Ce n'est pas vraiment que la proximité avec Lucinel enchante énormément un Oliver déjà bien éprouvé par les récents et derniers évènements impliquant dans le même temps un chanteur et, par procuration, son abruti de mari Pokélover hospitalisé là-bas, non. En fait, s'il se rend au bois aujourd'hui, c'est plutôt à cause de Nox. Son petit Evoli ne tient plus en place depuis quelques jours, et s'il veut devenir dresseur, le batteur, il sait qu'il va falloir qu'il commence à sortir un peu plus régulièrement. Cela commence par des chemins pas trop difficiles, pas trop abrupts ; s'il a d'abord pensé au parc, il s'est rappelé que les captures et les combats étaient formellement interdits dans son enceinte quand bien même ce serait au bas de chez lui, quant aux autres endroits, il a préféré éviter. Il a plu cette nuit, et la Lande est encore gorgée de boue, pour commencer. Les orages violents rendent toujours la terre argileuse de cet endroit terriblement glissant, et mieux vaut ne pas prendre de risques inutiles. Sa hanche lui fait mal, en ce moment. Obligé de prendre sa canne, Oliver a alors réfléchi à d'autres endroits. Le Bois Demilune et les Steppes sont réputées trop dangereuses pour un novice, et ne parlons pas des environs de Myrtha ou de Thiapolis ; le tour du lac, objectivement ça l'emmerde, et il n'a pas envie de retourner à la Lumiclairière tout seul. Qui plus est, quand il a proposé la destination de la forêt à Nox, celui-ci s'est très vite enjoué rien qu'à l'idée. Ce sera donc la forêt.

Il aurait pu prendre la voiture, mais les taxis volants sont une véritable chance pour les personnes comme lui, à mobilité réduite, que les longs trajets épuisent. Dans le cas présent, en une heure il est dans la forêt ; et en forme, ce qui est plutôt une bonne chose dans la mesure où à l'instant où il relâche son Pokémon, ce dernier file presque ventre à terre à la lisière de la forêt. Nox est impatient, cela fait plusieurs jours que son dresseur n'est pas sorti, ou seulement pour aller jusqu'au studio. Mallory répète comme un acharné lorsqu'il n'est pas dans l'arène, et peu importe qu'il épuise ses musiciens. Si Geof', son Salarsen, est ravi de l'entraînement sans limites que lui impose le champion, Erèbe et lui sont sur les rotules ; mais la seule qui ait encore un tant soit peu le droit d'être fatiguée aux yeux de Mallo, c'est Sophie. Entre ses combats d'arène et la musique, la pauvre Ectoplasma n'a absolument pas le temps de se reposer.

Pourtant, c'est avec bonne humeur qu'Oliver suit son Pokémon, plantant fermement l'extrêmité de sa canne pour prendre appui. Il progresse lentement, quand bien même le chemin balisé ne serait pas trop difficile à emprunter, car chaque pas tord son bassin et lui arrache une grimace réfrénée. Les médecins ont passé leur temps à lui dire que la mobilité était importante pour sa guérison et pourtant, ce n'est qu'aujourd'hui qu'il se décide... et c'est peut-être un peu trop tard, songe-t-il en soupirant, quand l'ombre des arbres apporte une fraîcheur inespérée par cette chaude journée d'été. Vraiment, il a eu une bonne idée de passer par ici.
Nox court devant lui, fonce dans les buissons, en ressort, part droit devant et revient au premier appel de son dresseur, joyeux et heureux comme jamais ; à chaque fois qu'il atteint la hauteur d'Oliver, il se hisse sur ses pattes arrières pour réclamer une caresse, directement derrière les oreilles et à chaque fois accordée par le batteur beaucoup trop attendri pour la lui refuser. Ensuite, une baie dans le bec, il fonce de nouveau, peut-être un peu trop brutalement, et peut-être un peu trop vite.

Un dresseur, même peu expérimenté, sait que les Piafabec sont réputés pour leur très mauvais caractère, et déranger ces Pokémon tranquillement en train de manger au sol est une horrible idée. Si Oliver le sait, Nox, lui, semble avoir encore tout à apprendre, puisqu'il fonce droit vers un groupe de cinq individus qui s'envolent dans une série de croassements furieux... avant de foncer sur son Pokémon en piqué. « Nox ! s'écrie aussitôt son dresseur en écarquillant les yeux. Reviens ici, vite ! » Trop tard ; non contents d'être mauvais, les Piafabec sont rapides, et son pauvre Evoli se fige, paniqué, en comprenant ce qui va lui arriver. Oliver n'a pas le choix ; il faut absolument qu'il aille l'aider.

Il n'a pas couru depuis des années et pourtant, ses jambes le portent douloureusement vers l'avant, et c'est pris dans la précipitation, emporté par son élan qu'il trébuche, s'étale juste devant son Pokémon. Il tombe sur les coudes, une décharge abominable le prend directement dans le bassin à lui en arracher un gémissement de souffrance, mais la seule priorité, c'est de saisir son Evoli qu'il serre contre sa poitrine, tandis que les pattes et les becs des cinq Piafabec martèlent son T-shirt dans une série de croassements furieux. Et merde, songe le batteur en fermant les yeux. C'est quand même un peu malheureux de terminer bouffé par des Piafabec, non ?

« Mais tu es sérieuse ? » souffla l’homme mi exaspéré et mi joueur en observant la petite Goupix à ses pieds avec une branche dans la bouche. Elle déposa le morceau de bois aux pieds du soigneur avant de s’asseoir et de l’observer avec ses yeux de Caninos battu. Kayden poussa un profond soupir et il se pencha pour attraper la branche. Amber savait que le temps leur était compté, mais elle restait également un Pokémon joueur qui avait besoin de se détendre. En fait, ils avaient tous les deux besoins de se détendre. Depuis des années, leur vie était rythmée par une quête qui devenait de plus en plus impossible. « Nous devons traverser la forêt pour rejoindre le fleuve. » ajouta-t-il en regardant le bois. Amber savait tout cela, mais ça ne l’empêcha pas de commencer à tourner sur elle-même. Après avoir roulé les yeux, le Weaver haussa les épaules. Ils pouvaient bien s’accorder quelques minutes avant de reprendre leur route. Le soigneur lança le morceau de bois quelques mètres devant lui. Sans perdre un instant, la Goupix se retourna et courra après le bois pour le ramener à son propriétaire. Elle le posa à nouveau aux pieds de Kayden et l’observa. L’homme reprit le bâton et le renvoya, cette fois plus loin. Amber courut et bondit pour attraper le bois au vol, mais elle échoua ce qui la fit râler. « Je t’ai entendu. » dit-il avec un petit sourire tandis qu’Amber, mécontente, revenait vers lui. À plusieurs reprises, le duo recommença le même manège, Amber réussit à quelques reprises à attraper le bois dans les airs et même si elle était essoufflée en revenant sans arrêt vers Kay’, elle voulait coninuer. Au bout d’un moment, le soigneur commença à lancer le bois beaucoup plus loin, au point de perdre la petite Goupix de vue. Elle devait traverser des buissons pour revenir avec la branche quelques instants plus tard. Mais une fois, elle tarda à revenir. « Amber ? » demanda-t-il d’une voix forte en avançant vers l’endroit où le Pokémon avait disparu. Elle revint finalement auprès de Kayden avec une certaine peur dans les yeux. Elle aboya – enfin un son qui ressemblait à cela – avant de tourner sur elle-même à toute vitesse. Elle n’avait ramené la branche ce qui voulait dire que quelque chose l’avait gêné. « Guide-moi. » ordonna-t-il en retournant sur ses pieds pour récupérer son sac et pour suivre le renard de feu à travers la forêt.

Bien vite, l’homme comprit ce qui avait fait paniquer la petite Amber. Une masse au sol, en boule, était en train de se faire attaquer par une armée de Piafabecs enragés. Amber recommença son manège et se remit à tourner autour de Kayden qui réfléchissait à la meilleure approche sans risquer de retourner les oiseaux en colère contre eux. « Amber. » murmura-t-il afin d’attirer l’attention du petit Pokémon qui arrêta soudainement de bouger pour suivre du regard ce que son propriétaire du moment lui pointait. Une montagne de feuilles près de la scène. L’homme et son Pokémon se regardèrent dans les yeux et le soigneur fit un signe de la tête afin de conforter le Goupix dans l’idée. Cette dernière ne tarda pas à agir et avec l’aide d’une attaque flammèche, elle enflamma les feuilles et branches mortes dans l’espoir de faire fuir les oiseaux. La chaleur et la simple présence des flammes devrait suffire à les effrayer, non ? Du moins, c’est ce qu’il aurait dû se passer, mais l’un des oiseaux entreprit d’envoyer d’énormes rafales de vents sur le feu afin de l’éteindre. Le feu disparut aussi vite qu’il était apparu et maintenant l’oiseau était à la recherche du responsable. « Mauvaise idée. » souffla l’homme en s’adossant à l’arbre pour ne pas se faire voir. Il baissa la tête et il revit à ses pieds la fameuse branche d’Amber. Il sourit et il l’attrape pour la tirer à l’opposé dans les buissons. En poussant d’horribles cris, la horde se déplaça en direction du son, elle était déjà prête à attaquer. Rapidement, Kayden courut vers la personne au sol et s’accroupit à sa hauteur. « Vous pouvez bouger ? Il faut partir avant qu’ils reviennent. » dit-il avec une légère crainte dans la voix. Sa main se posa sur le bras de l’inconnu qu’il secoua légèrement dans l’espoir de le faire réagir.  

Tout le monde savait que les Piafabecs en bande étaient de redoutables ennemis pour tout voyageur impudent et novice ; tout le monde à l'exception de Nox apparemment, et il ne lui en voulait même pas, Oliver. De là où il venait, il n'y avait pas ce genre de volatile, ce même genre d'horrible oiseau dont les serres griffues éraflent son dos et ses vêtements dans une série de cris furieux, tandis que son Evoli gémit au creux de ses bras, tremblants et effrayé. Il va très certainement finir à l'hôpital, il peut sentir les griffes des Pokémon mordre sa chair à mesure que les minutes passent, sans parler de sa hanche blessée, irradiant le long de sa jambe à lui en arracher un cri de douleur quand un coup de bec un peu trop vicieux l'oblige à se courber. L'opération risque d'être affreusement compliquée pour lui, et dans la mesure où ses deux mains sont prises par son Pokémon incapable d'attaquer, il ne peut même pas prendre ses Pokéballs à sa ceinture pour libérer Meleys. Sa Salamèche aurait eu tôt fait de se débarrasser de leurs agresseurs, mais lâcher Nox risquerait de le mettre en danger, et quitte à ce que quelqu'un se fasse mal, Oliver préfère que ce soit lui.

C'est une brusque sensation de chaleur qui lui fait tourner la tête, auparavant rentrée dans ses épaules ; près de lui, il y a un homme, accompagné d'un Goupix qui vient tout simplement de foutre le feu à un tas de branches et de feuilles mortes, non loin. Ce n'était pas forcément une bonne idée pour détourner l'attention des volatiles, mais une simple attaque de l'un d'entre eux éteignit le petit feu en naissance avant de provoquer l'effet escompté. Fourbu de douleur, il se courbe un peu plus vers l'avant, craignant une seconde rafale de Piafabecs ; mais rien ne vient, un bruit retentit dans un buisson, et l'attaque s'arrête d'un coup, laissant le jeune dresseur là, le souffle court, les yeux écarquillés aussi bien par l'épuisement que par une drôle de peur, peut-être un peu inconsidérée. Il ne serait pas mort, mais maintenant, il a mal au dos en plus de sa hanche ; il ne sait même pas s'il va être capable de se remettre debout, tout de suite.

L'homme dont il n'avait jusqu'alors aperçu que les jambes se penche finalement vers lui, après quelques pas de course ; un peu hébété, Oliver lève le nez, tandis que son Pokémon s'extirpe de ses bras, tout tremblant. Avec un peu de chance, cette leçon sera retenue ; on ne fonce pas dans une horde de Piafabecs, c'est la pire idée du monde. « Vous pouvez bouger ? Il faut partir avant qu’ils reviennent. » Une main se pose sur son bras, et c'est un grognement de douleur qui lui échappe avant le moindre mot ; finalement, c'est péniblement qu'il tente de se redresser. « Va... va falloir m'aider, articule-t-il en maudissant sa faiblesse, avant de s'accrocher à un bras solide. » De sa main libre, il se saisit de sa canne ; mais à l'instant où il se redresse, une violente décharge enflamme sa jambe et son dos, le faisant tituber. Expliquer tout de suite ce qui se passe serait une vraie perte de temps, et c'est finalement en serrant les dents, des larmes de souffrance au bord des yeux, qu'Oliver finit par se décider à suivre l'inconnu jusqu'à un endroit un peu plus abrité. Si les Piafabecs reviennent, il va vraiment finir à l'hosto.

Après quelques secondes de marche rapide titubante et douloureuse, c'est sous le couvert des arbres que les deux hommes trouvent refuge ; un rapide coup d'oeil lui indique que Nox a rejoint le Goupix de l'étranger, rassurant le jeune homme dont la main tremble violemment sur sa canne, à mesure qu'il reprend ses esprits. Son t-shirt est déchiré au niveau des épaules, striées de coups de serres ; si son sac a également été attaqué, le batteur n'en fait pas grand cas. Il va s'effondrer. « Merci beaucoup, halète-t-il en passant une main sur son front, obligé de prendre appui contre un tronc d'arbre. Mon Evoli est... enfin j'suppose qu'il a jamais vu de Piafabec, il a dû vouloir s'amuser. » Et quel amusement, hein ? C'est sûr qu'il se marre, là. « Ça vous embêterait de... il y a, une, une boîte de calmants dans la poche avant de mon sac, c'est pour ma hanche. » Et cette évidente faiblesse, Oliver ne la supporte pas, il ne l'a jamais supportée. Myrtha a laissé une trace indélébile sur son corps, qui le met régulièrement dans cette horrible position ; avant, et de toute la bande, il était celui qui courait le plus vite. « J'sais pas c'qui se serait passé si vous aviez pas été là, en fait. Merci, vraiment. » Mais s'il veut reprendre sa marche, il va falloir qu'il le prenne, ce foutu médicament. 

Peu importe ce que Kayden aurait dû faire pour venir en aide à la personne au sol, il l’aurait fait. Il n’était pas le genre d’homme à pouvoir fermer les yeux sur une situation où un Pokémon ou un humain se trouvait en danger. Encore moins lorsque c’était les deux à la fois qui avaient des problèmes. L’homme n’avait pas demandé à Amber d’attaquer directement les oiseaux en colère. Elle aurait pu avoir le dessus sur un voire deux, mais elle aurait provoqué la colère des autres. Ce n’était pas l’idéal dans la situation actuelle, donc Kayden avait réfléchi rapidement à une solution. Sa première pensée avait été un échec, mais heureusement pour tout le monde, une branche de bois et du bruit avaient suffi à éloigner temporairement le groupe de Piafabecs. C’était le moment d’agir. Il n’y avait pas une seconde à perdre. Bien vite, les oiseaux allaient remarquer la feinte et ils allaient revenir à la charge contre leur première victime. Ils étaient complètement aveuglés par la colère.

L’aider ? Bien sûr que Kayden compter l’aider. Il n’avait pas fait tout ça pour le laisser de débrouiller tout seul maintenant. De toute manière, le jeune garçon ne semblait pas en état de bouger pour l’instant. Il devait être encore sous le choc de l’attaque. Le soigneur ne tarde pas à soutenir le brun lorsqu’il tenta de se remettre debout. Pendant la courte marche qui les séparait d’un endroit plus sécuritaire, Kay’ resta près de l’inconnu, il se tenait prêt à intervenir au besoin en cas de chute. Malgré la douleur et sa canne prouvant une blessure déjà présente, l’homme continuait d’avancer. Il avait compris l’urgence de la situation et Kayden l’arrêta près d’un endroit où les arbres étaient plus nombreux. De cette manière, ils seraient plus difficiles à trouver. Du moins, c’est ce que Kayden espérait. Même s’il savait pertinemment qu’ils ne devraient pas trop s’attarder à cet endroit, ils étaient encore trop près. Ils pouvaient se le permettre le temps que le jeune homme reprenne son souffle et ses esprits. Kayden pourrait jeter un coup d’œil au Pokémon aussi afin de s’assurer de son état avant de conseiller au dresseur et à l’Evoli de s’éloigner davantage.  

« Prends le temps de t’asseoir quelques minutes. » proposa-t-il en voyant l’inconnu plutôt prendre appui contre un tronc d’arbre. S’il souffrait à une jambe ou à une hanche, il serait mieux au sol. « Amber va surveiller. N’est-ce pas ? » Il se retourna vers la petite Goupix qui hocha vigoureusement la tête. Elle allait prendre sa mission au sérieux. Le soigneur reporta son attention sur l’inconnu qui lui affirma que son Evoli avait voulu s’amuser. Kayden eut un demi-sourire. « Il est jeune, n’est-ce pas ? Il est magnifique. Chromatique ? » Le soigneur avait tourné la tête vers le petit Pokémon qui était tout simplement magnifique. C’était le premier Pokémon chromatique qu’il voyait. Au point, il avait cru longtemps dans sa vie que c’était seulement une légende sans fondement. Si la situation avait été moins critique, il serait sûrement attardé davantage sur le pelage de l’Evoli. « Je peux l’examiner si tu veux. Pour s’assurer qu’il n’a rien de grave. » Kayden n’avait pas assisté à toute la scène, il ne savait pas si le Pokémon avait été attaqué en premier.

À la demande de l’homme, le soigneur tourna vivement la tête vers le sac au sol. Il n’hésita pas et s’accroupit devant le sac afin de fouiller dans la poche du devant. Il revint avec la boite de médicament et il attrapa une bouteille d’eau accroché à son propre sac de voyage. « Tiens. » Il lui tendit le médicament en premier avant de lui donner sa bouteille. « Tu peux la garder, j’allais bientôt rentrer. » mentit-il avec un sourire se voulant rassurant. Sa journée venait de commencer, mais peu importe. Il allait boire autrement, ce n’était pas un problème pour lui. Ce jeune inconnu en avait plus besoin que lui. Négativement, Kayden secoua la tête lorsqu’on le remercia de son intervention. « C’est normal. Je ne pouvais pas te laisser comme cela. Comment tu te sens ? J’ai quelques trucs dans mon sac, je peux regarder tes blessures aussi. » proposa-t-il en posant son propre sac au sol afin de sortir son kit médical officiel. C’était son boulot après tout. Ce n’était pas la première fois qu’il intervenait de cette manière auprès d’un dresseur et de son Pokémon. « Ça va aller pour ta jambe ? Une vieille blessure ? » Curieux ? Oui, il l’était. Ça pouvait même être considéré comme déplacé, mais c’était plus fort que lui.

Il y avait une différence profonde entre bienveillance et pitié et durant des années, Oliver avait eu du mal à la voir. Tous ceux qui se penchaient pour l'aider, tous ceux qui lui demandaient s'il avait besoin de quelque chose, qui lui assuraient de ne jamais hésiter à les appeler en cas de besoin, le jeune homme les renvoyait acerbement dans les roses, à la simple mention d'une proposition de ce genre. Il était blessé, pas infirme, et il avait toujours mis un point d'honneur à ne jamais être un poids pour personne, et surtout pas pour lui. Cependant, et aujourd'hui, il est conscient que certaines aides ne peuvent pas vraiment être refusées ; s'il ne prend pas un cachet maintenant, qu'il n'a pas cinq minutes pour reposer son corps brisé, il ne pourra pas repartir. Qui plus est, il est absolument hors de question de retourner à l'hôpital, le temps qu'il y a passé à l'époque lui avait largement suffi ; sans parler de ces longues heures de rééducation durant lesquelles il a transpiré, grondé, pleuré de rage en voyant son corps refuser de répondre à de simples demandes comme marcher, par exemple. Si aujourd'hui, son handicap est un peu moins lourd à porter, les stigmates sont encore bien là, et c'est uniquement la reconnaissance qui l'empêche de protester quand l'inconnu se penche vers lui pour s'assurer que tout va bien. « Prends le temps de t’asseoir quelques minutes. » Sa jambe tremble violemment et il sait que c'est la meilleure chose à faire ; il sait aussi, et pourtant, qu'un peu plus loin les Piafabecs ne tarderont pas à se mettre à leur recherche. Il hésite, et l'inconnu le voit, puisque c'est le Goupix qu'il désigne ensuite d'un léger signe de tête. « Amber va surveiller. N’est-ce pas ? » 

Par chance, le petit Pokémon hoche la tête ; elle est visiblement bien mieux dressée que Nox, qui a un peu de mal à s'éloigner de son dresseur, maintenant. Les pattes légèrement courbées et les oreilles couchées, il se remet de sa peur tout en sachant pertinamment que là, il a fait une bêtise ; sans avoir risqué la vie de son dresseur, il a risqué la sienne, et ce serait un motif tout à fait valable pour un aller simple dans sa Pokéball en punition si la leçon n'avait pas déjà été sévèrement apprise par le pauvre petit Evoli. « Il est jeune, n’est-ce pas ? Il est magnifique. Chromatique ?
Oui, répondit le dresseur avec un hochement de tête. J'ai eu pas mal de chance avec mes Pokémon. » Dans son équipe, il y a deux chromatiques ; ceux que tout le monde qualifie de si rares, il a eu la chance d'en rencontrer deux. « Je peux l’examiner si tu veux. Pour s’assurer qu’il n’a rien de grave. » Il hoche la tête, Oliver ; il ne doit avoir que des égratignures dans le dos, il est bon pour une bonne peur mais rien de plus. Au moins, songe-t-il alors que l'homme se penche pour saisir la boîte de cachets dans son sac, il va pouvoir prendre ça très vite pour pouvoir être tranquille et repartir avant que l'attaque reprenne.

Une bouteille d'eau lui est tendue et il s'apprête à protester ; lui aussi en a une, mais elle lui est collée dans les mains avant d'avoir eu le temps de dire ouf. Les pensées d'Oliver sont un peu emmêlées par les derniers restes de l'attaque, alors il se contente de prendre son cachet, la bouteille ouverte ; il faut absolument qu'il se reprenne, bon sang, qu'il ait mal d'accord, mais en aucun cas cela ne devrait le priver de ses moyens. « Tu peux la garder, j’allais bientôt rentrer.
– Vous en faites pas, j'ai la mienne, répond le jeune homme après avoir pris son médicament, soulagé par avance de savoir que la douleur refluera dans quelques minutes. Mais merci, c'est très gentil. Pour ça et tout le reste.
– C’est normal. Je ne pouvais pas te laisser comme cela. Comment tu te sens ? J’ai quelques trucs dans mon sac, je peux regarder tes blessures aussi. » Qui c'est, ce mec ? Un itinérant, un soigneur ? Un sauveteur ? Il ne l'a jamais vu Oliver, mais il y a peu de temps qu'il a commencé à s'intéresser aux promenades dans les zones sauvages ; au vu de la manière dont il sort un kit de soin, dans une série de gestes habiles et habitués, il doit être plutôt coutumier à l'exercice. Il a eu beaucoup de chance.

« Ça va aller pour ta jambe ? Une vieille blessure ? » Oliver hoche la tête ; il lui doit bien une réponse, après tout. Qui sait comment il s'en serait sorti, si cet homme ne lui avait pas sauvé la peau ? Alors, il soupire. « On a tous laissé quelque chose à Myrtha, moi c'est ma mobilité, répond-il dans un petit haussement d'épaules, comme pour ne pas trahir la véritable détresse qu'a provoqué son état, dix années auparavant. J'me suis retrouvé sous les décombres de ma propre maison pendant des heures, et le verdict, c'est le col du fémur cassé. Même avec des broches, on en sort par sans séquelles. » Et si maintenant, il a moins de mal à vivre avec, c'est toujours un peu compliqué de le dire. Assis contre le tronc d'arbre, Oliver guette les bruits aux alentours ; prie pour ne surtout pas tomber sur un nouvel assaut de Piafabec, pas sûr qu'il s'en relève, de celui-là. « Vous êtes du coin ? Vous avez l'air habitué à venir au secours des gens, vu le matos, poursuit-il avec un petit sourire. » Plus tranquille, et attendant que son médicament fasse effet, il tend gentiment la main pour se présenter correctement. « Je m'appelle Oliver Porter. J'suis batteur, et... je crois que j'essaie d'être dresseur mais comme vous pouvez le constater, c'est moyennement concluant. Vous êtes soigneur, alors ? »

Un petit sourire naquit sur les lèvres de Kayden lorsque l’homme confirma que son Pokémon était chromatique. C’était une question rhétorique. Il suffisait de regarder le petit Evoli pour s’en apercevoir. C’est tout naturellement que l’homme proposa ensuite d’observer le Pokémon. Un petit contrôle de routine après une attaque comme celle-ci n’était pas de trop. Le dresseur approuva et Kay’ hocha la tête à son tour. Il le ferait lorsqu’il serait rassuré sur l’état du jeune homme. Il semblait souffrir davantage que son Pokémon. C’est pour cette raison que le plus vieux prit tout en charge. Il ne laissait pas réellement le choix à l’inconnu de prendre sa bouteille d’eau pour son médicament. S’il souffrait et qu’il était sous médication, il valait mieux pour lui qu’il le prenne le plus rapidement possible. Le Weaver s’en fichait de donner l’impression d’en faire trop. C’était une déformation professionnelle et le jeune homme allait le comprendre rapidement. Après son Pokémon, il lui proposa également d’observer ses blessures. Il n’avait pas énormément de matériel pour soulager les humains, mais ce n’était pas impossible.

Kayden était un curieux, ce n’était pas nouveau. Il posait parfois plus de questions que nécessaire. Qu’il connaisse la personne ou non, ça ne changeait rien pour lui. Il était comme il était et il était trop vieux pour changer maintenant. L’inconnu s’ouvrit sur sa blessure et Kay’ serra immédiatement les dents. Il tenta de garder son regard neutre, mais il ne put. Ce dernier s’assombrit légèrement lorsque le jeune homme parla de Myrtha et de la tragédie qui s’était abattue sur la ville. Kayden ne l’avait pas vécu, il était déjà loin, mais ça ne l’avait pas empêché d’avoir une certaine crainte. Il avait tenté pendant des heures de contacter sa sœur afin d’avoir des nouvelles et malheureusement, les nouvelles n’avaient pas été toute rose. Sa jumelle s’en était sortie, mais ça n’avait pas été le cas de son mari. Autre que son beau-frère, le Weaver avait perdu des amis et des connaissances. Sans parler des souvenirs qui s’étaient envolés. Le quinquagénaire écouta attentivement l’homme parler de ce qu’il avait traversé pendant la tragédie et un soupir finit par s’échapper de ses lèvres. « Je suis vraiment navré de ce qui est arrivé à Myrtha et des nombreux dommages que ça a causé. » Il passa sa langue sur ses dents. Il ne savait pas pourquoi, mais une partie de lui culpabilisait de ce qui s’était passé. Même si personne ne pouvait expliquer ce qui était arrivé, Kayden avait la mauvaise impression que sa famille était derrière tout cela. Et même s’il n’approuvait pas leur idéologie, il portait leur nom. Nom que l’homme aurait pu changer. Il avait pensé prendre le nom de sa femme lorsqu’il l’avait épousé. Il aurait été prêt à mettre les coutumes de côté et à changer les choses, mais une partie de son cœur était toujours à Lathea. Il pouvait trahir sa famille, mais pas sa sœur. C’est ce qui l’avait poussé à conserver ce nom qu’il détestait tant. « Je suis d’Alola. » Enfin… Pas exactement, il n’y était pas né, mais il y avait passé une partie de sa vie. C’était son chez lui maintenant. L’homme observa longuement sa trousse médicale et il sourit. Il était bien équipé, oui. C’était important pour lui de l’être s’il désirait venir en aide à ceux dans le besoin qu’il croisait.

Kayden posa son regard sur la main tendue et il tendit la sienne pour la serrer afin de procéder aux présentations officielles. Le quinquagénaire le laissa commencer et il sourit lorsqu’il affirma qu’il essayait d’être dresseur. « C’est beaucoup de boulot, je te souhaite le meilleur des succès dans cette voie. Ne laisse pas les événements d’aujourd’hui te faire douter. » Dresser un Pokémon n’était pas une chose évidente. Ça demandait du temps et de la patience. Des erreurs, Oliver allait en commettre, mais il devait continuer d’y croire. « Je suis soigneur, oui. Médecin itinérant plus précisément. » commença-t-il par avouer. Il omettait son nom pour l’instant. Il aurait pu tout simplement donner son prénom, mais ça ne serait pas juste n’est-ce pas ? De toute manière, il n’avait jamais été du style à cacher qui il était. Même pas à un habitant de Myrtha. « Je n’ai jamais réussi à rester dans un centre Pokémon à attendre. J’ai mélangé mes deux passions. Le soin et les voyages. » ajouta-t-il pour justifier pourquoi il était aussi bien équipé. « Docteur Weaver, mais tu peux m’appeler Kayden. » Il poussa un profond soupir et il précisa : « J’ai passé plus de 25 ans à Alola, mais je suis également de Myrtha. » Voilà, l’information était lancée. L’homme pouvait en faire ce qu’il voulait maintenant. S’il avait besoin d’un coupable pour ce qui s’était passé, Kayden était là. Dans son adolescence, il avait accepté longuement les reproches qu’on pouvait faire à sa famille. 27 ans plus tard, ça n’allait pas changer. « Tu veux bien relever ta manche ? Je vais regarder. » Il trouvait que le sang s’accumulait rapidement sur le bras d’Oliver pour une simple blessure sans importance.

« Je suis d’Alola. » Oliver se souvient assez mal d'Alola. Lorsqu'il y a été, c'était à une période plutôt compliquée de sa vie ; le groupe et lui se lançaient dans le tour des régions, et Mallory imposait à tout le monde un rythme effréné qui ne lui permettait absolument pas de prendre le repos dont il avait besoin à ce moment-là. Bien au contraire, c'était presque un cauchemar de voyager avec le champion, plus revêche, plus désagréable et plus grégaire qu'à l'ordinaire ; si Oliver n'a jamais compris pourquoi les mois qui ont suivi le départ d'Isma ont fait de Mallory le mec le plus infect de la terre, il se rappelle d'Alola de longues soirées de travail dans les différents studios de la région. Le reste du temps, il était bourré. A l'époque, sa jambe lui faisait trop mal pour le supporter, et l'alcool faisait taire la douleur, au moins pour quelques heures.

Mais ce ne sont pas les souvenirs les plus agréables de sa vie, loin de là ; alors il passe à autre chose le dresseur, décide de ne pas y penser, serre la main qui lui répond avec un sourire. Cet homme aurait pu le laisser se débrouiller tout seul, mais visiblement, il est tombé sur une bonne étoile. « C’est beaucoup de boulot, je te souhaite le meilleur des succès dans cette voie. Ne laisse pas les événements d’aujourd’hui te faire douter.
– C'est vraiment sympa, merci. M'enfin, difficile de pas douter avec une jambe en moins, hein ? » Est-il vraiment fait pour devenir un dresseur, après tout ? Il se l'est souvent demandé, et tout le monde lui a dit que cette blessure n'aurait jamais dû le détourner de son objectif. Et pourtant, le résultat est bien là, et il ne peut que le constater ; au moindre coup de chauffe, il est impuissant. Il a réussi à protéger Nox au moins, mais voilà une bien piètre consolation pour quelqu'un comme lui, qui considérait la course et l'aventure comme un air nécessaire pour respirer. A bien y réfléchir, il lui semble que ces pensées-là ont mille ans d'âge.

« Je suis soigneur, oui. Médecin itinérant plus précisément. » Ce doit être vraiment chouette, de faire un métier pareil. Être sur les routes, aider les autres ; lorsque la question s'est posée pour lui, Oliver s'est longtemps demandé s'il n'aurait pas aimé devenir un ranger. A chaque fois qu'il en parle avec Hydris, il l'envie. Aucune journée ne se ressemble, chacune est riche en possibilités, en rencontre ; son métier aussi le permet, bien sûr, mais de façon beaucoup moins authentique. Curieux, il lève le nez, attend la suite. Doucement, et alors qu'il écoute l'homme lui parler, la douleur reflue doucement le long de sa jambe. « Je n’ai jamais réussi à rester dans un centre Pokémon à attendre. J’ai mélangé mes deux passions. Le soin et les voyages.
– Je vous envie, confesse le batteur, un sourire aux lèvres. Ça doit vraiment être génial, comme métier. »

Et donc ? Pour le remercier comme il se doit, il va lui falloir son nom, à cet homme. « Docteur Weaver, mais tu peux m’appeler Kayden. »

Et soudain, c'est comme une horrible douche froide, un coup de poing dans l'estomac. Weaver, c'est un nom qui semble sorti d'outre-tombe, un terrible remugle du passé à l'heure où il fallait trouver des responsables à ce qui lui est tombé sur la gueule, dix ans auparavant. Un peu sonné, peut-être un peu en colère aussi sans donner la moindre légitimité au sentiment qui lui étreint la poitrine, Oliver écarquille les yeux. Merde. C'est pas vrai ? Il soupire, Kayden ; comme si ça allait lui rendre ses jambes. « J’ai passé plus de 25 ans à Alola, mais je suis également de Myrtha. » Cette fois, Oliver est déchiré. Entre l'envie de le tenir comme responsable, de lui dire que c'est de la faute de sa famille si tant de gens sont morts, de l'accuser, de crier, presque, cette rancoeur qui se pend à sa gorge depuis des années ; mais peut-il vraiment cracher ainsi au visage d'un homme qui vient de le sauver ? « Tu veux bien relever ta manche ? Je vais regarder. »

C'est peut-être un peu de mauvaise grâce qu'il obéit, Oliver, qu'il tend le bras pour se laisser soigner. Il commence à saigner un peu trop, et se contorsionner pour se soigner, c'est une mauvaise idée. « Vous avez fui après la catastrophe, j'imagine ? » Peut-être que le ton est trop grinçant, peut-être devrait-il montrer un peu de reconnaissance envers celui qui est en train de s'occuper de lui. Mais c'est difficile. Tous ses rêves sont partis avec Myrtha. Mélangés aux cendres de la ville et de son futur, tout ça à cause de la folie d'une seule famille. Personne ne peut le prouver, mais lui en est sûr. « Vous avez vu c'qui s'est passé là-bas ? Les morts, les blessés, les destructions... j'imagine que vous êtes affiliés à la famille de dégénérés responsable de tout ça, non ? » Doucement, il lève le bras, saisit une Pokéball pour la lui désigner. « Ça, par exemple. C'est parce que les Weaver ont foutu l'équilibre en l'air qu'il s'est passé ce qu'il s'est passé. Je peux pas encadrer les Pokélovers à cause de ça. » Ou peut-être parce que sa mère fait partie des têtes du Système Gaïa ; rien ne va sans l'autre, de toute manière. Jamais Cassandre Porter n'aurait décidé de grimper les échelons, si son fils n'avait pas perdu l'usage partiel de ses jambes, s'ils n'avaient pas tout perdu. « Je déteste les gens de votre famille. C'est de leur faute, tout ça. »

Un demi-sourire triste naquit sur ses lèvres lorsque le jeune homme lui parla de ses doutes causés par sa jambe invalide. Il pouvait comprendre ses doutes par rapport à ses difficultés. Il avait déjà dû se faire dire des dizaines de fois de ne pas abandonner et de ne pas voir sa blessure comme un obstacle. Il n’avait sûrement pas besoin de se faire redire la même chose par un pur inconnu. Kayden se contenterait de lui souhaiter le meilleur et d’espérer qu’il allait pouvoir réussir ce qu’il allait entreprendre. Sur ce coup, l’homme préféra ne rien ajouter. Il avait déjà dit ce qu’il avait à dire sur la situation qui venait de se passer, pour le reste, il n’était pas le mieux placer pour parler. La conversation dévia ensuite sur le métier qu’effectuait le Weaver. Comme à chaque fois, il fut franc. Il était soigneur itinérant, car il ne supportait pas de rester enfermé et que c’était impensable pour lui de laisser des Pokémon souffrir. « Oui c’est génial. Le monde est magnifique. » Il sourit avec certaines étoiles dans les yeux. Il avait visité plusieurs régions et il s’était extasié à chaque fois. Les différences entre chacune étaient impressionnantes et pour un passionné comme lui, il ne pouvait pas être plus heureux.

Continuant sur la voie de la franchise, c’est son nom complet qu’il donna à Oliver. Kayden Weaver. Il ne savait pas s’il voulait encore dire quelque chose ici. Il ne savait pas si sa famille l’avait traîné dans la boue ou au contraire, s’il avait été complètement oublié. Franchement ? Il s’en fichait. Il était qui il était peu importe ce que sa famille ou les gens de cette région pouvaient en penser. Il était un Weaver différent des autres et seulement ceux qui voudraient prendre le temps de discuter avec lui allaient le savoir. Pour les autres, il allait les laisser dans l’ignorance. Sans réelle surprise, c’est le silence qui suivit sa révélation ce qui poussa à Kay’ à changer de sujet. Il voyait beaucoup de sang s’échapper et il devait faire quelque chose. Il fut presque surpris de voir Oliver s’exécuter et Kayden en profita pour attraper un chiffon dans son sac. Il allait commencer par nettoyer au mieux la blessure avant de la désinfecter. Kayden était en train de s’activer sur l’entaille lorsque le batteur ouvrit enfin la bouche. Sa question était presque sanglante et étrangement, elle arracha un petit sourire à l’homme qui se contenta de répondre en secouant négativement la tête. Lorsqu’Oliver commença à s’énerver et à enchainer les reproches sur la catastrophe et sur les Weaver, Kayden s’éloigna d’un pas pour mieux l’observer dans les yeux. À aucun moment la honte ou la culpabilité ne gagna son regard. Ça, il le gardait pour lui. Il ne partageait pas ses sentiments avec autrui. « Tu peux les détester si ça te fait plaisir. Tu peux même les haïr. » Il haussa les épaules. Étrangement, Kay’ ne s’incluait pas là-dedans. Il était détaché des Weaver depuis beaucoup trop longtemps. « J’ai entendu parler de la catastrophe, mais non, je ne l’ai pas vécu, ni vu. Je ne suis pas retourné voir les débris de Myrtha. » Il ne savait même pas s’il avait envie d’y aller. Ça faisait longtemps qu’il considérait Alola comme son chez lui. Lathea avait seulement été un passage dans sa vie. Délicatement, Kayden attrapa la Pokéball qu’Oliver lui montrait. Il l’observa de longues secondes. Est-ce qu’il allait devoir se justifier à chaque inconnu qui allait croiser, car il avait le malheur de porter un nom qu’il détestait autant que la majorité d’ici ? « Je ne sais pas si ma famille a quelque chose à voir avec tout cela, mais si vous avez besoin d’un responsable pour ce qui est arrivé, ils ont le dos large. » Encore une fois, Kayden s’excluait de tout cela. D’un point de vue extérieur, on pouvait avoir l’impression que ça lui glissait sur les épaules. Si tout le monde souhaitait accuser les Weaver, ils pouvaient le faire. Ils ne méritaient pas mieux que cela. « Ils m’ont foutu à la porte à ma majorité, car j’ai eu le malheur de penser par moi-même. C’est quelque chose qu’ils n’ont jamais apprécié. » Kayden soupira bruyamment. Il n’aimait pas retourner aussi loin en arrière dans sa vie, il était passé par-dessus depuis longtemps. Cependant il avait conscience en revenant ici qu’il aurait des comptes à rendre à gauche et à droite. « C’est un concours de circonstance si je suis ici aujourd’hui. Je suis né à Myrtha, mais je viens d’Alola. » Son chez lui se trouvait sur cette île.

Est-ce qu'il culpabilise, cet homme ? Est-ce qu'il se sent responsable de ce qu'il s'est passé il y a dix ans, est-ce qu'il adhère aux idées de sa famille ou, au contraire, est-il en exacte opposition avec eux ? Oliver ne s'est jamais vraiment intéressé à la politique, mais sa mère lui en parle trop souvent pour qu'il ne soit pas au courant des faits ; il sait, alors, que tous les Weaver ne partagent pas cet amour pour la libération des Pokémon et la vie en harmonie. Un énorme ramassis de conneries sans queue ni tête, ça n'a absolument aucun sens, et cet équilibre perturbé a forcément provoqué ce qui lui a coûté sa jambe. Angarad, la championne de Jude's Creek, milite depuis des années pour ne pas être mise en rapport avec les siens ; répudiée, haïe, elle est l'une des principales victimes des Pokélovers. Elle et Ansiel, c'est fou comme il les plaint quand il y pense. Et lui, alors ? Kayden Weaver, donc, recule pour l'observer ; dans les lumières sombres de ses yeux, Oliver peut y lire un étrange vécu, une histoire un peu trop longue et des évènements un peu trop graves. Mais pas de regrets. Pas d'excuses. Seulement une sorte de défiance sous-jacente mêlée à de la compassion et alors, peut-il seulement avoir le droit de lui en vouloir pour un crime qu'il n'a pas commis ? Il n'en sait rien. Pour l'heure, il a besoin de réponses, même si cet homme l'a sauvé, même si, encore maintenant, il est en train de l'aider.

Au loin, les piaillements insupportables des Piafabecs s'éteignent. La tempête est passée, le calme est revenu, et ils peuvent enfin respirer sans craindre une nouvelle attaque. « Tu peux les détester si ça te fait plaisir. Tu peux même les haïr. » Il y a un drôle de détachement dans le ton que Kayden emploie, un peu comme si les insultes qu'il a dû essuyer avaient eu autant d'effet qu'une goutte d'eau sur les plumes d'un Couaneton. Il ne défend pas sa famille, et le haussement d'épaules nonchalant qu'il lui adresse ne fait que confirmer cet étrange état de fait ; une leçon à apprendre pour le batteur, qui émet sans doute des jugements beaucoup trop vite et beaucoup trop violemment. « J’ai entendu parler de la catastrophe, mais non, je ne l’ai pas vécu, ni vu. Je ne suis pas retourné voir les débris de Myrtha. » De toute manière, il n'y a plus rien à voir là-bas. Myrtha est un champ de ruines, un foutu vestige du passé dans lequel il vaut mieux ne plus jamais remettre les pieds ; le Système l'a bien spécifié, l'endroit est beaucoup trop dangereux pour être foulé par des pieds innocents. Les spectres ont envahi l'ancienne ville, et veillent soigneusement sur cette nouvelle paix morose. Mieux vaut que cela reste comme ça.

« Je ne sais pas si ma famille a quelque chose à voir avec tout cela, mais si vous avez besoin d’un responsable pour ce qui est arrivé, ils ont le dos large. » Il faut des responsables, Oliver refuse de croire que tout cela n'est arrivé que par incident, que des gens sont morts par un horrible coup du destin. Tout le monde a essayé de prévenir les Weaver qu'il fallait arrêter les frais, que les Pokémon ne vieillissaient plus aussi vite qu'avant, qu'un déséquilibre risquait de poindre, et ces salauds n'ont rien écouté. Si à lui, cela lui a coûté sa jambe, à d'autres c'est bien la vie entière qu'on leur a pris. Quelque part, voir qu'ils ne sont pas tous issus du même bois le soulage un peu. Et il se sent con, accessoirement, de lui avoir si vite sauté au visage. « Ils m’ont foutu à la porte à ma majorité, car j’ai eu le malheur de penser par moi-même. C’est quelque chose qu’ils n’ont jamais apprécié. » A l'époque, Oliver voyait cette famille comme des gens unilatéraux, qui pensaient tous de la même façon, recrachaient tous les mêmes discours ; la défection d'Angarad avait fait les gros titres, mais le batteur ne se souvient pas d'avoir entendu parler de Kayden. Sans doute avaient-ils souhaité laisser un électron libre dans l'ombre, pour ne pas ternir leur image déjà vacillante ; image qui s'est effondrée après Myrtha. Lui qui aurait voulu les voir disparaître a très vite compris que cela ne serait jamais aussi simple. Les Weaver s'accrochent à leur titre comme des foutus Mimigal à leur toile.

« C’est un concours de circonstance si je suis ici aujourd’hui. Je suis né à Myrtha, mais je viens d’Alola. » Apparemment, ses attaches ont changé, en plusieurs années ; il est un peu perplexe Oliver, mais soupire lui aussi en voyant l'homme faire tourner sa Pokéball entre ses doigts ; au moins n'est-il pas un ennemi, et c'est tout ce qu'il demande. « J'aurais pas dû vous parler comme ça. » Il va vraiment falloir qu'il se calme. Vraiment. « Myrtha a laissé des stigmates dans beaucoup de familles Lathéennes. Moi j'ai perdu ma mobilité, mais... j'ai des amis qui ont perdu des frères, des mamans. » Et tout ça à cause de la folie d'une seule famille ; n'est-ce pas une excellente raison pour les haïr, après tout ? « A votre avis, à vous, c'était quoi ? Vous avez forcément une théorie là-dessus, non ? »

Si seulement il avait les réponses, Oliver. Si seulement il pouvait savoir ce qui a provoqué ce fichu fiasco. Quelles erreurs ont été faites, lesquelles il faudrait éviter de commettre. « Ma mère fait partie des têtes dirigeantes du Système Gaïa. D'après elle, c'est votre famille qui a trop voulu déséquilibrer l'ordre des choses et c'était une sorte de... réponse divine. Ça a l'air un peu trop con pour être vrai. » Et injuste. Tellement injuste.

Le jugement, Kayden connaissait ça. Il l’avait vécu toute sa vie. Même à l’école dès son plus jeune âge, il avait perdu des amis lorsque certains parents avaient appris que leur enfant fréquentait un Weaver. Il s’était forgé une carapace très jeune et il avait appris que les gens venaient et repartaient. Il n’était pas né dans une famille pour lui et même si une part de lui continuait de s’associer aux erreurs de cette famille, Kay’ tentait de s’en détacher au maximum. Ou du moins de montrer cette image de lui. S’il doutait lui-même, on allait douter de lui et il ne voulait pas cela. Il n’avait rien à voir avec les choix de sa famille et personne ne devait penser le contraire. Même si avant Amber, Kay’ n’avait jamais possédé de Pokémon ce qui pouvait laisser croire qu’il préconisait leur liberté, mais ce n’était pas ça. C’était un choix personnel. Au contraire, son abonnement au stade de combats de sa ville laissait comprendre qu’il n’était pas un Pokélover. Dans les premières secondes, Kayden avait cru partir sans justifier sa position, sans se défendre, mais il ne pouvait pas faire cela. Ce jeune garçon souffrait et il avait besoin d’un souffre-douleur. Kay’ aurait aimé pouvoir être cette personne, il aurait aimé pouvoir se taire et laisser le jeune garçon se soulager contre lui. Mais ça ne serait pas sincère. Kayden ne pouvait pas faire croire qu’il pensait comme sa famille. Il était trop à l’opposé. Il l’avait été toute sa vie. Il se battait depuis toujours pour faire valoir ses idées, ce n’était pas pour abandonner aujourd’hui dans l’optique de soulager un inconnu d’une douleur qu’il allait le poursuivre toute sa vie.

Oliver l’avait laissé parler sans l’interrompe et Kayden ne serait pas attendu à un retournement de situation aussi rapide. Le jeune homme affirma qu’il n’aurait pas dû lui parler comme cela. « C’est rien. » Il eut un demi-sourire. Malheureusement, il pouvait dire qu’il avait l’habitude. Enfin… Il l’avait eu avant. Ça faisait longtemps qu’on ne l’avait pas agressé de cette manière, mais au fond, ça ne s’oubliait pas. « J’en suis conscient tu sais… Ma sœur a perdu son mari. Les pertes ont été énormes et avoir pu, j’aurais aimé changer les choses. » Il ne savait pas comment il aurait pu les changer, mais ça restait un souhait qu’il avait. Certes pour toutes les familles affectées, mais surtout pour sa sœur qui avait souffert de sa perte. « Je n’ai pas de théories, non… Je pense comme votre mère. Le ciel a voulu faire passer un message. Pas de la meilleure manière qui soit, certes, mais ça a fonctionné. » À nouveau, il haussa les épaules. Que pouvait-il dire de plus ? Il n’était pas revenu ici depuis l’accident et il n’avait pas cherché à s’informer plus que ça sur ce qui s’était passé. Il avait surtout été présent pour sa sœur. Le reste était secondaire. « Je ne sais pas si le Système Gaïa vaut mieux, mais ça semble fonctionner pour le moment. » Il n’avait pas pris la peine de réellement s’informer sur ce système. Il n’aimait pas le principe en général de notoriété. Il avait un avis très arrêté sur le sujet et il avait hâte de retourner à l’Alola pour reprendre sa vie sans se soucier de traîner sa carte de dresseur avec lui ou de la notoriété qu’il pourrait gagner car « il était bienveillant ». Il ne l’était pas pour gagner des points ou de l’argent, il l’était, car ça faisait partie de lui. Ça n’allait pas changer d’aussi tôt. « Franchement, je souhaite seulement la paix à cette région et aux habitants. Ils le méritent. Cette guerre de pouvoirs aurait dû prendre fin il y a longtemps. » Il n’aimait pas ça de toute manière. Ça avait causé beaucoup trop de problèmes et ça continuait d’en poser aujourd’hui, même plus de 10 ans plus tard. « Pourquoi tu es resté ici ? » Question un peu abrupte qui allait peut-être soulever quelques interrogations. Pourquoi il n’avait pas quitté cette région après l’attaque ? Voire même avant s’il détestait autant les Pokévolers ? C’était plus facile à faire qu’on pouvait le croire. Kayden avait quitté avec son sac de voyage, très peu d’argents de poche et il avait su se reconstruire mieux qu’il aurait espéré.

Parfois, on oublie que certaines pertes ont été vécues dans les deux camps. Oliver a passé beaucoup de temps à haïr la famille qui l'a, selon lui, privé de ses mouvements et de son avenir ; qui a privé Ismaël d'un frère, Erèbe d'une mère. Pendant des années, cette rancoeur a nourri un feu ardent et vorace, jusqu'à en occulter une grande partie de sa raison. Lui qui s'était toujours vu comme un garçon clairvoyant, manquant certes de sagesse mais pas de discernement, est en train de tomber de haut en comprenant que ce n'est pas véritablement le cas. Comme les autres, il n'a pas été capable de réfléchir. Et si Kayden n'est pas du tout en train de lui donner une leçon qu'il mériterait pourtant de recevoir, il comprend qu'à travers une poignée de mots simples, à travers la mort d'un membre de sa famille, d'un proche, chaque personne présente à Myrtha, qu'elle ait été dans le camp du bien ou non, a subi la catastrophe et les pertes qui ont suivi. Prétendre le contraire serait injustifié, et il en baisserait presque les yeux le batteur, devant la manifestation d'une telle évidence.

Pourtant, il lui est bien impossible de le faire ; croit-il, lui aussi, à l'intervention d'une divinité, une punition qui aurait été donnée pour rappeler qu'on ne jouait pas avec la nature ? Qui, alors, aurait été responsable de ce carnage ? Rayquaza ? Dialga, Palkia ? Oliver n'en sait rien. Il n'aime pas se dire que les divinités que beaucoup de gens vénèrent ici sont les dépositaires des vies humaines et Pokémon ; il ne connait rien à la mythologie qui englobe cet endroit, si on excepte les histoires incroyables que sa mère lui racontait pour s'endormir, quand il était gamin. Il était question d'un chant, pur et merveilleux, en haut des Promontoires d'Osira et l'appel lancinant qui a fait venir les Pokémon dans la région. D'une tragédie ayant détruit la région toute entière, et de divinités dont tout le monde avait oublié l'existence, mais qui finiraient par revenir au moment venu, quand tout le monde aurait besoin d'elles. Tout ça, il y a cru. Il n'a vu qu'une étrange bienveillance dans les entités dont elle lui parlait. En aucun cas tout ce qui s'est passé.

Et puis, le Système a fini par reprendre les choses en main ; il hoche la tête, Oliver, parce que s'ils font beaucoup d'erreur, notamment quand il s'agit de la Peste d'Enoville, au moins ont-ils réussi à rétablir des traditions qui n'auraient jamais dû être supprimées. En guise de compensation, les Pokélovers ont gagné un parc ; c'est largement suffisant pour leurs stupides revendications et s'il est désormais capable de compatir pour beaucoup de choses, il est hors de question qu'il aille plus loin que cela. Lui aussi, il a envie que les gens soient en paix ; grâce au Système, c'est le cas, alors il n'a pas du tout envie de chercher plus loin. Oliver n'a jamais eu que des pensées simples, et il aspire à ce que cela continue sur ce chemin. « Pourquoi tu es resté ici ? »

La question, peut-être un peu brutale, fait tourner une tête curieuse au batteur. Oui, bien sûr, il ne sait pas, lui ; alors il sourit doucement, haussant les épaules tandis que l'homme termine de nettoyer la plaie sur son bras. Ça pique. « Je suis pas resté, explique-t-il, finalement. Quand je suis sorti de l'hôpital, mon groupe et moi on est partis. On a fait nos sacs et on est allés tenter notre succès ailleurs, on a beaucoup voyagé. » Quand Gaspar l'a quitté, il avait déjà envie de partir. Avec ce qui s'est passé, cette envie avait fini par devenir un besoin. « On a fait pas mal de régions, ça a très bien marché pour nous, partout. Le meneur du groupe c'est... un vrai génie de la musique. Mais il a été rappelé à Lathea il y a quelques semaines. » Il sourit doucement, en observant l'homme qui s'occupe de lui, puis les Pokémon un peu plus loin. Le goupix s'applique à réconforter un Nox encore un peu tremblant, mais ça a l'air d'aller mieux. « Il a repris l'arène de Castlerain. Et moi, j'me suis dit que j'allais reprendre la route. J'ai pas la force d'aller ailleurs tout seul, c'est comme ça. Et vous ? Pourquoi vous êtes revenu, si vous aimez pas votre famille ? » N'a-t-il pas peur des conséquences de son retour ?

Rien n’empêchait Kayden de demander quelque chose lorsqu’il en ressentait le besoin. La langue dans sa poche, il ne l’avait jamais eu. Ça ne lui avait pas apporté uniquement des discussions joyeuses. Il s’était fait remballer à quelques reprises, mais il n’avait pas l’intention de changer, car il avait offusqué quelqu’un. Ça lui venait sûrement de son côté « Weaver » tout ça. Ne pas faire attention à l’opinion des autres et vivre sa vie. « Je vois. » fut la première réponse qu’il glissa lorsqu’Oliver lui confia qu’il n’était pas resté et qu’il avait quitté à son groupe. C’était sûrement une bonne occasion de se faire connaître à l’étranger, mais pas suffisamment pour que ça vienne aux oreilles du soigneur. Après, il était constamment sur la route et mise à part les combats Pokémon, il ne se tenait pas informé des activités de sa région. Ce n’était pas quelque chose qu’il regrettait, la musique ne faisait pas réellement partie de sa vie. Certes, il fredonnait ici et là, il avait même appris à jouer de la guitare lors de ses premiers voyages, mais ce n’était pas devenu une passion pour lui. Toute sa vie, il l’avait donnée aux Pokémons.

Plus le jeune homme avançait dans ses explications et plus les sourcils de Kayden se fronçait. S’il comprenait bien, le meneur du groupe avait dû revenir à Lathea forçant tout le monde à le suivre ? Cette fois-ci, Kay’ allait devoir se retenir de dire des paroles déplacées. Il ne connaissait rien à la situation du groupe, peut-être que ça avait été une décision commune et qu’Oliver la vivait très bien. Enfin… Non, Kayden n’avait pas cette impression avec les mots suivants du batteur. Il reprenait la route, car il n’avait pas la force d’aller ailleurs de ses propres moyens. Si ce n’était pas de son meneur, Oliver serait encore dans les régions ? Kay’ ouvrit la bouche pour lui demander, mais il se figea à la question du jeune homme. Elle était légitime, mais Kayden aurait voulu l’éviter. Les raisons de son retour, il n’en parlait pas. Depuis près de 2 ans, le brun évitait de parler à voix haute de la disparition de sa fille. Sûrement, car il vivait encore dans une sorte de déni et que tant qu’il ne se confierait pas sur le sujet, les choses n’existaient pas. Il fermait complètement les yeux sur cette souffrance qu’il ressentait. C’est ce qui l’avait poussé à couper le contact avec sa sœur jumelle. Il n’avait pas eu la force de lui raconter. Il savait qu’elle comprendrait. Ils se connaissaient par cœur même s’ils ne s’étaient pas vus très souvent dans les dernières années. Le soigneur pinça fortement les lèvres pendant de longues secondes tout en fixant le batteur. « Je ne resterai pas. » Ce n’était pas la réponse attendue, il savait très bien. Il était doué Kayden pour retarder les choses. Exactement comme il l’avait fait avec son nom quelques minutes plus tôt. De toute manière, Oliver n’aurait pas la véritable réponse à cette question. Cette réponse soulevait beaucoup trop de choses qu’il n’avait pas la force de gérer. Il ne l’avait jamais eu. « Je ne suis pas ici pour ma famille. Je ne sais même pas où ils se trouvent. Je suis ici pour des raisons qui ne concernent que moi. » Il ne ferait pas mieux. Toute sa vie n’était pas rattachée aux Weaver. Kayden faisait les choses par lui-même depuis toujours et ça ne changerait pas. Il était ici pour lui – et surtout pour Callie – et il n’avait pas l’intention de demander l’aide de ses proches. Et dans l’optique de changer de sujet, car il ne voulait pas s’y attarder, Kayden demanda : « Et comment tu vis ton retour ? De ton point de vue, pas celui de ton groupe. » Le doute qu’il avait semblé avoir tournait toujours dans la tête du quinquagénaire qui voulait vraiment avoir le ressenti de l’inconnu. « Ça va aller pour ton bras. Tu vas avoir mal quelques jours, mais tu peux éviter l’hôpital. » L’homme remit la manche en place et il s’éloigna de l’homme afin d’observer le petit Evoli. « Tu viens me voir toi ? » demanda-t-il d’une voix douce en s’accroupissant au sol afin d’attirer l’Evoli à lui. Il voulait l’ausculter également.