Tu n'es pas à Castlerain pour rien. En fait, tu n'es pas non plus ici pour une bonne raison. Castlerain, tu en as erré les rues pendant dix bonnes années. Après la cataclysme de Myrtha, après ce que cette catastrophe vous ait arraché un frère et votre maison, vous avez déménagé ici. Du coup, on pourrait croire que tu es ici pour retourner voir ta mère, la rassurer. Lui expliquer que tu vas bien et lui présenter Iron & Groot qui ont rejoint ton équipe. Mais non, tu fais même attention à ne croiser aucun Esperanza. Ni Eva. Ni Soan. Ni Lazuli. Ni ta mère. Surtout pas ta mère. Tu es, en vérité ici, pour réquisitionner de la nourriture dans une ville que tu connais : dans une ville où tu as pratiqué le parkour. Ou tu as appris à perfectionner tes saltos. Tu la connais pas comme ta poche mais presque. Donc, si tu as un moyen de voler quelques choses et de fuir la police : c'est bien ici. Toutefois, tu es passé à deux ou trois maisons de chez toi, l'histoire de voir ce que ça devient. Des nouvelles par la vue. Repartant du quartier, quelques centaines de mètres plus loin... Tu.. bloques. Tu bloques totalement.

S'il y a bien une chose à laquelle tu ne t'attendais pas, c'est de revoir Ismaël dans le coin. Et pourtant, il est là. En face de toi. La colère s'empare de toi alors qu'il ne semble pas te remarquer. Tu fronces les sourcils. Va-t-il te reconnaître ? Et s'il te reconnaît pas ? Qu'est-ce que tu vas faire ? En profiter ? L'agresser ? Après tout, tu en as bien mis plein la tronche à Oliver, à cause de lui. Chacun son tour non ? Mais, est-ce que ça ne serait pas plus jouissif de le faire patienter ? De se foutre de lui ? Thor était hors de sa pokéball, il savait ce que tu mijotais à Castlerain, mais n'essaie pas de t'en dissuader : il préfère veiller à ce qu'il ne t'arrive rien. Il sait très bien que s'il essaie de t'empêcher de voler quoique ce soit, il finira dans sa pokéball. Mais, te voyant dévisager ce type, il te donne un léger coup de tête dans la jambe.

« C'est Isma, Thor. »

Le pokémon regarde l'homme que tu fixes et commence à comprendre. Alors que toi, tu réfléchis à ce que tu peux bien faire. Aller le voir ? L'ignorer ? Et si tu passais volontairement à coté de lui pour voir ce que ça donne ? Tu prends un risque mais tu fais signe à ton pokémon de te suivre alors que tu t'apprêtes à passer à quelques mètres de lui. Il t'interpelle. Mais, pas par ton prénom. Plutot comme si tu étais un inconnu. Il te demande son chemin. Comme si tu étais un inconnu. Ce qui te rend d'avantage en colère. Tu maintiens toutefois cette colère et tente de jouer la comédie. Après tout, s'il reconnaît pas son petit frère, fais comme si tu ne reconnaissais pas ton grand-frère.

« Oh... ça doit se situer par là-bas ! Vous voulez que je vous accompagne un bout ? Vous êtes venus pour l'arène ? Il paraît que le champion a été rappelé. »

Tu tiens l'information d'Oliver. Pas que ça t'enchante de savoir Mallory dans les parages, mais bon... autant qu'il serve à quelques choses aussi, lui.

Ah. Donc, il ne parle plus à Oliver mais à Mallory non plus. Cela dit, ça paraît logique. Et pour Mallory ce n'est pas plus mal, d'un coté. Après tout, toi, tu sais le retour de Mallory par Oliver. Mais, n'habitant plus vraiment à Castlerain... Tu n'étais pas spécialement au courant du retour de Mallory. D'ailleurs, tu croises Ismaël purement par hasard, tu pourrais être en train de voler de la bouffe au lieu d'être là à discuter avec ton frère sans qu'il sache que c'est toi. Et soyons honnête, tu veux profiter qu'il ne te reconnaisse pas pour creuser deux ou trois petites choses. Des choses que tu as besoin de savoir. « Mallory Edgerton. Il est célèbre, tu sais ! » Enthousiaste faussé. Mais, tu fais exprès. Cela dit, il annonce d'autres priorités. Tu pourrais jouer le rôle du gamin chiant qui pose tout un tas de question, mais tu n'en fais rien. « Les Esperanza ! Oui ! Je les connais ! Ce sont mes voisins ! » Ce n'est pas totalement faux, enfin.. Tu les connais quoi. « Tu leurs veux quelques choses ? Ils sont gentils. Bien qu'une famille un peu brisé. Enfin, c'est normal ! » Merci, Jaeden de t'avoir appris à jouer au bavard. D'ailleurs, tu enchaînes. « Tu sais, ils étaient à Myrtha, il y a dix ans. Ce sont des survivants ! » Tu l'entraînent dans une rue, pour faire un détour et passé du temps supplémentaire avec ton frère sans qu'il le sache. « Enfin, tu le sais peut-être pas, si tu viens d'arriver dans la région. Mais, au pire, les Esperanza pourront t'expliquer. » Tu parles, tu parles, sans lui laisser l'opportunité d'en placer une. Le faire culpabiliser d'être parti. Bien que la priorité semble être de retrouver sa famille, et que donc peut-être qu'il est déjà rongé par ça. Toutefois, tu notes toi, que tu pourras annoncer à Oliver que Ismaël est revenu dans la région, mais que cet abruti ne reconnais même pas SON PETIT FRERE. C'est blessant, mais d'un coté ça ne t'étonne pas. Il est égoïste après tout. C'est pour cela qu'il est parti : par égoïsme. Il n'a pas assisté à ta rencontre avec ton premier pokémon, il n'a pas assisté à toute les tensions familiales. Il n'a pas assisté au changement de Soan, ni à la nomination de Lazuli. Il a tout raté. Les bonnes comme les mauvaises choses. Et tout ça.. Pour son petit nombril.

« C'est un nouveau champion ! Il est célèbre, tu sais ! »
L'enthousiasme du gamin fait doucement sourire Ismaël ; il se rappelle de sa propre adolescence, à l'époque où il n'était préoccupé par rien, où il n'avait encore rien fait de particulièrement condamnable ; pas assez, en tout cas, pour se faire détester par l'ensemble de sa famille. Il va forcément être reçu à coups de pierres. Ou de tomates. Ou les deux. « Les Esperanza ! Oui ! Je les connais ! Ce sont mes voisins !
– Ah, parfait. Ce serait super sympa si tu voulais bien m'amener devant chez eux. »
Il en a du bol, alors ; ça lui évitera de tourner en rond pendant deux heures avant de trouver le bon nom sur une boîte aux lettres. « Tu leurs veux quelques choses ? Ils sont gentils. Bien qu'une famille un peu brisé. Enfin, c'est normal ! »
L'information le fait très légèrement grimacer ; son visage, déjà pas franchement radieux à cause de l'angoisse qui lui serre déjà la gorge, s'assombrit légèrement sous la vague de culpabilité supplémentaire que lui inflige ce gosse sans avoir la moindre idée de ce qu'il fait. Heureusement, le petit ne lui laisse pas le temps de répondre ; ce n'est pas plus mal, à vrai dire il ne sait pas vraiment quoi dire. « Tu sais, ils étaient à Myrtha, il y a dix ans. Ce sont des survivants ! 
– J'en doute pas, murmure-t-il tout bas, sans être entendu. »
Il savait que sa famille s'en sortirait sans lui ; ou en tout cas, il l'espérait. Ça ne le rend pas moins coupable d'un certain nombre de difficultés qu'ils ont dû affronter en son absence ; à vrai dire, il n'en sait absolument rien, et c'est peut-être pire. Triste, le nez bas, il fourre ses mains dans ses poches et emboîte le pas au garçon qui le conduit dans une ruelle. « Enfin, tu le sais peut-être pas, si tu viens d'arriver dans la région. Mais, au pire, les Esperanza pourront t'expliquer. 
– Je connais Myrtha, dit-il en forçant sa voix, rauque, à s'élever un peu plus fort malgré les efforts que ça lui demande. J'y ai vécu et j'étais là-bas quand tout s'est cassé la gueule. C'était une ville géniale. »
Est-ce qu'il y était, ce petit ? Si oui, il est sûrement trop jeune pour se rappeler de ce que c'était, la vie là-bas. « Tu pouvais pas faire deux pas où que ce soit sans croiser un Pokémon ; la plupart des gens étaient très respectueux. C'était vraiment un monde à part et même si y avait pas de combat, c'était quand même un peu... j'sais pas, rassurant, de se dire qu'un endroit comme ça existait quelque part sur Terre. »
Il a un sourire un peu triste, quand il lève le nez vers les quelques buildings en ruines qu'on peut encore distinguer au-dessus des bâtiments neufs et mornes de Castlerain. « J'suis pas pokélover mais quand tout a été détruit, j'ai franchement eu l'impression que toute ma vie était restée coincée là-dessous. J'ai quitté la région du coup, c'est pour ça que j'suis perdu à Castlerain. »
Pour ça, et parce que chaque coup d'oeil qu'il pose sur les bâtiments, les rues, les gens qui constituent cet endroit le dégoûte un peu plus. Il ne va pas s'attarder en ville, sauf si on accepte son retour à la maison. « T'aimes la ville, toi ? demande-t-il un peu abruptement en penchant la tête vers le garçon. »
Il est vraiment curieux, en fait. Quand on grandit ici, quand on ne connaît que ça, est-ce qu'on s'y habitue ? Ou est-ce que l'atmosphère pourrie de la ville est si ancré que même ceux qui n'ont pas de point de comparaison peuvent ressentir le malaise infâme qui entoure cet endroit ?

Il connaît Myrtha. Bien sur qu'il connaît. Il t'aurait dit l'inverse, sans doute que tu lui aurais éclater à la figure. Bombe à retardement, Isa. Il te dit qu'il a vécu là-bas : déjà il a pas tout renié de ta famille. Il a pas oublié. Mais, pourquoi ce silence depuis toutes ces années s'il vous oubliait pas ? Tu écoutes simplement. Il se rappelle de la vie de Myrtha : toi vaguement. Mais, tu écoutes ton frère, le sourire au lèvre. C'est vrai que tu as un vague souvenir de paix et de co-habitation avec des pokémons. Un léger souvenir d'Eden, Lazuli, Zelda et toi qui couraient au milieu des pokémons et qui ensuite se promettait un avenir dans le dressage pokémon. Tu hausses les épaules. « Oui, j'en ai un vague souvenir. J'étais p'tit quand c'est arrivé. » Dis-tu avec un sourire de ce souvenir merveilleux pourtant parti en poussière avec la mort d'Eden. Puis, tu perds ton sourire alors qu'il explique la raison pour laquelle il est parti de la région sans regarder derrière lui. « Oh oui. Je comprend. J'étais petit, mais je me souviens avoir cette sensation d'avoir perdu une moitié de ma vie. » Littéralement. Tu y as perdu ton jumeau. Tu as toujours tout partagé avec Eden. Sa mort t'a comme arraché une partie de ton cœur, et sans doute la partie de bonté. Toute la gentillesse et empathie que tu pouvais avoir : venait d'Eden. Aujourd'hui, tu n'es pas empathique pour un sou, autant dire que la raison pour laquelle Ismaël est parti n'est pas une bonne raison pour toi : vous avez tous énormément souffert de la destruction de Myrtha et de la perte d'Eden. « Mais, heureusement j'avais mes sœurs. » Soan aussi, mais durant dix ans il t'a plus pris la tête qu'il t'a soutenu dans tes cauchemars. A chaque fois que la nuit, tu étais perdu sans ton frère, les premières nuits, que c'était bien trop dur de te réveiller dans la nuit et de ne pas pouvoir réveiller ton frère pour discuter, ces fois où tu t'es réveillé en hurlant en cauchemardant la mort d'Ismaël, ou que ton esprit reconstruisait la mort d'Eden... Il n'y avait que Eva qui accourait dans ta chambre, te prendre dans ses bras, te bercer avec tout la maternité qu'elle pouvait avoir. Elle te calmait comme elle pouvait, elle a toujours été là, Eva. Ou toutes ces lettres de soutien et de courage que tu recevais de Lazuli, alors qu'elle partageait ta souffrance : Eva et elle discutaient beaucoup de ta souffrance d'enfant de six ans. « La famille dans ces moments-là c'est important. » Dis-tu avec un sourire faussement réconfortant mais réellement fier puisque tu viens clairement de le piquer davantage. Puis, il te demande si tu aimes cette ville. « Elle est... différente. Mais, pas nécessairement désagréable. On s'y habitue. Enfin, peut-être parce que j'étais p'tit aussi. Myrtha me manque parfois, quand même. » Tu hausses les épaules, continuant  ta route avant de te tourner vers ton frère. « Vous avez été loin durant tout ce temps ? »  Question qui t'intéresse vraiment, même si tu connais plus ou moins la réponse. Oliver t'en a plus ou moins parler.

« Oui, j'en ai un vague souvenir. J'étais p'tit quand c'est arrivé. »
Alors il y était ? Ce petit devait avoir quoi, cinq ans, six ? Il lui demandera, décide Isma, mais pas tout de suite. Myrtha l'a emporté dans toute une série de souvenirs doux-amers, et il raconte rapidement le traumatisme qu'il a vécu là-bas ; quelque chose d'assez fort pour lui faire quitter la région dans la ferme intention de ne jamais revenir. « Oh oui. Je comprend. J'étais petit, mais je me souviens avoir cette sensation d'avoir perdu une moitié de ma vie. »
Forcément ; quand on est gamin et qu'on perd tous ses repères d'un coup, ça doit être particulièrement difficile de se construire en ayant, déjà, quelque chose d'aussi lourd à porter. Est-ce qu'il a perdu des proches ce petit, dans la catastrophe ? Sans doute. Tout le monde y a laissé quelque chose. « Mais, heureusement j'avais mes sœurs.  »
C'est un peu rassurant, effectivement. Au moins cet adolescent n'a pas été livré à lui-même après la catastrophe. Qu'en est-il de ses parents ? Sont-ils restés là-bas, comme Eden ? Le baroudeur décide de ne pas demander ; c'est trop personnel, et il ne le connaît pas, ce gosse. « La famille dans ces moments-là c'est important. »
Ismaël ne relève même pas le visage vers le sourire qu'il devine sur les lèvres de l'adolescent qui ne doit avoir aucune idée d'à quel point il fait redoubler sa culpabilité, en disant un truc comme ça. Et pourtant, malgré tout, il continue de croire qu'il a bien fait de s'en aller. Il n'aurait été d'aucune aide pour qui que ce soit, durant toutes ces années. Combien de cauchemars a-t-il faits durant lesquels il voyait le corps de son pauvre frère disparaître sous les gravats, il entendait ses cris de désespoir ; combien de fois, encore, Oliver a-t-il dû l'empêcher de sauter dans le premier avion pour retourner à Myrtha, pour chercher son corps, pour le ramener, comme s'il pouvait encore le sauver ? Il est devenu complètement fou après la mort de ce petit garçon. Baigner dans le deuil de sa famille ne lui aurait laissé aucune chance, et comment imaginer qu'eux auraient pu s'en sortir en devant supporter la mort du plus jeune et la disparition non moins brutale d'Ismaël ? Une fuite, un abandon, c'était sans doute plus facile à gérer qu'un suicide. En tout cas, c'est ce qu'il se laisse croire pour étouffer un peu sa culpabilité, même si ça ne fonctionne pas très bien. De toute façon, pour les siens, c'est sûrement du pareil au même. Ils s'attendent sûrement autant à le voir lui qu'à voir Eden frapper à la porte.
Peu importe. Il va parler de la ville, c'est moins glissant. « Elle est... différente. Mais, pas nécessairement désagréable. On s'y habitue. Enfin, peut-être parce que j'étais p'tit aussi. Myrtha me manque parfois, quand même. 
– Je comprends. »
C'est bête. Ce gamin a dû entendre ça un million de fois, Isma aurait mieux fait de se taire. « Vous avez été loin durant tout ce temps ? 
– J'ai fait le tour du monde, répond-il du bout des lèvres, bien trop accablé par le poids de ses pensées pour pouvoir manifester un quelconque émerveillement pour tout ce qu'il a découvert. J'voulais voir si j'allais pouvoir trouver un coin où toute cette merde me poursuivrait pas mais j'ai pas réussi alors... »
Alors il a juste continué à fuir en avant. Pendant dix ans. C'était assez long pour apprendre à ne plus y penser, mais définitivement pas pour guérir. Ça, il a fini par comprendre qu'il ne pourrait le faire qu'en acceptant de faire le deuil de ce qu'il a perdu dans la catastrophe, et il n'y parviendra qu'auprès de sa famille, maintenant qu'il est assez fort pour affronter son chagrin. Et les conséquences de ses actes. « Enfin, peu importe. Les Esperanza sont ma famille, si tu veux tout savoir, et j'les ai laissés pendant tout ce temps, alors j'vais sans doute être accueilli à coup de lance-pierres. »
Il soupire, et passe une main dans ses cheveux en relevant le nez ; c'est encore loin ? « C'est bien fait pour moi, mais bon. Tu sais s'ils vont bien, au moins ? »

Tu racontes un peu à Ismaël ce que tu as vécu selon ton point de vue. Dans la logique : c'est la même chose que lui. Mais dans le cas où il ne te reconnaît pas... eh bien... tu en profites, tu joues le rôles. Puis, tu en viens à lui demander où il est allé durant ces dix ans après la cataclysme. Il te dit alors qu'il a fait le tour du monde. Tu le regardes murmurant un petit mot, légèrement émerveillée. Mais, tu ne le montres pas trop... « Cool... » Tu pourrais manifester plus d'enthousiaste si cet idiot qui n'est autre que ton frère, n'avait pas... fuit en vous laissant derrière.. Enfin, tu sais pas mais... il aurait pu t'emmener non ? « Alors, vous êtes revenus faire face à votre passé ? C'est courageux. » POUAH ! Ces mots t'ont arraché la bouche. T'en penses pas un mot. Isma n'est en rien courageux, c'est un lâche qui n'a pas su gérer sa peine et laissant sa famille se démerder. Un putain de lâche. Tu déteste ton frère pour ça, et tu t'es promis de ne jamais être comme lui. Ce qui explique sûrement ta surdose de courage se transformant en témérité par moment, voire en connerie. Puis, il t'annonce que les Esperanza sont sa famille. Bien sur, tu le savais, mais tu fais genre que ce n'est pas le cas. Tu continues de prendre le rôle de ce gamin voisin des Esperanza qui connait assez bien leur vie. « AH ! Tu dois être Ismaël ? Je comprend mieux ce que tu veux aux Esperanza du coup. » Tu hoches la tête. « Oui ! Ils vont tous bien ! » Baliverne. Mais, il s'en rendra compte par lui-même. Il était inutile de lui dire que presque personne avait remonté la pente de la mort d'Eden. Surtout que c'est en parti de la faute d'Isma tout ça.. enfin selon ton avis. Tu préfère laisser Eva lui expliquer, ce ne sera que plus drôle à l'imaginer pour toi, car tu ne comptes pas rester par ici très longtemps. « Vous pourriez être surpris, peut-être qu'ils vous accueilleront à coup de câlins plutôt que de pierres, qui sait ? Moi, je dis toujours : Qui vivra verra ! » Tu souris comme si tu étais fier de ta phrase fétiche, qui n'est en rien ta phrase, mais après tout qu'est-ce qu'il en sait ? Non, tu souris en imaginant la branlée que va lui mettre Eva. « En tout cas, ce qui est sur, c'est que vous leur manquez. » Toutefois, tu commences à peiner le fait que ça t'agace qu'il ne te reconnaisse pas. A croire qu'il a oublié qu'il avait un autre petit frère, du même age que Eden. A croire qu'il n'y avait que Eden qui comptait. Cette sensation qu'Eden comptait plus que toi, tu as grandis avec, et tu es en train de la ressentir lors d'une situation que tu as imaginé toute ton enfance et ton début d'adolescence. Alors, tu coupes court au détour. Vous devriez bientôt arriver devant chez toi. Chez vous.

« AH ! Tu dois être Ismaël ? Je comprend mieux ce que tu veux aux Esperanza du coup. »
Ouais, c'est lui Ismaël. Et il n'en a pas souvent eu honte, de manière générale le baroudeur a toujours été relativement fier de qui il était, mais c'est dans ce genre de moments qu'il ne peut pas vraiment s'empêcher de se demander s'il a vraiment de quoi, finalement. « Oui ! Ils vont tous bien ! »
Bon alors... c'est bien. C'est déjà ça, suppose-t-il. Ils s'en sont sortis sans lui et c'était vraiment tout ce qu'il leur souhaitait. « Vous pourriez être surpris, peut-être qu'ils vous accueilleront à coup de câlins plutôt que de pierres, qui sait ? Moi, je dis toujours : Qui vivra verra ! 
– J'aime bien cette devise, répond-il gentiment, amusé sans l'être par la fierté un peu infantile de l'adolescent. On verra bien. »
Même si en l'occurrence il n'a pas besoin d'y être pour savoir comment ça va se passer ; ce n'est pas vraiment la question et ça n'intéresse sûrement pas ce gosse. « En tout cas, ce qui est sur, c'est que vous leur manquez. »
Soupirant doucement, Ismaël ferme les yeux. Il s'en doute, bien sûr, quoiqu'il a fini par se dire qu'ils devaient le haïr bien plus que le regretter. « Eux-aussi, ils me manquent, confesse-t-il du bout des lèvres, la mort dans l'âme. Et j'ai loupé beaucoup trop de choses pour qu'ils me laissent revenir comme une fleur après autant de temps. »
Il avait dix-sept ans quand il est parti, et il a l'impression qu'une vie entière s'est écoulée jusqu'à aujourd'hui. « Tu dois avoir à peu près l'âge d'Isaïah, ose-t-il reprendre en coulant un regard vers l'adolescent. Tu le connais bien ? »
Mieux que lui, sans aucun doute. C'était un enfant quand Ismaël est parti. Un tout petit garçon déjà déchiré par la mort de son jumeau et très probablement traumatisé par la désertion de son grand-frère. « Est-ce que tu sais s'il a... continué le parkour ? On en faisait ensemble avant. Enfin, j'sais même pas s'il s'en rappelle. J'suppose que ce serait plus facile pour lui s'il m'avait complètement oublié. »

Alors que tu t'amuses avec les sentiments de ton frère, comme un véritable petit enfoiré, tu l'entends toutefois dire que vous lui manquez. Mais.... est-ce vrai ? Ou se donne-t-il bonne figure devant un gamin inconnu ? Tu n'en sais rien, et tu as peur de savoir la réponse donc reste dans l'anonymat. L'anonymat de ce garçon adolescent, que ton frère ne semble pas penser UNE SEULE SECONDE que ça pourrait être toi, que l'âge pourrait concorder. Naïveté, quand tu nous tiens. Ou bon menteur que tu es. Au choix. « Ah oui... Vous avez raté pas mal de chose. Mais ce n'est pas à moi de vous les raconter. » Dis-tu avec un minimum d'enthousiasme pensant surtout à Lazuli et sa nomination. Tu es fier de ta sœur, et tu n'oublies pas que c'est grâce à elle que tu as ta Trainer Cards. Ce n'est clairement pas ta mère qui l'aurait faire faire... Puis, Ismaël finit enfin par parler de toi à ce gamin dont tu joues le rôle. Tu hoches la tête. « Oui, il est dans ma classe ! » La question sur le parkour. Tu ne t'y attendais pas vraiment. Isma ne t'a donc pas tant oublié que ça. Tu le fixes longuement malgré toi avant de reprendre tes esprits. « Oui ! Il en fait avec Zelda, sa meilleure amie. Il parlait que c'était vous qui lui avait montré. » Le choix du verbe au passé était volontaire. Tu parlais, en effet, que c'était ton frère qui t'avait montré. Tu en parlais beaucoup. Puis, du jour au lendemain, tu as arrêté de parler d'Ismaël. La dernière fois que tu as dû parler de lui à tes camarades de classe, tu devais avoir douze ans. Quand tu as arrêté de croire à son retour, quand tu as arrêté de baratiner les oreilles de ta mère avec le fait de ne pas toucher à la chambre dédier à ton frère parce qu'il allait revenir, quand tu as arrêté de parler de lui à ta mère pour ne pas l'oublier, quand tu as arrêté de poser sur le porche de la maison attendant une silhouette masculine ressemblant à celle de ton frère, quand tu as arrêté de demander des nouvelles à ta famille, qui te donnait toujours la même réponse. « On en pas Isa... » Tu étais toujours déçu. Continuellement déçu. « On arrive bientôt. C'est au bout de la rue, là-bas. » Tu préfère presque le laisser là. Toute cette histoire te monte à la gorge, tu commences à perdre la main sur le rôle que tu es censé joué. Alors, tu le ramènes directement chez vous. « J'ai des petites choses à faire, comme acheter du pain pour ma mère, du coup, je vous laisse là. Mais, vous ne pourrez pas vous tromper c'est la maison avec le portail qui un Dracolosse en métal dessus. » C'était une demande de Lazuli pour maintenir votre origine d'Ebenelle. Tu lui affiches un sourire, comme si cette fois tu disais au revoir à ton frère : ce que tu n'avais pu faire auparavant.

« Oui ! Il en fait avec Zelda, sa meilleure amie. Il parlait que c'était vous qui lui avait montré. »
Et à nouveau, le sourire triste, le même, revient étirer doucement les lèvres d'Isma. Oui, il lui avait montré. Quelque part, ça lui fait plaisir de savoir qu'Isa a continué sans lui. S'il a réussi pour ça, il a sans doute réussi pour le reste. « J'ai hâte de le revoir, murmure-t-il, tout bas, plus pour lui-même que pour le garçon qui lui indique encore le chemin. C'est sûrement pas son cas, mais bon. Je peux m'en prendre qu'à moi-même. »
Le pire dans l'histoire, c'est de savoir qu'il a eu raison de faire ça, mais de savoir aussi qu'ici, personne ne l'entendra ; sauf Eva, peut-être, quand elle aura fini de le dépecer. Il appréhende vraiment ce retour. « On arrive bientôt. C'est au bout de la rue, là-bas. »
Instinctivement, en entendant ça, Ismaël ralentit l'allure. Il n'a pas envie d'arriver. Il a peur. De la plus infantile et incontrôlable des façons, il a peur et là, la seule chose dont il a envie, c'est faire demi-tour. « J'ai des petites choses à faire, comme acheter du pain pour ma mère, du coup, je vous laisse là. Mais, vous ne pourrez pas vous tromper c'est la maison avec le portail qui un Dracolosse en métal dessus. 
– C'est... c'est gentil merci, dit Isma en passant ses deux mains dans ses cheveux, le visage décomposé par l'angoisse et la voix clairement fébrile. T'es sympa de m'avoir montré, bonne soirée. »
Il tente un sourire bien peu convainquant et laisse l'adolescent lui tourner le dos ; lui, il observe, au loin, la tête de Dracolosse qu'il distingue par-dessus la ligne d'entrées des différentes petites maisons. Il va forcément se faire mettre dehors. C'est sûr. C'est certain. Mais il faut qu'il essaie, alors il fait un pas... et se ravise. Ça va forcément mal se passer. Il n'aura le temps de rien dire, il va se faire jeter dehors. C'est sûr, putain, c'est sûr ; alors il fait volte-face, et hèle son guide, qui s'en allait en sens inverse. « Eh ! appelle-t-il en le rejoignant en quelques foulées. Je... j'veux te dire. J'sens que j'aurai pas l'temps de lui dire avant d'être foutu dehors alors... si tu revois Isa bientôt. Dis-lui que je l'aime, s'te plaît. Et que j'suis désolé. »
Piteux, il fourre ses mains dans ses poches, baisse la tête. « C'est... c'est tout. Merci encore, bonne soirée, marmonne-t-il en faisant à nouveau demi-tour pour avancer vers le portail. »
Maintenant, il n'a plus qu'à affronter ce qu'il fuit depuis dix ans, quand bien même il s'agirait là d'un combat qu'il ne peut pas gagner.

Ismaël murmure quelques mots que tu n'arrives pas trop à entendre. C'est bien dommage, car tu saurais qu'il t'apporte plus d'importance que tu ne le penses. Mais, après tout, même si tu l'avais entendu, tu ne l'aurais pas cru. Si tu importais tant à ton frère, pourquoi il serait parti ? Il préférait Eden, comme tout le monde. Point barre. Cela dit, lorsque tu annonces votre arrivée, ton frère pâlit. Intérieurement, tu souris. Parce que, tu sais qu'Eva fait encore son petit effet sur la moral de la fratrie Esperanza. Même sur la tienne. Remarque, ça serait le moment pour toi de revenir à la maison sans te faire engueuler, elle serait bien trop occupée à coller une trempe à Ismaël. Alors que tu tournes le dos, laissant volontairement ton frère aîné à son destin morbides que doit lui réserver Eva, il te rattrape. Tu te tournes de nouveau vers lui, retenant de rouler des yeux. Il te dit de faire passer un message à Isaïah, son petit frère. Ta mâchoire se contracte, car s'il t'aimait vraiment, il te reconnaîtrait non ? Tu le crois pas, mais tu tentes de garder ton rôle de gamin voisin et ami de la famille. « Je suis sur que tu pourras lui dire par toi-même. Après t'être pris la baffe de ta vie et avoir perdu deux ou trois dents. » Dis-tu avec un sourire moqueur. Tu essaies de détendre l'atmosphère. Tu sais à quel point son retour est attendu bien qu'inespéré. Tu sais qu'il ne sera pas mis dehors. Mais, tu sais aussi qu'il ne sera pas accueillis avec des câlins et des larmes de joies : plutôt des larmes de colères. Tu hausses les épaules alors qu'il fait demi-tour et tu parles un peu plus fort. « Bon courage ! » Puis, tu te dépêches de disparaître de ce quartier d'abord en marchant plus vite, puis tournant sur la première rue, et grimpant dés que tu le peux, pour fuir une potentielle nouvelle retenue d'Ismaël. Peut-être même que tu essaies d'observer, ou en tout as d'écouter d'en haut, l'accueil d'Eva envers votre frère.