On pouvait dire que ta vie avait pris un tournant bien inattendu, Kayden. Tu avais du mal à le réaliser et à bien comprendre tout ce qui se passait autour de toi depuis des mois maintenant. Tu avais l’impression que l’homme doux et gentil que tu étais n’était plus. Tu avais dû l’enfuir au plus profond de ton être pour ne pas te laisser marcher sur les pieds. Tu ne te reconnais plus. Amber ne te reconnait plus et pourtant elle restait là. Elle t’était fidèle plus que tu aurais pensé. Elle avait eu l’occasion de repartir avec Callie lorsque vous l’aviez retrouvé et pourtant elle avait pris la décision de rester à tes côtés. Comme si elle avait senti que à quel point tu avais besoin d’elle. Elle était le seul Pokémon qui te restait à présent. Tu avais dû te débarrasser des autres. Ça avait fait partie de ton initiation chez les Pokélovers. Tu avais prévu le coup et tu avais laissé une personne de confiance les récupérer. Tu savais qu’ils étaient entre de bonnes mains en attendant ton retour. Amber, elle, elle avait pu rester. Parce que c’était sa décision. Elle restait un Pokémon libre. Elle pouvait aller venir comme elle le souhaitait. C’était son choix et c’était la différence avec tes autres Pokémons aux yeux de ceux de ton groupe.

Ce jour-là, tu avais décidé de rejoindre la Lumiclairière par simple besoin de te retrouver dans un endroit connu. Maintenant que tu avais fait tes preuves, que tu avais gagné la confiance de ceux que tu qualifiais comme les tiens, tu avais plus de liberté. Tu n’avais plus rien à prouver. Les conditions étaient claires de toute façon. Une mauvaise action et on t’avait promis de t’arracher Callie pour de bon. Et tu savais très bien qu’on ne te mentait pas. Ce groupe, ton groupe, était prêt à aller extrêmement loin pour leurs convictions. Ils t’avaient déjà arraché ta fille pendant deux ans pour tenter de la convertir à leur régime à ta place. Tout ce qu’ils voulaient, c’était d’être représenté par un Weaver. Ce n’était pas à Callie de le faire. C’était à toi. Lorsque tu avais compris ce qu’on attendait de toi, tu n’avais pas hésité. Tu n’avais même pas eu l’occasion de la prendre dans tes bras. Tu avais à peine serré sa main avant de la voir quitter définitivement l’entrepôt vers une liberté que tu avais échangé contre la tienne.

Tu ne regrettais rien, c’était un fait. Tu l’avais pour les bonnes raisons, celles que tu jugeais juste. Ta fille n’avait pas à traverser tout ce qu’elle avait vécu, car elle avait le malheur de porter un nom qu’elle n’avait jamais choisi. Aujourd’hui, tu ne savais pas où elle était, mais tu sentais qu’elle allait bien. Tu arrives même à retrouver une certaine sérénité que tu avais perdu. Certes, tu n’avais pas commis des actes que tu approuvais, mais tu arrivais à bien le vivre, car ta fille était en sécurité maintenant. Ce n’était pas nouveau, pour elle, tu étais prêt à n’importe quoi. Même si elle devait t’en vouloir aujourd’hui et ne pas comprendre ta décision, tu nous regrettais rien. Tu referais exactement la même chose. Tu n’aimais pas particulièrement tout ce qui se passait, tu n’appréciais pas que des gens souffrent par ta faute, mais tu avais fait un choix. Ce choix revenait à gérer un groupe de Pokélovers aux idées très extrêmes.

Revenir ici était bénéfique pour toi. Tu avais des moments plus difficiles lorsque tu avais failli perdre Ruby, mais tu avais également passé des bons moments dans cet endroit que tu estimais plus que tout. Il y avait beaucoup de Pokémons que tu adorais et même si tu ne pouvais pas te permettre de les capturer, tu aimais te retrouver autour d’eux. Tu espérais seulement ne pas te retrouver face à un dilemme et que cette journée allait être reposante pour toi. Tu en avais besoin. Tu avais besoin d’un petit peu de temps pour toi et tu allais profiter du fait qu’on t’en offrait. Lentement, les mains dans les poches, tu avançais dans la Lumiclaière, Amber à tes pieds. Elle ne te lâchait pas d’une semelle et elle regardait constamment sur ton épaule. Si vous étiez suivi, elle serait la première à dénoncer pour t’empêcher de commettre une bêtise. Vous étiez dans cette histoire ensemble.

Un léger sourire se dessina sur tes lèvres à la vue d’un Pikachu qui courrait entre les branches d’un autre. Le tien te manquait. Tu avais promis que tu irais le faire évoluer à Alola, dans ta région, chez toi. Malheureusement, tu n’en avais pas eu l’occasion et tu n’étais pas certain d’en avoir l’occasion un jour. Tu étais coincé ici pour un long moment. Tu te demandais si Callie avait pris la décision de rentrer chez vous comme tu lui avais demandé ou si elle avait été trop bornée pour rester et tenter de trouver une façon de te libérer. Pourtant, tu ne cherchais pas à être libéré. Tu voulais qu’elle soit en sécurité, qu’elle reste loin de toi et des problèmes qui t’entouraient. Certes, tu donnerais tout pour la prendre dans tes bras, pour lui souffler que tu l’aimais et pour discuter avec elle. Malheureusement, ce n’était pas une option qu’on te donnait pour l’instant. Un jour, les gens autour de toi allaient baisser davantage leur garde et tu pourrais reprendre un minimum ta vie en main.

Tu continuais d’avancer en regardant autour de toi. Tu te demandais si tu n’allais pas passer la nuit ici comme tu avais pu le faire à l’époque. Tu ne pensais pas dire ça un jour, mais la belle étoile te manquait. Tu avais une chambre presque trop confortable dans le quartier général de ton groupe. Tu n’arrivais pas à t’y sentir à ton aise et à dormir correctement. C’était sûrement étrange de dire que tu te sentais plus à l’aise à même le sol. Si tu étais rentré à l’heure pour la réunion du lendemain matin, qui ça allait vraiment déranger que tu n’habites pas tes quartiers ? Tu avais été enfermé au début, mais tu ne l’étais plus maintenant. De plus, tu étais devenu le chef de ce groupe maintenant. Tu ne devais plus rien à personne, c’était eux qui te devait des comptes. Tu n’aimais pas penser comme cela, mais c’était pourtant la simple vérité.

Ta présence dans cet endroit pourrait laisser penser que les Pokélovers étaient tranquilles et pourtant c’était loin d’être le cas. Vous aviez plein de choses en cours de préparation et vous alliez frapper fort. Pas tout de suite, ils vous restaient beaucoup de choses à préparer, mais quand le bon moment serait venu, vous alliez faire l’équivalant d’un coup d’état. Personne n’allait vous voir venir et tout le monde allait subir de près ou de loin vos actions. Ça te rendait nerveux. Premièrement, tu n’avais aucun intérêt à faire ça, mais tu te devais de continuer à jouer le jeu de la doublure jusqu’au bout. Deuxièmement, tu ne devais pas rater ton coup. C’était important autant pour ta survie que pour celle de ta fille. Tu avais fait tes preuves, oui, mais ça ne voulait rien dire. Tu devais continuer d’impressionner et de montrer que tu étais prêt à tout.

Ce n’était pas simple pour toi de défendre une cause contre laquelle tu t’étais battu toute ta vie et à laquelle tu ne croyais pas. C’était peut-être ce qui te rendait aussi bon dans ton rôle. Au fond, la cause tu la connaissais par cœur. Tu avais été élevé dans cette mentalité même si tu avais arrêté très jeune de la suivre. Tu savais quoi faire et quoi dire pour satisfaire une personne qui croyait au régime Weaver. Tu avais la mauvaise impression de te retrouver dans la peau de ton père. Cet homme que tu avais tant détesté et qui faisait que tu te détestais aujourd’hui. La ressemblance était tellement flagrante que même Angarad ne pourrait pas te reconnaître. Tu espérais ne pas vivre ce moment. Tu ne voulais pas voir la honte et la déception dans ses yeux. Tu savais que tu ne pourrais pas l’éviter tout le temps, qu’elle devrait un jour ou l’autre la victime de tes actes. Tu espérais seulement que ce moment arriverait le plus tard possible.

Tu continuais d’avancer en observant partout autour de toi. Le décor était beau jour, mais ça ne valait pas sa beauté de nuit. C’est ce qui était de te convaincre de rester et d’y passer la nuit. Tu avais envie de revoir les lumières nocturnes de cet endroit magique. Ton regard se posa une Lixy et à nouveau tu souris en pensant au sien que tu avais recueilli dans cet endroit. C’était Nolwenn qui l’avait convaincu de te suivre et le Pokémon l’avait fait sans hésiter. Aujourd’hui, il n’était plus avec toi et tu espérais que ça soit une question de temps. Tu espérais aussi qu’il ne grandisse pas trop pour retrouver le Pokémon naïf et adorable qui t’avait fait craquer. S’il avait évolué entre temps, les rapports seraient sûrement plus complexes entre vous. Tu espérais qu’il comprenait que ce n’était pas de ta faute et que tu n’avais jamais voulu abandonner personne. Ça ne te ressemblait pas.

Ce n’était pas une bonne idée. Tu le savais. Tu voulais profiter de l’endroit, mais il était difficile de le faire sans profiter des Pokémon autour. Lorsque ton regard se posa sur un magnifique Tarsal, tu sentis ton cœur se serrer. C’était un Pokémon qui te tentait beaucoup depuis longtemps et que tu trouvais très intéressant. Dans une autre vie, tu n’aurais pas hésité à t’adresser à lui, à tenter de l’amadouer. Aujourd’hui, tu sentais que c’était une mauvaise idée. Tu allais te faire du mal pour rien et pourtant, tu t’accroupis légèrement au sol sous le regard presque suspect d’Amber. Elle avait compris ce que tu t’apprêtais à faire. « Bonjour toi. » soufflas-tu d’une voix très basse à l’endroit du Pokémon. Tu espérais ne pas l’effrayer. Ce ne fut pas le cas. Il pencha légèrement sa tête sur le côté et il fit un pas vers toi. « Je m’appelle Kayden. »

Tu l’avais intéressé. Tu le voyais à sa gestuelle. Est-ce que tu allais le regretter ? Tu n’étais plus autorisé à t’attacher à ces petits bêtes qui contrôlaient vos vies depuis toujours. Tu aurais dû rebrousser chemin dès que tu avais aperçu ce petit Tarsal, mais ça avait été plus fort que toi. Tu t’étais accroupi et tu avais capté son attention. C’était encore si naturel chez toi. Il y avait une force en toi qui semblait attirer les Pokémons. Tu n’avais jamais su l’expliquer. Est-ce que ça venait de ton côté bien veillant ? De la douceur dont tu pouvais faire preuve ? Est-ce que les Pokémon continuait de te faire comprendre que tu étais quelqu’un de bien ? Tu voudrais tellement les croire. Vraiment. Mais aujourd’hui, plus que jamais, tu doutais de toi-même et de la personne qui tu étais en train de devenir. Et c’est sûrement pour éviter de douter de toi-même que tu tendis la main vers le Pokémon sauvage.

Tu l’avais intéressé. Tu le voyais à sa gestuelle. Est-ce que tu allais le regretter ? Tu n’étais plus autorisé à t’attacher à ces petits bêtes qui contrôlaient vos vies depuis toujours. Tu aurais dû rebrousser chemin dès que tu avais aperçu ce petit Tarsal, mais ça avait été plus fort que toi. Tu t’étais accroupi et tu avais capté son attention. C’était encore si naturel chez toi. Il y avait une force en toi qui semblait attirer les Pokémons. Tu n’avais jamais su l’expliquer. Est-ce que ça venait de ton côté bien veillant ? De la douceur dont tu pouvais faire preuve ? Est-ce que les Pokémon continuait de te faire comprendre que tu étais quelqu’un de bien ? Tu voudrais tellement les croire. Vraiment. Mais aujourd’hui, plus que jamais, tu doutais de toi-même et de la personne qui tu étais en train de devenir. Et c’est sûrement pour éviter de douter de toi-même que tu tendis la main vers le Pokémon sauvage.