L’emploi du temps de Jasper Oswald est tellement chargé qu’il ne laisse que très peu de place pour des activités plus personnelles. C’est la vie qu’il a choisi et Jasper n’est pas homme à se plaindre. Quand il a des rendez-vous, il les honore les uns après les autres ; quand il a des combats, c’est la même chose malgré sa déception constante à ce sujet et quand il doit être dans ses bureaux pour s’assurer que son entreprise tourne bien et régler quelques menus détails, il le fait sans rechigner tout en attendant la même attitude de chacun de ses employés. Néanmoins, ce serait mentir d’oser affirmer que Jasper n’apprécie pas d’avoir certains moments intimes dans sa vie avec quelques privilégiés. Des moments où il se permet de légèrement faire tomber le masque et où il affiche des sourires qui ne sont pas que de façade. Ces instants, le champion peut les compter sur les doigts d’une seule main. C’est pourquoi ils sont si précieux à ses yeux et pourtant, faire dans le sentimentalisme, ce n’est pas son genre. Aucune faiblesse, c’est une règle qu’il applique autant à ceux avec qui il travaille qu’à lui-même. Son raisonnement est simple : s’il exige une certaine rigueur de la part des autres, il trouve normal d’imposer le même traitement à sa propre personne. Et comme ça, il montre que c’est possible et qu’il n’y a donc aucune excuse valable pour ne pas le suivre. Cela étant, Jasper n’est pas une machine et comme tout être humain, il a besoin d’avoir des moments de repos, où il se détend sans penser à sa charge de travail. Mais pour lui, repos n’est pas synonyme d’inactivité. Aujourd’hui, il a un moment de libre où il doit rejoindre Cléora à la Lumiclairère pour l’une de leur session d’entraînement privée.

Pour ça, rien de plus simple : quand vient l’heure, il retrouve Hermès dans la cour intérieure du château acier et sans attendre, il grimpe sur son dos. Les deux compères n’attendent pas plus longtemps pour s’envoler dans les airs ; avec une petite particularité pour ce type d’escapade, cependant. Histoire de ne pas être aperçu et dérangé, Jasper demande à son Corvaillus de voler bien au-dessus des nuages. L’air y est un peu plus difficilement respirable à cause de la haute altitude mais Jasper préfère ça à l’idée qu’on puisse voir où il se dirige. Et puis Hermès est un véritable bolide aérien et c’est en un temps record qu’il dépose son dresseur à l’orée de la Lumiclairière, dans un coin peu fréquenté soigneusement sélectionné pour cette sortie. Exceptionnellement, le Lathéen rappelle son compagnon après être revenu sur la terre ferme. Ce n’est pas quelque chose qu’apprécie forcément le Pokémon mais il comprend les motivations de son dresseur. D’ordinaire, Jasper ne contraint Hermès à la Pokéball que lors des matchs officiels à l’arène mais aujourd’hui, il ne peut pas se contenter de le laisser attendre devant la clairière. Même si c’est peu probable, quelqu’un peut toujours passer dans ces environs et reconnaître le Pokémon du champion acier. Or, ce n’est pas ce qu’il veut. Une fois tout ceci fait, il file à travers les arbres pour retrouver la championne de Jaeda. « Bonjour, Cléora. », dit-il pour s’annoncer quand il arrive à proximité de sa collègue. « Comment vas-tu ? », il prend des nouvelles et ça ne lui ressemble pas mais il peut se le permettre avec Cléora. La championne sol est l’une de ses rares homologues avec laquelle il s’entend. Angarad, c’est particulier, il préfère ne pas en parler. Mallory, c’est un très bon dresseur mais ils viennent tous les deux de mondes bien trop différents pour pouvoir s’entendre. Fye, c’est également un très bon combattant et les deux hommes se respectent pour leurs parcours respectifs mais ils savent très bien qu’ils en viendraient aux embrouilles s’ils avaient des discussions plus poussées. Shade, c’est un très bon parti et elle pourrait être parfaite si elle mettait autant d’ardeur et de conviction dans les combats Pokémon que dans la conception de nouvelles technologies. Lazuli, c’est la fille douée mais un peu trop douce et Jasper est parfois certain de lui faire un peu peur. Ansiel, c’est... Il ne sait pas trop ; il n’arrive pas à bien cerner ce type.

Mais Cléora, c’est une toute autre histoire. Ils se sont rencontrés il y a des années, bien avant que le Système ne dirige la région et qu’ils soient promus champions. Jasper était la seule célébrité à l’époque et il n’était pas franchement dans l’optique de se faire des amis. C’était peu de temps après la grande catastrophe de Myrtha et l’industriel faisait le tour des plateaux de télévision pour dénoncer la bêtise des Weaver. C’est là qu’elle l’a approché, avec un intérêt au début et puis, ils ont fini par sincèrement se rapprocher. Ils se sont mutuellement félicités au moment de leur promotion et ils ont fini par devenir des supports indéfectibles l’un pour l’autre sans jamais s’avouer l’affection qu’ils ont l’un envers l’autre. Aucun des deux n’a de temps à perdre en niaiserie ou en qualificatif mielleux. Le principal, c’est qu’ils se comprennent ; ils n’ont pas besoin de placer des mots là-dessus. « Prête à mordre la poussière ? », c’est pour ça qu’il est là, pour garder la forme et conserver un certain plaisir du dressage. Entraîner ses Pokémon dans son arène, il le fait mais parfois, c’est agréable de profiter du grand air. De plus, Cléora est une spécialiste des types sol, l’une des faiblesses les plus évidentes du champion acier ; même s’il peut compter sur Hermès et sur Bertha pour contrer les Pokémon sol. Et au-delà du côté utilitaire, ces sessions privées sont des moments qui leur appartiennent.

Tu étais en train de féliciter ton meilleur ami. Galéon a quand même fourni de l'effort pour te rendre invisible durant le trajet. Donc tu étais en train de passer ta main sur le pokémon, bien que ton visage reste assez neutre pour le coup. Mais, tu te tournes lorsque tu entends ton nom. « Bonjour, Jasper. » Dis-tu simplement alors que tu n'avais pas encore posé le regard sur lui. Tu souris simplement au coin, alors que le champion de type acier prend de tes nouvelles. « ça va, je te remercie. Et toi ? » Tu prends de ses nouvelles aussi, après tout, vous êtes amis, en principe. De ton côté, on ne peut pas dire que tu ne t'entends seulement avec Jasper. Tu es sans aucun doute bien plus proche du cinquantenaire que des autres. Mais, par exemple, Fye t'aide pas mal sur ton hydrophobie, il t'accompagne à la plage, l'une des zone qui sépare vos deux villes. Angarad, en principe, c'est du respect mutuel, tout comme avec Mallory, Shade et Ansiel. Lazuli est une bonne combattante mais jeune et tu prends plaisir à l'aider également de ton coté. Tu n'es pas du genre à faire des niaiseries, mais tu restes une mère de famille, même si personne à Lathéa n'est au courant de l'existence de ta progéniture, sauf l'un de tes collègues scientifique. Mais, c'est surement aussi ce qui te fait proposer ton aide à Lazuli ou même à de jeunes dresseurs. Rhéane te manque un peu plus chaque jour, le trou dans ton cœur s'agrandit et c'est sans aucun doute pour cette raison principal que tu fais en sorte de pas montrer tes émotions. Tu mentirais en disant aussi que Ryan ne te manque pas. Mais, tu l'as trahis. Deux fois. Et tu comprends qu'il ne veut plus te voir. Mais, ça aussi tu préfères ne pas en parler. Le cœur lourds en continue, tu mènes simplement ta vie, tes recherches, tes combats. Tu continues d'envoyer des lettres à ta fille qui demeure sans réponse. Tout cela n'est pas l'heure d'y penser puisque Jasper te demande si tu es prête à mordre la poussière. Ce qui te fait rouler des yeux. Tu poses ton regards sur ton petit Embrylex que tu as trouvé dans les décombres de Myrtha, il y a dix ans. « Je ne mord pas la poussière mon cher. Je m'en sers pour encrasser tes pokémons. » Tu croises les bras sur ton torse. « Tu entraînes qui, aujourd'hui ? » Godzilla rugit, petit pokémon qui veut déjà être grand. Il est ton contraire, assez démonstratif et beaucoup moins sauvage que toi, par moment.

« Je vais bien. », il n’a rien de plus à ajouter à ce propos. Dans les faits, son quotidien est relativement banal et il n’a aucune nouvelle importante à communiquer à Cléora. Et de toute évidence, ils ne se sont pas non plus donnés ce rendez-vous pour parler potins. Jasper a une vision bien à lui de ce qu’est l’amitié et dans son idée, ça ne consiste pas nécessairement à se raconter mutuellement sa vie. Une façon de procéder qui n’a semble-t-il jamais vraiment dérangé sa compère. Sans doute parce que les deux champions traînent derrière eux des casseroles et qu’une fois en tête-à-tête, ils préfèrent ne pas y penser. Un peu comme un accord conclu de manière tacite. Quand ils se voient, c’est pour passer des moments agréables et pas pour larmoyer sur l’épaule de l’autre ; ils n’en sont pas moins proches pour autant. Il y a longtemps que Jasper a appris à se passer des niaiseries dans ses quelques relations et si ça ne convient pas, alors il ne perd pas son temps avec la personne. Est-ce qu’il estime avoir bien plus important à faire ? Oui, complètement.

Jasper ne se morfond pas, c’est pour ça qu’il parvient à avancer dans sa vie de tous les jours. Alors c’est vrai, ça le fait passer pour un individu incapable de ressentir le moindre sentiment mais il ne s’est jamais justifié de son comportement et il n’a pas l’intention de le faire. Pourquoi ? Pour donner des raisons aux autres de l’enfoncer ? Dans son milieu, c’est marche ou crève et Jasper a fait le choix de marcher sans s’arrêter. Même face à Cléo, ça a beau être un entraînement, il ne veut pas lui faciliter la tâche en lui accordant le moindre cadeau. C’est comme ça qu’il en arrive à plaisanter à moitié en lui demandant si elle est prête à manger la poussière. La réaction de la championne sol ne se fait pas attendre et un sourire provocateur se dessine sur le visage du maître acier quand il la voit rouler des yeux. « Ne rêve pas, les rouages de mes Pokémon sont trop bien huilés pour être bloqués par ta crasse. », oui, il se laisse honteusement aller à un petit jeu de mots. Habituellement, il ne le fait pas mais quel dresseur spécialisé n’a jamais fait ça au moins une fois dans sa vie ? « J’étais parti dans l’idée de travailler l’esquive d’Achille. », un choix pensé puisqu’il s’agit du Métalosse de Jasper. Un Pokémon relativement lourd de base, donc et outre ce point non-négligeable, ça va permettre au Lathéen de travailler sur sa relation avec son allié.

Les deux champions sont des indépendants. Ils n’ont besoin de personne pour mener leur barque. Du moins, c’est ce que Jasper aime se dire. La vérité, c’est qu’agir de cette manière lui permet également de ne pas faire face à certaines réalités compliquées. Retourner voir ses anciennes attaches et mettre les choses à plat avec elle ? Non, hors de question. Plutôt se concentrer sur le travail et sur ce qui est devenue sa vie entre-temps. Mais ça, ce sont des affaires privées qui seraient sûrement très intéressantes pour n’importe quelle personne friande de potins. Et Jasper n’a pas la moindre envie de donner trop de grains à moudre aux journalistes quand ça concerne sa vie personnelle. Alors il fait tout pour ne pas que ça se sache et il réussit plutôt bien. Il donne aux gens ce qu’ils veulent savoir sans trop en dire pour autant. Il dévie habilement les conversations quand ces dernières en viennent à ne serait-ce que frôler des points potentiellement sensibles. Soigner son image dans les médias, c’est un exercice que le cinquantenaire maîtrise ; il y est rôdé depuis des années et c’est une très bonne chose. Pas de femme à son âge ? Il répond qu’il n’a pas le temps pour une telle relation ou qu’il est déjà marié à son entreprise, dépendant de son humeur du moment. Et finalement, ce n’est pas si loin de la vérité.

Cléora, elle, elle s’en fiche. Jamais elle ne s’est montrée indiscrète envers le champion de Lencliff ; excepté pour la tragédie de Myrtha et les Weaver. Mais ça ne compte probablement pas dans la mesure où Jasper n’a jamais de mal pour critiquer cette famille qu’il déteste. C’est la seule fois où il s’est un peu laissé aller à ses émotions et puis, il n’a jamais reparlé de sa vie à la championne de Jaeda. Ce qui leur convient très bien, à l’un comme à l’autre. Leur vie, c’est le travail et de temps en temps, ils prennent la peine de décompresser avec quelques combats. C’est si efficace que Jasper tente un trait d’humour même si ce n’est pas tellement son genre. Sa nature sérieuse le rattrape bien rapidement quand il explique son idée du jour concernant leur entraînement. « Voyons ce qu’il est capable de faire face à ton Kaorine. », il n’a pas besoin qu’on lui dise que son idée est bonne mais il prend tout de même le compliment. Jasper attend que Galéon se mette en place puis, il envoie Achille sur le terrain improvisé en le faisant sortir de sa Pokéball. Le Métalosse émet un tintement métallique et se met en position. Le Lathéen lui a expliqué le principe de cet entraînement en amont et il a été surpris de voir que ça pouvait motiver son partenaire. Il semble à Jasper que le Pokémon a très bien compris l’intérêt de travailler son esquive et c’est un bon point. D’un signe de la main, le champion acier signifie à Cléora qu’ils sont prêts et elle n’attend pas plus pour ordonner une attaque Séisme. « Esquive-moi ça, Achille. », à peine termine-t-il son ordre que le Métalosse a l’étonnant réflexe d’élever son lourd corps quelques centimètres dans les airs. « Eh bien c’est un excellent début. Qu’en penses-tu, Cléora ? », ça commence bien pour l’Oswald et à ce rythme, l’entraînement risque de ne pas durer bien longtemps.

Jasper est lancé dans l'entraînement. Autour de lui, il n’y a plus grand chose d’autre qui compte ; pas même Narcisse, l’Archéomire qui le suit quasiment partout depuis qu’il l’a libéré de la falaise. Il devrait peut-être aller se mettre à l’écart ou partir jouer avec l’Embrylex de Cléora. Mais non, il ne bouge pas mais à vrai dire, ça ne dérange pas Jasper tant que le Pokémon ne vient pas se mettre dans ses jambes pendant qu’il est concentré sur l’entraînement d’Achille. Entraînement qui démarre sur les chapeaux de roues puisque le Métalosse se montre étonnement habile en esquivant l’attaque lancée par le Kaorine. Le rictus de Cléora n’échappe pas au Lathéen qui s’en délecte. Entraînement ou pas, il reste un compétiteur dans l’âme et chaque affrontement est pour lui un défi qu’il se doit de gagner. « « Pas attaqué très fort » ? Tu nous prends pour qui ? Des amateurs ? Respecte-nous, Cléora et donnez tout ce que vous avez. », il ne veut pas de pitié sous prétexte que ça n’a rien d’officiel. Jasper n’a pas l’intention d’en avoir de son côté et sa collègue de type sol l’a déjà habitué à bien mieux que ça. Heureusement, il comprend qu’elle a bien l’intention de se ressaisir à l’instant où elle réprimande son Pokémon ; arrachant au passage un sourire au champion acier. Le message semble passer auprès du Kaorine apparemment prêt à réellement en découdre. Dans ces confrontations, il n’y pas d’amitié qui tienne. Jasper n’attend aucune clémence de la part de sa compère et de son équipe. Elle le sait et ça ne lui a jamais posé problème de le mettre parfois aux pieds du mur mais c’est comme ça que les progrès peuvent se faire. Les champions s’entendent bien, leurs Pokémon aussi mais ça n’a pas à entrer en ligne de compte lorsqu’ils s’affrontent. Dans l’arène, il n’y a que le combat qui importe. Les sentiments n’ont pas leur place sur un terrain mais ça, ils le savent très bien tous les deux. Même s’ils n’ont pas exactement un regard identique sur les challengers qui passent la porte de leur arène respective. Encourager les jeunes dresseurs n’est certainement pas le point fort de Jasper et il n’a pas non plus l’envie de faire des efforts. Pousser ses Pokémon, faire en sorte qu’ils soient méritants et efficaces, c’est une chose. Materner des adolescents incapables de comprendre que le dressage n’est pas fait pour eux, c’en est une autre.

Cela dit, ça n’enlève absolument rien aux capacités de Cléora parce que s’il sait se montrer virulent sur ses critiques, le champion de Lencliff sait également reconnaître quand il y a du talent et incontestablement, la brune mérite la place qu’elle occupe. Et qu’elle soit championne depuis plus longtemps que lui n’affecte en rien son jugement. « Hum, on peut dire ça. », il répond, légèrement décontenancé par le terme utilisé pour qualifier Isaïah plus que par la question en elle-même. « Il est venu te voir, finalement ? », ce sale gosse s’est bien abstenu de dire à Jasper quand il avait prévu d’aller à l’arène sol. La seule indication à laquelle il a eu droit, c’est que sa prochaine arène visée était celle de Jaeda. « Esquive. », ordonne-t-il à l’instant où Galéon lance une nouvelle attaque. Seulement, cette fois-ci, ce n’est pas suffisant et Achille se retrouve étalé sur le sol à subir l’attaque comme il peut. « Tu n’es pas à ce que tu fais. Anticipe, prévois les actions et quand tu ne peux pas, assure-toi que tes appuis sont solides. Tu aurais dû éviter ce coup sans difficulté. », le ton est sec mais Jasper n’aime pas l’échec. Il sait que son partenaire est capable de faire bien mieux que ça même s’il a bien senti l’augmentation de la puissance de l’attaque. « Il veut surprendre sa soeur avec ses progrès le jour où il ira l’affronter. », il explique en haussant les épaules. Un concept difficile à comprendre pour lui qui a grandi en tant qu’enfant unique. Quand ils se sont rencontrés, Jasper lui a suggéré d’aller demander conseil auprès de Lazuli mais le gamin a catégoriquement refusé en lui sortant cet argument. « Tu penses vraiment que je prendrais de mon temps personnel pour lui faire des entraînements sur mesure si je le considérais sans potentiel ? Tu me connais mieux que ça. », il est de notoriété publique que Jasper Oswald est un homme occupé et qu’il ne consacre pas son peu de temps libre à n’importe qui. D’ailleurs, il vaut mieux pour Isaïah qu’il ait fait ses preuves lors de ce combat. Qu’il prouve à Jasper que le temps qu’il lui consacre n’est pas vain.

La relation entre Jasper et Cléora est loin d’être une évidence pour la grande majorité des gens - d’ailleurs, pour le public, ils ne sont même rien de plus que des collègues. Pourtant, ils ont certains points en commun qui permettent cette belle et solide amitié. L’une des forces étant qu’ils acceptent les particularités et les petits travers que l’autre peut avoir. Pour Jasper, c’est son manque de démonstration affective qui ne dérange pas Cléora. Le Lathéen n’est pas du genre tactile ; les gros câlins qui débordent d’amour, c’est très peu pour lui mais ça ne l’empêche heureusement pas de tenir à certaines personnes. C’est pour ça que ça marche avec la championne sol : elle n’a pas besoin qu’ils soient toujours collés pour avoir conscience que Jasper tient à leur amitié. Nul besoin d’effusion d’amour quand ils peuvent plutôt se rendre service en s’entraînant comme ils le font actuellement. Quoi qu’il convient d’avoir tout de même quelques résultats ; Achille vient de se prendre une belle correction et il vaut mieux que ça ne soit que passager. Jasper possède une tolérance très limitée concernant les coups comme celui-ci alors lorsqu’il reprend son Métalosse sur cette action, il n’y va pas de main morte. Il espère que le message est enregistré par le principal concerné même si, intérieurement, Jasper s’est plus ou moins consciemment focalisé sur Cléora et sur ce qu’elle lui raconte.

Isaïah n’est sous l’entraînement du champion acier que depuis quelques mois ; pourtant, le cinquantenaire a déjà pris le pli pour ses sessions. Elles sont régulières et l’Esperanza n’en manque pas une, en plus de se présenter à l’heure - le cas contraire aurait agacé Jasper. Et s’il parle de l’adolescent avec un certain détachement, il doit bien admettre qu’il met de son coeur dans l’ouvrage de l’organisation des entraînements du gamin. Mais il ne l’admet pas, préférant clamer à qui lui pose la question qu’il fait ça pour son image. Jasper Oswald qui s’attache à un marmot sorti d’on ne sait trop où ? Personne n’y pense, pas même le principal intéressé. « Tant qu’on parle bien d’audace et non de précipitation. Dans ce cas-là, il a au moins retenu certaines choses. », et finalement, c’est plutôt positif d’avoir un tel retour de la part de la championne de Jaeda. C’est une preuve que le travail d’Isaïah commence à porter quelques fruits, que ce soit en termes de stratégie pure ou de lien avec ses Pokémon. De ce qu’elle dit, il a utilisé Tengalice et Araqua pour l’affronter et ces choix sont pertinents. « J’ose espérer que tu ne lui as pas fait de cadeau. », dit-il en arquant un sourcil. « Je ne veux pas d’un perdant en guise de poulain. », la légendaire compassion de l’Oswald. Mais il est ainsi et c’est déjà incroyable qu’il ait accepté de prendre quelqu’un sous son aile bien qu’il l’ait fait après un défi perdu. Dans tous les cas, ils sont d’accords sur les possibilités du gamin et Jasper se reconcentre à l’instant où son amie ordonne au Kaorine de frapper de nouveau et plus fort. « Esquive cette fois. », dit-il sur un ton ferme. La réprimande précédente prouve son efficacité puisque, suivant les conseils de son dresseur, Achille prend son élan sur des appuis solides avant de s’élever dans les airs, réussissant à éviter l’attaque sol. Jasper hoche la tête, satisfait ; son Métalosse est sans doute le Pokémon de son équipe avec lequel il s’entend le moins bien mais il compte sur ces moments pour rectifier le tir.

Jasper n’est pas un homme particulièrement démonstratif. Même avec les personnes les plus proches de lui, ce n’est pas toujours une évidence. Alors avec des gamins inconnus qui se prennent déjà pour les futurs plus grands dresseurs ? Aucune chance. Le champion de Lencliff n’est pas doux avec les challengers qui franchissent la porte du château qui lui sert d’arène. Il n’est pas là pour les prendre par la main et Cléora connaît très bien son avis à ce sujet. Bien entendu, il respecte le fait que la championne sol soit plus chaleureuse envers ces prétendants dresseurs mais ce n’est pas sa vision. Si les deux champions ont des points communs, ce n’est certainement pas dans la manière de traiter les challengers. Pourtant, si dans son esprit il est clair qu’il porte des espoirs et une certaine affection pour le jeune Isaïah, il est également plus qu’évident qu’il est hors de question qu’il l’admette à voix haute. « Il a perdu un combat face à toi, n’est-ce pas ? », c’est la conclusion logique à laquelle il arrive en écoutant les paroles de sa collègue. Les objets font partie du b.a ba des dresseurs. Au même titre que la connaissance de la table des types. Lui en a manqué et c’est une erreur de débutant. « Bien se débrouiller » ne suffit pas aux yeux de Jasper, surtout quand on vise l’excellence.

Jasper note tout de même qu’il a fait preuve de discernement ; ça change des premiers moments qu’ils ont eu ensemble, tous les deux. Dommage qu’il soit allé trop vite, cependant. Les mots de l’Oswald sont peut-être durs mais c’est un fait : il n’a pas la moindre envie de perdre son temps à entraîner quelqu’un qui échoue à chaque combat. « Je ne suis pas dur, Cléora. Je suis pragmatique : si les défaites sont trop nombreuses, alors les leçons ne sont pas apprises. », rétorque le champion en haussant les épaules à l’instant même où Achille échappe à une nouvelle attaque du Kaorine. Ouais, comme ça, pense Jasper en haussant les épaules. Encore faut-il que ça dure sur le long terme : s’il n’est bon qu’une fois après une défaite, ça n’a aucun intérêt. Et ça vaut également pour le Métalosse. Qu’il esquive parce qu’il vient de se faire réprimander, c’est bien ; maintenant, il faut qu’il le fasse systématiquement sans échouer et sans que Jasper soit nécessairement derrière lui. C’est bien pour ça qu’ils répètent inlassablement le même mouvement depuis le début de l’entraînement, après tout. Pour qu’il devienne un automatisme. « Je le sais oui et c’est tout ce que je te demande. », dit-il en hochant la tête. Certains mentors feraient sans doute tout pour que leur protégé gagne quitte à ce qu’il y ait certaines aides extérieures. Pas Jasper ; il veut qu’Isaïah gagne dans les règles de l’art. Pour l’image, certes mais également par fierté. « Achille, esquive. », ordonne le champion alors que le sol se remet à trembler. Comme un pied de nez à leurs paroles précédentes, Achille ne parvient pas à éviter l’attaque ; il reste cloué au sol, faisant soupirer Jasper.