’en tient pas à s’agiter. Non. Non, non. Subitement, elle te repousse, et c’est si brutal, comme mouvement, que tu n’as pas d’autre choix que de la relâcher, elle t’échappe, elle s’avance dans la salle, jusque dans un coin bien sombre et … elle a littéralement l’air d’une possédée, elle n’a plus rien de la femme que tu as rencontrée précédemment. Plus encore quand elle retrouve cette petite touffe de poils roux.

« Eos. » Tu prononces d’abord son prénom le plus normalement du monde, tout en faisant plusieurs pas dans sa direction. Et puis, quand tu te rends compte qu’elle ne t’écoute même plus, tu perds patience, parce que, tu ne peux pas gérer la disparition du Goupix, les recherches, et une jeune femme en pleine crise. « EOS ! Ça suffit ! » Ta fameuse grosse voix, hein, grave. Puissante. Sévère. Autoritaire. Tu finis par combler les derniers mètres entre vous, et puis, un peu violemment sans doute, tu viens attraper son poignet entre tes doigts pour la tirer à nouveau vers toi. Cette fois, pourtant, quand tu la réceptionnes contre toi, tu la gardes, collée à toi, tes bras autour d’elle durant de longues minutes, tu finis par n’en laisser qu’un, autour de ses reins, tandis que tu viens attraper la paire de menotte à ta ceinture pour rapidement emprisonner l’un de ses poignets. L’autre côté, tu l’accroches au tien. « Bien. Maintenant, je suis certain que tu vas rester à côté de moi. » Et ta main libre remonte jusqu’à son visage, tu viens attraper son menton pour faire basculer sa tête en arrière. « Calme toi. » C’est presque un ordre, avec ce ton qui est le tien, et pourtant, tu n’essaies pas de lui faire peur. Tu ne cherches pas à être brutal. « Je vais le retrouver, je te le promets, fais-moi confiance. Je ne ressortirais pas d’ici sans ton Pokémon, est-ce que je me suis bien fait comprendre ? »

Et tu ne la lâches plus, maintenant, ton bras reste niché au bas de son dos, tandis que tu tends à nouveau l’oreille. « Tu entends ça ? » Tu finis par demander, tout en penchant légèrement la tête sur le côté. « Le grognement … » Toujours le même, celui que tu as suivi, plus tôt. « Natsu à du se cacher, il a peut-être eu peur. Si on trouve ce qui l’a sans doute effrayé, on le retrouvera aussi. Viens. » Et tu tires, légèrement, sur les menottes, tout en avançant, pour la forcer à te suivre sans aller trop vite.

Tu es comme possédée. Tu laisses voir à cet homme qui devrait être plus un inconnu qu’un ami combien il y a de part d’ombres en toi. Ça te ronge, ça te dévore. Tu as beau être la jeune femme la plus souriante qui soit, ouverte à tous, toujours dans le don de toi et l’entraide, il y a derrière la surface une boule de ténèbres qui pulse. Et là, dans la nuit de cette grotte, avec cette touffe de poils dans la main, et bien tu le laisses voir tout ce qui est laid en toi. Les raisons de tes échecs et de tes peurs. Tu en seras honteuse, quand tu seras calmée, mais pour l’instant, tu n’y penses pas.

Tu n’entends qu’en grésillement sa voix une fois, puis une seconde. Cet ordre pour t’apaiser et tu ne fais que secouer la tête en piétinant le sol, pour chercher ton chemin, une piste ou le Goupix. Sauf qu’Ethan n’est pas du genre à te laisser faire. Il revient à toi, il t’attire et pendant un instant, Eos, il devient ton monde. Il n’y a plus que lui, son odeur et ses bras contre toi. Ça pourrait t’apaiser, surtout, mais il finit par refermer une menotte sur ton poignet et ton regard passe de submergé de peur à choqué.

« Je… Pourquoi tu as fait ça ?! Pas le temps de demander, il y répond déjà et tu secoues encore la tête en essuyant ton visage encore une fois alors qu’il te demande de te calmer et que ta tête se penche en arrière… vers lui. Je vais essayer… Tu murmures tout doucement. Oui, j’ai compris. Je… Tu fermes les yeux, ton visage se contracte, mais quand tu rouvres la bouche et les paupières tu souffles, du fond du coeur. Je te fais confiance, Ethan. »

Pour toi, qui es si sauvage et si proche des gens à la fois, c’est fort. Comme si tu lui disais “je m’en remets à toi”.  Sans chercher à tirer sur la menotte ou le forcer à te la retirer, tu viens juste… te coller près de lui, ton bras contre le sien. Tu as peur, tu es fatiguée, tu as mal, mais tu lui fais confiance. Et ça, Eos, ça pourra te mener très loin si tu le veux.

« Tu crois ? Tu murmures tout doucement en tendant l’oreille. Je n’entends rien, mais… vas-y, je te suis. »

Dans tes oreilles, il n’y a plus que le battement douloureux de ton coeur qui se répercute. Lentement, tu fais un pas derrière lui et quand la menotte vient tirer sur ton poignet, tu comprends que ce lien t’angoisse. Tu ne sais pas comment faire, tu te sens oppressée par le métal autant que par la roche au-dessus de toi. Alors tu te dépêches de trottiner pour revenir te blottir près de lui, mais tu as surtout ce mouvement. Ta main cherche la sienne, reliée elle aussi à la pince de métal. Et tu finis par glisser tes doigts dans sa paume.

« Tu crois qu’un pokémon agressif ait pu s’en prendre à lui ? Tes yeux glissent à Azel et Silver. Je ne voudrais pas mettre en danger nos pokémons pour autant. »

En faite, tu préférerais être celle qui sera en première ligne, mais tu évites de le dire. Le couloir où vous avancez tourne brusquement et tu finis par apercevoir quelque chose au loin. Une animal qui grogne. Tu as juste le temps de pousser Ethan contre la paroi et de te presser contre lui en comprenant que vous êtes tombé sur des animaux qui savent y faire.

« Je crois que c’est un malosse… S’il vit aussi profondément dans les roches, peut-être que de la lumière pourrait suffire à le faire fuir ? Et tu dis ça, mais tu es littéralement collée à lui, le visage levé vers le sien. Une attaque feu de nos deux pokémons suffiraient, tu crois ? »

Tu l’entends depuis le début, ce grognement. Il est si caractéristique, dans ta tête, que tu es pratiquement certain d’en connaître la source, et c’est justement ce qui t’inquiètes, maintenant. Tu comptais le suivre, à la base, mais tu comptais le faire seul. Le Malosse – parce que, pour toi, c’est bien de ça qu’il s’agit – est une créature … démoniaque, pour certains. Cette espèce de Pokémon n’a pas la réputation d’avoir un très bon caractère, mais, comme tout, et partout, tu sais parfaitement que ça dépend des individus. Celui que tu as croisé, il y a quelques années, était particulièrement doux, par exemple. Celui qui hante cette grotte, en revanche, ne semble pas du tout être fait du même bois, et c’est ce qui t’effraies, parce que, tu ne sais pas à quoi t’attendre avec lui, tu ne sais pas comment ça va se passer, et maintenant, en plus d’être prudent tout court, tu te retrouves à devoir être prudent pour elle.

Tu l’entraînes donc avec toi, et tu avances doucement. Tu l’entends plus distinctement à chacun de tes pas, tu sais qu’il est là, quelque part, peut-être même qu’il vous tourne autour comme un prédateur autour de sa proie, alors, tu ne prends pas le risque idiot de foncer tête baissée. D’autant que, ta concentration est défaillante. C’est elle qui te perturbe, Ethan. Elle est là, et une trop grande partie de ton attention lui est dédiée, plus encore quand tu la sens glisser ses doigts contre la paume de ta main. Une main que tu refermes, pour garder ce contact. « C’est possible, même si, normalement, les Pokémon de cette grotte ne sont pas agressifs. » Tu essaies de la rassurer, oui. La vérité, c’est qu’il y a largement de quoi craindre un Malosse. Et tu le sais. « Ne t’en fais pas, reste bien derrière moi. »

Tu continues, dans le couloir dans lequel vous vous êtes engagés. Un couloir qui bifurque, brusquement, et c’est là que tu la vois, cette ombre menaçante, un peu plus loin. Il n’est pas très grand, c’est un fait, mais son grognement sourd te parvient toujours aux oreilles. « Bon … » Tu ne sais absolument pas à quoi t’attendre d’un Pokémon avec une telle attitude, soyons clairs. Du coup, tu viens entremêler tes doigts avec ceux de la jeune femme, et puis, tu viens plus clairement te placer devant elle, tu prends soin de la garder en retrait, et tu fais même signe à Azel de garder Silver avec elle. Enfin, tu fais un pas dans le couloir, pour sortir à découvert et aussitôt, oui, il attaque. Tu le vois très clairement se mettre à courir, un aboiement résonne dans la galerie humide et il bondit littéralement sur toi. Tu as ce réflexe de mettre ton bras devant toi, en protection, et il vient mordre dedans juste avant que tu ne le repousses d’un geste large et brutal. Il retombe, il roule, mais tu vois bien qu’il n’en a pas fini alors, tu fais aussitôt signe à Azel t’intervenir, profitant du fait que la créature est un peu sonnée, ta Salamèche s’élance pour une attaque Griffe violente et déterminée. Enfin, quand tu penses déceler un moment de faiblesse, tu attrapes rapidement une Pokéball, avant de la lancer sur la créature. Le petit objet s’agite, une fois, deux fois, avant de s’immobiliser complètement. « Bien … » Bien, pour deux raisons. La première, c’est que tu viens de vous débarrasser d’une menace. La seconde, c’est que tu viens enfin de capturer le Malosse que tu convoitais tant. « Tout va bien ? » Que tu demandes, en te tournant enfin vers Eos, tout en agitant ton bras, douloureux, très douloureux. Le problème avec les Malosse, c’est que leurs morsures sont à double tranchant, parce que, non seulement, leurs mâchoires sont puissantes, mais en plus, leurs gueules débordent d’acide, de ce fait, non seulement la morsure te fait mal – même si les crocs n’ont pas eu l’occasion de percer la chair – mais en plus, l’acide sur ta peau produit une sensation de brûlure relativement douloureuse. Heureusement, il y en a peu. Quelques gouttes, tout au plus. « On devrait avancer. » Et tu fais déjà un pas en avant. « Natsu doit être dans les parages. »

C’est beaucoup d’émotions en une seule journée, ma douce. Toi qui voulais te reposer à la maison avec tes pokémons, profiter de la présence d’Ethan pour souffler, peut-être lui arracher le service de t’aider à terminer la charpente sur laquelle tu peines depuis des jours parce que les poutres de bois sont affreusement lourdes, et bien tu as eu tout le contraire. Pourtant, Eos, quand ta main vient cherche la sienne et qu’il referme ses doigts sur les tiens, et bien tu lâches ce drôle de petit soupire. Tu te calmes, tu ne fais que le suivre.

C’est en voyant le Malosse que tu comprends que vous êtes dans une situation difficile. Et si tu voudrais intervenir, être celle qui le protège, il ne te laisse ni le temps ni le choix de le faire. Comme un bouclier, le voilà qu’il se place devant toi et tout à coup, il devient l’épée qui attaque. L’animal sauvage se jette sur lui et toi, tu es forcée de coller tes deux mains contre ta bouche pour retenir ton cri, pendu au bout de son bras. Il repousse l’animal et Azel finit le travail. Et s’il capture un pokémon fabuleux, probablement plein de ressource, toi tu ne fais que te précipiter vers lui et attraper son bras blessé entre tes mains glacées.

« Tu vas bien ? Tu es complètement fou d’avoir fait ça ! Et tu secoues la tête, tu ravales la colère pour ne pas te montrer méchante avec celui qui ne cesse de te protéger. Quand tu relèves la tête vers lui, tu es étrangement sérieuse. Si on trouve un petit point d’eau, il faudra nettoyer ta blessure… je suis désolée, dans ma précipitation j’ai oublié mon sac de remèdes. »

Et si jusqu’à présent tu n’en avais rien eu à faire de cet élément, maintenant qu’il est blessé, ça te taraude. Tu voudrais l’aider, mais tu ne peux rien faire. Et quand il te propose de te remettre en route, tu émets un vague “hmhm” inquiet avant de lui emboiter maladroitement le pas, sur la pointe de tes pieds écorchés.

C’est en entrant dans la caverne où se trouvait le Malosse que tu as une drôle de surprise. Ou deux, plutôt. La première c’est qu’un courant d’air se fait sentir, chargé de frais et d’humidité provenant d’une voix en face de vous. Tu connais assez ce coin de Lathea pour te douter qu’il y a une source d’eau pas loin. La seconde, qui te brise le coeur et te fait fondre en même temps, c’est le cri terrifié et timoré d’un goupix, au loin.

« C’est lui ! C’est Natsu ! Tu te mets à tirer sur ta main pour le forcer à te suivre, alors que tu traverses la pièce au pas de course en semant des gouttes rouges sur le chemin. NATSU ! Oh mon tout petit ! Je suis là ! »

Trop d’émotions, trop de choses en toi. Tu te jettes à genou sans voir que tu entraines forcément l’homme avec toi vu que la menotte vous retient toujours l’un à l’autre. Tes mains se tendent vers ton Goupix terrifié, le poil humide et hérissé, les yeux chargés de terreur. Dès que tu l’attrapes, il se blottit dans tes bras en continuant de hululer sombrement sa crainte et toi, tu te recroquevilles avec lui contre toi et Silver qui se mêle à l’étreinte.

« Mes tous-beaux, je suis tellement désolée. Je ne voulais pas que ça arrive. Natsu, il ne faut plus que t’éloignes comme ça… Et le Goupix se met à répondre à tout va. Je sais, je sais bien que tu voulais le retenir, mais.. Ce n’est pas à toi de le faire, d’accord ? »

Et si tu embrasses les deux pokémons, doucement, que tu les choies et rassures, quand tu finis par les reposer, c’est pour te tourner vers Ethan. Et tu te jettes à son cou, en le serrant au plus fort que tu peux, le corps parcouru de frisson.

« Merci… Merci pour tout ce que tu as fait. Et tu décolles un peu la tête de son épaule pour simplement glisser à son oreille. Ne me fuis plus, la prochaine fois. Je te laisserai partir si tu le veux, même si ça me coûte. »