Jolie robe fleurit à dentelle à dos ouvert. Cheveux ondulés, lâchés, tombant jusqu'au milieu de son dos. Joannie n'a jamais eu de mal à se trouver plutôt jolie, bien qu'elle ne soit pas du vraiment du genre à regarder sans arrêt son reflet dans le miroir. Néanmoins, nullement gênée par son corps, elle n'hésite jamais à enfiler des vêtements plus ou moins dénudés. La pâtissière ferme les volets de sa cabane de pêcheur entièrement rénovée depuis quelques années, Eden sur les talons. Douce Lixy ne la quittant plus d'une semelle. Si elles étaient déjà très proches autrefois, cela s'est accentué avec le départ soudain d'Astrid, il y a presque dix années de cela.  « Eh, tu n'as pas oublié qu'on a ramené quelques profiteroles qu'il restait, hm? » Avoue dans un sourire tendre Annie, qui ouvre le frigidaire pour en sortir une petite assiette en porcelaine colorée. Une petite douceur posée par terre pour sa Lixy, avant que la pré-trentenaire ne se fasse un thé à la cerise. Petit pêché mignon dont elle a toujours du mal à se passer avant d'aller se coucher.

Les doigts qui jouent avec une mèche de cheveux rebelles, Joannie fixe le micro-onde, attendant simplement que le minuteur ne se termine. Une fois l'eau assez chaude, la jolie blonde s'empresse de glisser dans sa tasse blanche son petit infuseur à thé. Pourtant très vite dérangée par des coups à la porte, Annie fronce quelque peu les sourcils en regardant l'heure. Bon sang. Si c'est encore cet imbécile qui se pointe aussi tard, elle risque de ne pas se montrer aussi agréable que la dernière fois. Enfilant une petite veste pour se couvrir tout de même face à la fraîcheur de la nuit, la pâtissière rejoint la porte d'entrée pour l'ouvrir tout en jetant un regard à sa Lixy. « Si t'es encore venu pour me parler du -  » Sa voix déraille, s'arrête brusquement.

Le palpitant qui s'agite, qui s'affole, qui se compresse si fort que c'en est douloureux. Le ventre qui bondit, qui se tord sous la nervosité. Joannie a soudainement l'impression de retourner plusieurs années en arrière. À ce réveil solitaire où elle ne trouva qu'un simple mot pour dire désolé. La voix douce qui prononce son prénom la fait frémir d'anticipation et déjà, Annie sort dehors tout en demandant à Eden de garder la maison. « C'est très inapproprié de ta part. De venir chez moi. Ici. » Elle déglutit, croisant les bras contre sa poitrine, tiraillée entre l'envie de la cogner et celle de s'enfermer chez elle jusqu'à la prochaine décennie.  

Douceur dans les gestes, Joannie ouvre la porte d'entrée de sa petite maison avec douceur, tout en parlant, persuadé qu'il s'agit là encore de cet imbécile de fiancé qui lui colle aux basques par moments. Pourtant, c'est un tout autre visage qui vient la perturber et la jolie blonde sent sa gorge trembler, faisant ainsi dérailler sa voix. Elle est faible, face à cette âme qui la hante depuis de nombreuses années. Annie fait de son mieux pour ne pas lui claquer la porte au nez et sort doucement de chez elle, fermant la porte tout en faisant signe à Eden, sa Lixy, de ne pas bouger. Tiraillée entre l'envie de la cogner – ce qui n'est clairement pas dans son habitude, et celle de fuir, Joannie ne bouge pourtant pas, le cœur s'affolant à la vue de la belle brune. Oh, belle Astrid, n'as-tu donc aucune idée de tout le mal que tu lui as fait pour oser venir raviver des plaies qui suintent toujours d'un rouge vermeille douloureux ?

Des explications ? Joannie garde les bras croisés contre sa poitrine, tout en fuyant le regard de la jolie brune, ne se rendant pas compte qu'elle laisse à la vue de tous, cet anneau qu'elle n'a pas eu le choix de porter. Il est un peu tard pour lui donner des explications. « Et tu n'as pas le droit de revenir ici après tout ce temps. » Elle lâche sans mesurer ses paroles. Annie, elle serait presque sur le point de fondre en larmes, mais elle sait qu'elle ne doit pas tomber dans le piège. Elle a rêvé des milliers de fois que ce jour arrive. Espérant bêtement que la jolie brune reviendrait la chercher, reviendrait pour elle. Mais les jours ont passé. Se transformer en semaines, en mois, puis, malheureusement, en années. Perdu tout le monde. Joannie déglutit, tournant la tête pour fixer l'horizon, l'eau se mouvant un peu plus loin, le bruit des vagues ne l'apaisant pourtant pas comme d'habitude.

« Tu ne sais rien. Tu n'as pas le droit de venir ici après tout ce temps. Chez moi. Tu crois que tu as été la seule à tout perdre, Astrid ? Ils étaient comme une famille pour moi. Je n'ai pas eu le temps de m'en remettre que tu disparaissais. Tu m'as laissé toute seule, face à trop de fardeaux. » Avoue-t-il, de prime abord. Car Annie, c'est ce qu'elle a toujours pensé. Astrid est partie. Elle l'a laissée faire face à sa propre famille. Mentir. Joannie n'a fait que ça durant toute sa vie, mais elle était prête, à l'époque, à faire le grand saut dans le vide. Par chance, elle a pu se rendre compte avant qu'il ne soit trop tard, qu'elle était bien trop aveugle de faire confiance à cette femme qu'elle aimait tant. Qu'elle aime toujours, malgré les années, malgré tout le mal qui lui a été fait. « Je ne te crois pas, Astrid. Comment pourrais-tu être désolée après toutes ces années ? Tu as dû bien profiter. Tu as dû bien t'amuser. Tes explications ne valent rien et tu le sais. A l'époque, j'aurais pu te suivre même dans les endroits les plus dangereux de cette terre. Maintenant … je te demande juste .. de partir. S'il te plaît. Ne reviens pas. Jamais. » Elle sent les larmes montées. Horribles paroles qu'elle se doit de prononcer pour se protéger. Annie, elle a gagné en courage avec le temps. Et elle ne peut se permettre de tomber dans le panneau. Pas après tout ce temps. 

Le monde s'écroule sous ses pieds. Annie a l'impression de tomber dans le vide, tout en restant immobile. Le palpitant douloureux, à tel point qu'elle poserait presque une main contre sa poitrine, si elle n'avait pas peur de passer pour une idiote, pour une faiblarde. Elle n'a jamais été trop courageuse, ni même tête brûlée, Joannie, elle fuit le danger et les conflits. Elle est plutôt du genre à gérer les choses avec de douces phrases et des sourires tendres. Mais là, face à Astrid, elle perd ses moyens, la belle. Les jambes presque tremblantes, la pâtissière fait de son mieux pour ne pas retourner s'enfermer chez elle jusqu'à la fin de sa vie. Ses fiançailles ? Les paroles d'Astrid lui brise un peu plus le cœur. Morceaux recollés avec le temps, qui s'éclatent à nouveau au sol tandis que son regard s'éteint sous ses mots. Elle ne cherchait pas à avoir de félicitations. Annie n'a pas eu le choix. Parents ayant toujours tout choisis pour elle. Douce demoiselle n'ayant jamais su dire non sauf quand la belle brune se tenant face à elle, l'épaulait, la conseillait. Mais cette époque lui semble si lointaine et révolue, désormais. Alors pourquoi, malgré toutes ces années, cela fait-il toujours aussi mal ?

Elle ne répond rien Annie, n'étant plus que silence. Elle serre les poings, pour que ses doigts arrêtent de trembler. Elle ne veut rien montrer, la belle, mais elle a toujours été une bien piètre actrice. Tout perdre. Encore une fois, Joannie a l'impression de se prendre un coup en plein cœur. Comment aurait-elle pu être plus heureuse sans elle, elle, ce pilier, cette femme dont elle a été amoureuse durant toutes ces longues années ? « Tu as été égoïste et lâche. » Finit par lâcher la jeune femme en détournant le regard, sa voix se brisant sur le dernier mot. Incapable de trop parler, Annie ferme un instant les yeux. Croisant finalement les bras sur sa poitrine, comme pour se protéger, Annie repose son dos contre sa porte d'entrée, retenant un sanglot. Ne pas pleurer. Ne pas fondre en larmes. Surtout, rester digne. « Non. Encore une fois, tu es égoïste. Encore une fois, tu ne te soucis pas de ce que je peux ressentir. Tu crois que le fait que tu ai vécu de mauvaises choses te pardonnent de ce que tu m'as fait subir ? Jamais je ne t'aurais abandonné! » Elle contracte la mâchoire, baissant les yeux. « J'avais prévu de te demander ta main. Je pensais sincèrement que ça marcherait pour toute la vie. Ta mère.. m'avait aidé à tout choisir.. et tu … t'es partie.. tu m'as juste laissé derrière comme une moins que rien.. comme un poids qui n'avait plus la place d'être traînée derrière. » Elle inspire longuement, essuyant rageusement ses yeux. Foutus sentiments. Ne pourrait-elle pas tout simplement tout éteindre ? Ne plus rien ressentir ? « Je ne vais pas me marier pour le plaisir. Ni par amour. Après tout, à quoi ça sert ? Je suis incapable d'accorder ma confiance depuis que ce que tu as fait. » Elle renchérit, pourtant, sans aucune agressivité.. 

Comment pourrait-elle lui sourire ou même la prendre dans ses bras après tout le mal que la jeune femme lui a fait ? Annie ne peut se résoudre à tomber si bas, à pardonner aussi facilement, comme par magie ou encore, à être agréable en un claquement de doigts. La jolie blonde fait tout pour se protéger désormais et elle peine à comprendre la façon de penser Astrid. Évidemment, qu'Annie est incapable de comprendre pourquoi elle est partie du jour au lendemain, sans elle. Si elle avait été si importante pour elle, n'aurait-elle pas eu besoin de sa présence ? N'a-t-elle pas encore été au plus bas après tout, loin de celle qu'elle aimait ? C'est à n'y rien comprendre et encore une fois, Joannie se retrouve blessée par l'attitude de la belle brune. Car malgré toutes les années passées, elle n'a jamais su l'oublier. « Je ne comprendrais jamais pourquoi tu m'as laissé, oui. » Elle répond simplement en détournant le regard. « Je sais que ça a dû être dur. » Elle soupire longuement, presque tristement tout en gardant les bras croisés contre sa poitrine, un frisson la parcourant à cause de la légère brise fraîche parcourant les alentours.

Non, vraiment, Annie ne peut se montrer plus agréable. Et elle est certaine qu'Astrid aurait agit de manière encore plus agressive si les rôles avaient été échangés. Bien que cela aurait été impossible, car jamais ô grand jamais, la jolie blonde ne l'aurait laissée derrière. Elle ne sait pas quoi dire, Annie alors elle finit par baisser les yeux tout en secouant de la tête. Le palpitant qui se serrer douloureusement une nouvelle fois, tandis que Joannie s'humecte les lèvres, les larmes montant. Joli regard désormais embué, Annie lui pointe le portail en bois un peu plus loin. « Comment tu aurais pu l'imaginer ? J'en sais rien. Par amour peut-être ? Parce que j'aurais été ta famille et tu aurais été la mienne. Parce que j'aurais tout fait pour toi, Astrid. N'importe quoi. » Elle inspire longuement. Peut-être est-elle un peu dure dans ses paroles, mais elle doit admettre qu'elle a tout de même un peu raison. Ça aurait pu être Annie et Astrid contre le monde. Elle l'aurait aidé. Choyé. Elle aurait pris soin d'elle le temps que les choses aillent mieux. « Ce n'est pas ma décision. S'ils apprenaient que je … Laisse tomber. Tu as raison. Je pense que tu ferais mieux de sortir de mon jardin, Astrid. » Sa voix se fait plus tranchante que d'habitude, plus qu'elle ne l'a jamais été. Astrid fuit à nouveau. Elle s'éloigne et ça lui brise le cœur. Annie secoue de la tête, glissant une main sur la poignée de sa demeure pour s'y enfermer, fondant en larmes une fois à l'intérieur.