Comment j'ai fait ça ? Je ne sais pas ... Ce doit être un talent chez moi de m'attirer dans les embrouilles et de me perdre. Pourtant, je n'ai fait que suivre le fleuve. Mais même en étant toujours à côté du cours d'eau bah ... j'me suis paumé. J'avais pris en repère un arbre magnifique près du bord comme pour me rappeler "ah c'est ici d'où je viens, la route pour la ville la plus proche est pas loin.". Mais je ne retrouve pas l'arbre. Il y en a plein et ils se ressemblent tous ... Pourquoi j'ai cru qu'un arbre serait un bon repère ? Il n'y avait rien chez ce végétal qui le différenciait des autres en plus ! Que je suis stupide ! J'ai quand même continué d'avancer au cas où un éclair de génie me frappe. Mais rien. Et comme ce n'est pas un sentier officiel, le GPS ne sert absolument à rien. Je m'arme de mon téléphone et compose le numéro des rangers. Je l'ai dans mes favoris, depuis le temps ... Dés que quelqu'un décroche, je reconnais immédiatement.

- Oh hey Laurine c'est toi ?! Tu vas bien depuis le temps ? Devine quoi ! J'suis encore perdu, je pensais vraiment pouvoir retrouver mon chemin ... Tu peux venir me chercher ? J'ai à manger en plus ! Allez ciao ! ... Euh non attends ! Je suis ... le long du fleuve Mongetimor. Où ça précisément ? J'en ai aucune idée, Arceus seul le sait et le Célébi chromatique de la Lumiclairière sûrement.

Je regarde autour de moi pour essayer de voir des repères visuels qui sautent aux yeux pour permettre à Laurine de me retrouver plus facilement.

- Euh ... Y a des arbres. De l'eau. Un p'tit pont aussi. Mais c'est pas un pont fabriqué hein, c'est un arbre qui est tombé et qui fait un pont d'un bout à l'autre de la rive. J'vais pas m'aventurer à le traverser, je me connais, je risque de tomber à l'eau ! Allez, j't'attends sans bouger, dépêche toi hein !

Et je raccroche, attendant que mon amie Laurine vienne à nouveau me secourir. Peut-être que je devrais appeler Laurine à chaque fois au lieu des Rangers ... C'est elle qui vient souvent me chercher alors autant pas perdre de temps, non ? J'appelle Everest maintenant que je me pose, puis Titania. Je suis moins paniqué, je sais que la ranger va encore venir me sauver comme d'habitude. Puis il fait beau, l'endroit est sympa. Tranquillement assis dans l'herbe, je n'ai qu'à sortir la nappe et le pic-nique que j'ai dans mon sac à dos et c'est le paradis !

Il y a deux types de personnes dans la vie. Celles qui vident les machines à café pour le travail et celles qui le font par plaisir mais le justifient par le travail. Et sans révéler à quel type tu appartiens, tu reconnais mettre systématiquement la dose maximale de sucre dans ta tasse, même lors des journées aussi calmes que celles-ci.
Parmis les légendes urbaines au sujet des rangers, celle disant qu’ils sont tout le temps sur le terrain à patrouiller est l’une des plus fausses. Alors oui, c’est vrai, il y a des patrouilles sur le terrain. Mais en réalité, il est bien plus efficace d’avoir une bonne portion des effectifs en stand-by pas très loin du lieu d’affectation pour intervenir au besoin et leur faire faire de l’administratif en attendant. Ainsi, le téléphone est souvent regardé avec un mélange d’espoir et de crainte quand il sonne. L’espoir d’avoir une bonne raison de sortir de nez des papelards et autres logiciels d’un autre temps. Peur de tomber sur quelque chose d’encore plus chiant.

Lorsqu’une voix familière provient de l’appareil pour te dire qu’elle est paumée dans un très joli coin de nature, le tout avec un pic-nique comme prix pour qui la retrouvera, c’est l’espoir qui t’envahit car ce n’est pas tant un ordre de mission qu’un échappatoire que ton cerveau enregistre. Faisant mine de rien devant tes collègues, tu réponds sur un ton professionnel. “Bien reçu, nous allons venir vous chercher. Restez où vous êtes et surveillez votre téléphone, nous pourrions avoir besoin de vous rappeler.” Le tout c’est de ne pas paraître trop intéressée aux yeux de tes collègues. Tu leur décris donc la situation le plus naturellement possible, leur énumérant les points de repères incroyables que Jaeden t’as donné alors que sa position approximative était calculée automatiquement et, à la grande absence d’étonnement de tous, tu te portes volontaire pour aller secourir le randonneur égaré. Le plus naturellement possible car personne n’est dupe devant ton sourire mal dissimulé et ta voix bien plus enjouée tout d’un coup.

Le temps de t’équiper pour l’intervention et tu laisses tes collègues en tête-à-tête avec les écrans, imprimantes et autres abominations Excel dans le local. Une bonne heure de marche en direction de l’éleveur et de son pic-nique plus tard, Léna et toi apercevez l’individu. “Yo!” le salues-tu en mettant deux doigts sur ta tempe et en les éloignant, le gratifiant au passage d’un sourire. “Je viens me remplir la panse à tes frais! Rien de casser sinon?”. A son tour, Léna gratifie l’éleveur d’un grand sourire, nettement plus machiavélique que le tiens, tout en imitant ton salut.

Bon, le temps qu'elle me retrouve, je me trouve un endroit bien confortable. Un beau carré d'herbe près de l'eau où installer ma nappe aux motifs Nounourson rose, blanche et marron. De mon grand sac à dos, je sors tout ce qu'il faut pour manger et boire. Verres en plastique solide, des petits tupperware contenant de la nourriture mangeable avec les doigts - je n'ai pas jugé nécessaire d'apporter des couverts et des assiettes - et des serviettes. Je sors du thé citrus bien frais d'un petit thermos et le pose au centre de la nappe sur laquelle je m'installe en position du lotus. Je sors les trois pokéballs de ma ceinture et j'appelle tour à tour Titania, ma Bibichut, Everest, mon Charibari et Nova, ma Zigzaton de Galar fraîchement sortie de l’œuf. Titania a beau rester sur le tapis, et Everest à côté de la nappe, sa trompe posée sur le tissu, Nova en revanche commence à courir en zig zag autour de la nappe.

- Calme toi Nova, ça va être l'heure de manger.

J'attends qu'elle passe près de moi pour la choper au passage et la garder dans mes bras dans lesquels elle s'agit en tirant la langue, aboyant gaiement. C'est à ce moment-là que Laurine arrive en compagnie de Léna sa Ténéfix.

- Salut Laurine ! Salut Léna ! Vous tombez à pic, je viens de tout installer !

Nova se calme légèrement en regardant avec curiosité la nouvelle venue qu'elle n'a encore jamais vue.

- Bah non, sinon je serai en PLS par terre et au téléphone tu m'aurais entendu chialer comme un bébé. Par contre j'ai faim, allez installe toi !

Je lui montre le festin qui nous attend : du cake aux olives et au jambon. Des sandwich thon mayonnaise coupés en triangle, d'autres sandwich avec des tranches de jambon de dinde et de la salade et des cornichons. Des gaufrettes aux différents fromages. Des roulés aux saucisses avec des sauces différentes légèrement épicées. J'ai fait fort ! J'en ai fait pour tout un régiment mais j'ai tellement l'habitude d'en faire trop puisque je ne sais jamais quand les Sirènes vont rentrer, entre Barbara, Inezia et Donna qui rentrent sans prévenir de mission.

- Oh t'as vu au fait ?! J'te présente Nova, ma Zigzaton de Galar, c'est le premier oeuf de mon élevage ! J'ai décidé de la garder parce qu'elle était trop pipouuuu !

Je la lui présente en serrant fort le petit pokémon à la fourrure noire et blanche contre mon visage alors que Nove bave sur mon bras en braillant comme un toxicomane à un concert de métal.

Après avoir salué Jaeden, tu souris tour à tour à sa petite meute, déjà majoritairement en position pour manger. “Une magicienne n’arrive jamais en retard, ni en avance d’ailleurs, elle arrive toujours à point nommé!” Et hop, petite référence au Seigneur de Trousselin casée. Ton ventre se manifeste bruyamment alors que tu regardes le repas de roi qui t’attend et Léna qui s’en approche tel Gollum du Trousselin chromatique. Oups. Bah, c’est naturel. “Coucou beauté.” dis-tu en te penchant vers la Zigzaton avant de la laisser te renifler les doigts. “T’as finalement lancé les affaires du coup? C’est génial!” Tu t’accroupis pour mieux grattouiller Nova sur la tête alors qu’elle est au prise avec un choix terrible: tenter de te léchouiller la main ou aboyer joyeusement. Finalement, elle opte pour un mix des deux, réussissant miraculeusement à ne pas se mordre la langue au passage.

“Pfiou ton appel m’a sauvé! On se fait chier aujourd’hui, quelque chose de bien. J’étais coincée avec de la paperasse sans toi.” Tu remarques Titania en train de te zieuter de plus loin. “Pas que je souhaite qu’on ait plus de cas graves sur lesquels intervenir hein! Mais bon…” Délaissant l’ami baveux et poilu, tu contournes l’éleveur et te diriges vers elle. “Et salut toi aussi. Ça va?”. Laissant échapper un petit cri, le Bibichut semble répondre par l’affirmative. T’essayes d’être calme en la présence de ces Pokemon, même si c’est bien plus facile à dire qu’à faire. De fait, tu n’as encore jamais été lacérée par un Sorcilence, sauvage ou non, en colère. Mais si les regards pouvaient tuer, tu ne serais déjà plus de ce monde.

Finalement, tu vas grattouiller le Charibari pour ne pas faire de jaloux, surtout que s’il est plus calme, tranquillement posé à attendre la nourriture, il n’en est pas moins mignon comme tout. “Il est nouveau lui aussi, non?” demandes-tu en allant t’asseoir à coté de Léna, déjà en train de fixer les sandwich l’eau à la bouche. “D’ailleurs, je te présente Ondine!” Ajoutes-tu en sortant l’Otaquin de sa Pokeball avant de prendre son museau entre tes deux mains et de jouer avec ses joues. “Elle m’accompagne depuis même pas une semaine.”

« Depuis quand t'es magicienne ? »

Je demande à la fois sérieux et impressionné. Elle avait oublié de me le dire. C'est un hobby peut-être ? Ou avant de devenir ranger, elle se passionnait pour la magie ? Je pousse un peu les affaires pour laisse Lena et elle s'installer autour de toutes ces victuailles. Elle laisse Nova lui renifler les doigts. Heureusement, elle est loin d'être méchante la Zigzaton de Galar. Par contre, elle bave beaucoup. Beaucoup trop … Laurine en fait d'ailleurs les frais car en la grattouillant, elle est forcée de goûter à sa langue pleine de salive sur le dos de la main. Aussitôt, je sors un mouchoir puis du gel hydroalcoolique au parfum de rose spécial Rosélia.

« Oui enfin ! J'ai eu quelques clients en plus. J'ai réussi à faire d'autres œufs. Des Canarticho de Galar et des Minisange. Tiens essuie toi les mains avec ça, puis nettoie les. J'veux pas que tu touche aux sandwich pour ensuite les manger avec un goût de bave de Nova. »

Je lui passe le mouchoir et le gel. Elle fait le tour pour saluer tout le monde et finit par me présenter Ondine, une belle Otaquin récemment acquise.

« Oh que tu es belle ! Salut Ondine, enchanté de faire ta connaissance ! Moi c'est Jaeden ! Et oui, Everest je l'ai attrapé dans la Lande il y a quelques jours aussi !»

Le regard amical que Titania lance à Laurine se transforme en regard à moitié agacé quand elle m'observe, un peu trop enjoué. Je la regarde et fais un mouvement de tête comme pour m'excuser. Il va falloir encore une fois que je me calme. Quand je suis seul, c'est pas tant dérangeant. Mais me faire baffer pendant le déjeuner devant une invitée, là c'est la honte !

« Y n'empêche, j'pensais qu'il y aurait plus d'urgences que ça chez les rangers. Franchement, je me dis qu'avec les gens pas très futés, il y aurait des incendies partout ou des chutes assez graves très souvent. »

Je lance d'un air dubitatif tout en lui tendant un tupperware rempli de sandwichs sur trois rangées. De mon index droit je pointe chaque rangée en les nommants.

« Thon crudités. Poulet crudités. Végétarien. »

Et je pose le plat devant elle tout en chopant un au poulet crudités que je m'empresse de dévorer. Finalement, quand on est perdu dans un bel endroit, ça creuse l'appétit !

« Pour rire, c'est quoi l'appel le plus insolite que tu as reçu en tant que ranger ? »

J'ose demander, curieux. Je me doute qu'il y a un secret professionnel, un truc du genre, qui demande l'anonymat des … victimes ? Usagers ? Clients ? Mais sans dire de nom, savoir que je suis pas le seul boulet qui fait appel aux rangers pour un rien, ça me ferait du bien.