Jusque-là, Jasper n’avait pas eu l’opportunité de se faire un réel avis sur les taxis volants mais maintenant, c’est fait : il n’aime pas. La cabine se fait balloter lorsqu’ils traversent des forts courants aériens et le siège est loin d’être confortable. D’aucun diraient qu’il s’agit d’un de ses caprices mais Jasper préfère nettement être lui-même directement sur le dos du Corvaillus. Quitte à subir les rafales, il opte pour que ce soit sur le visage. De plus, lorsqu’il voyage sur le dos d’Hermès, il sait qu’il ne risque aucun danger. Là, rien lui assure que cette cabine ne va pas se détacher et atterrir dramatiquement sur le sol qui se trouve des dizaines de mètres plus bas. Autant de points qui lui font presque regretter d’avoir laissé Hermès partir avec le gamin et son Pokémon mais d’un autre côté, ils en avaient réellement besoin. Cela étant, c’est la première et la dernière fois qu’il fait une telle concession. De retour à l’arène, il paye quand même la course qu’il doit au chauffeur. Il entre dans l’immense château de métal alors que son majordome le salue d’un geste élégant de la tête. Le champion local lui rend le geste avant de se diriger vers la cour intérieure de l’immense édifice. Sur place, ce qu’il pensait se confirme : Hermès n’est toujours pas rentré. Il ne devrait plus tarder désormais mais en attendant, si d’autres challengers se présentent, il devra faire sans lui. En soi, ce n’est pas vraiment un problème tant les candidats qui lui font face sont bien trop mauvais pour arriver jusqu’au Pokémon le plus puissant de Jasper. Du reste, si le champion de l’arène Armure espérait revenir plus apaisé de cette promenade, c’est loin d’être le cas. Il s’éloigne à peine une heure ou deux et voilà qu’il se retrouve avec un marmot à entraîner. Il s’en serait bien passé mais une promesse est une promesse et Jasper est un homme d’honneur, quand bien même une majorité de ses détracteurs pensent le contraire. Alors même si ça le fatigue plus qu’autre chose, il a l’intention d’en faire un champion, de ce gamin. Parce qu’outre le fait de rendre service, c’est également sa réputation qui est en jeu : fatalement, cet enfant va finir par être automatiquement assimilé à sa personne ; ses actes, ses mots vont être reliés à Jasper. S’il se montre incompétent, ça va indéniablement rejaillir sur l’industriel et il ne peut tout simplement pas se le permettre. C’est pour ça qu’il n’a pas dans l’idée de plaisanter avec ses entraînements et qu’il vaut mieux que le jeune homme soit bien accroché. Si les deux doivent être associés, alors ce sera en tant que synonyme d’excellence et de rien d’autre.

Les heures défilent, Hermès finit par revenir à l’arène comme prévu. Les challengers défilent et ils se ressemblent tous. Il n’y en a pas un seul pour tenter de rattraper les autres, même pas un tout petit peu. Beaucoup viennent l’affronter avec des Pokémon feu en occultant le fait qu’il y a Hannibal, le Pingoléon de son équipe. Preuve irréfutable qu’ils viennent l’affronter sans avoir eu une once de réflexion. Ils pensent que connaître la moitié de la table des types est suffisant contre un dresseur de l’acabit d’un champion et c’est une erreur qu’ils payent très cher. Pour le coup, ça ne concerne pas que Jasper mais également ses homologues. Envisager qu’il est possible de venir à bout de l’un d’entre eux en ne se basant que sur une seule faiblesse, sans entraînement et sans la moindre autre notion de stratégie, c’est courir à sa perte. Et aujourd’hui, il n’y a que des pseudo dresseurs de cette catégorie qui viennent défier le champion de Lencliff. Autant dire que le Lathéen n’a qu’une seule hâte : voir la fin de cette journée interminable. Enfin, un instant de répit lui est offert quand son majordome cesse de lui envoyer des personnes ridiculement faibles. Seul dans sa loge, Jasper s’assoit sur le divan en soupirant. Comme un fait exprès, c’est cet instant que son fidèle majordome choisit pour faire irruption dans la pièce en entamant une phrase... Qu’une autre voix achève à sa place. Jasper tourne la tête pour voir la tête brune d’Isaïah Esperanza derrière le fidèle employé. Si le cinquantenaire a bien conscience que l’homme actuellement grincheux ne fait que son travail en réprimandant le plus jeune, il ne peut s’empêcher de lever les yeux au ciel en l’entendant. « C’est bon, Jon, tout va bien. Laissez-nous. », la réplique n’est pas agressive mais le ton utilisé ne laisse place à aucune réponse et l’employé ne connaît que trop bien les habitudes du champion pour ne pas s’en apercevoir. C’est donc après un « Bien, monsieur » lâché à la volée qu’il quitte la pièce, laissant les deux garçons en tête-à-tête - si on excepte la présence de Thor. « Ils ont réussi à te réparer de ce que je vois, même si tu fais encore peur à voir. », dit-il en soutenant le regard d’Isaïah et en ignorant sa fausse formule de politesse. « Cela étant, j’ai beau ne pas être médecin, je peux affirmer qu’il est un peu trop tôt pour que tu sortes de ta convalescence. », poursuit Jasper sans lui laisser le temps d’en placer une. « Autrement dit, dans un langage que tu comprendras sûrement mieux : tu n’as rien à faire ici. », qu’il termine sans avoir pris la peine de lever ses fesses de son confortable divan.

S’il avait pu, le majordome aurait probablement protesté mais il sait très bien que ce n’est pas la peine de négocier avec son patron. Et puis, il va rapidement s’en remettre ; Jasper n’a aucun doute à ce sujet. Le fait est que ce n’est pas la première fois qu’il se fait congédier de cette manière et dans tous les cas, le cinquantenaire a l’habitude de lui en faire voir un peu de toutes les couleurs. Et si Jasper a le droit de parler ainsi à son employé, ça ne l’empêche pas de soupirer en voyant le sourire idiot qu’affiche Isaïah par la suite. Qu’il se méfie avec ses airs de gamin arrogant ; ce n’est pas parce qu’il est amoché de partout que le champion n’est pas capable de le renvoyer d’où il vient avec perte et fracas. Champion qui n’est guère étonné par la réponse du jeune homme. A vrai dire, c’est s’il avait parlé autrement que ça l’aurait inquiété. « Un style de bras cassés. », laisse Jasper en levant les yeux au ciel. Il n’y a vraiment pas de quoi être fier de ces blessures. Elles auraient pu être nettement plus graves et le Lathéen n’est pas certain que l’Esperanza s’en rende réellement compte. Pourtant, il n’insiste pas là-dessus, préférant avertir le gamin qu’il n’a pas l’envie, ni la motivation de lui consacrer davantage de temps aujourd’hui et peu importe qu’il se sente potentiellement mis de côté. Jasper est un homme avec un emploi du temps chargé et il ne peut pas systématiquement rester avec une seule personne. « Il n’y aura aucun entraînement aujourd’hui, jeune homme. L’objectif est de te faire progresser, pas de t’achever. », oui, sa présence est primordiale pour s’entraîner mais il n’est pas question qu’ils fassent quoi que ce soit dans son état actuel. Du reste, Jasper aurait pu rire de la réaction du Lainergie si ça avait été dans d’autres circonstances mais à cet instant précis, le champion acier est sûrement tout aussi désespéré que Thor devant l’attitude d’Isaïah. Sauf que l’Oswald ne peut pas plus s’asseoir qu’il ne l’est déjà. « Tu devrais écouter tes Pokémon de temps en temps. Regarde Thor, il a très bien compris que ça ne servait à rien d’insister. », il fait peine à voir, forcé de s'appuyer sur sa béquille pour ne pas s’effondrer et être capable de regarder Jasper avec un minimum de dignité.

« C’est ce que j’ai dit mais là, sois honnête avec toi-même, tu ne tiendrais même pas deux minutes. Profite de l’instant de répit que je t’offre pour te rétablir et on commencera les choses sérieuses après. », une vraie tête de Tiboudet, ce gamin. A un tel point que Jasper a parfois l’impression de se revoir lorsqu’il était plus jeune. A son âge, il était bien moins arrogant mais il savait où il voulait aller, du moins le pensait-il. L’industriel est tombé de haut le jour où il a compris qu’il ne suffisait pas de réclamer ou d’espérer pour obtenir. « Arrête ton char, gamin. Une bourrasque et tu finis avec le derrière vissé sur le sol. Tu tiens debout uniquement grâce à tes béquilles. Tu ne peux pas t’entraîner. », il va retourner au lit et y passer quelques jours, que ça lui plaise ou non. Une fois de plus, c’est Thor qui cède aux caprices de l’adolescent en se relevant et si Jasper ne dit rien, il n’en pense pas moins pour autant. C’est bien de vouloir montrer ce qu’on a dans le ventre et c’est même une qualité que Jasper apprécie particulièrement. Néanmoins, dans ce contexte précis, il trouve que c’est juste ridicule. « Ça me semble assez évident, oui. », dit-il en haussant les épaules. C’est déjà bien qu’il connaisse la table des types. De cette façon, ils vont pouvoir passer directement aux choses sérieuses sans avoir à retravailler ces fondamentaux. Cela étant, le champion de Lencliff a bien remarqué que le gamin manque cruellement de pratique et de véritables notions stratégiques. « Tu n’as rien à exiger de ma part, mon garçon. Tu vas retourner dans ta chambre d’hôpital et gentiment attendre qu’on te contacte. Cette décision est irrévocable alors je te conseille de t’en contenter et d’obéir si tu ne veux pas que je demande à Jon de t’expédier vers la sortie. Non seulement il s’en ferait une joie mais vu ton état actuel, il n’aurait pas de difficultés pour te mettre dehors. », il ricane, Jasper, alors qu’il prononce ces mots en détaillant une nouvelle fois Isaïah de haut en bas. Définitivement, aucun mal à le mettre dehors. Ses yeux disent qu’il est prêt, pas son physique ; or, il va en avoir besoin. De plus, le maître acier n’a pas l’intention de négocier : c’est lui décide quand il donne une date et une heure, pas les autres et encore moins un enfant de seize ans.

C’est bien de vouloir s’entraîner, de vouloir devenir toujours plus fort en dépassant ses limites. C’est un état d’esprit que Jasper ne peut qu’approuver mais là, pour ce qui est d’Isaïah, ça vire à l’obsession ridicule. Il n’est certainement pas à quelques jours près. S’il voulait tant commencer rapidement, il ne fallait pas se mettre à ce point en danger lors de leur précédente entrevue. Jasper n’en voudra jamais à quelqu’un pour sa motivation ; en revanche, il condamne fermement les comportements irréfléchis. Quelque part, insister pour que le gamin respecte sa convalescence, c’est aussi un moyen de le punir pour ce qu’il a cru intelligent de faire il y a quelques heures. En somme, ce n’est pas exagéré d’affirmer que le champion lui inculque sa première leçon. Dommage que lui ne semble pas le prendre de cette manière. Mais qu’importe, Jasper n’a pas l’intention de céder devant un marmot un peu trop capricieux. Du reste, devenir un bon dresseur prend du temps dans tous les cas. Il ne va pas devenir un grand champion en quelques jours et ça, c’est important qu’il le comprenne et qu’il l’accepte rapidement. Ce n’est pas que le Lathéen ne veut pas l’aider - à vrai dire, il a même déjà commencé -, c’est qu’il souhaite d’abord lui faire réaliser certaines choses. Une entreprise visiblement mal engagée, se dit-il quand l’Esperanza décide soudainement de lâcher ses béquilles pour faire le malin, faisant soupirer le tout nouveau mentor. Il est encore plus ridicule sans ses bâtons pour le soutenir et à part un comportement d’effronté, ça ne prouve rien à Jasper.

Certes, il tient debout sur une seule jambe mais c’est uniquement parce qu’il n’a pas à supporter la pression d’un véritable entraînement avec le champion acier. « Et tu devrais prendre ses inquiétudes en considération parce que dans l’immédiat, il me paraît bien plus censé que toi. », les mots sont durs mais ils sont vrais. L’industriel n’est pas réputé pour retenir sa langue et il assume pleinement même si ça ne lui a pas toujours apporté que des soutiens, bien au contraire. « Une attaque et tu te retrouves par terre. Tu le sais très bien et je ne vois même pas pourquoi on continue d’en discuter. », il hausse les épaules, n’ayant pas la moindre intention de donner gain de cause à cet enfant. Alors oui, il insiste pour qu’il reparte d’où il vient et l’Oswald se fiche bien que ça lui plaise ou non. Étonnement, l’adolescent ne semble pas vouloir protester, cette fois. Il se tait et se contente de tourner les talons. Jasper aurait pu y croire mais ça ne correspond pas à ce qu’il a vu du gamin pour le moment, d’autant qu’il ne prend même pas la peine de récupérer ses béquilles. « Attends une minute. », ordonne le champion quand le garçon rappelle son Pokémon et adresse un signe d’au revoir au champion en ajoutant une dernière réplique qui n’est pas pour plaire au cinquantenaire. « Viens là et assis-toi si tu tiens tant que ça à laisser tes affaires traîner. », un ordre dissimulé sous une invitation alors que du plat de la main, il tapote l’espace libre sur le reste du divan. « Qu’est-ce que tu me fais là ? Tu es persuadé que je vais t’oublier au point de me laisser tes jambes ? », actuellement, c’est ce que sont ces béquilles. « C’est mal me connaître. Je n’ai qu’une seule parole et si je te dis qu’on te contactera, on le fera. Tu es venu quémander mon aide, tu l’as mais ça implique que tu me fasses confiance et que tu acceptes mes décisions. Avoir un entraîneur, c’est accepté de l’écouter et pas seulement pendant les entraînements ou quand ça t’arrange. », il s’est engagé, Jasper mais aller plus loin va s’avérer compliqué si son nouvel élève fait un caprice à chaque décision qui ne lui convient pas.

Quand le Pokémon a des décisions plus rationnelles que le dresseur, c’est déjà le signe d’un mauvais départ. C’est Isaïah le guide et si l’inverse peut s’avérer vrai en de rares occasions, ça ne doit pas être le cas la majorité du temps. Or, Jasper désespère presque de voir à quel point ce garçon a un instinct de survie si faible. Il doit énormément à ses Pokémon et nul besoin d’avoir un œil expert pour le remarquer. Mais il est borné ; beaucoup trop et c’est ce qui lui cause du tort. Alors, c’est vrai, peut-être que le champion de Lencliff est piqué au vif lorsqu’il voit avec quelle indifférence le gamin lui tourne le dos mais s’il l’a retenu, c’est parce qu’il reste persuadé que ce garçon lui a menti sur sa réelle destination. Et on ne ment pas à celui qui va prendre de son temps pour entraîner un gamin qui rêve de grandeur. Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. Du reste, en l’invitant sur son divan, Jasper s’attend à un refus puis à une autre démonstration de pseudo fierté. Il voit déjà Isaïah clamer qu’il tient debout et qu’il n’a pas besoin de s’asseoir pour discuter avec lui, qu’il va partir pour revenir uniquement lors des entraînements. Bref, l’Oswald imagine devoir composer avec un nouveau discours éclatant et plein de confiance du gamin. Et pourtant... A sa grande surprise, il n’en est rien. Il cesse de se débattre comme un Magicarpe hors de l’eau pour faire de nouveau face et rejoindre Jasper sur le divan où il l’a « invité » à s’asseoir. Il pose ses fesses et les deux hommes se regardent dans les yeux sans que l’Esperanza ne dise quoi que ce soit.

Les paroles de Jasper sont à cœur ouvert et c’est suffisamment rare pour le noter. Il n’a pas la moindre envie que l’adolescent pense qu’il n’est qu’un beau-parleur qui promet monts et merveilles sans être capable de tenir ses promesses. Parce que ce n’est pas lui, ce n’est pas ce qu’il est. Un orateur, certainement ; un baratineur, de temps à autre dans son domaine professionnel mais un menteur, certainement pas. Il y a des sujets avec lesquels il n’aime pas plaisanter et ça, cette situation, ça en fait partie. Il aimerait que le gamin comprenne et qu’il soit plus réceptif à ce qu’il dit, il a envie que les hochements de tête d’Isaïah ne soient pas des automatismes. Et puis, Jasper récupère peut-être un chouilla d’espoir quand son nouveau poulain lui adresse quatre mots : il lui fait confiance. Alors pourquoi il se comporte comme le dernier des enfants capricieux ? L’industriel ne répond pas ; il attend des explications supplémentaires et quand Isaïah les lui donne, beaucoup de points lui paraissent soudainement bien plus clairs. « Mallory Edgerton est un très bon dresseur. », aveu rare de la part de Jasper Oswald mais il a beau ne pas apprécier cet homme, il ne peut nier ses qualités de dressage. « Si c’était à la Tour, il n’a pas dû t’affronter avec son équipe officielle mais avec une autre. Pourtant, je ne suis pas vraiment surpris qu’il t’ait battu. », et il n’y a vraiment aucune honte à ça. « Par contre, il n’a aucune diplomatie. », balancer ce genre de propos, ça correspond bien à Edgerton et il n’est pas dur de saisir toute la haine que le plus jeune a envers lui. « Je comprends mieux ce qui t’anime mais il va falloir que tu comprennes une chose, gamin. C’est pour toi et toi seul que tu dois vouloir devenir fort. Pas pour faire « fermer sa gueule » à un type qui n’en vaut pas la peine. », une fois qu’il aura compris ça, des nouvelles portes lui seront ouvertes. « Je vais te dire : je n’aurais pas accepté de t’entraîner, même avec le défi, si je ne pensais pas que tu en avais, du potentiel. Mallory pense que tu es un incapable ? Tu t’en fiches. Tu dis toi-même que tu as gagné des combats avant de venir me voir, ça devrait être une preuve suffisante. », au moins pour lui.

Le passif précis entre Isaïah et Mallory, Jasper ne le connaît pas et de toute façon, il n’en a pas grand-chose à faire. En revanche, il essaye tant bien que mal de comprendre l’attitude de l’Esperanza et visiblement, ça passe par ce fameux combat perdu à la Tour de combat. Un événement marquant pour le plus jeune pour qu’il en vienne à traiter le champion spectre de connard ; un mot un peu trop frontal pour l’Oswald même s’il reconnaît que ça ne laisse aucune place au doute quant à la rancœur du garçon. Rancoeur qui n’est pas un problème pour Jasper qui ne s’est jamais convenablement entendu avec le champion de Castlerain. De plus, il le sait : la haine peut être un moteur pour progresser dans sa vie mais elle ne doit pas prendre le pas sur les réelles motivations. Or, de ce qu’il comprend, c’est un peu le problème d’Isaïah avec Mallory. Il va falloir travailler là-dessus ; transformer cette haine en moteur et apprendre à faire fi des potentielles critiques qu’Edgerton pourra lui lancer à l’avenir. Parce que Jasper se doute bien que ça ne va pas simplement s’arrêter là. Son homologue n’est pas toujours très doué socialement parlant, il le voit bien lorsque les champions se réunissent. Honnêtement, Isaïah n’a pas choisi la meilleure personne à se mettre sur le dos mais si ce gamin prenait les bonnes décisions, il ne se serait probablement pas tourné vers Jasper pour l’entraîner. Quoi qu’il en soit, son nouveau poulain semble prendre ses paroles en considération et c’est un très bon début. « Être lucide sur ses capacités réelles est déjà une forme de progrès. », dit-il en hochant la tête à son tour. Le Lathéen a vu quelques combats de Mallory passer à la télévision et il ne fait aucun doute que son protégé ne peut pas le vaincre dans l’immédiat. Mais si c’est un fait aujourd’hui, ça ne veut pas dire qu’il ne peut pas en être autrement demain. « Non, tu ne l’es pas pour le moment mais crois-moi, tu vas devenir meilleur et tu finiras par le recadrer sur son propre terrain. », et Jasper trouvera un peu de temps libre pour assister à ce match quand le moment viendra mais d’ici là, il y a encore un peu de chemin à parcourir ; même s’il n’est plus complètement seul. En attendant, il doit apprendre à se détacher des « qu’en dira-t-on », qu’ils viennent de Mallory ou de n’importe quelle tierce personne.

Quand on sait ce qu’on vaut, on n’accorde pas la moindre importance aux racontars de ceux qui ne souhaitent que la chute et qui ne méritent pas d’avoir tout ce crédit. Isaïah va en voir passer, dans sa vie, des mecs qui vont vouloir le pousser à tout abandonner. Certains seront probablement même pire que la rockstar mais et alors ? Oui, les connards sont nombreux et c’est pour ça qu’il doit apprendre à s’en protéger. Jasper peut l’aider à évoluer dans ce sens. Les mots du champion acier semblent faire mouche dans ce qui sert de caboche à l’adolescent. Il le comprend à sa façon d’hocher la tête avec davantage de vigueur. Bien, ils commencent à se comprendre. Jasper ne lui demande pas d’abandonner son envie de victoire contre son collègue, certainement pas. Il lui conseille, par contre, de la canaliser pour en faire une précieuse motivation. « Alors tu considères que ça ne mérite pas un minimum de satisfaction ? », vraie question. Jasper, lui, est indifférent à l’idée d’écraser des challengers qui n’ont même pas le dixième de sa propre expérience. Sans parler spécialement d’avoir du mérite à faire ça, ça ne lui pose pas non plus de problèmes de conscience mais peut-être qu’Isaïah est capable de faire preuve d’un peu plus d’empathie que lui. « N’est-ce pas le résultat obtenu qui compte, finalement ? », il hausse les épaules. « Ce que tu dois voir, mon garçon, c’est ce que ça t’a apporté. », en l’occurrence : on parle ici d’un refus de l’abandon. C’est le résultat qui compte, c’est ça qu’on retient ; pas le chemin qui y a mené ou les moyens utilisés. « Tu sais pourquoi mon duo avec Hermès fonctionne si bien ? Parce que nous sommes en osmose, nous nous comprenons d’un simple regard, nous partageons les mêmes ambitions. Il ne me fera jamais défaut et c’est réciproque. », ce qu’il essaye de lui expliquer par là, c’est que c’est important de trouver ses partenaires parfaits, de savoir s’entourer pour aller le plus loin possible. Un point essentiel que le gamin semble avoir instinctivement compris vu les relations qu’il dit entretenir avec ses propres Pokémon. « Grisant comme sensation, pas vrai ? », il manque d’esquisser un sourire devant l’anecdote d’Isaïah. Oh, il voit très bien ce qu’il veut dire. Quand il se bat, Jasper ne gesticule pas : il se tient droit, adopte une attitude fière et confiante. Il est le chef d’orchestre calme qui observe le terrain, voit les failles avant de s’y engouffrer en dispensant ses ordres à ses Pokémon qui n’ont aucun mal à comprendre où il veut en venir. Il est le cerveau, ils sont ceux qui agissent. C’est ça, la réalité du terrain ; c’est ça qu’il espère un jour voir chez le jeune Isaïah.

Plus il discute avec le garçon, plus Jasper se dit qu’Isaïah n’est peut-être pas la cause perdue qu’il pensait. Il est tombé et il s’est relevé, seul. C’est une preuve pour le champion qu’il n’est pas dénué d’intérêt et qu’il a possiblement sa place parmi les rangs très sélectifs des dresseurs. Cela étant, inutile de s’emballer ; c’est encore un peu tôt pour l’affirmer. Il y a du travail à faire pour s’en assurer et même si Jasper sait ne pas être très bon professeur, il n’a d’autre choix que celui de faire de son mieux pour qu’Isaïah s’améliore. Pas par bonté d’âme, ce n’est pas son genre. Seulement parce que maintenant, ils sont obligés d’avancer à deux, c’est comme ça et le Lathéen n’a qu’une seule parole : Isaïah ira marcher sur les plates-bandes de Mallory et de son arène cauchemar. Mais qu’il ne le regarde pas trop avec ces yeux-là parce qu’il va falloir bûcher avant que ce jour n’arrive. Et puis, Jasper l’interroge sur ses récentes victoires, celles qui lui ont permis de se dire qu’il n’était peut-être pas totalement un raté. C’est important dans le sens où ça permet au champion de voir de quelle manière il appréhende et considère ces combats. A la suite de la question, le gamin réfléchit et le cinquantenaire lui laisse le temps dont il a besoin pour fournir sa réponse. « Tes entraînements auraient pu ne pas être efficaces. Ce que je veux dire, c’est que tu aurais pu passer tes après-midi dans n’importe quelle endroit de Lathea, tu aurais perdu si tu n’avais pas cet instinct pour l’entraînement. C’est ce qui fait qu’une victoire est une victoire et que tu as le droit de l’apprécier. », enfin après, s’il préfère se dire que c’est rasoir de battre des dresseurs moins expérimentés, il est libre.

Évidemment qu’il fait des erreurs et c’est même normal. Il est aux balbutiements de sa carrière de dresseur alors tout ne peut pas être parfait dès le départ mais s’il est fait pour ça, alors il finira par ne plus faire de maladresses. Qui envoie un Braisillon contre un type eau ? Ou qui ne songe pas qu’un Lanturn est possiblement insensible aux attaques électriques ? Des débutants. Ou des idiots mais dans le cas spécifique de l’Esperanza, Jasper préfère considérer que c’est la première option parce dans le cas contraire, ça veut dire qu’il perd son temps avec ce garçon. Et ça, il n’aime pas. « Et ça aurait été légitime que tu ne l’aies pas. », soit c’est un coup de chance, soit Fye s’est ramolli mais il en doute. « Savoir rattraper ses erreurs, c’est bien. Ne plus les commettre, c’est mieux. C’est vrai : moi ou Mallory, on aurait sans doute eu aucun mal à te faire payer ces fautes stratégiques mais à ce stade, c’est ridicule de te comparer à nous. », les huit champions locaux sont réputés pour être les meilleurs dresseurs de la région. On raconte qu’ils sont seulement dépassés par le Conseil Quatre et par le maître lui-même. Alors pour Isaïah qui a commencé son voyage initiatique il y a à peine quelques mois, ça n’a aucun sens de se comparer à eux. Et parfois, il faut apprendre à voir au-delà des simples concepts de victoire et de défaite. Il faut voir un peu plus loin que tout ça. Bien entendu, Jasper ne donne pas davantage de précisions ; il est là pour guider l’adolescent, pas pour lui mâcher le travail. Et puis, il retiendra beaucoup mieux en comprenant la majorité par ses propres moyens. Jasper évoque son équipe et surtout, son lien avec le Corvaillus qui l’accompagne depuis tant d’années. Ces liens, le garçon les comprend et c’est très bien. Le champion n’a aucun mal à deviner qu’il pense à son Lainergie lorsqu’il le voit baisser son regard dans sa direction et qu’il s’approche. « N’oubliez jamais ça. », combattre ensemble, être en harmonie sur un terrain. Une sensation à nulle autre pareille.

Peu importe qu’il ne comprenne pas tout dans l’immédiat ; c’est encore un peu tôt et Jasper le sait très bien. Néanmoins, il pense que c’est nécessaire de présenter les bases, de les mettre sous le nez de l’adolescent afin que, peut-être, il puisse prendre le temps d’y réfléchir. A son âge, c’est normal qu’il n’ait pas la même vision que le champion de Lencliff et heureusement, a-t-il envie de dire. Cependant, ça ne veut pas dire qu’il ne peut pas ne serait-ce que penser à d’autres possibilités. Au moins, le Lathéen a l’impression que le garçon l’écoute et lui accorde un minimum d’attention. C’est bien mieux que lors de leur première interaction où c’était un véritable dialogue de sourds. Là, c’est un peu plus un réel échange même si, pour ce qui concerne Jasper, il a ses propres raisons pour motiver son jeune élève. La plus évidente étant qu’il se doit d’être dans d’excellentes conditions aussi bien physiques que mentales pour ces entraînements. Si son esprit s’égare, il ne pourra pas être au maximum de ses capacités et ça, c’est quelque chose que le champion ne peut pas accepter. Jasper n’est pas là pour jouer les psychologues de comptoir mais bien pour faire gagner Isaïah sur le long terme.

Même si ça doit passer par des mots brusques, comme lorsqu’il lui dit qu’il n’aurait sans doute pas mérité son premier badge. Y aller au talent, ça peut fonctionner pour les premières arènes, c’est vrai. Mais certainement pas pour celles qui viennent ensuite et il semble que l’Esperanza en ait un minimum conscience. Pourquoi chercherait-il de l’aide, sinon ? Avoir un badge, c’est certes bien et il y aurait de quoi en être fier mais ce n’est pas une excuse pour se dire qu’on peut se reposer sur ses lauriers. On ne peut pas se le permettre, pas quand on vise un rang aussi élevé que celui de maître de la ligue. Alors Jasper essaye de mettre un peu de plomb dans la cervelle de son jeune apprenti. Il essaye de lui faire comprendre que plus le niveau s’avère élevé, plus les erreurs se payent cher mais qu’en attendant, il est inutile de se flageller en comparant ce qui, pour l’heure, est incomparable. Jasper reconnaît tout de même que le gamin a quelques bonnes bases, son lien avec son Lainergie le prouve. Le champion hoche la tête de haut en bas ; c’est sa manière de répondre « je t’en prie » aux remerciements de son nouvel élève. « Très bien. », dit-il sobrement, n’ayant pas l’intention de plus le retenir. « Exact, tu es en repos forcé et je le saurai si tu déroges à cet ordre. », mais étrangement, Jasper est plutôt confiant, désormais. Nul doute que cette discussion a été plus enrichissante pour Isaïah qu’un entraînement purement physique. Il le voit à son sourire alors qu’il le laisse quitter la pièce, alors que le champion acier s’apprête à recevoir les autres challengers de la journée.